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Auteur : Bernard CASSEN

Avec Jeremy Corbyn, un Parti travailliste au confluent des mouvements sociaux ?

Bernard CASSEN

L’élection, le 12 septembre dernier, de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste britannique a secoué toute la social-démocratie européenne, tant pour la façon de faire de la politique que dans la définition de son contenu.

En préalable, pour disposer d’une vision globale du paysage politique d’outre-Manche, il faut rappeler une caractéristique du système électoral en vigueur : le scrutin uninominal majoritaire à un tour – est élu député le candidat qui a obtenu le plus de voix, même si elles ne représentent pas la majorité absolue – entraîne généralement une forte distorsion entre le score d’un parti et le nombre de sièges dont il disposera. Ce mode de scrutin favorise outrancièrement les deux partis dominants et désavantage les autres qui, malgré une moyenne nationale importante, sortent rarement vainqueurs dans une circonscription donnée. Ainsi, lors des élections législatives de mai 2015, le Parti conservateur a obtenu 331 sièges (sur les 650 de la Chambre des Communes) avec 36,9 % des voix, alors que le Parti travailliste n’en obtenait que 232 avec 30,4 % des suffrages. Soit une différence de 99 sièges pour un écart de 6,5 % ! En fait, les Tories n’ont progressé que de 0,8 % par rapport aux (…) Lire la suite »

Claude Truchot et Bernard Cassen sur le tout-anglais

Claude TRUCHOT, Bernard CASSEN

Angliciste, parlant couramment l’allemand, Claude Truchot est l’un des meilleurs sociolinguistes de France. Il défend depuis bien longtemps l’idée qu’il n’y a d’Europe que multilingue. Il dresse ici un bilan très sombre du tout-anglais dans certaines universités européennes.

En Europe du Nord, le recours à l’anglais a été un moyen de compenser la faible diffusion internationale des langues nationales, considérée comme un handicap pour l’attractivité internationale des universités, notamment lors de la mise en place du programme d’échanges universitaires Erasmus qui a vu les étudiants se tourner en masse vers les universités britanniques, françaises et espagnoles. Pour ce faire, les universités nordiques et néerlandaises se sont appuyées sur une compétence acquise : la connaissance de l’anglais. Ces universités ont ainsi pu attirer une proportion plus importante d’étudiants étrangers. Précisons toutefois que celle-ci reste très largement inférieure à ce qu’elle est en France. En revanche, les effets négatifs sont multiples et de plus en plus mis en évidence : – Les langues nationales disparaissent des enseignements de haut niveau. Aux Pays-Bas, les masters tendent à avoir lieu presque exclusivement en anglais. Ainsi, en 2008-2009 à l’université de (…) Lire la suite »

Hugo Chavez : le témoignage de Bernard Cassen

Bernard CASSEN
Le décès d'Hugo Chavez est une triste nouvelle pour tous les progressistes du monde. En treize ans de présidence, il a changé la face du Venezuela et il a puissamment contribué à réorienter le cours de l'histoire en Amérique latine. Nous aurons, ces prochains jours, l'occasion de dresser un premier bilan de son action et des perspectives qu'il a ouvertes. Ce soir, je voudrais simplement rappeler qu'il fait aussi un peu partie de l'histoire du mouvement altermondialiste, et d'Attac en particulier. En janvier 2003, il était venu à Porto Alegre lors du FSM. Il avait reçu une délégation des Attac du monde (voir photo) en arborant notre badge (voir également photo). Cette même année, il avait facilité la venue et le séjour à Caracas, pour un "sommet" régional, de représentants des différents Attac d'Amérique latine qu'il avait reçus à déjeuner à la présidence. En janvier 2005, à nouveau à Porto Alegre, il s'était adressé à des milliers de participants au FSM dans le grand (…) Lire la suite »
Avec toute la gauche latino-américaine

Lula vote Chavez

Bernard CASSEN
La 18ème Rencontre du Foro de Sao Paulo, qui s'est tenue à Caracas les 4, 5 et 6 juillet, a rassemblé quelque 600 représentants d'une centaine de partis progressistes et de gauche de l'ensemble de l'Amérique latine et de la Caraïbe (dont certains au pouvoir dans une dizaine de pays), ainsi que des observateurs des autres continents. Parmi ces derniers, des délégués du Parti de la gauche européenne (PGE), dont son président, Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, et Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche et ancien candidat du Front de gauche à l'élection présidentielle. Cette rencontre s'est tenue dans le contexte des manoeuvres, ouvertes ou souterraines, de déstabilisation des gouvernements et dirigeants progressistes en cours dans la région depuis plusieurs années (Bolivie, Honduras, Equateur) et dont la dernière manifestation en date a été le coup d'Etat « constitutionnel » au Paraguay contre le président élu, Fernando Lugo. Mais c'est évidemment l'élection (…) Lire la suite »

l’Amérique latine se consolide à gauche

Bernard CASSEN

Bernard Cassen, président d’honneur d’ATTAC et secrétaire général de Mémoire des luttes, analyse les mesures progressistes prises par les gouvernements d’Amérique latine, qui s’installent entre la gauche et le centre gauche. Victime de campagnes de désinformation et de dénigrement par les grands médias, le continent le plus stable du monde selon Cassen, où « l’intégration passe moins par l’économique que par le politique », insiste-t-il, devrait servir d’exemple à l’Europe.

L'Amérique du Sud est en train de sortir du libéralisme ? C'est un bien grand mot. Même si le socialisme du XXIème siècle est revendiqué comme objectif, il y a plutôt une convergence vers un modèle de type social-démocrate (celui de l'Europe des années d'après-guerre), sans remise en cause globale et immédiate du capitalisme et de l'économie de marché. Ce qui prime est la volonté d'éliminer la pauvreté et de réduire les inégalités, même si on est très loin d'y être arrivé complètement, de redistribuer les richesses, de récupérer les ressources naturelles, le tout s'accompagnant d'une prise de distance vis à vis du libre-échange. L'Amérique latine s'installe entre la gauche et le centre gauche. A partir du début des années 2000, l'objectif prioritaire des luttes de tous les mouvements sociaux latino-américains a été de mettre un coup d'arrêt au projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou ALCA en espagnol et en portugais), de l'Alaska à la Terre de Feu, impulsé par (…) Lire la suite »

La démondialisation, suite logique de l’altermondialisme

Bernard CASSEN

Inventeur du concept en 1996, Bernard Cassen, secrétaire général de Mémoire des luttes, et président d’honneur d’Attac, explique pourquoi les mots doivent parfois attendre leur heure et pourquoi celle de la démondialisation est venue. Contrairement à ce que prétendent certains dirigeants d’Attac, la démondialisation n’est pas antonique avec l’altermondialisme.

Face à un phénomène nouveau, les mots se bousculent pour le désigner jusqu'à ce que l'un d'entre eux finisse par s'imposer. C'est ce qui est arrivé, en français, avec le terme « altermondialisme ». Il est entré dans le champ politique en 2001-2002. Il désigne la nébuleuse mondiale d'organisations et de réseaux qui se sont reconnus peu ou prou dans le slogan des Forums sociaux mondiaux, « Un autre monde est possible », repris de l'association Attac (créée en juin 1998) qui l'avait elle-même emprunté au titre d'un article d'Ignacio Ramonet dans Le Monde diplomatique de mai 1998. Il est intimement lié aux moments de haute visibilité médiatique qu'ont été les Forums, depuis celui de Porto Alegre de 2001, et les grandes manifestations contre l'OMC, le FMI, la Banque mondiale, etc., depuis Seattle en décembre 1999. « Altermondialisme » a succédé à « anti-mondialisme », concrétisant le passage d'une posture de simple refus de la mondialisation libérale à la mise en avant de politiques (…) Lire la suite »

Le libre-échangisme, machine de guerre contre les systèmes de protection sociale.

Bernard CASSEN

(Communication au colloque « Convergences pour dépasser le libre-échange » organisé le 10 avril à Paris par l’association Un monde d’avance. La gauche décomplexée.)

Il y a toujours un temps de retard entre le vote des traités ou des lois, leur mise en oeuvre et la perception qu'en ont ensuite les citoyens. C'est la loi du genre, mais cela peut aussi être une tactique délibérée pour avancer masqué dans des domaines sensibles. C'est effectivement ce qui s'est passé avec la plupart des décisions européennes de libéralisation tous azimuts, dont on n'a mesuré les effets désastreux que bien longtemps après leur adoption. La quasi totalité des responsables politiques se réclamant de la gauche de gouvernement le savent parfaitement, mais rares sont ceux disposés à l'admettre publiquement. Cela reviendrait en effet pour eux à abjurer ce qu'ils ont encensé, à faire leur autocritique publique et à sortir du « politiquement correct européen » hors duquel on nous serine que toute ambition présidentielle est par avance vouée à l'échec en France. Heureusement, les libéraux n'ont pas de ces pudeurs. Eux, au moins, n'hésitent pas à afficher la couleur. (…) Lire la suite »

Grèce, euro : le carcan des traités

Bernard CASSEN
Les plans de « sauvetage » financier de la Grèce aujourd'hui - sans doute de l'Espagne et du Portugal demain, et d'autres Etats après-demain - n'ont nullement pour objet de « sauver » un pays. Il s'agit d'éviter à tout prix l'effondrement d'une construction monétaire, l'euro, et, par voie de conséquence, celui des fondements idéologiques de la construction européenne. La décision de créer une monnaie unique européenne, principale disposition du traité de Maastricht de 1992, constituait un défi à la logique. Elle imposait en effet la même politique monétaire à des économies aussi différentes que, par exemple, celles de l'Allemagne et de la Grèce. Par définition, cette politique, quelle qu'elle soit, pouvait seulement servir un intérêt national particulier - structurel ou conjoncturel -, et donc desservir d'autres intérêts nationaux. En l'occurrence ce sont les intérêts allemands, et eux seuls (un euro « fort » remplaçant un mark « fort »), qui présidèrent à sa définition. L'euro (…) Lire la suite »
A la « Catho », hommage au cardinal putschiste de Tegucigalpa et à l’ancien directeur général du FMI

Le sabre, le goupillon et la salle de marchés

Bernard CASSEN

On aurait aimé que ce soit un canular, mais c’est une information vérifiée : le 24 novembre prochain aura lieu à Paris une cérémonie dont le casting est proprement ahurissant au regard de l’actualité française et internationale.

Ce jour-là , le cardinal archevêque de Tegucigalpa, Oscar Rodriguez Maradiaga, et l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus, recevront les insignes de docteur honoris causa de l'Institut catholique de Paris. Et leur panégyrique (Laudatio) sera prononcé respectivement par Monseigneur Hippolyte Simon, archevêque de Clermont, et Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE). Il faut vraiment croire que les puissances invitantes, à savoir le cardinal André Vingt-Trois, et le recteur de l'Institut, Pierre Cahné, vivent sur une autre planète pour oser mettre en scène publiquement cette nouvelle alliance du sabre, du goupillon… et de la salle de marchés. On ose espérer que l'invitation au cardinal Maradiaga reposait sur l'image « progressiste » que le prélat avait su se donner ces dernières années, notamment lors de sa candidature à la succession de Jean-Paul II. Mais les autorités de l'Institut catholique auraient dû (…) Lire la suite »

Le Gouvernement de Francfort

Bernard CASSEN
Le résultat le plus significatif des élections au Parlement européen a été le caractère massif de l'abstention : 56, 9 % en moyenne dans les 27 Etats membres de l'Union européenne (UE), avec des pics de 80 % en Slovaquie et en Lituanie. En étant si peu nombreux à se rendre aux urnes, les citoyens ont manifesté au mieux leur indifférence et au pire leur hostilité à l'égard des institutions communautaires, et pas seulement du Parlement. C'était pourtant l'unique occasion dont ils disposaient d'influer si peu que ce soit sur des politiques européennes dont découlent directement les politiques nationales, et qui les affectent donc directement. On ne leur demande pas leur avis sur les propositions d'actes législatifs européens dont la Commission a le monopole, et encore moins sur les décisions que prennent deux institutions dotées de considérables pouvoirs : la Cour de justice des Communautés européennes et la Banque centrale européenne (BCE). En 2008, la Cour de Luxembourg, (…) Lire la suite »