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Auteur : Bernard GENSANE

Trois mots sur Thatcher

Bernard GENSANE

Ce qu’était le Thatchérisme me fut révélé un matin de rentrée des classes dans un petit village résidentiel du Yorkshire au début des années 1980. Une manière d’épiphanie.

J'accompagnais des amis anglais, conservateurs bon teint, qui inscrivaient leurs enfants dans l'école publique du village. Je fus décontenancé de voir des parents sortir de leur portefeuille des billets de cinq livres et les donner à tel ou tel membre du personnel de l'école. De quelles mystérieuses transactions s'agissait-il ? Des coupes sombres - et même claires - ayant sérieusement affecté l'enseignement (je ne parle même pas de la suppression de la pinte de lait quotidienne par Thatcher quand elle avait été ministre de l'Éducation et des Sciences au début des années soixante-dix), les écoles durent trouver de nouvelles ressources. D'où, dans cette école comme dans d'autres, la création de clubs de toutes sortes (photo, football, philatélie, aéromodélisme etc.) que les enfants ne pouvaient fréquenter que contre espèces sonnantes et trébuchantes. Comme je me trouvais dans un environnement bourgeois et de droite, je n'entendis aucune récrimination parentale. Le mythe fondateur (…) Lire la suite »

Sodexo : une "world company" au « service » du monde carcéral

Bernard GENSANE

Télérama du 5 avril 2013 propose un entretien magnifique avec Angela Davis. Dommage qu’il soit illustré par des photos aussi lugubres de la vénérable militante, dont le visage, aujourd’hui, est toujours aussi solaire. Une bonne partie de cet entretien est centrée sur les Noirs aux États-Unis, dont la condition s’est améliorée à la marge mais qui souffrent du démantèlement de l’État providence.

Les États-Unis représentent 5% de la population mondiale, mais 25% de la population carcérale dans le monde. Un adulte sur trente-sept, nous dit Angela Davis, est incarcéré ou sous contrôle judiciaire. Les Noirs, les Latinos sont surreprésentés. Pour Angela Davis, les prisons sont au coeur du système capitaliste : « Pourquoi de plus en plus d'entreprises s'intéressent-elles aux prisons ? Parce que c'est un secteur profitable. Prenez l'entreprise française Sodexo, qui a bâti une multinationale sur trois piliers. L'industrie alimentaire, d'abord : ils fournissent les cantines scolaires, d'entreprises, distribuent des tickets restaurants. L'industrie carcérale ensuite : Sodexo construit et/ou gère des prisons pour " optimiser leur coût de fonctionnement " , au Chili, au Royaume-Uni [par exemple celle de Salford ], en France. L'industrie militaire enfin : Sodexo gère des munitions, des champs de tir pour les armées, en Australie par exemple. » Ajoutons que Sodexo intervient (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique, avril 2013

Bernard GENSANE
Très bon numéro que celui du mois d'avril 2013. Serge Halimi revient sur la " leçon de Nicosie " : « Tout devenait impossible. Augmenter les impôts décourageait les « entrepreneurs ». Se protéger du dumping commercial des pays à bas salaires contrevenait aux accords de libre-échange. Imposer une taxe (minuscule) sur les transactions financières exigeait que la plupart des États s'y rallient. Baisser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) requérait l'aval de Bruxelles… Samedi 16 mars 2013, tout a changé. Des institutions aussi orthodoxes que la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI), l'Eurogroupe et le gouvernement allemand de Mme Angela Merkel ont tordu le bras (tremblant) des autorités chypriotes afin que celles-ci exécutent une mesure qui, décidée par Hugo Chávez, aurait été jugée liberticide, dictatoriale, tyrannique, et aurait valu au chef d'Etat vénézuélien des kilomètres d'éditoriaux indignés : la ponction automatique des dépôts (…) Lire la suite »

Aline Dupuy, Th. Crouzet, F. Vivas. Journal d’une lycéenne sous l’Occupation.

Bernard GENSANE
Ceci est un livre à trois voix, mais aussi à trois étages. Les auteurs sont partis du Journal d'Aline Dupuy, élève-institutrice à Toulouse pendant la guerre. Ils ont ensuite fait réagir Aline à ce qu'elle avait écrit. « L'histoire des Français sous l'Occupation ne peut pas se suffire de l'événementiel. Elle se doit d'être aussi transhistorique et sensitive. C'est son rythme », expose Frédéric Vivas. Les auteurs ont enfin replacé un témoignage de première main dans des perspectives synchronique et diachronique : une réflexion de Frédéric Vivas sur l'écrit intime (« ce texte n'est pas un écrit sur l'écrit mais à partir d'un écrit »), une analyse historique de " Toulouse la rouge " par Thierry Crouzet. Le journal intime est donc devenu extime en étant étayé par les sciences humaines, sociales et historiques. Nous avons affaire à un ouvrage très rigoureux, les notes infrapaginales sont innombrables et érudites. Mais cet ouvrage, comme le journal qui en est le socle, n'est « (…) Lire la suite »

Le calembour est-il soluble dans la lutte des classes ?

Bernard GENSANE

Excusez du peu mais, en matière de calembours, je suis d’accord avec Flaubert : plus ils sont mauvais, plus ils sont bons. « Les Espagnols les plus pingres sont les Navarrois puisqu’ils vivent en Navarre », avait découvert Flaubert enfant. Ce qui lui permettait d’arriver, alors qu’il ne connaissait même pas Buster Keaton, « au comique extrême, le comique qui ne fait pas rire ». Comme quand en bon prépoujadiste, il parlait de " démocrasserie " .

Quelle bonne idée a eu la linguiste Marie Treps, en ces temps de difficultés hollandesques (en affirmant que son seul ennemi était la finance, le futur président était-il un faux mage ?), de nous rafraîchir les sens avec son ouvrage sur le calembour ! Pour l'auteur, un calembour est « une devinette implicite ». Donc, « sous peine de ruiner son effet, qui lance un calembour doit renoncer à en livrer le secret. » Il en va de même pour les contrepèteries. Le jeu de mots est fondé sur « une similitude de sons recouvrant une différence de sens ». Treps propose arrosoir et persil pour au revoir et merci. Exactement dans la même veine, les Britanniques avaient forgé, au moment de l'invasion de l'Éthiopie par Mussolini : Abyssinia pour I'll be seeing you (à la revoyure). Le calembour « force l'équivoque sans plus respecter le bon sens que l'orthographe » (V.-J. de Jouy). Jusqu'à préférer la forme dénaturée à l'originale : « Là où il y a de la gaine, y'a pas de plaisir » (San-Antonio), « la (…) Lire la suite »

La vie est à nous ! - Le Sarkophage n° 35

Bernard GENSANE
Dans La vie est à nous ! - Le sarkophage n° 35, un éditorial sans concessions (" De quoi le parti socialiste est-il le nom ? " ) de Paul Ariès qui explique qu'il faut plus que jamais faire taire les illusions entretenues par le parti socialiste et s'efforcer de voir plus loin : « Nous n'avons rien à attendre de ce gouvernement. Allons- nous baiser la main qui s'apprête à report de l'âge de la retraite comme le fit déjà Sarkozy ?Allons nous nous aplatir en baissant le ton alors que ce gouvernement multiplie les mauvais coups contre les gens de peu et ceux qui grognent et les cadeaux au Medef, aux puissants et aux riches ? Ce gouvernement et cette majorité resteront aussi dans l'histoire comme ceux qui ont refusé cette semaine de faire bénéficier de la loi d'amnistie sociale les faucheurs d'OGM, les déboulonneurs antipub, les militants du RESF, les enseignants désobéisseurs, bref tous nos partenaires des Forums nationaux de la désobéissance ! Cessez de nous duper avec (…) Lire la suite »

Chronique de la guerre froide

Bernard GENSANE

Nous sommes sept ou huit attablés dans un restaurant toulousain autour de Pierrette. Je suis le plus jeune. C’est dire !

Pierrette est une figure de légende dans le coin. 89 ans. Physiquement, on lui en donnerait 70. Mentalement, 50. Son visage est très mobile, souriant, peu ridé. Son débit est vif, elle ne cherche jamais ses mots. Ses souvenirs remontent sans peine à la surface en des phrases très construites. Elle n'est peut-être qu'à mi-vie. Un vrai miracle. Communiste depuis toujours. Elle est de toutes les manifs, de toutes les rencontres militantes, gueuletons y compris. Soudain, je l'écoute avec plus d'attention car elle nous dit avoir vécu en Côte d'Ivoire dans les années cinquante. Dans des petites villes que j'ai moi-même un peu connues. Son mari était médecin militaire. Elle nous parle de sa fille née en 1954. Je l'interromps : – Dis-donc, Pierrette, ce n'était pas un peu tard, pour l'époque, d'avoir son premier enfant à 32 ans ? – Figure-toi que nous n'étions même pas mariés. – Tu aurais fêté Pâques avant les Rameaux ? – La faute à Ridgway ! – Ridgway « la peste », le « (…) Lire la suite »
Jérôme Cahuzac à la une.

Jean-Michel Aphatie : toujours du côté du manche

Bernard GENSANE

Malgré l’admiration effrénée et bien connue que je voue au plus grand journaliste de France (http://www.legrandsoir.info/Jean-Michel-Apathie-obsessionnel-et-poujadiste.html), je vais m’efforcer de rester objectif et calme.

Longtemps, Mediapart fut le seul organe de presse à enquêter sur les agissements financiers, bancaires de Jérôme Cahuzac. Une parenthèse sur ce verbe « enquêter ». On dit aussi « investiguer ». Comme dans les pays anglo-saxons, il n'y a plus en France que deux sortes de journalistes : les complaisants qui font du copier-coller de dépêches d'agence ou d'autres sites de la toile, et les enquêteurs, qui vont au charbon, qui prennent des risques, et qui, généralement, trouvent. Tant que Mediapart était le seul à accomplir le vrai travail, l'immense Aphatie prenait tout cela de très haut. Recevant Edwy Plenel chez Denisot sur Canal +, il y allait de sa morgue : « vous êtes sûr que vous avez des preuves, qu'elles tiennent la route ? ». La réponse de Plenel « on a tout, on sait tout » était accueillie par Aphatie par un sourire en coin décoché en direction des spectateurs signifiant : « moi, vous, savons bien que Mediapart s'agite pour vendre et que tout cela finira en eau de boudin ». (…) Lire la suite »

Vers une charia catholique ?

Bernard GENSANE

Dans l’Église catholique, les forces réactionnaires ne sont jamais en repos. Ainsi, pendant les grands débats sur le mariage pour les homosexuels, on les a vues déployer des arguments surprenants.

Le mariage, disaient ces farouches défenseurs de la famille, est « sacré ». Non, bien sûr. Le mariage est tout simplement un contrat, et un contrat ne saurait être sacré, sauf si l'on se place dans une perspective chariesque. Les relations hétérosexuelles, toujours selon ces défenseurs, étaient « naturelles ». Non plus. La nature connaît toutes sortes de relations sexuelles, jusques et y compris quand une femelle dévore le mâle avec qui elle vient de copuler. Dans ce contexte, merci à la Confédération syndicale internationale (la CSI représente 175 millions de travailleurs de par le monde) d'avoir interpellé le Vatican (le siège ou souffle l'esprit saint) , le 8 mars 2013, pour lui demander de mettre fin à sa campagne visant à empêcher les Nations unies d'adopter des normes plus strictes relatives à la violence à l'égard des femmes, lors de la réunion de la Commission de la condition de la femme des Nations unies. Selon la secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow, « il est (…) Lire la suite »
Mourir dans la dignité

Emmanuèle Bernheim. Tout s’est bien passé.

Bernard GENSANE

Lorsqu’on lit ce livre surprenant d’Emmanuèle Bernheim sur la mort choisie de son père presque nonagénaire, on se dit que cet aimable vieillard fut un homme heureux, heureux de mourir en heureux homme.

Emmanuèle Bernheim n'a publié que quelques (fort bons) romans (on se souvient de Sa femme, prix Médicis en 1993) et des scénarios très originaux pour les films de François Ozon. Elle nous raconte ici l'ultime parcours de ce père qui a choisi de mourir en Suisse, après avoir ingurgité la potion adéquate, en écoutant un quatuor de Beethoven. Cette histoire nous est offerte à front renversé. Le titre, d'abord, avec cette expression qu'on prononce normalement après une naissance ou une opération. Cette famille où, mort assistée ou pas, on plaisante beaucoup, quoique parfois de manière macabre. Le mourant (il a été victime d'un AVC après de nombreux autres ennuis : ablation de la rate, pleurésie, embolie pulmonaire, crâne fracassé par un coup de crosse de revolver) qui ne cesse d'aller mieux au fil des pages, ce qui l'encourage d'autant plus à vouloir mourir guéri alors que ses proches tentent de le persuader de renoncer à sa décision. L'avocat, ami de la famille, Georges Kiejman, qui (…) Lire la suite »