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Auteur : Bernard GENSANE

La Démesure, par Céline Raphaël

Bernard GENSANE

En 1993, à l’âge de 11 ans, le déjà virtuose chinois Lang Lang est en lice pour le Premier Prix du 4e « Concours International de Jeunes Pianistes » à Ettlingen. Pour pouvoir se payer le voyage jusqu’en Europe, la famille de Lang Lang a vendu tout ce qu’elle possédait. Si le jeune garçon n’avait pas remporté la première place, sa famille eût été ruinée et sa carrière vraiment compromise.

Dans le domaine des arts, comme dans celui du sport de haut niveau, nous ne sommes jamais bien loin de la folie. Parmi les compétiteurs, une gamine, plus jeune encore que Lang Lang, obtient la troisième place. Mais alors que Lang Lang a pu, dès l'âge de deux ans (il a voulu se mettre au piano après avoir vu Tom Jerry jouer la rhapsodie hongroise de Listzt dans Le concerto du chat), apprendre la musique de manière ludique, quoique sérieuse (avec son père toujours à ses côtés), Céline va vivre un enfer jusqu'à l'adolescence (où elle sera placée en foyer), soumise aux coups, aux humiliations, à la privation de nourriture et de sommeil par un père qui avait lui-même souffert durant son enfance. Cet enfant, qui a atteint un très haut niveau musical, n'avait jamais voulu faire de piano. Son rêve, finalement exaucé, était de devenir médecin. Cette histoire expose un problème politique réel. Chez les Raphaël, nous sommes dans une famille bourgeoise, aisée et cultivée. Le type de (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique, mars 2013

Bernard GENSANE

Serge Halimi est désolé : l’équipe du mensuel a tout fait pour différer l’augmentation à 5 euros 40. Mais les rentrées publicitaires se font plus rares et la vente en kiosque a baissé. Et pourtant, il y a de fidèles lecteurs qui font tout pour faire connaître cette excellente publication. Par exemple, cela fait 58 fois que Le Grand Soir consacre un article à la nouvelle livraison du Diplo. Le Grand Soir, qui vit et prospère grâce à une toute petite poignée d’administrateurs bénévoles qui ont fait paraître, à ce jour, plus de 15 000 articles. Jamais Le Monde Diplomatique n’a daigné signaler à ses lecteurs l’existence du Grand Soir. Jamais le Diplo n’a cité un seul de ses articles. Dans le lot, certains valaient tout de même le détour, non ? Il ne s’agit bien sûr pas de " renvoi d’ascenseur " , mais du simple fait que ces deux titres, s’ils ne sont évidemment pas superposables, poursuivent des objectifs journalistiques et politiques communs.

Pour Serge Halimi, les Islamistes sont « au pied du mur », en Tunisie en particulier : « L'assassinat d'un militant de gauche le 6 février dernier a provoqué une vague de colère contre le parti islamiste au pouvoir et un changement de Premier ministre. Le nouveau gouvernement va devoir se consacrer d'urgence au rétablissement de l'ordre public et à la réduction du chômage. En Tunisie, chacun ou presque estime que les acquis de la révolution sont menacés. Reste à savoir par qui. Par une opposition « laïque » qui refuserait d'admettre que, lors des élections à l'Assemblée nationale constituante d'octobre 2011, les islamistes conservateurs d'Ennahda l'ont largement emporté ? Par ces derniers, qui voudraient utiliser leur victoire pour noyauter l'Etat de l'intérieur, tout en manipulant la peur qu'inspirent les milices salafistes ? Ou, plus simplement, par un manège politique qui rappelle les ballets ministériels de la IVe République française, avec ses blocs parlementaires qui (…) Lire la suite »

Après les retraites, haro sur les retraités !

Bernard GENSANE

La droite s’est occupée des retraites, inspirée par des travaux de « spécialistes » (le COR dont la plupart des prévisions n’ont pas été avérées) impulsés par Jospin. La gauche va s’occuper, s’occupe déjà , des retraités.

Dans le discours et la pratique du capitalisme financier, un retraité, comme un travailleur, à un coût. Oh, pas bien élevé, ce coût ! La retraite moyenne en France est actuellement de 1 100 euros. Avec une disparité considérable - et qui ne cesse de s'aggraver - entre les hommes (1 500 euros) et les femmes (850 euros). C'est encore trop pour les financiers, pour l'Europe, pour les socio-libéraux et les libéro-sociaux qui nous gouvernent. Une antienne court les rues selon laquelle les retraités seraient moins frappés par « la crise » que les actifs. Or le taux de pauvreté est le même pour les premiers que pour les seconds. Les « experts » prévoient une baisse des retraites de 30% d'ici à 2060. Avec 1,35 cotisant par retraité. Actifs d'aujourd'hui, gare à vous ! Gare, surtout, aux « experts » qui prennent leurs désirs pour des réalités, en particulier lorsqu'ils se lancent dans des prophéties autoréalisatrices. Le « coût » des retraites représente actuellement moins de 1% du PIB. (…) Lire la suite »
Loi relative aux libertés et Responsabilités des Universités. C’est reparti !

Les ravages de la LRU (suite)

Bernard GENSANE

Le changement, c’est pas maintenant ! C’est peut-être même jamais.

Bien sûr, on est content de ne plus subir les mollets de Sarkozy faisant son footing, l’ostentation de ses montres et de ses lunettes de soleil, les aléas de sa vie privée, son obsession du flouze, la brutalité de sa politique sécuritaire, sa haine du service public et des fonctionnaires, j’en passe et des meilleurs.

Un président de la République ne choisit jamais au hasard les ministres à qui il veut confier des tâches stratégiques. Fille d'un universitaire homme d'affaires,Valérie Pécresse était un pur produit de l'enseignement privé. Elle était donc parfaitement qualifiée pour mener de toute urgence une réforme visant à financiariser l'université et à y imposer les méthodes et les règles de l'entreprise privée. Le parcours de Geneviève Fioraso est différent. Titulaire de deux maîtrises, elle enseigne d'abord à des jeunes en difficulté à Amiens. A l'âge de 25 ans, elle quitte l'enseignement et entre au cabinet du maire de Grenoble Hubert Dubedout, un socialiste (sur le tard : il adhère au PS à l'âge de 52 ans) " moderne " , mais plutôt modéré. Outre ses fonctions municipales, Geneviève Fioraso travaille dans le numérique et à France Télécom. En 2003, elle est élue présidente de l'Institut d'administration des Entreprises de Grenoble. Elle administre plusieurs structures à cheval sur (…) Lire la suite »

Obama et le nom des femmes

Bernard GENSANE
N'étant pas un spécialiste des États-Unis, je ne sais trop où se situe le curseur droite/gauche, et donc si Obama est, pour ce pays, un homme de gauche. En revanche, et même s'il n'écrit pas lui-même ses allocutions, même s'il ne choisit pas toujours forcément les mots qu'il prononce en public, le discours de ses discours est, comme pour tout un chacun, révélateur de sa personnalité profonde. Lors de son discours sur l'état de l'Union, Obama a déclaré : « Nous savons que notre économie est plus forte quand nos épouses, nos mères et nos filles peuvent vivre leurs vies libérées de toute discrimination sur leur lieu de travail et de la peur des violences domestiques. » (« We know our economy is stronger when our wives, mothers, and daughters can live their lives free from discrimination in the workplace and free from the fear of domestic violence. ») Il est clair dans cette phrase que les femmes sont « nôtres », les possesseurs étant les hommes, la société. Les femmes ne sont (…) Lire la suite »
Rafael Alberti

Poésie et exil (13)

Bernard GENSANE
Militant de la cause républicaine, Rafael Alberti fut contraint de s'exiler en France en 1939 ; l'année suivante il dut quitter ce pays vaincu par les Allemands, et se réfugia en Argentine où il resta jusqu'en 1963. Cette année-là , il s'installa en Italie pour un séjour qui allait durer jusqu'à son retour en Espagne en 1977. Il est mort dans son village natal près de Cadix en 1999, à l'âge de 97 ans. En Argentine, la pampa lui donnera la nostalgie des paysages d'Andalousie : La mer. La mer. La mer. Rien que la mer ! Pourquoi m'avoir emmené, père, à la ville ? Pourquoi m'avoir arraché, père, à la mer ? La houle, dans mes songes me tire par le coeur comme pour l'entraîner. O père, pourquoi donc m'avoir emmené ? El mar. La mar. ¿Por qué me trajiste, padre, a la ciudad ? ¿Por qué me desenterraste del mar ? En sueños, la marejada me tira del corazón. Se lo quisiera llevar. Padre, ¿por qué me trajiste acá ? . Je suis si seul parfois, je suis si seul et même (…) Lire la suite »

Quand un Anglais mange des lasagnes

Bernard GENSANE

Cela fait quarante ans que les Britanniques (les Français aussi, me direz-vous) votent de plus en plus à droite, que leurs suffrages se portent vers le parti travailliste ou vers le parti conservateur. Alors, la division internationale du travail, ça les connaît et ils en redemandent.

Au début des années soixante, pour manger des lasagnes en Angleterre, il fallait entrer dans un restaurant italien, et ça coûtait la peau des fesses. Les Anglais, comme tous les autres, ont payé au prix fort la démocratisation de l'exotisme. Si j'ai bien compris cette histoire de lasagnes à la viande de cheval, on a donc un Anglais qui achète des lasagnes surgelées dans son Tesco préféré. Sur l'emballage, il est écrit, puisqu'elles sont à la Bolognaise (my foot !), que ces lasagnes contiennent de la viande de boeuf. Il appert qu'elles contiennent surtout de la viande de cheval. La consommation de la viande de cheval outre-Manche n'est pas interdite : elle est taboue. Comme celle des grenouilles. L'idée de manger du cheval fait gerber les Anglais, ce qui est leur droit. Le produit est de la marque Findus (« Heureusement, il y a Findus ! »), entreprise dont le siège social est situé à Bjuv en Suède. Après avoir été une filiale de Nestlé, Findus appartient au fonds (…) Lire la suite »

Jeannette Bougrab : trop délicate, même

Bernard GENSANE

Avec la femme politique Jeannette Bougrab, nous ne sommes pas au niveau d’une Morano brut de décoffrage, d’un Lefèbvre plus pâteux qu’un chewing gum usagé, d’une Rama Yade dont les dents rayent tellement le parquet qu’il n’y a plus de parquet, d’une Fadela Amara qui a trahi les siens et leur cause commune, ni même d’une Pécresse avec son éternel sourire d’hémiplégique.

Bougrab est une authentique universitaire, une personne de réelle qualité. Née dans l'Indre, elle est fille de harki, c'est-à -dire d'un supplétif au service de l'armée coloniale française en Algérie. On ne va pas appuyer là où ça fait mal : autant certains harkis furent des kollabos enthousiastes, autant d'autres furent enrôlés de force. Il n'est, cela dit, pas étonnant qu'étant la fille d'un homme ayant servi un ordre injuste, Jeannette Bougrab ait été repérée (comme Rachida Dati) par des gens influents de droite et qu'elle ait très vite rallié l'hyperbourgeoisie qui nous gouverne avec la férocité que l'on sait. Après un court passage à la présidence de la Haute Autorité de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Le Canard Enchaîné l'accusa d'avoir doublé son indemnité, le tribunal correctionnel de Paris, où elle porta plainte, estima que les chiffres avancés par l'hebdomadaire satirique n'étaient pas fantaisistes), elle est nommée en novembre 2010 secrétaire (…) Lire la suite »
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Le Monde Diplomatique (février 2013)

Bernard GENSANE
Richissime livraison pour ce numéro de février 2013. Serge Halimi se demande si la guerre française au Mali n'est pas « le mauvais choix » : « C'est quand il est trop tard, parce qu'on a tourné le dos à toutes les meilleures options, qu'on nous somme de choisir entre le mauvais et le pire. Neuf jours après les attentats du 11 septembre 2001, le président George W. Bush menaçait déjà urbi et orbi : « Ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes avec les terroristes. » Deux guerres ont suivi, en Afghanistan puis en Irak. Avec les résultats que l'on connaît. Au Mali, il faudrait de nouveau, d'urgence, trancher entre les deux termes d'une alternative exécrable. Car comment se résigner à ce que des bandes armées porteuses d'une idéologie et de pratiques obscurantistes puissent menacer les populations du Sud après avoir terrorisé celles du Nord ? Mais comment ignorer que l'invocation de mobiles humanitaires, la propension à criminaliser les ennemis politiques (les talibans afghans (…) Lire la suite »
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Le suicide fait presque trois fois plus de victimes que les accidents de la route.

Suicide et sacrifice, par Jean-Paul Galibert

Bernard GENSANE

En 1897, Émile Durkheim postule que le suicide est un fait social à part entière. Il observe que les individus intégrés sont davantage préservés que les personnes marginalisées. Les guerres, les révolutions protègent du suicide car le sentiment d’appartenance à la société est renforcé par de grands enjeux.

Durant le XXe siècle, la période durant laquelle les Français se sont le moins suicidés fut la Deuxième Guerre mondiale. Un des pays où aujourd'hui, on se suicide le moins est Gaza. Même en temps de paix, on s'est toujours moins suicidé au Mali qu'en Suède. Un suicide se produit en France toutes les quarante minutes. 700 000 personnes ont mis fin à leurs jours depuis 1945. Deux fois plus qu'au Royaume-Uni, en Espagne ou au Pays-Bas. Le suicide fait presque trois fois plus de victimes que les accidents de la route. L'intérêt du livre de Jean-Paul Galibert - qui va toujours à l'essentiel - est d'établir une relation dialectique entre suicide et hypercapitalisme, un mode de production qui préfère « détruire que produire ». Détruire le travail, détruire les classes ouvrières, en exigeant de tous et de chacun qu'ils soient « absolument rentables, c'est-à -dire qu'ils rapportent tout et ne coûtent rien. » Une des stratégies de l'hypercapitalisme est la scotomisation du réel par des (…) Lire la suite »