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Auteur : Bernard GENSANE

Université : les Solfériniens couchés devant le patronat

Bernard GENSANE

Après avoir voulu faire entrer davantage l’entreprise à l’école, le gouvernement cherche à faire de même à l’université. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, a installé le comité Sup’emploi, présidé par deux chefs d’entreprise.

Geneviève Fioraso donne des précisions sur la composition de ce comité : « Il sera coprésidé par deux chefs d'entreprise, Françoise Gri, ex-présidente de Manpower France [spécialiste de l’intérim], et Henri Lachmann, ex-PDG de Schneider Electric. Ensuite, nous avons fait appel à des personnes issues de l'entreprise, de la formation, de la recherche, qui siégeront en tant que personnes qualifiées. L'objectif est de mieux anticiper l'évolution des emplois, pour la formation initiale et pour la formation tout au long de la vie. Ce qui veut dire trouver de meilleures réponses sur les métiers en tension et sur ceux qui correspondent à nos enjeux de recherche comme l'allongement de la durée de vie, la transition énergétique, la chimie verte. » Le président du Medef, Pierre Gattaz, applaudit des deux mains à cette merveilleuse symbiose, mais a des doutes car, pour lui, l’université n’est pas encore suffisamment soumise aux désidérata de l’entreprise : « L'initiative me paraît tout à (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique (décembre 2014)

Bernard GENSANE
Serge Halimi consacre son éditorial du numéro de décembre 2013 au dégel en Iran : Un accord mobilisant contre lui M. Benyamin Netanyahou, le lobby pro-israélien qui dicte sa loi au Congrès américain, les ultraconservateurs iraniens et l’Arabie saoudite peut-il être mauvais ? Et Israël – un État qui n’a pas signé le traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui possède la bombe et qui a violé davantage de résolutions des Nations unies qu’aucun autre au monde – est-il vraiment le mieux placé pour faire la leçon sur tous ces points au régime iranien ? Aux termes de l’accord intérimaire de six mois conclu le 24 novembre, l’Iran va donc interrompre son programme d’enrichissement de l’uranium au-delà de 5 % en échange d’une suspension partielle des sanctions à son encontre. Dans la région, c’est la meilleure nouvelle depuis le début des révoltes arabes. Va-t-on être xénophobes au nom de l’État social, demande Alexis Spire ? Puisque les finances publiques vont mal, il faut (…) Lire la suite »
Parlons peu mais parlons bien !

Pierre Merle. Les mots à la con.

Bernard GENSANE

La honte m’habite : ce petit livre jubilatoire et fort utile m’a échappé lorsqu’il fut publié en 2005. L’auteur a écrit de nombreux ouvrages sur le vocabulaire français sous toutes ses coutures.

Qu’est-ce qu’un mot (ou une expression) à la con ? Pas un mot fautif, mais un mot dont on n’a pas besoin. Un mot vide de sens ou encore, dirais-je, qui a moins de sens mais qui est bien plus prétentieux qu’un mot préexistant, précis et qui ne se la joue pas. Pourquoi s’excite-t-on avec positionner alors que placer fait l’affaire, avec occulter alors que dissimuler convient fort bien, avec posture alors qu’attitude ne demande qu’à servir ? Pourquoi s’est-on laissé écœurer par convivial, utilisé à toutes les sauces, alors que l’on voulait dire sympathique, cordial, amical, chaleureux, voire ergonomique (ce fauteuil, ça le fait, il est convivial, et même sympa) ? Le politiquement correct (qui est toujours de droite) frappe tant qu’il peut dans ce dérèglement de la langue française. Accompagner, c’est prendre pour compagnon. Un compagnon est celui avec qui on partage le pain. Tout cela est bien joli, mais que faisons-nous des « plans sociaux d’accompagnement » (allez, virez-moi tout (…) Lire la suite »
Stefan Zweig

Poésie et exil (21)

Bernard GENSANE

Stefan Zweig se suicide en exil, au Brésil, en 1941. En 1916, effrayé par la Première Guerre mondiale qui oppose des pays pour lui amis, il écrit Jérémie, une tragédie dans laquelle il clame son refus du militarisme.

Sa vie durant, Zweig eut la prescience de sa mort tragique et de son exil. Zweig avait placé dans la bouche de ses personnages cette lugubre prémonition : « […] au long de l’infini des routes de souffrance, nous sommes éternellement les éternels vaincus, esclaves du foyer dont nous sommes les hôtes. » Comment en effet, cet athée – à tout le moins agnostique – cet homme totalement étranger à la synagogue, cet Autrichien qui, contrairement à son ami Einstein, n’avait que faire du sionisme et de la création d’un État juif, avait-il écrit, vingt ans avant la politique d’anéantissement des Juifs, sa compassion pour les malheurs à venir d’un peuple dont il ne s’estimait en conscience nullement partie prenante ? Donc il nous faudra vivre au vaste exil du monde, Rompre et manger le pain qu’anront salé nos larmes, Il faudra nous asseoir aux escabeaux de honte, Au foyer de l’ennemi dormir un somme d’angoisse. […] Il nous faudra boire à des eaux lointaines, Nos lèvres (…) Lire la suite »

Les Zindigné(e)s – La vie est à nous n° 8

Bernard GENSANE
Dans son éditorial, Paul Ariès dénonce la loi solférinienne sur la métropolisation, qui va permettre d’en finir « avec une page essentielle de notre histoire politique démocratique. » Il donne un exemple concret : « Une des premières mesures de la Métropole marseillaise serait de supprimer, par souci d’égalité de traitement (sic) la gratuité des transports en commun urbains instaurée à Aubagne. La métropolisation constitue une machine de guerre contre le droit aux expérimentations locales pourtant reconnu dans la Constitution française. » Jean Gadrey pousse un cri d’alarme : « Le dépassement écologique » mondial est atteint : C’est en effet (à peu près) le 20 août dernier que l’humanité a « consommé » toutes les ressources naturelles renouvelables que la planète peut produire en 2013. Depuis, après avoir dépensé notre « budget » de l’année, nous vivons à crédit auprès de la « banque de la planète », celle qui renouvelle à son rythme les ressources naturelles utiles à la vie (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique (novembre 2013)

Bernard GENSANE
Dans sa livraison de novembre 2013, Serge Halimi revient sur la tragédie de Lampedusa : Il y a trente ans, fuir le système politique oppressif de leur pays valait aux candidats à l’exil les louanges des pays riches et de la presse. On estimait alors que les réfugiés avaient « choisi la liberté », c’est-à-dire l’Occident. Un musée honore ainsi à Berlin la mémoire des cent trente-six fugitifs ayant péri entre 1961 et 1989 en essayant de franchir le mur qui coupait la ville en deux. Les centaines de milliers de Syriens, de Somaliens, d’Erythréens qui, en ce moment, « choisissent la liberté » ne sont pas accueillis avec la même ferveur. A Lampedusa, une grue a été requise, le 12 octobre dernier, pour charger sur un navire de guerre les dépouilles de près de trois cents d’entre eux. Le mur de Berlin de ces boat people fut la mer ; la Sicile, leur cimetière. La nationalité italienne leur a été concédée à titre posthume. Que se passe-t-il dans les ateliers d’Amazon (Jean-Baptiste (…) Lire la suite »

Ecotaxe : foutage de gueule ?

Bernard GENSANE

L’objectif officiel de l’écotaxe est (était ?) de réduire le trafic routier des poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Voir ici ce qu’en dit le ministère de l’Écologie.

On imagine aisément qu'une taxe conçue par la droite n'allait certainement pas entraver la concurrence libre et non faussée dans une activité qui compte en son sein d'énormes entreprises dans toute l'Europe. Par exemple le transporteur allemand Willi Betz et ses 3 000 camions. Si l'on lit attentivement l'exposé des motifs solférinien des Fauxcialistes, on trouve ceci, dans le droit fil de la pensée libérale : " L’écotaxe vise à instaurer un cercle vertueux : dans une logique écologique, c'est un signal prix pour inciter à modifier les comportements en faveur de modes de transport plus durables ; elle permet aussi de faire payer l’usage des routes par l’utilisateur réel, tout en dégageant des recettes pour financer les infrastructures de transport, notamment le rail et le transport fluvial. Comme elle concerne aussi les camions vides, elle sera dissuasive et incitera les transporteurs à rationaliser leurs tournées. " En principe, le prix du transport routier augmentant, les (…) Lire la suite »
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Le Grand Soir ou l’éloge anticipé d’un prix Goncourt

Le Goncourt à "Au revoir là-haut", par Pierre Lemaitre

Bernard GENSANE

Le 20 août 2013, Bernard Gensane, un administrateur du GS, ami de l’écrivain Pierre Lemaitre, publiait l’article ci-dessous sur le livre qui allait recevoir le prix Goncourt pour « Au revoir là-haut ». Pierre Lemaitre rêvait alors du Goncourt des lycéens et Bernard Gensane pensait qu’il pouvait avoir le prix Interallié.
Pierre avait communiqué le manuscrit à Bernard et sa femme et il était attentif à leurs remarques. Dans les minutes qui ont suivi l’attribution du prix, et bien que pris dans la tourmente médiatique, il a trouvé le temps de les en remercier chaleureusement.
Tout cela fait que, au GS, on a (une fois n’est pas coutume) une furieuse envie de lire le Goncourt de l’année, d’autant plus que son contenu tranche avec les livres germanopratins de la rentrée.

LGS

Aujourd'hui, Bernard Gensane écrit : "Pierre Lemaitre n'a pas volé son Goncourt. Son livre n'est pas la nième redite de l'histoire d'un type ou d'une typesse qui regarde son nombril, narrée par un écrivain qui cisèle des phrases où rien ne doit dépasser. Ce livre nous parle des dizaines de millions de victimes de la guerre 14-18, du capitalisme vérolé et de l'administration à son service, et il est narré par l'un des plus formidables raconteurs de langue française (les 50 premières pages sont à tomber par terre)". L'article publié en août 2013 sur LGS Je ne suis pas sûr que Pierre Lemaitre connaisse cet extrait d’Un Peu d’air frais, publié par George Orwell en 1939 : « À la guerre, il arrive aux gens des choses extraordinaires. Et ce qu’il y a de plus extraordinaire que la façon dont on y trouve la mort, c’est la façon dont celle-ci vous épargne parfois. On aurait dit un flot impétueux vous emportant vers votre dernière heure et vous abandonnant soudain dans un bras mort, (…) Lire la suite »
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Erich Fried

Poésie et exil (20)

Bernard GENSANE
Né à Vienne en 1921 de parents juifs, Erich Fried quitte l’Autriche en 1938 et émigre à Londres où il devient journaliste à la BBC. Son père est mort, torturé par la Gestapo. Dans les années soixante, il milite contre la guerre du Vietnam. Dans les années soixante-dix, il est accusé de complicité intellectuelle avec les terroristes, alors qu’il avait qualifié la lutte de la bande à Baader d’« idiote ». Il figurera néanmoins sur la liste noire publiée par le parti chrétien-démocrate en novembre 1977. Dans le but de nettoyer la langue allemande des séquelles du nazisme, il prône une écriture dépouillée. Son œuvre se caractérise par la dimension ludique du travail d’écriture, comme le montre les deux brefs exemples suivants : Der einzige Ausweg Im aufgeschlagenen Stein liegt ein Ei Aus dem Ei fliegt ein Vogel Aus seinem Schnabel ein Stein Wer den aufbrechen kann findet drinnen nichts . . L’unique issue Dans une pierre fracassée il y a un œuf De (…) Lire la suite »
Lutte des classes ?

Lilian Mathieu. Columbo : la lutte des classes ce soir à la télé.

Bernard GENSANE

Les aventures de l’inspecteur Colombo comptent parmi les plus grands succès des séries policières au monde. De nombreuses raisons à cela : la remarquable qualité des scénarios, la personnalité atypique du héros, le talent de l’acteur et puis surtout, comme l’explique longuement l’auteur, la jubilation chez le spectateur produite par « le renversement de la domination » qui voit le « petit » terrasser le « grand » après une longue joute presque exclusivement intellectuelle et psychologique.

Lilian Mathieu estime que ce renversement final, dont les spectateurs savent qu’il va se produire puisque le ou les meurtres sont commis sous leurs yeux, a tous les traits d’une revanche de classe. Il me semble que l’auteur va un peu vite en besogne, ce qui pose le problème du titre même de son livre. Avec Colombo et son monde, nous sommes toujours dans l’ambiguïté. Peter Falk – qui, comme les créateurs de la série, appartenait à la conscience progressiste étasunienne – disait lui-même que son personnage n’avait rien contre les riches. Et, ajoute Mathieu à bon escient, qu’il respectait scrupuleusement la légalité. Il est à l’évidence difficile d’évoquer une lutte de classes dès lors qu’il n’y a pas la moindre transgression, et chez le héros, et dans les situations mises en scène. À la fin de chaque épisode, une branche pourrie a été coupée et le monde continue à tourner comme devant. Pour endormir la méfiance de ses proies, Colombo se fait passer pour un minus brouillon. Mais il (…) Lire la suite »