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L’insoutenable attente près du téléphone : Human Rights Watch dénonce encore une fois Hugo Chavez

Human Rights Watch (HRW) a récemment publié un rapport de 230 pages sur le Venezuela intitulé « Une décennie sous Chavez : intolérance politique et occasions perdues pour améliorer les droits de l’homme au Venezuela ».

Dans un communiqué de presse relatif à ce rapport, le directeur de HRW Amériques, Jose Miguel Vivanco, a déclaré que « plutôt que de renforcer la protection des droits de l’homme », le gouvernement Chavez « a fait le contraire en sacrifiant les garanties élémentaires au détriment de son programme politique. »

Une des révélations du rapport est si explosive qu’elle mérite d’être citée dans son intégralité :

« Des officiels du gouvernement ont régulièrement refusé ou se sont abstenus de répondre aux demandes d’information formulées par les journalistes. Selon une enquête d’Ultimas Noticias, un journal généralement pro-gouvernemental, les journalistes ont rencontré des obstacles pour obtenir des informations telles que les statistiques de la police sur la criminalité, sur les juges et les officiels des tribunaux, les hôpitaux, les entreprises d’état telles que PDVSA, le bureau du contrôleur général et différents ministères…

Selon un rapport publié par le journal El Mundo, en 2007, seuls 37,5 pour cent des officiels ont répondu aux demandes concernant des données officielles émanant de journalistes d’investigation. Le délai d’attente moyen était de 38 jours, soit le double du maximum légal. Par exemple, un journaliste a contacté le Ministère de la Planification et du Développement pour obtenir des informations sur les salaires des fonctionnaires. Il a fallu sept mois, trois courriers, et un changement de vice-ministre avant d’obtenir une réponse… » (1)

J’ai une pensée émue pour ces journalistes qui n’ont pas reçu de réponses - ou qui ont du attendre jusqu’à sept mois avant d’en recevoir. Les partisans de Chavez souligneront sans doute que HRW n’enquêtait pas sur les atrocités commises par le gouvernement colombien, soutenu par les Etats-Unis, et que le rapport ne mentionne rien de tel mais c’est parce que ces gens-là ne comprennent rien à l’agonie vécue par un journaliste lorsqu’il est ignoré. Je le sais parce que ça fait des années que j’écris et que je téléphone à HRW et je n’ai jamais reçu de réponse. Mon taux de réussite est de zéro pour cent - bien pire que celui d’El Mundo - alors je peux comprendre leur douleur. (2)

HRW a aussi découvert que « le Venezuela connait un débat public vivant où les partisans et adversaires du gouvernement partagent équitablement le temps de parole ». Il a dit que le gouvernement Chavez a fortement augmenté le soutien financier aux radios communautaires et que « une large majorité des radios communautaires soutiennent le gouvernement de Chavez. Cependant, elles ne sont pas politiquement homogènes et ne se privent pas de critiquer. » Rien de ce qui précède, évidemment, ne devraient détourner notre attention de la souffrance endurée par ces journalistes qui attendent une réponse sur les salaires des fonctionnaires.

Maintenant que HRW a dénoncé les graves violations des droits de l’homme relatives aux questions sans réponse, peut-être pourraient-ils enfin répondre à quelques questions :

1) Lorsque Chavez fut renversé par un coup d’état qui a duré deux jours en 2002, pourquoi est-ce que les déclarations officielles de HRW ont évité de faire ce qui semblerait évident, à savoir dénoncer le coup d’état, appeler les autres pays à ne pas reconnaitre le régime, invoquer la charte de l’OEA, et (particulièrement si HRW est basée à Washington) réclamé une enquête sur le rôle des Etats-Unis dans le coup d’état ?

2) Dans la même veine, lorsqu’un coup d’état renversa le gouvernement démocratiquement élu d’Haïti en 2004, pourquoi est-ce que HRW ne l’a-t-il pas condamné, n’a pas appelé les autres pays à ne pas reconnaître le régime, n’a pas invoqué la charte de l’OEA, n’a pas réclamé une enquête sur le rôle des Etats-Unis ? La plupart de ces gestes ont été effectués par la Communauté des Nationas Caribéennes (CARICOM). Un tiers de l’Assemblée Générale de l’ONU a demandé une enquête sur le renversement d’Aristide. Pourquoi ces pays n’ont-ils pas reçu le soutien de HRW ?

3) depuis 2004, pourquoi HRW a-t-elle écrit 20 fois plus sur le Venezuela que sur Haiti malgré le fait que le coup d’état à Haïti a crée une situation catastrophique pour les droits de l’homme où des milliers d’assassinats politiques ont été perpétrés et les prisons sont remplies de prisonniers politiques ? Le système judiciaire haïtien est engorgé de dossiers en souffrance depuis le coup d’état. Les effets du coup d’état sont révélés par un récent jugement prononcé par la Cour Inter-Américaine des Droits de l’Homme (IACHR) qui réclame l’abandon des poursuites contre Yvon Neptune et le versement d’indemnités pour ses deux années d’emprisonnement illégaux. (3) HRW n’a pas demandé publiquement au gouvernement haïtien de respecter ce jugement, ni exercé de pression publique sur le gouvernement pour mener une enquête sur la disparition de Lovinsky Pierre Antoine, un militant connu des droits de l’homme. (4)

4) Pour HRW n’a-t-elle jamais écrit un seul mot de soutien au père Gérard Jean-Juste, le plus célèbre prisonnier politique d’Haïti depuis le coup d’état ? Même après qu’Amnesty International l’ait désigné « prisonnier de conscience » et participé à une campagne internationale demandant sa libération et l’obtention de soins pour traiter son cancer, HRW a gardé le silence. Au lieu de ça, HRW a sans cesse dénoncé les poursuites judiciaires lancées contre des dirigeants de la « société civile » vénézuélienne tels que Maria Corina Machado, qui n’a jamais été emprisonné malgré le fait qu’il ait signé le fameux décret Carmon qui avait brièvement aboli la démocratie vénézuélienne. (5)

5) Pourquoi HRW ne réclame-t-elle pas la mise en lumière du financement de l’opposition bolivienne par les Etats-Unis après les meurtres commis à Pando par des groupes anti-gouvernementaux ? Par contre, HRW a demandé à l’OEA d’enquêter sur les affirmations du gouvernement colombien qui accuse Chavez d’aider les FARC. Par contraste, HRW n’a pas demandé au gouvernement des Etats-Unis de répondre aux requêtes formulées par Jeremy Bigwood dans le cadre de la loi sur la liberté d’accès à l’information [Freedom of Information Act] et relatives à l’ingérence des Etats-Unis en Bolivie. (6)

HRW a régulièrement ignoré les critiques qui démontrent que l’organisation devient de plus en plus en outil au service de l’impérialisme US. Ed Herman, David Peterson et George Szamuely ont longuement écrit et en détail sur le rôle de HRW qui « mena campagne en faveur des guerres de l’OTAN dans les Balkans ». Michael Barker a rédigé une critique détaillée. Jonathan Cook, Norman Finkelstein et Sara Founders ont exposé le parti pris pro-impérialiste évident des déclarations de HRW concernant Israel. HRW a répondu à un article de Jonathan Cook mais uniquement après avoir déformé ses propos. Cook répondit :

« Si c’est ainsi qu’une des directrices de HRW déforme mes propos et les preuves présentées malgré tous les soins que j’ai apportés à les rédiger, on ne peut que se demander comment elle ou son organisation peuvent s’y retrouver dans des affaires bien plus complexes concernant les droits de l’homme, où les choses sont rarement aussi évidentes. »

Cook n’a plus eu de nouvelles de HRW depuis. (7)

Dans un communiqué de presse de 2006, HRW s’abaissa à nier aux palestiniens le droit à une autodéfense non violente. Les remous provoqués par cette absurdité fut si grande que HRW se rétracta dans un autre communiqué. (8) Mais plus à son habitude, dans l’affaire de la lettre ouverte de Kevin Pina à Jose Miguel Vivanco, HRW se contenta de garder le silence. (9)

Sur le site de HRW, à l’exception de Jonathan Cook, on ne trouve nulle trace des critiques mentionnées ci-dessus. Par contre, on peut facilement trouver la longue réponse faite à Michael Spagat dont la tentative de décrire le HRW comme une organisation conciliante à l’égard des FARC était pourtant totalement inepte. (10)

A présent j’avoue que j’ai exagéré la sympathie que j’éprouve pour les journalistes vénézuéliens qui sont restés assis à coté de leur téléphone ou consultaient sans cesse leur boite aux lettres dans l’attente d’une réponse du gouvernement de Chavez. Une certaine insensibilité s’installe lorsqu’on se rappelle ce que les Etats-Unis et leurs alliés ont fait à Haïti - et espèrent un jour réussir au Venezuela. Et bien que je ne sois pas d’accord avec l’expulsion de HRW du Venezuela, j’ai du mal à voir pourquoi cela devrait déranger plus que les absences de réponses aux journalistes (avec lesquelles je ne suis pas d’accord non plus). HRW entretient, c’est le moins que l’on puisse dire, une relation étroite avec la National Endowment for Democracy (NED), un organisme à peine déguisée du gouvernement US qui se consacre à miner la démocratie. (11) Inutile de préciser, si le gouvernement Venezuelien avait financé des groupes qui avaient brièvement renversé le gouvernement des Etats-Unis, et ensuite saboté l’économie des Etats-Unis, un groupe basé à Caracas ne pourrait pas organiser des conférences de presse à Washington pour critiquer le gouvernement des Etats-Unis. Le Venezuela a de la chance d’être encore debout.

Cela fait longtemps que je n’attends plus grand-chose de Human Rights Watch. Je leur ai posé des questions et j’ai encouragé d’autres à faire de même, tout en sachant qu’il y avait peu de chances qu’on reçoive une réponse, et inutile qui plus est. L’important, c’est de faire prendre conscience du rôle joué par HRW qui est devenu de plus en plus celui d’un soutien aux libéraux dans la mise en oeuvre de leurs projets impérialistes. A ce stade, personne ne devrait se faire d’illusions sur les quelques critiques que cette organisation formule de temps en temps envers les Etats-Unis et ses alliés.

Joe Emersberger

Traduction VD pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info

ARTICLE ORIGINAL
http://haitianalysis.com/2008/10/10...

NOTES

[1] vois page 107 du rapport http://hrw.org/reports/2008/venezuela0908/

[2] de nombreux courries à HRW (et Amnesty International) sont archives sur le site Medialens http://www.medialens.org/forum/view...

[3] voir"Haiti and Human Rights Watch" http://www.zmag.org/znet/viewArticle/4131 pour une comparaison de la qualité et quantité des écrits de HRW sur Haiti et le Venezuela. La disparité en quantité est bien plus grande que lors de la rédaction de cet article en 2006. About Neptune case see http://www.haitianalysis.com/2008/7...

[4] Kevin Pina "Fears of a Cover up Grow in the Case of Missing Human Rights Activist in Haiti" http://haitiaction.net/News/HIP/8_20_8/8_20_8.html

[5] Jonah Gindin "Democracy vs Bush-o-cracy in Venezuela" http://www.venezuelanalysis.com/analysis/1160

[6] U.S. Ties to Bolivian Opposition ’Shrouded in Secrecy’ http://www.zmag.org/znet/viewArticle/18869

[7] Ed Herman, David Peterson, George Szamuely ; "Human Rights Watch : In Service to the War Party" http://www.electricpolitics.com/2007/02/human_rights_watch_in_service.html

Michael Barker "Hijacking Human Rights" http://www.zmag.org/znet/viewArticle/14804
Sara Flounders, ’Massacre in Jenin, Human Rights Watch and the Stage-Management of Imperialism’, CovertAction Quarterly, Fall 2002. http://cosmos.ucc.ie/cs1064/jabowen/IPSC/articles/article0003220.html

Jonathan Cook, ’The Israel Lobby Works its Magic, Again : How Human Rights Watch Lost its Way in Lebanon’, Counterpunch, September 7, 2006. http://www.counterpunch.org/cook09072006.html

Sarah Leah Whitson ;(Middle East and North Africa director)"Hezbollah’s Rockets and Civilian Casualties : A Response to Jonathan Cook" http://hrw.org/english/docs/2006/09/22/lebano14262_txt.htm

Jonathan Cook, ’Human Rights Watch : Still Missing the Point : Should We Deny Lebanon the Right to Defend Itself ?’, Counterpunch, September 25, 2006. http://www.counterpunch.org/cook09252006.html

[8] Jonathan Cook, ’Palestinians are Being Denied the Right of Non-Violent Resistance ? : Would HRW Have Attacked Martin Luther King, Too ?’, Counterpunch, November 30, 2006. http://www.counterpunch.org/cook11302006.html

Norman G. Finkelstein, ’Human Rights Watch Must Retract its Shameful Press Release : Rush to Judgment’, Counterpunch, November 29, 2006 ; HRW, ’Human Rights Watch Statement on our November 22 Press Release’, Human Rights Watch, December 16, 2006. http://www.counterpunch.org/finkelstein11292006.html

HRW "Human Rights Watch Statement on our November 22 Press Release" (i.e. the retraction) http://hrw.org/english/docs/2006/11/22/isrlpa14652.htm

[9] Kevin Pina Open Letter to Human Rights Watch http://www.zmag.org/znet/viewArticle/6254

[10] HRW Response to CERAC Charges about our Colombia Work Human Rights Watch responds to the serious yet groundless charges made about our work in Colombia by University of London Professor Michael Spagat http://hrw.org/doc/?t=americas&document_limit=140,20

[11] selon la NED, « les JO en Chine ont été l’objet d’un événement organise par la NED et HRW le 19 juin présentant le livre « China’s Great Leap : The Beijing Games and Olympic Human Rights Challenge » (le grand bon en avant de la Chine : les jeux de Pékin et le défi olympique des droits de l’homme - ndt), publié par Minky Worden. » http://www.ned.org/publications/newsletters/080508.html

URL de cet article 7264
   
Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
Bernard GENSANE
Les guerres exacerbent, révèlent. La Deuxième Guerre mondiale fut, à bien des égards, un ensemble de guerres civiles. Les guerres civiles exacerbent et révèlent atrocement. Ceux qui militent, qui défendent des causes, tombent toujours du côté où ils penchent. Ainsi, le 11 novembre 1940, des lycées parisiens font le coup de poing avec des jeunes fascistes et saccagent les locaux de leur mouvement, Jeune Front et la Garde française. Quelques mois plus tôt, les nervis de Jeune Front avaient (…)
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