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Le Monde contre la renaissance du cinéma au Vénézuéla.









Écran nègre, nuit blanche pour les élites.


Caracas, 6 juillet 2007.


Caracas, juillet 2007. La chaîne commerciale RCTV revient sur le câble avec sa programmation habituelle. La "fermeture de la dernière télévision indépendante par Chavez" vaut donc ce que valait le "Salvador Allende ennemi de la liberté d’expression" de 1973. Le lecteur du Monde ne le saura jamais. Au Venezuela, en juillet 2007, l’opposition possède l’écrasante majorité des médias et le quotidien français n’est que le calque de ce monopole. Les "enquêtes" et les "preuves" du Monde sur la corruption de Chavez fleurissent depuis huit ans dans le moindre kiosque á journaux. Le dénigrement de la démocratie participative et la dénonciation de la "militarisation du régime" sont retransmis du matin au soir par des centaines de radios commerciales. L’exclusion par le Monde des trois quarts de la population reproduit le racisme de Globovision, Venevision, Televen, RCTV et autres chaînes qui occupent 80 % des ondes.

Une des caractéristiques de la révolution bolivarienne est la lente récupération populaire des droits politiques, économiques, sociaux, culturels. Asphyxié par le néolibéralisme des années 80 le cinéma latino-américain avait vu ses écoles privatisées, ses studios bradés, ses remparts légaux démontés. "Comment accepter que les huit plus grands studios d’Hollywood se répartissent 85 % du marché mondial du cinéma et occupent 98 % de l’offre en Amérique Latine ?" a demandé le président Chavez en inaugurant le 3 juin 2006 une de ses promesses électorales, la Villa del Cine. Quinze mini studios, deux grandes salles complètement équipés, un centre de haute technologie pour la post-production, des formations permanentes. Les cinéastes vénézuéliens(ne)s peuvent enfin résister à la dictature d’Hollywood en réalisant sur place les activités sous-traitées à l’étranger.

Parmi les projets, un film sur Francisco de Miranda, philosophe et combattant des révolutions nord-américaine et française, héros de l’indépendance latino-américaine ; le "Général dans son labyrinthe" de Gabriel Garcà­a Marquez ; une série sur Ezequiel Zamora, le Zapata vénézuélien ; plusieurs long-métrages de fiction ; quelques centaines de documentaires culturels ou sociaux. Le Ministre de la Culture Farruco Sesto multiplie plateformes de création, de formation et de diffusion cinématographiques avec un slogan, "le peuple est la culture" . L’État a attendu l’expiration légale en mai 2007 de la concession d’une chaîne commerciale pour créer Tves, une télévision de service public, éducative, informative et culturelle. La Cinémathèque Nationale inaugure 120 salles communautaires dans les villages paysans ou indigènes, jusqu’au bord des fleuves du vaste Venezuela, pour que les éternels exclus se libèrent de la prison du DVD nord-américain et accèdent aux meilleures oeuvres du cinéma mondial.

C’est ici que le Monde entre "en action" . Le titre est prêt : "Chavez fait son cinéma" (16/06/07). Le "reportage" de l’envoyé spécial Paulo Paraguana commence par une exclusion. Il n’y aura nul contact avec le public populaire des nouvelles salles de cinéma. Il n’y aura nulle entrevue avec l’un ou l’autre des scénaristes, acteurs ou actrices, techniciens, cadreurs, preneurs de son, producteurs indépendants engagés dans l’aventure. Pour la caution locale, Paulo Paranagua préfère contacter Oscar Lucien, un sociologue qu’on a vu en 2003, aux côtés d’un militaire putschiste, dans un colloque destiné á démontrer les "mensonges" du film de Kim Bartley sur le coup d’État contre Chavez (documentaire couronné par douze prix internationaux - voir le film st-f) [1]. Familier des plateaux de la télé vénézuélienne, il y dénonce constamment la "dictature du lieutenant-colonel-castro-communiste" et "l’absence de liberté d’expression" . Il n’aime pas la Villa del Cine et il a de bonnes raisons pour cela. Président d’un club "d’auteurs" d’où sont exclus la plupart des travailleurs du cinéma, Oscar Lucien est un nostalgique de l’époque où l’on se partageait "en famille" les budgets de l’État. Sa pensée se résume facilement : si l’État ne finance plus l’élite, c’est qu’il est devenu totalitaire. Dans El Nacional du 29 juin 2006, il critique la naissance de Tves, télévision de service public, sur l’ancienne fréquence hertzienne de la chaîne commerciale RCTV : "Celui qui rentrait tôt chez lui pour voir "Qui veut être millionnaire ?" , la femme qui distribuait fébrilement le dîner pour se plonger dans les péripéties de la telenovela (...), celui qui savourait tous les dimanches une superproduction d’Hollywood, tous ressentent un sentiment de dénuement, d’arbitraire" . Il est vrai que la directrice de la nouvelle TVes est une passionnée de culture afro caraïbe et que les collègues d’Oscar Lucien, comme Marta Colomina, déplore la "négritude" de la chaîne.

De tous les projets de la Villa del Cine, celui qui irrite le plus Paulo Paranagua et son "témoin" , c’est une coproduction sur Toussaint Louverture, héros de la révolution haïtienne á la fin du XVIIIe siècle. Le projet est porté par le militant et président du Transafrica Forum, l’acteur Danny Glover (photo), qui prépare également un film sur Frantz Fanon. Une initiative saluée par le président haïtien René Préval : "Toussaint Louverture incarne la première révolte victorieuse contre l’esclavage dans cet hémisphère. C’est notre contribution à l’humanité. Si Glover peut la porter à l’écran, nous serons heureux". Pour Glover, il s’agit d’éduquer les Américains sur un "chapitre effacé de l’Histoire". Pour les Vénézuéliens de la Villa del Cine, c’est une dette fondamentale vis-à -vis d’Haïti. L’appui décisif de la République des Jacobins Noirs pétris des idéaux de la Révolution Française, avait permis á Simon Bolà­var d’émanciper de l’empire espagnol les futures républiques de Bolivie, du Pérou, de Colombie, d’Equateur et du Venezuela.

Paranagua dénonce une connivence entre Danny Glover et Hugo Chavez. Oscar Lucien s’insurge contre une "dépense scandaleuse qui équivaut à cinq budgets de la Villa del Cine" . L’envoyé du Monde omet de dire que l’argent ne provient pas du budget de la Villa mais d’une dotation extraordinaire accordée par l’Assemblée Nationale en vertu de l’importance historique du projet. Que plus de la moitié de l’équipe de tournage sera vénézuélienne. Que le film sera tourné entièrement au Venezuela. Lequel, en tant que partenaire majoritaire, recevra une bonne part des recettes du film.

Louverture, Préval, Chavez, Glover. Écran nègre, nuit blanche pour les élites. Les serveurs noirs des cocktails festivaliers sont pressés de passer derrière la caméra, comme s’ils avaient des choses urgentes á dire. Le président équatorien Rafael Correa, dont le gouvernement s’apprête lui aussi á démocratiser le spectre hertzien et les ressources du cinéma, avait prévenu : "nous ne vivons pas une époque de changements mais un changement d’époque" .

Thierry Deronne, Licencié en Communications Sociales (IHECS,
Bruxelles).
Vice-président de la télévision publique Vive TV, Caracas.



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[1- Film st-f.. Chavez (MVR) est élu en 1998 dès le premier tour avec 57 % des voix, en 2000 avec 59,5% des voix (et en 2006 avec 63 % voix toujours dès le premier tour).
Le 12 avril 2002, un coup d’État est organisé contre le Parlement élu et la coalition au pouvoir(MVR,Podemos,PPT,MEP,PCV).

Il est préparé par les cadres de la compagnie pétrolière du Venezuela, ainsi que par des dirigeants militaires, avec la complicité des propriétaires des chaînes privées de télévision et de l’ambassade des États-Unis à Caracas. Une manifestation de l’opposition organisée et fomentée par les médias privés se dirige vers le palais présidentiel de Miraflores. Au niveau du pont "Llaguno", de mystérieux snipers postés sur les édifices alentours ouvrent le feu sur la foule, faisant 15 morts tant du coté de l’opposition que du coté des partisans de Chavez.

Dans la soirée, un groupe de militaires demande à Hugo Chávez de démissionner, mais il refuse. Cependant Chavez accepte de quitter Miraflores suite à un ultimatum du commandement militaire putchiste menaçant de faire exploser le batiment avec tout le personnel à l’intérieur. Hugo Chávez est arrêté et emmené dans un lieu secret et un nouveau gouvernement autoproclamé est mis en place. Pedro Carmona, président de la chambre de commerce du Venezuela, en prend la tête. Il a été reçu, quelques temps auparavant, à la Maison Blanche et par le Premier ministre espagnol, José Maria Aznar.

Quelques États, notamment les États-Unis et l’Espagne, reconnaissent le nouveau régime, en poussant leur ambassadeur respectif à se rendre auprès de Pedro Carmona. Le lendemain, malgré un ’black out’ médiatique établi par les putschistes en place, a lieu une manifestation massive de la population de Caracas. La junte militaire en place y répond par une répression policière féroce faisant 60 morts et plus de 300 blessés.

Malgré tout Carmona est renversé par la puissance du mouvement populaire, et le vice-président Diosdado Cabello assume l’intérim de la présidence, jusqu’à ce qu’Hugo Chávez soit localisé, puis libéré. Ces événements sont filmés par des journalistes d’une chaîne irlandaise Radio Telifà­s Éireann, qui étaient sur place pour tourner un reportage sur le programme d’Hugo Chávez.


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