RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
12 

Vietnam : Un témoignage historique de la sauvagerie de Washington (21st century wire)

My Lai. My Son... Cette histoire est courte, mais elle est révélatrice. Et j’ai voyagé loin, pour la présenter à mes lecteurs.

Le hameau de My Lai, au centre du Vietnam, est peut-être l’un des endroits les plus horribles et les plus symboliques du monde, comme Nankin ou Auschwitz. Il montre clairement à quel point la guerre peut être monstrueuse et à quel point les occupants peuvent devenir impitoyables et épouvantables.

C’est aussi un lieu que nous devrions avoir sur les lèvres maintenant, quand il apparaît que l’"Empire" dirigé depuis Washington est à nouveau prêt à attaquer plusieurs pays, partout dans le monde.

Mais le président Donald Trump est-il une anomalie folle, ou simplement la continuation de dirigeants impitoyables et sadiques ?

Pour répondre à cette question, je suis retourné au Vietnam, un pays qui était mon foyer, il y a presque deux décennies.

Situé près de la ville de Quang Ngai, le village de My Lai est à environ 150 kilomètres au sud de Danang, et il n’apparaît même pas sur la plupart des cartes du Vietnam. Si petit, si humble. Et pourtant, et pourtant...

Selon Oliver Kendrick et son ouvrage, "The My Lai Massacre in American History and Memory" [Manchester University Press, 2006] :

"Le matin du 16 mars à 7h30, une centaine de soldats de la compagnie Charlie dirigée par le capitaine Ernest Medina, après un court barrage d’artillerie et d’hélicoptères, ont débarqué en hélicoptère sur Sơn Mỹ, un patchwork de villages, de rizières, de fossés d’irrigation, de digues et de chemins de terre, reliant un assortiment de hameaux et de sous-hameaux. Les plus grands d’entre eux étaient les hameaux Mỹ Lai, Cổ Lũy, Mỹ Khê, et Tu Cung..."

Ce qui a suivi a été un massacre, de la plus monstrueuse espèce. Un massacre d’enfants, d’adultes et de personnes âgées.

Pour décrire ce qui s’est passé, les sources vietnamiennes ont utilisé un langage très différent de celui de M. Kendrick. Ceci fait partie d’une transcription publiée par le Comité du Front de libération nationale de la province de Quang Ngai, datée du 25 mars 1968 :

"Tôt le matin du 16 mars 1968, comme tous les autres matins normaux, les habitants de la commune de Son My... commençaient une journée de production, soudain l’artillerie ennemie depuis la montagne Ram... tire pendant des heures... Suite à cela, neuf hélicoptères américains se posent à trois reprises autour de deux petits villages. Après avoir quitté les avions, les GI, comme des bêtes sauvages, se sont précipités dans les villages pour tuer tout le monde. Ils sont divisés en trois groupes : un pour tuer, un pour brûler les maisons, un pour couper les arbres et tuer les animaux..."

500 personnes sont mortes. 500 civils innocents. Personne n’a même ouvert le feu sur les hélicoptères américains qui arrivaient. Il n’y avait pas d’hommes armés au sol. Les civils vietnamiens étaient juste là, vivant leur vie, s’occupant de leurs champs.

Le massacre était systématique, sadique et a duré des heures.

Personne n’a été épargné : les vieilles femmes, les bébés, personne.

Un seul soldat américain a refusé de participer, un Afro-Américain qui s’est délibérément tiré une balle dans le pied. D’autres ont manifestement apprécié leur monstrueuse entreprise. Des photographies historiques en noir et blanc exposées au musée local, montrent des GI américains se reposant après avoir commis un meurtre de masse : couchés dans l’herbe, souriant, plaisantant, contents.

Pas une seule personne n’est allée en prison. Certains individus ont été décorés. L’Empire est bon pour ses tueurs et ses violeurs.

Le président des États-Unis, au moment où le massacre a eu lieu, était Lyndon B. Johnson (LBJ), un Démocrate. Cela n’avait pas beaucoup d’importance. Des crimes contre l’humanité ont été commis par son prédécesseur JFK (Démocrate), ainsi que par son successeur Richard Nixon (Républicain). Ils sont actuellement commis par l’administration actuelle de Donald Trump.

Cela répond en quelque sorte à la question rhétorique que j’ai posée plus haut. Une question sur Trump.

Il faut se souvenir de tout cela. Il faut garder tout cela dans son contexte.

Cette année, en 2020, et juste avant le début de la favorable "Année du Rat" (selon le calendrier chinois), j’étais le seul étranger à rendre hommage aux victimes du massacre de My Lai. Le seul.

Il n’y avait qu’un seul voyageur vietnamien, assis sur un banc, devant les ruines d’une des maisons de May Lai. Il reposait la tête dans ses paumes, en proie au chagrin. Peut-être n’était-il pas un voyageur, après tout. Peut-être était-il un parent de ceux qui sont morts ici, il y a un demi-siècle.

Je me demande pourquoi personne n’est venu. Comme c’est malsain et révélateur que personne n’était là. Sur les milliards d’habitants de cette planète, personne ne s’est soucié de venir ici.

Les GI ont tué des millions de personnes, dans toute l’Asie du Sud-Est. Au Vietnam, au Cambodge et au Laos. Les B-52 ont bombardé tout ce qui bougeait. Les soldats sur le terrain ont violé des enfants, massacrant des personnes âgées avec sadisme. On me disait souvent : "My Lai n’est pas la plus terrible atrocité commise par les États-Unis au Vietnam. Il y eut des milliers d’endroits comme ça". Je sais... Pourtant, My Lai, ainsi que le massacre de No Gun Ri en Corée du Sud (où les forces américaines ont massacré un nombre indéfini de réfugiés) sont censés être les symboles des crimes américains contre l’humanité.

Alors pourquoi ; pourquoi personne n’est là, pourquoi personne ne se souvient ?

A quelques centaines de kilomètres au nord - My Son.

Lorsque je vivais au Vietnam, en visitant le grand site archéologique de My Son, je devais laisser ma voiture à l’entrée, et prendre un 4x4 militaire vietnamien. C’est parce que toute la zone était un champ de mines, même des décennies après l’arrêt des campagnes américaines de bombardements massifs.

My Son est un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, et voici ce que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture en dit, sur son site web :

"Entre le 4e et le 13e siècle, une culture unique qui devait ses origines spirituelles à l’hindouisme indien s’est développée sur la côte du Viet Nam contemporain. Ceci est illustré de manière graphique par les vestiges d’une série de temples-tours impressionnants situés dans un site dramatique qui a été la capitale religieuse et politique du royaume du Champa pendant la majeure partie de son existence..."

Son importance ne l’a pas sauvé des bombardements sauvages de l’armée de l’air américaine, pendant la guerre du Vietnam (appelée plus précisément "La guerre américaine" au Vietnam).

Aujourd’hui encore, toute la zone est parsemée de cratères, et les visiteurs sont dissuadés de s’aventurer hors des sentiers battus, car il y a des tonnes de bombes à fragmentation non explosées dans toute la zone.

Les cratères sont marqués. Mais dans le musée financé par le gouvernement japonais, il n’est pas fait mention de la barbarie culturelle américaine. Il n’y a que très peu de photos des conséquences, et presque aucun commentaire. Le financement par les auteurs des génocides d’Asie du Sud-Est et leurs alliés est soumis à une condition : le silence. Et le Japon s’est engraissé et enrichi grâce à sa collaboration avec l’Occident, tant pendant la guerre de Corée que pendant celle du Vietnam.

My Son énonce clairement ce que le peuple d’Iran et d’autres endroits sur terre, au début du 21e siècle, ont peur ne serait-ce que d’imaginer : les États-Unis peuvent bombarder et même liquider à intervalles régulières d’importants sites et centres du patrimoine culturel... et même des sites du patrimoine mondial, situés sur les territoires des États qu’ils définissent comme leurs ennemis et leurs adversaires. La clique militaire de Washington le fait contre toutes les conventions internationales, et en toute impunité. Elle le fait sans aucune raison militaire, juste par dépit.

Trump n’est pas simplement en train de faire le vantard, ni même intimider. D’autres, avant lui, l’ont déjà fait, ils ont osé. Et il n’hésiterait pas à refaire la même destruction.

My Lai et My Son, au centre du Vietnam. Deux histoires différentes, deux atrocités. L’une contre le peuple, l’autre contre la culture.

Deux endroits littéralement perdus dans l’une des plus belles campagnes d’Asie du Sud-Est. Deux endroits habités par des gens ayant une culture ancienne.

Mais la profondeur de la culture importe très peu à l’Empire. Que ce soit les cultures du Vietnam ou du Cambodge, de l’Indonésie, de la Syrie, de l’Iran ou de la Chine. Le Washington fondamentaliste n’accepte qu’une soumission complète et inconditionnelle. Lorsque ce n’est pas le cas, un pays, son peuple et ses sites patrimoniaux sont bombardés. Une logique similaire à celle des Talibans dynamitant les Bouddhas de Bamyan, ou de DAECH saccageant Palmyre, est appliquée par l’Empire.

Ainsi, chaque fois que Washington s’apprête à dévorer sa prochaine victime, je me rends au Vietnam. C’est parce qu’en étant ici, les choses se mettent en perspective d’une certaine manière.

Le Vietnam communiste jouit de son indépendance. Il a énormément souffert, mais il s’est relevé et a combattu. Il a d’abord vaincu les colonialistes français, puis les impérialistes américains. Il a perdu des millions de personnes, mais il a sauvé son pays pour les générations futures.

Si le Vietnam a pu, d’autres le peuvent aussi.

Bien que nous connaissions de nombreux récits déchirants de My Lai, y compris divers témoignages locaux ainsi que des analyses étrangères, très peu ont accès à ce qui a suivi, dont la Déclaration urgente du 25 mars 1968 du Comité du Front de libération nationale du centre du Vietnam :

"Le Front de Libération Nationale du Centre-Vietnam dénonce les crimes violemment atroces de l’agresseur américain et des mercenaires sud-coréens... il envoie des témoignages de tristesse aux familles massacrées par les soldats américains et appelle le peuple à transformer la douleur en action, à contribuer avec toute l’énergie du peuple à l’extermination de l’ennemi. Tout le peuple, les cadres et les soldats gravent cette douleur dans leur esprit pour transformer la haine vindicative en force. Continuer à attaquer, se soulever pour anéantir les soldats américains, les Quisling, les vassaux. Punir le voyou, porter des coups mortels à l’agresseur américain..."

La déclaration se termine par un appel à l’indépendance.

Une indépendance, qui a finalement été obtenue.

D’une certaine manière, j’ai toujours pensé que cette déclaration devait être enseignée dans les écoles, partout dans le monde. De nos jours, presque personne n’ose utiliser cette logique simple mais déterminée. La grammaire n’est peut-être pas parfaite, mais le message est clair. Un pays peut se défendre contre le mal, quelle que soit l’ampleur du mal. Et il peut gagner, contre toute attente.

S’il est déterminé, s’il est courageux et s’il fait passer son idéologie et son indépendance avant tout.

Aujourd’hui, le Vietnam est une étoile brillante de l’Asie du Sud-Est, sans bidonvilles et l’une des populations les plus optimistes de la planète.

Il contraste de façon frappante avec des endroits aussi horribles que l’Indonésie, où l’impérialisme occidental a vaincu le socialisme, ruinant ainsi l’environnement et maintenant la majorité des gens dans la misère.

Nous devrions célébrer l’héroïsme du Vietnam. Mais nous ne devrions jamais oublier que des millions de personnes sont mortes en luttant pour sa liberté.

André Vltchek

Traduction "ni oubli ni pardon" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» https://21stcenturywire.com/2020/01...
URL de cet article 35641
   
Même Auteur
Point de non-retour
Andre VLTCHEK
LE LIVRE : Karel est correspondant de guerre. Il va là où nous ne sommes pas, pour être nos yeux et nos oreilles. Témoin privilégié des soubresauts de notre époque, à la fois engagé et désinvolte, amateur de femmes et assoiffé d’ivresses, le narrateur nous entraîne des salles de rédaction de New York aux poussières de Gaza, en passant par Lima, Le Caire, Bali et la Pampa. Toujours en équilibre précaire, jusqu’au basculement final. Il devra choisir entre l’ironie de celui qui a tout vu et (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

(CUBA) "Tant qu’il y aura l’impérialisme, nous ne pouvons nous permettre le luxe du pluri-partisme. Nous ne pourrions jamais concurrencer l’argent et la propagande que les Etats-Unis déverseraient ici. Nous perdrions non seulement le socialisme, mais notre souveraineté nationale aussi"

Eugenio Balari
in Medea Benjamin, "Soul Searching," NACLA Report on the Americas 24, 2 (August 1990) : 23-31.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.