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Université : les Solfériniens couchés devant le patronat

Après avoir voulu faire entrer davantage l’entreprise à l’école, le gouvernement cherche à faire de même à l’université. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, a installé le comité Sup’emploi, présidé par deux chefs d’entreprise.

Geneviève Fioraso donne des précisions sur la composition de ce comité :

« Il sera coprésidé par deux chefs d’entreprise, Françoise Gri, ex-présidente de Manpower France [spécialiste de l’intérim], et Henri Lachmann, ex-PDG de Schneider Electric. Ensuite, nous avons fait appel à des personnes issues de l’entreprise, de la formation, de la recherche, qui siégeront en tant que personnes qualifiées. L’objectif est de mieux anticiper l’évolution des emplois, pour la formation initiale et pour la formation tout au long de la vie. Ce qui veut dire trouver de meilleures réponses sur les métiers en tension et sur ceux qui correspondent à nos enjeux de recherche comme l’allongement de la durée de vie, la transition énergétique, la chimie verte. »

Le président du Medef, Pierre Gattaz, applaudit des deux mains à cette merveilleuse symbiose, mais a des doutes car, pour lui, l’université n’est pas encore suffisamment soumise aux désidérata de l’entreprise :

« L’initiative me paraît tout à fait intéressante. Aujourd’hui, l’Education nationale et l’enseignement supérieur poussent très souvent des formations qui ne correspondent pas aux besoins des entreprises et aux métiers futurs. Il faut inverser cette tendance et concevoir les formations à partir de nos besoins, dans les filières du futur. Sinon, on va dans le mur. Mais il faut aussi orienter les formations vers nos besoins actuels. Car il nous manque des soudeurs, des chaudronniers, des décolleteurs… Il y a une sorte d’élitisme en France qui fait que, si on n’a pas un bac + 5, on n’est rien du tout.

En octobre, le Medef a réclamé (ses désirs sont des ordres) le copilotage des formations. Fioraso y est tout à fait favorable :

« Cela est déjà intégré dans la gouvernance des universités, où on a, depuis la loi sur l’enseignement supérieur de juillet dernier, davantage d’acteurs économiques. De même, grâce aux regroupements d’universités que nous encourageons, des stratégies de site vont être définies. Or ces stratégies sont faites pour être élaborées avec les acteurs économiques ! »

Mais pour Gattaz, cela ne suffit toujours pas :

« Les formations dispensées à l’université sont encore trop souvent orientées pour la toute petite minorité d’étudiants qui se destinent à l’enseignement, et pas pour ceux qui vont aller travailler en entreprise. »

Fioraso comprend ces objections mais rassure le patron des patrons :

« On a le même intérêt ! »

Gattaz reste méfiant :

« Oui, mais vous, vous avez d’énormes corporatismes… »

[Alors que, c’est bien connu, le patronat ne connaît pas le corporatisme.]

Fioraso rassure encore :

« Allez sur le terrain ! ça a énormément bougé ! Il ne faut pas écouter les postures des uns et des autres. Les universités ont désormais des « fab labs » [?], des ateliers de créativité… »

Objection de Gattaz :

« Mais il y a encore un pas à faire entre le système français, qui fonctionne sur des subventions, et une université comme Oxford… »

Encore un effort, les toutous solfériniens, accordez-nous la haute main sur les formations et les diplômes auxquels il faut faire perdre leur statut national :

« Ce que vous dites va dans le bon sens. Mais il faut aller beaucoup plus loin et plus vite. Il faut absolument que les entreprises ou les branches s’intègrent davantage dans les universités pour définir les métiers de demain. Or on sait que les régions – pour ce qui relève du champ de Vincent Peillon – sont encore très réservées sur notre intervention pour définir des qualifications, des diplômes et des calendriers adéquats.

Fioraso souhaiterait instaurer des quotas de stagiaires dans les entreprises. Pas question, lui répond son maître :

« Soit vous nous faites confiance et vous désasphyxiez les entreprises pour qu’elles soient plus compétitives en considérant qu’elles sont nos forces vives. Soit vous dites on a un problème de stagiaires, et vous mettez en place des quotas, des pénalités… et vous ajoutez 50 pages au Code du travail. »

[Ah, ce maudit Code du travail !]

Gattaz n’est pas contre les stagiaires, à condition qu’ils soient rémunérés par l’État :

« Il faut prévoir, pour nos étudiants issus de l’ENA, de Sciences po ou de l’École nationale de la magistrature, un stage obligatoire en entreprise en fin d’études. Dans une PME ou une entreprise de taille intermédiaire, en France ou à l’étranger. C’est fondamental. »

Récemment, un président d’université de gauche (il en reste une poignée) me confiait qu’avec la LRU et la loi Fioraso il était désormais impossible de mener une politique progressiste dans les établissements d’enseignement supérieur. Belle lucidité.

Source : Les Échos.

http://bernard-gensane.over-blog.com

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