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Chronique de la guerre froide

Nous sommes sept ou huit attablés dans un restaurant toulousain autour de Pierrette. Je suis le plus jeune. C’est dire !

Pierrette est une figure de légende dans le coin. 89 ans. Physiquement, on lui en donnerait 70. Mentalement, 50. Son visage est très mobile, souriant, peu ridé. Son débit est vif, elle ne cherche jamais ses mots. Ses souvenirs remontent sans peine à la surface en des phrases très construites. Elle n’est peut-être qu’à mi-vie. Un vrai miracle.

Communiste depuis toujours. Elle est de toutes les manifs, de toutes les rencontres militantes, gueuletons y compris.

Soudain, je l’écoute avec plus d’attention car elle nous dit avoir vécu en Côte d’Ivoire dans les années cinquante. Dans des petites villes que j’ai moi-même un peu connues. Son mari était médecin militaire. Elle nous parle de sa fille née en 1954. Je l’interromps :

 Dis-donc, Pierrette, ce n’était pas un peu tard, pour l’époque, d’avoir son premier enfant à 32 ans ?

 Figure-toi que nous n’étions même pas mariés.

 Tu aurais fêté Pâques avant les Rameaux ?

 La faute à Ridgway !

 Ridgway « la peste », le « général microbien » ?

Ca ne rigolait pas à l’époque. Lors de la guerre de Corée, les troupes de l’ONU étaient commandées par Matthew Ridgway. Les communistes l’avaient accusé d’utiliser des armes bactériologiques en Corée et en Chine, ce que le Pentagone avait contesté (le Pentagone ne ment jamais). Un peu plus tard, Jacques Duclos, alors numéro un du parti communiste français, avait été incarcéré quelque temps pour avoir transporté dans sa voiture des pigeons - voyageurs selon le ministre de l’Intérieur Charles Brune - alors qu’ils étaient morts et qu’il ne manquait que les petits pois. En 1957, le général allemand Hans Speidel, proche de Rommel, membre du complot de 1944 contre Hitler et ayant passé sept mois dans les geôles de la Gestapo, fut nommé chef des forces terrestres de l’OTAN pour l’Europe. Des fils de déportés français refusèrent d’effectuer leur service militaire sous ses ordres et les murs des villes se couvrirent de « Non à Speidel ».

Mais revenons à Pierrette. Elle travaille aux PTT. Elle est fichée comme mauvaise citoyenne : elle est allée manifester un jour à Meulun contre la présence des troupes étasuniennes en France. La Military Police a chargé : deux morts. Les RG l’ont bien repérée. Mais la vie continue. Elle et le futur père de son enfant veulent se marier. Oui mais lui est officier de l’armée française. A ce titre, il va subir, des mois durant, toutes sortes de pression de la part de sa hiérarchie pour quitter cette femme communiste. Il résistera, convolera tout de même. En représailles, l’armée l’enverra dans des villes un peu perdues de Côte d’Ivoire, puis au Tchad.

Moralité : on a toujours intérêt à écouter les vieilles dames dignes. Elles ont des choses à nous dire.

http://bernard-gensane.over-blog.com/

URL de cet article 19777
   
Même Auteur
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
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(...) quelqu’un a dit il y a vingt ans : "vous pouvez croire tout ce qu’on raconte sur cet homme, sauf qu’il est mort".

(...) Ce lieu sera pour toujours un témoignage de lutte, un appel à l’humanisme. Il sera aussi un hommage permanent à une génération qui voulait transformer le monde, et à l’esprit rebelle et inventif d’un artiste qui contribua à forger cette génération et en même temps en est un de ses symboles les plus authentiques.

Les années 60 étaient bien plus qu’une période dans un siècle qui touche à sa fin. Avant toute chose, elles ont été une attitude face à la vie qui a profondément influencé la culture, la société et la politique, et a qui a traversé toutes les frontières. Un élan novateur s’est levé, victorieux, pour submerger toute la décennie, mais il était né bien avant cette époque et ne s’est pas arrêté depuis. (...)

Avec une animosité obstinée, certains dénigrent encore cette époque - ceux qui savent que pour tuer l’histoire, il faut d’abord lui arracher le moment le plus lumineux et le plus prometteur. C’est ainsi que sont les choses, et c’est ainsi qu’elles ont toujours été : pour ou contre les années 60.

Ricardo Alarcon,
président de l’Assemblée Nationale de Cuba
Allocution lors de l’inauguration de la statue de John Lennon à la Havane, Décembre 2000

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