20 mai 2007.
A l’ initiative de la droite européenne et de Reporters Sans Frontières, nouvelle offensive contre le Venezuela.
Au sujet du projet de résolution qui sera soumis au vote du Parlement européen le 24 mai concernant le non renouvellement de la concession de Radio Caracas Television (RCTV)
Le Parlement européen va être appelé à voter, le 24 mai, une résolution concernant le non renouvellement de la concession autorisant la chaîne privée vénézuélienne RCTV à émettre
Cette initiative, lancée par le Parti populaire européen (PPE) et activement soutenue par le Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (en particulier de son député Jean-Marie Cavada, président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures), est le fruit du lobbying de Reporters sans frontières (RSF) et de responsables de la chaîne privée.
Bien qu’une résolution du Parlement européen n’ait aucune valeur contraignante qui puisse ouvrir la voie à une initiative de l’Union européenne en tant que telle, ce vote aura une valeur symbolique. A travers lui, ses initiateurs et ses commanditaires cherchent, en réalité, à discréditer les pouvoirs publics vénézueliens et exprimer leur hostilité au processus de transformation sociale en cours dans ce pays et dans d’autres pays andins.
Ce sont en partie les mêmes (les membres du PPE) qui, l’an dernier, avaient tenté de s’opposer à la visite du président bolivien Evo Morales au Parlement européen, et qui avaient, mais en vain, demandé l’inscription à son ordre du jour d’une résolution condamnant la violation des droits humains des multinationales de l’énergie nationalisées en mai 2006 par le gouvernement bolivien. ! Il n’est pas non plus inutile de rappeler que, via une de ses agences, le gouvernement américain figure parmi les bailleurs de fonds de RSF.
Dans ces conditions, et dans le souci de garantir un pluralisme de l’information, nous croyons nécessaire de communiquer en annexe des éléments d’information qui présentent le cadre légal et les motivations de la démarche du gouvernement vénézuélien. Ces éléments peuvent permettre de comprendre pourquoi il n’a pas renouvelé la licence d’une chaîne qui n’a pas respecté ses engagements.
Bernard Cassen et Christophe Ventura, membres de l’association Mémoire des luttes et membres de la commission internationale d’Attac.
POURQUOI LA CONCESSION DE RCTV N’EST PAS RENOUVELÉE
1.- Cadre juridique
Au Venezuela, la durée des concessions des opérateurs de télévision a été fixée à 20 ans par le décret N°15771, datant de 1987. Ce décret n’ayant pas été remis en cause par la loi sur les télécommunications en vigueur actuellement, la concession dont bénéficie le groupe 1BC pour la chaîne RCTV vient à terme le 27 mai prochain.
2.- Précédents
Dans aucun pays l’attribution d’une concession à un opérateur ne garantit son renouvellement automatique. Il existe de nombreux antécédents de tels non-renouvellements. En voici quelques uns :
Dans les Amériques :
- Pérou : fermeture de deux chaînes de télévision, pour non-respect de la réglementation en vigueur en avril 2007 · Salvador : révocation de la concession de Salvador Network en 2003 · Canada : révocation de la concession de Country Music Television (CMT) en 1999
- Etats-Unis : révocation de la concession de WLBT-TV en 1969, de WLNS-T en 1981, de Daily Digest en 1998 et de FCC Yanks Trinity License en 1999.
En Europe :
- Espagne : révocation de la concession de TV Laciana, en juillet 2004 et de TV Catolica en 2005
- France : révocation de la licence de TV6 en 1987 et d’Al Manar, en 2004
- Royaume-Uni : révocation de la licence de One TV, d’Auctionworld et de StarDate TV.24 en 2006, de Look 4 love 2 en 2007
3.- Le cas de RCTV
Le 24 janvier 2007, RCTV remettait sa demande pour le renouvellement de sa concession, demande à laquelle le ministère du pouvoir populaire pour les télécommunications et l’informatique répondait par la négative le 29 mars 2007.
En effet, au Venezuela - comme ailleurs -, les concessions sont accordées sur la base d’un cahier des charges précis. Le premier des engagements imposés aux opérateurs est, tout simplement, le respect de la loi.
En 2005, pourtant, RCTV était condamnée pour entente illicite sur les prix et pratique déloyale (résolution SPPLC/0007*2005). En 2003, elle se voyait imposer un redressement fiscal pour fraude sur la période 2001/2003 et janvier 2003. Celui-ci est, pour l’heure, resté impayé.
De plus, trois autres actions judiciaires contre RCTV sont également en cours (dossiers 55.624, 55.625, et 55.626) pour diffusion de publicité directe et indirecte de liqueurs, plus précisément, des bières de marque Regional Light, Polar ICE et Brahma.
Par ailleurs, la chaîne RCTV est celle qui commet le plus d’infractions à la loi sur les télécommunications (non-respect des normes de programmation, diffusion de programmes à caractère violent, pornographique, non-respect des quotas de production nationale, etc.) : 652 infractions entre juin et décembre 2006, contre 469 pour Televen, la seconde chaîne dans ce classement.
RCTV se distinguait déjà par son peu de respect pour la loi vénézuélienne bien avant la première élection de M. Hugo Chavez à la présidence du Venezuela en 1998. Elle fut ainsi condamnée en 1976 à trois jours de fermeture pour diffusion d’informations erronées et tendancieuses contre le président de la République ; en 1980, elle fut fermée pendant 36 heures pour programmation sensationnaliste ; en 1981, elle fut fermée pendant 24 heures pour diffusion de programme à caractère pornographique ; en 1984, elle reçut un blâme pour avoir ridiculisé le Président de la République et son épouse ; en 1989, elle fut fermée pendant 24 heures pour publicité pour le tabac.
Pour finir, la chaîne RCTV a participé activement au processus de « rupture constitutionnelle » à la suite du coup d’état d’avril 2002. En décidant, en avril 2002, comme l’a reconnu publiquement une de ses journalistes de « ne transmettre aucune information sur Chávez, ses partisans, ses ministres ou n’importe quelle autre personne qui pourrait être en relation avec lui », RCTV donnait son blanc-seing à un coup de force anti-démocratique.
En 2005, la chaîne commerciale a mené une campagne active pour inciter les Vénézueliens à ne pas voter aux élections législatives. En 2006, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, elle fut le relais constant de la rumeur concernant la prétendue organisation d’une fraude massive par le gouvernement. Comme on le sait, les nombreuses délégations d’observateurs internationaux (dont celle de mouvements sociaux français) purent constater le caractère parfaitement démocratique et transparent de ce scrutin qui aboutit à la réélection de Hugo Chavez à la présidence de la République avec 62,84% des suffrages exprimés.
L’Observatoire global des médias, organisation indépendante, a par ailleurs dénoncé - preuves à l’appui -, l’utilisation par RCTV d’images subliminales. Selon cette association, la diffusion de messages subliminaux dans des films destinés à des mineurs et dans des tranches horaires protégées, constitue une violation des articles 58 et 108 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela ; de l’article 15 de la loi organique de télécommunications, et des articles 32, 35, 38, 63, 65, 68, 71, 74 et 79 de la loi organique de protection de l’enfant et de l’adolescent (LOPNA).
Telles sont les raisons pour lesquelles le gouvernement vénézuélien, dans le strict respect de la légalité, a décidé de ne pas renouveler la licence de RTCV.
(N.d.l.r. RCTV pourra continuer à émettre son signal par câble, satellite et internet. La fréquence hertzienne ainsi récupérée sera dédiée a des programmes éducatifs et culturels.)
Venezuela : Chávez, les putschistes, la télé et le peuple, par Maxime Vivas.
Affaire RCTV et nationalisation de la CANTV : mensonges médiatiques et éclairage, par Romain Migus.
La guerre de désinformation de Reporters Sans Frontières contre le Venezuela, par Salim Lamrani.