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Loi relative aux libertés et Responsabilités des Universités. C’est reparti !

Les ravages de la LRU (suite)

Le changement, c’est pas maintenant ! C’est peut-être même jamais.

Bien sûr, on est content de ne plus subir les mollets de Sarkozy faisant son footing, l’ostentation de ses montres et de ses lunettes de soleil, les aléas de sa vie privée, son obsession du flouze, la brutalité de sa politique sécuritaire, sa haine du service public et des fonctionnaires, j’en passe et des meilleurs.

Un président de la République ne choisit jamais au hasard les ministres à qui il veut confier des tâches stratégiques. Fille d’un universitaire homme d’affaires,Valérie Pécresse était un pur produit de l’enseignement privé. Elle était donc parfaitement qualifiée pour mener de toute urgence une réforme visant à financiariser l’université et à y imposer les méthodes et les règles de l’entreprise privée. Le parcours de Geneviève Fioraso est différent. Titulaire de deux maîtrises, elle enseigne d’abord à des jeunes en difficulté à Amiens. A l’âge de 25 ans, elle quitte l’enseignement et entre au cabinet du maire de Grenoble Hubert Dubedout, un socialiste (sur le tard : il adhère au PS à l’âge de 52 ans) " moderne " , mais plutôt modéré. Outre ses fonctions municipales, Geneviève Fioraso travaille dans le numérique et à France Télécom. En 2003, elle est élue présidente de l’Institut d’administration des Entreprises de Grenoble. Elle administre plusieurs structures à cheval sur le public et le privé. Un parcours intéressant, avec une grande fascination pour l’« entreprise ». Chez elle, le mélange des genres entre public et privé est subtil, savant même. Sa vision de la recherche est industrielle. Donc marchande.

J’avais espéré qu’avec l’élection de François Hollande je pourrais clore cette rubrique sur " les ravages de la LRU " . Non seulement ce n’est pas le cas, mais je continuerai à témoigner sur l’enseignement supérieur sous ce même titre, car Fioraso, en bonne suivante d’Allègre, de Robien, de Pécresse et de Wauquier, inscrit son action dans le tristement célèbre « Processus de Bologne », cher à Jospin et Allègre. Cette politique universitaire a pour objectif, par delà les bonnes intentions concernant les échanges entre étudiants ou l’harmonisation des programmes et des diplômes, d’intégrer les jeunes sur le marché du travail tel qu’il est et d’améliorer la compétitivité de l’enseignement supérieur européen à l’échelon mondial. En d’autres termes, de soumettre l’université aux exigences des entreprises et, dans le cadre de la marchandisation du savoir, de mettre en concurrence les établissements d’enseignement supérieurs entre eux.

Fioraso a organisé une consultation symbolique (des « Assises ») qui n’a eu strictement aucune incidence sur les projets qu’elle concocte. Certains de ces projets sont d’ailleurs (pas de noms, mais on les donnera un jour) mis en oeuvre par des universitaires ayant travaillé pour Sarkozy et Pécresse. Dans ce qui suit, je reprends des réflexions de collègues et camarades du Snesup, syndicat dont je suis adhérent.

Fioraso ne revient sur rien de fondamental mis en place par l’homme du Fouquet’s. Elle envisage même d’aggraver certains aspects de sa politique. La mission fondamentale de l’enseignant-chercheur (qui est normalement d’enseigner et de chercher) s’efface derrière d’autres missions qui ont à voir avec la « compétitivité », les « besoins des secteurs économiques », la « formation tout au long de la vie ». La recherche sera soumise aux desideratades « partenaires socio-économiques », d’où la place de plus en plus prépondérante - aux dépens de celle des enseignants et des étudiants - des représentants du patronat dans les conseils d’administration des universités. Les établissements ne seront plus « habilités » à délivrer des enseignements et des diplômes qui - à terme - ne seront plus nationaux. Ils seront « accrédités » de manière contractuelle selon des projets (ah ! la culture de projets qui nous vient de l’entreprise étasunienne) limités dans le temps. Finie donc l’autonomie pédagogique des établissements, finie toute politique à long terme, finies les libertés académiques. Place au bon vouloir des autorités politiques et économiques locales, place à une université en permanence dans l’attente des ukases du CAC 40.

Les instances nationales de surveillance des universitaires (ANR, AERES) sont maintenues, même si elles changent de nom. Elles pourront continuer à fliquer dans l’opacité la plus totale. Au niveau local, les conseils d’administration seront peuplés d’éminences grises nommées, « reconnues pour leurs compétences scientifiques ».

Au niveau de la région, le système sera de plus en plus centralisé. Chaque académie aura un établissement chef, les autres devant s’intégrer ou se soumettre. Il est clair que de nombreuses universités de taille moyenne inférieure deviendront de simples collèges universitaires. Personnellement, cela me rajeunira : j’ai commencé mes études supérieures en 1966 au CLU (Collège littéraire universitaire) d’Amiens qui dépendait de l’université de Lille.

Le renforcement par la LRU du pouvoir des chefs d’établissement va se poursuivre par le biais d’un système électoral ubuesque et antidémocratique : élection proportionnelle à deux tours, prime majoritaire réduite mais maintenue, bipolarisation organisée, prime à la moyenne d’âge des candidats. Au conseil d’administration, les personnalités extérieures qui participeront à l’élection du président, seront nommées par le recteur. Le conseil d’administration se verra privé de ses prérogatives autres que celles de la gestion. Les autres missions seront remplies par le conseil académique. La coupure sera donc claire entre les universitaires gestionnaires (doit-on goudronner l’allée centrale ?) et les universitaires chargés de missions … universitaires (doit-on fermer le département de russe ? On ferme, malheureusement). Le conseil académique ne pourra travailler en séance plénière, pour cause de gigantisme. Il sera scindé en sections qui pourront, elles aussi, faire appel à des personnalités extérieures.

Les personnels ont été sérieusement malmenés par Sarkozy et Pécresse. L’avant-projet Fioraso ne dit quasiment rien à leur sujet. Le recrutement opaque et mandarinal va continuer, au service d’une vision « économie de la connaissance » des missions des enseignants-chercheurs.

Un mot sur les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation qui vont remplacer les IUFM à la rentrée 2013. Elles sont conçues pour être les fers de lance de la « refondation pédagogique ». Elles délivreront des Masters enseignement, éducation, formation (MEEF), à l’issue de deux années d’études post-licence comportant différents modules d’enseignement ainsi qu’une ouverture sur l’international et la recherche. La logique de ces écoles est une logique d’employeur avec un contrôle insensé des recteurs et des calendriers pour les concours qui ne viseront plus à former les étudiants mais à les formater. Dans le domaine qui était le mien (les langues), on peut craindre que les épreuves disciplinaires soient de plus en plus légères, si on en juge par la quantité des autres domaines envisagés par le ministère. L’accès à l’agrégation sera très aléatoire après un master enseignement, largement coupé de la discipline et probablement sans véritable mémoire de recherche disciplinaire. En cas d’échec au capes, les masters enseignement ne donneront pas accès au M2. Les étudiants seront alors dans l’impasse.

Je ne sais pas, vous, mais moi, je vais m’acheter de bonnes chaussures pour les prochaines manifs’.

Dans cette attente, il faut signer la pétition qui dénonce le projet Fioraso :
http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2013N35519

Bernard Gensane

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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