Entendez-vous les trompettes ? « Voici l’Antéchrist ! »

J’avais déjà choisi ce titre, quand un ami me fait part de ce qui ressemble à une révélation divine. Que les sceptiques patientent, je vais le prouver. Selon lui, Obama ayant reçu un prix Nobel de la Paix, Trump ne démordra pas tant qu’il n’aura pas été honoré du sien. S’il parvient à des accords avec les Russes, la guerre en Ukraine pourrait se terminer, avec l’avantage d’un remboursement des armes par du pétrole, des minerais et des terres fertiles.
Mais voici la révélation : en promouvant la transformation de Gaza en zone de luxe, sous la bienveillante bénédiction de Sa Présence, ne serait-ce qu’en forme de statue, Trump pourrait se proclamer Messie des Juifs sionistes... et leur redonner le Grand Israël, le retour à Sion, la terre promise ! (Précisons que, dans leur cas, le nom « terre » devra prendre une lettre majuscule.)
Le hic de cette prophétie est que, selon l’Apocalypse de Jean, la bataille finale, l’Armageddon, devrait se situer dans ce qui est actuellement la Russie. Or, Donald Trump et Vladimir Putine partagent la même vision du Bien. Le retour aux valeurs traditionnelles, la famille composée de papa, maman, enfants ; les hommes virils, les vraies femmes ; la foi. Foin de la promotion d’un woke and roll doucereux dissimulant une nouvelle censure. Les deux ont une personnalité forte et veulent du heavy metal parfois couvert de dentelle. En Argentine, dans les milieux conservateurs, cela se résume à une devise. Dieu, Patrie et Foyer : Dios, Patria y Hogar.
Et mon ami le prophète conclut, en ajoutant que Trump pourrait même, par la grâce des talents d’Elu Musk, apparaître marchant sur les eaux... Quant à moi, je crois que ce sera plutôt sur les os des Palestiniens.
Bon, vous êtes déjà prévenus, la politique est une affaire sérieuse. Trump prétend qu’avoir été échappé à un attentat atteste sa mission divine. Le shah d’Iran pourrait donner son pâle avis là-dessus : lui aussi a échappé à une tentative d’assassinat et y a décelé une volonté divine. Si on se fie à ces raisonnements, le Saint des Saints parmi les dirigeants politiques serait Fidel Castro. Lui a survécu à une centaine d’attentats et est décédé à l’âge de 90 ans. Plus vénérable que ça, tu meurs jeune. (Eva Perón, Ernesto Guevara, Patrice Lumumba, Amílcar Cabral, Maurice Bishop, Thomas Sankara...) Ronald Reagan aussi, s’est remis d’une attaque. Sans pour autant être contre le port d’armes, dans son pays de gardiens de vaches. J’avoue que j’ai eu un tremblement d’émotion, quand je l’ai vu tomber, dix fois de suite, aux nouvelles télévisées. Il reste toujours une portion d’humanité dans ce genre d’hommes. Le chat de Churchill est demeuré à son chevet, trois jours et trois nuits, avant le trépas de cet impérialiste. Ce qui prouve qu’il pourrait encore être sauvé. De toutes manières, tous sont surpassés par le Président d’un pays au nom prédestiné. La mère de Bukele, en effet, eut la révélation que son fils serait non seulement le salut du Salvador, mais le Messie lui-même. Il a déjà réalisé un miracle : abolir la corruption, qu’elle soit d’origine interne ou étrangère. La façon dont il punit ce crime, en prison, est moins terrible que brûler éternellement dans la Géhenne. S’il existe un Dieu, il devrait condamner les auteurs de livres qui prétendent parler en son nom, en commandant des massacres, des crimes d’honneur, des sacrifices et de l’adoration.
Il est possible que Trumpet ne se rende pas compte du ridicule de sa vidéo et de l’impudence de transformer Gaza en riviera. Zelensky, devenu président, n’est toujours qu’un comédien. Trump, président, reste un promoteur immobilier.
Je ne fais de l’humour sur les tragédies de l’histoire que parce que la politique mondiale est pathétique, absurde, menée par des psychopathes. Comme on se permet de procéder à des « arrestations préventives » de militants pacifistes, on devrait empêcher les générateurs de conflits de sévir, les destituer immédiatement et leur administrer des calmants.
On crie à la fraude, quand des référendums ou des élections ont lieu en Crimée, dans le Donbass ou la Biélorussie. On traite de dictatures les gouvernements élus par suffrage, quand ils nationalisent les intérêts étrangers qui les dépouillaient. On critiquait Hugo Chavez, on diffame Nicolas Maduro, mais on reçoit Javier Milei. Les journalistes vendus de la presse raillaient López Obrador, « le populiste », qui ne voulait pas solder le Mexique au Canada et aux États-Unis. On peut bien imputer le trafic de drogues à ce pays, ce sont les élus et les citoyens des États-Unis que les gangs approvisionnent.
Quand les Algériens choisirent les Frères Musulmans, les démocraties s’indignèrent. On affirmait que, même élus par la population, on devait les retirer du pouvoir. Et maintenant, un président inculte, arrogant, déclare vouloir s’approprier le canal de Panama, le passage du Nord-Ouest, annexer le Canada et le Groenland, que fait la communauté internationale ? Cet homme n’a été élu que par quelques centaines de Grands Électeurs, car les États-Uniens ne votent pas pour leur président, dans cette contrée faussement démocratique. Pourquoi la communauté internationale n’interviendrait-elle pas ? Depuis la doctrine Monroe, en 1823, les États-Unis n’ont jamais cessé d’envahir des pays indépendants, décréter des interventions préventives, des embargos qui affament des peuples. Ils tuent des civils sous prétexte de guerres humanitaires.
Que ce président veuille empêcher les immigrants du Sud de vivre dans son pays, et se permettre, lui, d’envahir quelconque pays, en violant tous les accords internationaux, c’est mener la même politique que ses prédécesseurs. Si ses déclarations étaient celles de Putine, de Xi Jinping, d’un chef d’État du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est, on s’empresserait d’intervenir. On ne le fait que pour le seul motif de ne pas vouloir de présidents qui freinent la rapine des pays nantis.
Combien de fois est-on intervenu, en affirmant qu’un pays était mené par un dictateur ? Dans le cas de Donald Trump, ce n’est pas uniquement un dictateur, c’est un mégalomane. Zelensky est responsable d’un des États les plus frauduleux et ami d’un oligarque corrompu.¹ Même si Lula au Brésil avait réellement fraudé, ce ne serait rien en comparaison. Zelensky dansait, pendant que son peuple se faisait attaquer et que les soldats bombardaient les Républiques du Donbass. Hillary Clinton jubilait en paraphrasant Jules César, en apprenant la mort de Kadhafi.
Les Français ont eu tort de laisser Bonaparte vendre quelques arpents de bayous en Amérique. Et le Canada fit l’erreur de céder l’Alaska à ses voisins du Sud. Quoi qu’on pense de la politique chinoise, Hong Kong devait revenir à la Chine, après 99 ans d’invasion et de quartiers réservés aux affairistes étrangers. De quelle démocratie parlent les Anglais qui ont soumis la Chine aux guerres de l’opium, la contraignant à laisser la drogue transiter par son territoire, pour atteindre l’Angleterre et l’Europe ?
En 2001, les États-Uniens savaient exactement où était Ben Laden. Un délégué de la Maison Blanche était photographié à son chevet, lors d’un traitement de dialyse, quelques semaines avant le 11 septembre. Un coopérant québécois, en Afghanistan, se faisait dire qu’on connaissait son repère : une petite contrée, au nord de Jalalabad. On a ravagé le pays, tué des milliers de civils, détruit un hôpital dont les avions de guerre avaient les coordonnées, à Kunduz. Comme en Irak, on a détruit les infrastructures, tué des civils, en n’attrapant Saddam Hussein qu’après avoir tout ravagé. Qui ignore encore que ce sont les États-Unis qui ont armé Saddam Hussein, afin qu’il lutte contre les Iraniens ? S’il avait détenu des armes de destruction massive, elles auraient été fournies par l’armée états-unienne.²
Les journalistes qui se disent neutres ne cessent de mentionner les exactions de la Russie et de la Chine. Il est vrai qu’on n’achète plus de petits Chinois en bois, pour contrer la pauvreté d’un pays exploité, fournissant de la camelote made in Hong Kong. Ce sont les Chinois, maintenant, qui ont les moyens d’acheter des pions en Amérique. Et qui fabriquent des appareils de haute technologie.
Les pays qui se proclament démocratiques ne le sont généralement pas davantage que ceux qu’eux diffament comme étant dictatoriaux. La meilleure façon de s’en apercevoir est d’étudier l’histoire. Personne n’a envahi l’Afrique du Sud, du temps de l’Apartheid, pour y rétablir la démocratie. C’est Fidel Castro qui a libéré l’Afrique du Sud et Mandela, en échange du retrait de ses troupes en Angola. Ce sont les pays d’Europe comme la France et l’Angleterre, et puis les États-Unis, qui ont soutenu Franco, en Espagne. On ne le traitait pas de dictateur, mais de chef d’État, légitimé par ces pays.³
Personne n’envahit l’Arabie Saoudite. On ne traite pas ce pays de dictature, bien qu’on y applique la peine de mort des centaines de fois par an. Les femmes n’y sont pas plus libres qu’en zones contrôlées par les Talibans. Ces derniers ont tout de même fait cesser la production d’opium et interdit la tradition du Bacha Bazi : le travestissement de garçons pré-pubères qui dansent pour des hommes et servent d’esclaves sexuels aux riches. La tradition reprit avec l’invasion des États-Unis. Les soldats qui voulaient empêcher l’abus des garçons avaient deux choix : obéir aux supérieurs de l’armée EU, en faisant comme s’ils ne voyaient rien, ou quitter l’armée.⁴
Tous les faits sont là, et les gens continuent de croire que les États-Unis sont plus démocratiques que la Russie ou la Chine. Et que les anciens colonialistes d’Europe ont cessé de soutenir des gouvernements corrompus, dans leurs anciennes zones d’influence. En Haïti, on calomniait Aristide, alors qu’on accueillit Jean-Claude Duvalier en France. Et plus récemment, Blaise Compaoré, l’assassin de Thomas Sankara, tué avec l’aide de la Côte d’Ivoire et de la France. Le peuple voulait qu’on juge Compaoré, pendant que François Hollande le recevait à grandes accolades. C’est lui qui offrit la Légion d’honneur à Mohammed ben Salmane. Pendant ce temps, le même jour, des journalistes du périodique Elle se plaignaient du peu de femmes obtenant cette médaille de pacotille inventée par Nabot-léon ! Qu’elles se consolent, l’héroïne de bandes-dessinées Mafalda a reçu cette médaille, le 7 mars 2014.⁵
Ferdinand Marcos vendait son pays à rabais à son ami Reagan, pendant qu’il s’adonnait à des orgies et que sa femme se sentait mal chaussée avec 3000 paires de souliers. On fait un drame, en France et aux États-Unis, pour des attentats commis à New-York ou dans des bars. La population s’émeut et craint la fin de sa sécurité. Après des siècles d’exploitation, de traite d’esclaves, de domination extra-territoriale, on ne devrait pas s’étonner qu’on a en assez de l’hypocrisie des pays du « monde libre » qui enchaînent les autres dans la pauvreté. Il ne suffit pas d’avoir le droit de choisir entre une dizaine de partis politiques pour être en pays démocratiques.
Quand est-ce que les honnêtes citoyens reconnaîtront-t-ils que leurs dirigeants n’agissent pas pour sauver des peuples ? Si Hitler s’était contenté d’éliminer les Juifs d’Europe, peu de pays seraient entrés en guerre contre lui.
Dans quelles contrées intervient-on ?
Libye, Koweït, Irak, Venezuela, Tchétchénie, Ukraine, Syrie, Gaza : pour le pétrole.
Afghanistan : pour l’opium et un oléoduc.
Crimée, Ukraine : les sols fertiles.
Bolivie, Argentine : le lithium.
Ukraine, Congo : les mines de cuivre, d’or, de diamants, de terres rares.
Niger : or, diamant, tantale, niobium, terres rares, tungstène, étain, cuivre. Ce sont 35% de l’uranium des 56 réacteurs nucléaires de France qui proviennent du Niger.⁶
On est intervenu trop tard, au Rwanda, pour empêcher le massacre Hutu contre les Tutsi, et maintenant on félicite le Rwanda d’entretenir une guerre au Congo, avec le soutien des États-Unis et de l’Union Européenne. Le Rwanda exporte même des minerais comme le coltan et des diamants qu’on ne trouve pas sur son territoire.⁷
Les Tibétains et les Ouïghours sont des fantômes qu’on stimule pour démanteler la puissance chinoise. C’est bien joli, de la part d’une chanteuse-actrice d’inviter des artistes Tchétchènes, pour montrer que ce sont des humains, des gens sensibles, qui veulent conserver leurs particularités. C’est vrai. Ils ont aussi une puissante mafia tchétchène qui fit chuter la Banque nationale russe. Et beaucoup de pétrole dans leur sous-sol, qu’ils bradent en échange d’armements. La situation est politique, pas seulement culturelle.
Comme la Covid, la politique nous contamine tous au syndrome de l’écœurantite aiguë. Je n’ai pas de conclusion à apporter, car ça ne finira jamais. Sauf si les mythes d’Apocalypse s’avèrent réels.
Références :
1. https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/797465/lutte-contre-la-corruption-l-autre-guerre-a-finir-de-zelensky ?
2.1 Rebelle sans frontières, Marc Vachon, en collaboration avec François Bugingo, Éditions du Boréal, 2005.
2.2 L’Ebola, les bombes et les migrants, Joanne Liu, Éditions Libre expression, 2024.
3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_entre_l’Afrique_du_Sud_et_Cuba
4. https://hispanistes.fr/images/PDF/HispanismeS/Hispanismes_hispanismes_parello_vincent.pdf
6.1https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/03/06/la-france-decore-le-prince-heritier-d-arabie-saoudite-de-la-legion-d-honneur_4877454_3218.html
6.2 https://www.actuabd.com/Legion-d-honneur-pour-Quino-et-Mafalda-au-Salon-du-Livre-de-Paris-2014
7.1 https://www.lejdd.fr/Societe/Le-Niger-victime-de-sa-richesse-79184-3077585
7.2https://www.mondialisation.ca/la-france-envoie-des-troupes-pour-securiser-les-mines-duranium-au-niger/5320715?doing_wp_cron=1742490231.6300270557403564453125
7.3 https://www.jean-jaures.org/publication/rwanda-pourquoi-son-expansion-dans-les-kivu-congolais/