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Auteur : Bernard GENSANE

Antonio Machado

Poésie et exil (15)

Bernard GENSANE

Lorsqu’éclata la Guerre civile espagnole, Antonio Machado était à Madrid. Il se trouva séparé pour toujours de son frère, qui se trouvait en zone nationaliste, mais aussi de Pilar, la femme qu’il aimait, qui se rendit au Portugal.

Il mit sa plume au service du parti républicain. Machado fut évacué avec sa mère et son oncle à Valence, puis à Barcelone en 1938. Après la victoire franquiste, ils furent contraints de fuir vers la France. Arrivé à Collioure, à quelques kilomètres de la frontière, épuisé, Machado y mourut le 22 février 1939, trois jours avant sa mère. Machado est enterré à Collioure. Louis Aragon lui rendit hommage dans “ Les poètes ”, chanté par Jean Ferrat : Machado dort à Collioure Trois pas suffirent hors d'Espagne Que le ciel pour lui se fît lourd Il s'assit dans cette campagne Et ferma les yeux pour toujours. RIVES DU DOURO (XI) Je m'en vais rêvant par les chemins du soir. Les collines dorées, les pins verts, les chênes poussiéreux !... Où peut-il aller, ce chemin ? Je m'en vais chantant, voyageur le long du sentier... – le jour s'incline lentement - "Dedans mon coeur était clouée l'épine d'une passion ; un jour j'ai pu me l'arracher : je ne sens plus mon coeur." (…) Lire la suite »

Videla : dictature et Coupe du monde de Football

Bernard GENSANE

Lors de la Coupe du monde de football de 1978 en Argentine, le pays hôte s’est qualifié par un 6 à 0 miraculeux face au Pérou. Cette victoire écrasante a toujours parue suspecte à beaucoup. Mais l’important est que, pendant que l’équipe trouvait le chemin des filets adverses, la dictature torturait et tuait sans répit.

En 1978, le Pérou subit la dictature militaire du général Francisco Morales Bermudez. Il est très vraisemblable que Videla et lui ont scellé un pacte de mort : l’équipe péruvienne prenait une déculotté (les Argentins devaient gagner par quatre buts d’écart pour se qualifier en demi-finale) et Videla s’occupait d’éliminer treize ressortissants péruviens opposés à la dictature. Selon l'ancien sénateur péruvien Genaro Ledesma Izquieta, Buenos Aires s’était engagée, en échange de la victoire, à accueillir ces opposants puis à les faire disparaître au cours d'un "vol de la mort". C’était la première fois que le Pérou rejoignait les régimes qui collaboraient – au sein de l’opération Condor – avec les régimes qui éliminaient leurs opposants politiques (Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Brésil et Bolivie). Capturés pour avoir participé à la grève générale qui parvint à mettre un terme à la dictature péruvienne en mai 1978, les treize opposants péruviens furent emmenés par la force (…) Lire la suite »

Spéculation sur la mort aux États-Unis

Bernard GENSANE

Le capitalisme financier a décidé de tout acheter et de tout vendre : l’eau, l’air, le génome humain, les recettes de grand-mère, les contrepoisons amazoniens à base de plantes. Il achète maintenant les vies et les morts, en s’attaquant aux plus faibles. C’est ce que nous a expliqué tout récemment le magazine de France 3 “ Pièces à convictions ”.

Outre-Atlantique, des personnes âgées revendent leur assurance décès, pour pallier au plus pressé, c’est-à-dire pour se payer des soins qui ne sont pas gratuits parce qu’elles ne disposent pas de la couverture sociale adéquate. Ces assurances sont rachetées à des malades aux abois par des épargnants privés ou, mieux encore, par des fonds d’investissement. Cela peut se passer dans de véritables foires, où il est proposé aux chalands du cancer de la prostate ou du pancréas (une valeur sûre), des problèmes respiratoires, du diabète etc. Dans cette forme de viager moderne, si la personne meurt, l’acheteur touche l’argent de l’assurance. Lorsque le risque a été « réalisé », les bénéficiaires peuvent être informés en ces termes : « Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vous informer que la police 7200490 a expiré plus d’un an avant l’échéance pronostiquée ! » Les spéculateurs proviennent du monde entier, d’Europe, de France. Des banques comme le Crédit Agricole ou Paribas proposent à (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique (mai 2013)

Bernard GENSANE

Dans son éditorial, Serge Halimi veut préparer la reconquête :
Nul ne croit plus que la raison l’emportera sur des politiques d’austérité insensées, ni que la morale préviendra les scandales mêlant argent et pouvoir. Désormais, l’espoir d’un changement de direction repose sur la mise en cause frontale des intérêts en jeu.
Certaines révélations renvoient à ce que nous savions déjà. Venons-nous d’apprendre que des responsables politiques aiment l’argent, fréquentent ceux qui en possèdent ? Qu’ensemble ils s’ébrouent parfois comme une caste au-dessus des lois ? Que la fiscalité dorlote les contribuables les plus fortunés ? Que la libre circulation des capitaux leur permet d’abriter leur magot dans des paradis fiscaux ?

Marc Perrenoud revient sur le décès d’un candidat de Koh-Lanta : “ Épopée culinaire et renaissance entrepreneuriale ” : Le récent décès d’un candidat de « Koh-Lanta » (TF1) a révélé toute la brutalité de la télé-réalité. Cette violence peut aussi être purement morale, comme dans ces émissions culinaires qui donnent une vision à la fois martiale et lénifiante du travail. Au cours de ces dernières années sont apparues en France des émissions de télé-réalité culinaire, comme « MasterChef » (TF1, 2010), « Top Chef » (M6, 2010) ou « Un dîner presque parfait » (M6, 2008). Toutes sont des jeux-concours à élimination rappelant des télé-crochets comme « Star Academy » (TF1) ou « A la recherche de la nouvelle star » (M6). Le vainqueur y gagne un droit d’entrée en or dans l’espace professionnel : en plus de bénéficier d’une exposition médiatique importante, quoique éphémère, il remporte une forte somme d’argent pour ouvrir un établissement, un stage dans une maison prestigieuse, ou, (…) Lire la suite »

L’inoubliable grand-père du roi des Pays-Bas

Bernard GENSANE

L’accession au trône des Pays-Bas de l’épanoui Willem-Alexander et de sa femme, fille d’un ministre du dictateur argentin Videla, me donne l’occasion d’évoquer la mémoire du grand-père du nouveau roi, le prince Bernhard de Lippe-Biesterfeld, et son implication dans l’affaire Lockheed.

Bernhard est né allemand en 1911 dans une famille de haute noblesse. Il est fait prince à l’âge de trois ans (son vrai patronyme est Bernhard Leopold Friedrich Eberhard Julius Kurt Karl Gottfried Peter zur Lippe-Biesterfeld ; tout le monde ne peut pas en dire autant). À 22 ans, il adhère au parti nazi, qu’il quitte trois ans plus tard. Il épouse la princesse héritière Juliana en 1937. Naîtront quatre enfants, dont Beatrix qui vient d’abdiquer en faveur de son fils. Bernhard vivra une longue liaison avec la jeune Hélène Grinda, sœur de Jean-Noël Grinda, ancien grand champion français de tennis (et playboy célèbre) dans les années soixante. De cette liaison naîtra une fille en 1967. Bernhard aura également un ou deux autres enfants illégitimes. Né Allemand, Bernhard fit tout pour devenir un vrai Hollandais, ne s’exprimant, par exemple, que dans la langue du pays. Avec sa femme la Reine Juliana, il contribua à simplifier l’image de la monarchie au Pays-Bas. On parla alors de « (…) Lire la suite »

Vive la banqueroute !, par Thomas Morel, François Ruffin (et al.)

Bernard GENSANE

Elle est bien bonne, celle-là : un livre sur l’économie française écrit par des non-spécialistes, sous l’égide des éditions Fakir ! Il est vrai que les spécialistes sérieux, du style Attali, Baverez, Beytout, Dessertine, Minc (Jacques Marseille est mort) ne se trompent jamais. Pas plus de trois fois par quinzaine, en tout cas.

Autour de Thomas Morel et François Ruffin (qui, de surcroît, osent nous gratifier d’un long entretien avec Frédéric Lordon), on trouve deux étudiants en master, un infirmier au chômage, un apprenti menuisier, une prof d’histoire et un jeune en service civique. Que du pas beau monde, donc, mais qui nous offre un livre furieusement iconoclaste et qui donne à réfléchir. En étudiant quelques épisodes de violente banqueroute vécus par la France (de Philippe le Bel à De Gaulle), cette fine équipe nous dit tout simplement que, face à la faillite, immédiate ou à venir, l’État français a toujours fait ce qu’il voulait, qu’il a changé d’orthodoxie comme d’autres de chaussettes, et que pour se sortir des mauvaises passes où il s’était lui-même engagé, il a fait payer les riches, c’est-à-dire ceux qu’il avait enrichis auparavant. L’État prenait l’argent là où il était vraiment. En compagnie de Frédéric Lordon, nos auteurs nous font observer que, pour la période récente, le libéralisme a (…) Lire la suite »

Une petite crapulerie de Jacques Attali

Bernard GENSANE

Jeudi 25 avril, l’émission "Des Paroles et des Actes" recevait Jean-Luc Mélenchon. Cette émission est un exploit physique et intellectuel. L’invité doit répondre, deux heures durant, sans jamais faiblir, à un feu roulant de questions posées par des interlocuteurs successifs. Il va de soi que Mélenchon est reçu sur ce plateau de manière moins urbaine que d’autres politiques.

Dès sa prise de parole, le tout petit Pujadas (beaucoup de choses furent petites durant ces deux heures) présenta le co-président du Front de gauche en disant qu’il « éructait ». Ce qui signifiait qu’il renvoyait par la bouche des gaz contenus dans l’estomac (éructer appartient à la même famille que rot). Une personne qui éructe est pour le moins excessive : « Dans ce "oh" éructé du fin fond de la gorge, un monde de haine tenait » (Courteline). Mélenchon ne releva pas l’insulte. Nous eûmes droit à la médiocrité de Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France2 (ah, le grotesque de sa séquence people !). Ce cadre important du service public tenta, pendant vingt minutes, de désarçonner Mélenchon à propos de certaines expressions fortes et colorées qu’il affectionne, comme le « coup de balai », qu’il a effectivement utilisé, et le « salopard », prononcé par un de ses camarades et qu’il a assumé. Mélenchon justifia ce terme en expliquant que des ministres européens qui (…) Lire la suite »
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Mourir, la belle affaire...

Patrick Pelloux. On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps

Bernard GENSANE

Il ne faut pas mépriser la petite histoire quand elle renseigne sur la grande. On se souvient du livre fort utile de Jean-Louis Beaucarnot sur les origines, les parcours - souvent très surprenants - des hommes et femmes politiques français.

En racontant, d'une plume alerte et précise, les fins de vie d'une trentaine de personnalités diverses et variées (de Jésus à Fréhel en passant par les soldats morts sur les plages normandes le 6 juin 1944), le médecin urgentiste Patrick Pelloux nous en dit beaucoup sur l'histoire de la médecine française, européenne, sur leurs ratages systémiques, leur nullité historique par rapport à la médecine chinoise et même à la médecine de « bonne femme », c'est-à -dire de bona fama, de bonne renommée. Il fallait être vraiment nul pour soigner Beethoven, victime de saturnisme (plus de cent fois la dose normale), avec des médicaments et des ustensiles bourrés de plomb. Il fallait être sacrément nul, et un peu pervers, pour saigner à tout bout de champ (jusqu'à sectionner des tendons) des malades atteints d'un mauvais rhume ou d'une constipation. Décidément, notre civilisation a bien mal traité les vivants qui allaient mourir… Alors, commençons par Jésus. Il y eut d'abord le supplice sur la (…) Lire la suite »
Joachim Du Bellay

Poésie et exil (14)

Bernard GENSANE

Quand nous étions enfants, et déjà facétieux, nous commencions ce poème par "Heureux qui communiste...".

Du Bellay ne fut pas exilé : il vécut volontairement à Rome, avec un cousin de son père, cardinal. C'est en cette circonstance qu'il écrivit ce magnifique poème sur l'exil. Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son age ! Quand revoiray-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison, Revoiray-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup d'avantage ? Plus me plaist le séjour qu'ont basty mes ayeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaist l'ardoise fine, Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin, Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin, Et plus que l'air marin la doulceur Angevine. Lire la suite »

Amériques latines : émancipations en construction.

Bernard GENSANE

Un livre court mais très dense - comme c’est souvent le cas dans les ouvrages collectifs car chacun donne le meilleur de lui-même - sur « les » Amériques Latines « en construction », en plein chamboulement, dirions-nous.

Le contraste est saisissant entre une Europe soumise, sclérosée, qui s'essouffle sur son erre en s'accrochant à un modèle dépassé, meurtrier pour les humains comme pour la terre, mais qui convient encore à l'hyperbourgeoisie, et des Amériques Latines qui osent, qui cherchent, qui défient, chaque fois qu'elles le peuvent, l'aigle impérial du Nord. Nous sommes dans l'arrière-cour des États-Unis où, des rapports de force ayant changé, des expériences peuvent être mises en oeuvre pour le bien du plus grand nombre. Au début des années 1990, la gauche latino-américaine était à l'agonie, explique Franck Gaudichaud dans son introduction. La social-démocratie se ralliait au néolibéralisme le plus débridé. Mais entre 2000 et 2005, six présidents sont renversés par des mouvements venus de la rue. Plus de dix pays basculent à gauche en guère plus de dix ans. La région n'a cependant pas connu d'expérience révolutionnaire au sens d'une rupture avec les structures sociales du capitalisme (…) Lire la suite »