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ETATS-UNIS : TOUTE UNE QUESTION D’IMAGES (introduction au livre Les Etats-Unis De Mal Empire...)

L’écart entre le mythe et la réalité

Dans son livre The Sword and The Dollar - Imperialism, Revolution and the Arms Race, paru en 1989, le journaliste Michael Parenti écrivait ceci : « L’écart gigantesque entre ce que font les dirigeants des Etats-Unis dans le monde et ce que les habitants des Etats-Unis croient qu’ils font est une des grandes réussites de propagande de la mythologie politique dominante ». Le seul reproche que l’on pourrait faire à cette affirmation est le suivant : les habitants des Etats Unis ne sont pas les seuls. En effet, partout où s’exerce leur contrôle économique ou idéologique sur les moyens de communication - et à fortiori aux Etats-Unis même, mais pas uniquement - on observe le même phénomène : l’écart entre l’image de la politique des Etats-Unis et la réalité concrète de cette politique sur le terrain.

Certes, cette image a été sérieusement écornée par l’histoire récente : d’abord à Miami, par « l’élection » rocambolesque d’un pseudo-président, ensuite par les attaques injustifiables et illégales contre l’Afghanistan puis l’Irak, puis par le pillage éhonté des musées irakiens, puis par les images de la prison d’Abou Ghraib et le scandale de la base de Guantanamo - pour ne citer que quelques exemples. Une telle accumulation oblige même les médias les plus sous influence à reconnaître une détérioration de cette image des Etats-Unis dans le monde. Mais pouvait-il en être autrement alors même que les opinions publiques, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, avaient clairement exprimé leur opposition à la politique guerrière des Etats-Unis ? Alors, sous la pression d’un « trop c’est trop » populaire, et certainement avec l’assentiment de certaines forces politiques effrayées par ce nouvel aventurisme états-unien, une nouvelle fenêtre de critique s’est ouverte.

Ainsi, on peut toujours dire que le gouvernement des Etats-Unis est « agressif, menteur et dangereux » sans trop provoquer de remous. Remarquez qu’on pouvait le dire encore mieux juste après leurs dernières interventions militaires, et que c’était même un peu dans l’air du temps. Mais humez l’air et sentez combien les choses ont déjà changé. Pourtant, ce sont les mêmes hommes au pouvoir, la même idéologie, les mêmes objectifs... Alors, quoi ? Rien de spécial en fait : c’est juste l’appareil de propagande, toujours intacte et toujours loyal, qui s’est doucement remis en marche, impatient à l’idée de pouvoir réparer cette image. Donald Rumsfeld qui, en d’autres temps et sous d’autres cieux aurait été traîné devant un tribunal pour crimes de guerre, peut aller et venir sur le sol français pour assister à un sommet de l’OTAN. Condoleezza Rice qui, en d’autres temps et sous d’autres cieux, lui aurait fait parvenir des oranges depuis la cellule d’à côté, est accueillie à Paris comme une princesse surdouée. (1) Paul Wolfowitz qui, en d’autres temps et sous d’autres cieux se serait fait traîner dans la boue, est nommé Président de la Banque Mondiale. Etc. Si les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles, si les crimes de guerre sont très longues à prescrire, on constate que les crimes commis par les Etats-Unis ont une durée de vie proche d’un produit frais dans un rayon de supermarché. D’ailleurs, dire qu’une fenêtre de critique ait été ouverte serait exagéré car il faut bien reconnaître que cette fenêtre n’aura été en réalité qu’entrouverte. Dans la liste des éléments à charge, il aurait fallu pouvoir rajouter aussi : l’utilisation d’armes interdites, le bombardement sans discernement des populations civiles, le rasage des villes irakiennes de Nadjaf et Fallouja et autres crimes sans cesse répétées, ici ou là , et passées sous silence par des médias plus que complaisants.

Un système d’information hyper-sélectif

Certains, par affinité idéologique avec les auteurs du crime, par complicité plus ou moins directe, par servilité ou par une simple communauté d’intérêts, trouvent un confort à partager, et à tenter de faire partager, une vision du monde qui coïncide avec les intérêts de leur allié. D’autres affichent une certaine volonté d’agir mais se réfugient derrière leur impuissance devant la suprématie militaire et économique incontestée des Etats-Unis d’Amérique et préconisent dans la foulée une certaine discrétion diplomatique pour pouvoir mieux faire avancer les choses en coulisse. Les deux partagent une complicité pour non-dénonciation. Bien sûr, il y a aussi ceux qui, à l’instar des états-uniens eux-mêmes, ne sont même pas au courant de cette réalité, et on peut remercier les médias commerciaux pour ce travail de non-information au quotidien.

Car autant le public sera soûlé par des images d’un raz-de-marée en Asie du Sud, autant les résultats de bombardements massifs états-uniens lui sera épargné. Autant les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan seront présentée comme un coup de colère du pouvoir états-unien - censément rendu agressif par les attentats du 11 septembre 2001 - autant l’invasion froidement calculée du Panama en 1989 sera minimisée. Autant le traitement des prisonniers à Abou Ghraib sera présenté comme une dérive (compréhensible, n’est-ce pas ?) dans la lutte contre un ennemi cruel et invisible, autant l’existence des camps de concentration et des chambres de torture états-uniens au Vietnam dans les années 70 sera oubliée. Autant la décapitation d’un otage en Irak sera présentée comme la marque infâme d’un ennemi sans scrupules, autant la décapitation d’un jeune sandiniste au Nicaragua par une armée mercenaire états-unienne dans les années 80 n’aura jamais eu lieu...

Autant le génocide des Khmers rouges au Cambodge sera dénoncé dans tous les forums et médias planétaires, autant celui du Timor Oriental par l’Indonésie à la même époque avec le soutien indéfectible des Etats-Unis fera péniblement l’objet de quelques entrefilets relégués dans les pages intérieures.

Autant l’intervention militaire en Afghanistan par l’armée soviétique, à la demande du gouvernement afghan de l’époque, sera présentée comme une ingérence inacceptable, autant l’invasion des Etats-Unis contre ce même pays sera présentée comme une libération. Autant les combattants islamistes afghans, contre les soviétiques, seront présentés comme des « combattants de la liberté » (et la création d’Al Qaeda par les Etats-Unis comme une « simple erreur de calcul »), autant les instituteurs « communistes » afghans - écartelés sur la place publique par ces mêmes « combattants de la liberté » pour avoir osé enseigner à des fillettes - sera ignorée.

Autant la liste des « pays terroristes » dressée chaque année par le Département d’Etat des Etats-Unis sera servilement reprise par les médias, autant le fait que les Etats-Unis sont le seul pays occidental à avoir été condamné par la Cour de Justice Internationale pour terrorisme (contre le Nicaragua en 1986 (2)) sera joyeusement jeté par dessus bord. Autant les accusations de terrorisme portées par les Etats-Unis contre Cuba seront colportées, autant les milliers d’agressions - attentats et autres - menés par les Etats-Unis contre Cuba seront tus.

Autant le président du Venezuela régulièrement élu par huit fois et ayant remporté haut la main un référendum sera qualifié de « populiste » ou « dictateur » par les médias, autant le président des Etats-Unis élu bizarrement par deux fois ne se verra attribuer aucune étiquette particulière. Autant les médias commerciaux ouvertement putschistes du Venezuela seront défendus par les défenseurs de la liberté de la presse estampillés « liberté occidentale », autant ces mêmes défenseurs ignoreront les déboires des journalistes indépendants au Venezuela pendant le coup d’état éphémère d’avril 2002. Coup d’état que par ailleurs ils applaudiront, de concert avec le Département d’Etat des Etats-Unis.

C’est ainsi que l’entité la plus puissante, agressive et violente des temps modernes arrive encore aujourd’hui à se faire passer pour un symbole de « liberté » et de « démocratie ». Une image qui serait impossible sans une complaisance totale de la part des principaux systèmes d’information occidentaux. (3)

La mainmise sur l’information globale par les pays développés est telle, et leur information si superficielle et biaisée (dans les cas exceptionnels où elle existe) que toute tentative de tirer des analyses sérieuses et fiables des événements mondiaux est vouée à l’échec. Sans un travail ardu de recherche indépendante, sans une multiplication de ses propres expériences, l’étendue du désastre est difficile à évaluer. Même les esprits les plus « contestataires » se laisseront tôt ou tard berner par une machine si bien rodée qu’elle finit par se faire oublier.

Où sont passées les (autres) ONG ?

«  La CIA contrôle tous ceux qui ont une importance dans les principaux médias. »
William Colby, ancien directeur de la CIA

Une telle duperie permanente sur la marche du monde ne saurait perdurer sans un système d’information fermé, à sens unique, tournant en vase clos et vassalisé. La première tâche de ce système d’information sera de se garantir un minimum de crédibilité au risque d’être identifié par la population comme ce qu’il devenu, ou a toujours été, à savoir un simple outil de propagande.

Plusieurs facteurs sont nécessaires. Le premier est d’assurer une certaine diversité des titres de presse, qui sera aussitôt confondue comme l’expression d’un pluralisme. Le deuxième est d’entretenir le mythe d’une presse libre qui serait indépendante des intérêts économiques et politiques de ses propriétaires. La troisième enfin est de parer à toute critique en instaurant des idées énoncées comme des vérités divines. C’est ainsi que, par un joli renversement, Reporters Sans Frontières assène son leitmotiv préféré : la liberté de la presse est le meilleur garant de la démocratie. Du néolibéralisme appliqué à l’information et qui évite de se demander si, a contrario, une démocratisation de la presse ne serait pas le meilleur garant de sa liberté... Alors même que le plus médiatisé défenseur d’une « certaine » liberté de la presse, Robert Ménard, patron de Reporters Sans Frontières, l’avoue lui-même sans ambages : « nous avons décidé de dénoncer les atteintes à la liberté de la presse en Bosnie ou au Gabon et les ambiguïtés des médias algériens ou tunisiens... mais de ne pas nous occuper des dérives françaises ». (4) Mais c’était en 2001, et il n’est pas dit que de tels aveux soient répétés aujourd’hui.

Toujours prompte à critiquer les atteintes à la liberté de la presse pour peu qu’elles aient eu lieu ailleurs que chez ses bailleurs de fonds, cette organisation représente un pièce maîtresse dans un modèle de communication presque parfait : RSF s’annonce comme une organisation de défense de la liberté de la presse « partout dans le monde » tout en admettant ne pas critiquer ses bailleurs de fonds. En retour, ceux-ci - les gouvernements occidentaux et les groupes de presse - mettent RSF en avant en lui offrant un espace médiatique sans précédent pour une ONG de ce type. RSF gagne ainsi une renommée et une crédibilité. C’est ainsi que la scène de la défense de la liberté de la presse se trouve monopolisée par une organisation qui a déjà clairement annoncé sa non-objectivité en la matière. Pour faire un parallèle, imaginons un organisme de défense des consommateurs qui serait financé par les multinationales de l’agroalimentaire. Ou un syndicat de travailleurs financé par le patronat. Quant aux « prédateurs de la liberté de la presse » dénoncés sur le site de RSF, on ne trouve aucune nom de magnat de la presse occidentale.

Le lecteur aura remarqué à quel point RSF est devenue l’interlocutrice incontournable et quasi-institutionnelle sur toutes les questions qui touchent à la liberté de la presse.... surtout dans le tiers-monde. Son rôle est tel que cette organisation est désormais subventionnée par la National Endowment for Democracy, une organisation façade de la CIA. (5) et les néo-conservateurs les plus agressifs de l’administration Bush lui trouvent une certaine utilité et la citent en exemple... (6) Au moment où le droit international est foulé aux pieds, où la torture est devenue une pratique institutionnalisée par ceux-là mêmes qui se proclament « bons », son omniprésence dans les médias par des campagnes corporatistes est tel que l’on peut désormais se poser légitimement la question suivante « quel rôle joue exactement RSF et où sont donc passées les autres ONG ? ».

Une machine à débiter une pensée médiocre

« Nous sommes bombardés d’informations, mais à y regarder de plus près, la plupart sont traitées avec la même grammaire, les mêmes angles, les mêmes sources, le tout évoluant autour d’institutions et de sujets que la plupart des téléspectateurs admettent, selon toutes les enquêtes, ne pas comprendre »
Robert McChesney, préface de Danny Schechter,
The More You Watch, The Less You Know, Seven Stories, 1997, p.43

Au cours du mois de mars 2005, toutes les grandes chaînes de télévision françaises ont consacré, pendant plusieurs jours de suite, une bonne partie de leurs journaux d’informations à diffuser des images du pays sous la neige. On y voyait des reportages interminables sur des routes enneigées et des véhicules bloqués sur le bas-côté. Le téléspectateur non averti aura donc appris deux choses au cours de ces glorieux faits d’armes du journalisme français moderne : en hiver il neige et sur la neige ça glisse. Pendant ce temps, dans le reste du monde...

Véritable machine à débiter la médiocrité, ce système de communication monté en vase clos, où juges et parties se congratulent mutuellement dans les coulisses et parlent la plupart du temps pour ne rien dire, aboutit à des résultats spectaculaires. Le Président George W. Bush, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, pouvait ainsi se permettre de poser une question aux allures faussement naïves : « pourquoi nous haïssent-ils ? » pour mieux y répondre dans la même foulée « ils haïssent nos libertés ». Encore un raisonnement fermé : nous sommes bons, pourtant ils nous haïssent, c’est donc qu’ils haïssent notre bonté. Le bon peuple y trouve une certaine logique et y croit, et c’est là l’essentiel. Mais qui sont ces « ils » qui sont censés haïr la liberté et la bonté des Etats-Unis ? D’ailleurs, haïssent-ils les Etats-Unis ou, plus prosaïquement, la politique des Etats-Unis ? (7)

Un autre résultat spectaculaire est celui de pouvoir présenter comme un « accident de parcours » ou une « exception à la règle » une politique qui s’est pourtant exercée avec constance et application à travers toute l’histoire moderne. Les données, les références et les sources ne manquent pas. Ce n’est donc pas l’information qui manque mais sa diffusion.

Le 11 septembre 2001 : une date à retenir... ou pas ?

Depuis 2001, la journée du 11 Septembre est désormais associée aux attaques terroristes contre les tours jumelles à New York. Cet événement écrase de tout son poids médiatique un autre 11 septembre, celui de 1973 et de l’écrasement par la CIA de la démocratie Chilienne. Dans les semaines et les mois qui ont suivi ces attentats, pratiquement toutes les analyses les ont présentés comme l’événement déclencheur d’une nouvelle politique états-unienne et, comme idée sous-jacente, que cette politique serait assez « justifiée » en tant que « réaction de défense » devant l’horreur subie. Mais l’analyse est courte, beaucoup trop courte, pour être satisfaisante.

D’abord parce qu’une telle idée occulte une vérité factuelle historique : les Etats-Unis n’ont jamais cessé d’intervenir, militairement, politiquement, économiquement, partout où ils le jugeaient nécessaire. (8) Ensuite parce que la politique actuellement suivie par les Etats-Unis a été tracée dans les grandes lignes bien avant les attentats du 11 septembre. Et enfin parce que l’équipe chargée d’appliquer cette politique fut choisie et nommée bien avant ces attentats. Et les membres de cette équipe (Otto Reich, John Negroponte, Elliot Abrams, Roger Noriega, Colin Powell, John Bolton, Condoleezza Rice, Dick Cheney, Donald Rumsfeld...) ont tous un point en commun : leurs actions sombres dans le passé sur d’autres continents, et particulièrement en Amérique latine, encore et toujours sous la protection bienveillante des médias occidentaux aveugles, sourds et muets. Les attentats du 11 septembre n’ont pas modifié la politique des Etats-Unis, ils ont simplement servi de prétexte à l’extension de cette politique à l’ensemble de la planète et à fournir une mince justification morale - celle d’un pays blessé qui serait en droit de réagir. En réalité, la politique des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre était déjà à l’oeuvre bien avant cette date.

Histoire made in USA : un mensonge chasse l’autre

Après l’effondrement de l’Union Soviétique, un concept très en vogue fut celui de la « Fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama et le « Choc des Civilisations » de Samuel Huntington, deux intellectuels états-uniens proches du Pentagone. Le concept de Fukuyama fut étayé dans une série d’articles publiés dans les années 90 et repris dans un livre (9) dont voici un extrait : « Les événements continueraient donc de se succéder après une éventuelle fin de l’histoire, mais la maîtrise de ces principes fondamentaux serait désormais acquise et ne réserverait plus de surprises au sens où tout ajout à leur propos ne saurait être qu’assez marginal. » Comme toujours dans ces opérations d’intellectuels médiatisés, le plus important réside dans l’impression générale qui est distillée. Un message qui se ramènera à une seule phrase, une seule idée - de préférence pas trop compliquée - ou même mieux : juste une vague impression. Une fois débarrassé de tous ces oripeaux pseudos-intellectuels et ramené à sa substantifique moelle, le message est tout simplement ceci : « Nous avons gagné. Tout critique pouvant contribuer à améliorer le système est la bienvenue, mais toute résistance est inutile. Non seulement inutile, mais contre-historique ». Mais cela fait déjà trois phrases et c’est encore trop. Le vrai message est celui-ci : « Puisqu’elle n’a plus de raison d’être, toute résistance est inutile et même hérétique ». Spécialistes dans la production de pensées simplistes, les intellectuels néo-conservateurs et leurs amis nous auront donc gratifiés de concepts tels que : « la Fin de l’Histoire », « le Choc des Civilisations », « Le Bien contre le Mal ». Le tout est naturellement propice à la neutralisation de toute pensée critique. De plus, il permet une radicalisation des rapports sous couvert de défendre des valeurs essentielles. Puisque ce sont des valeurs essentielles qui sont en train d’être défendues, quoi de plus naturel que de recourir, le cas échéant, à des mesures « exceptionnelles » ? Le problème est qu’un rapide examen de l’histoire moderne montre que les analyses avancées (officiellement) par les gouvernants états-uniens se sont révélées fausses dans pratiquement tous les cas, et que le caractère « exceptionnel » de leurs réactions n’est en réalité qu’une vieille habitude bien ancrée : les Etats-Unis n’ont jamais cessé d’intervenir militairement dans une partie du monde ou une autre. Quant aux justifications et excuses invoquées, qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Qu’est devenu la « théorie des dominos » en Indochine ? Qu’est devenue l’Armée Rouge et son incroyable surarmement ? (10) Où s’est évaporée l’armée Sandiniste du Nicaragua (fort de 20.000 hommes) qui menaçait la sécurité des Etats-Unis et qui n’était « qu’à deux jours de marche du Texas » (Ronald Reagan) ? Où sont les armes de destruction massive en Irak ?

Personne, dans les grands médias, n’a encore osé ramener l’histoire récente de l’administration Bush à cette simple et aveuglante vérité : deux pays - l’Afghanistan et l’Irak - ont été détruits sous le prétexte d’un attentat pour lequel l’un n’en était pas le commanditaire et l’autre n’avait strictement rien à voir... Et c’était déjà vrai pour les guerres de basse intensité en Amérique centrale contre une supposée « menace soviétique ».

Ainsi, à chaque époque correspond une invention médiatique assenée à longueur de journaux pour mieux être oubliée et remplacée par une nouvelle. Sous différentes formes, elles propagent toutes la même idée de fond : l’état le plus puissant de tous les temps est « menacé » par des forces qui ne partagent pas nos valeurs. Le ridicule de la menace, sa réalité plus ou moins avérée, ne sera pas mis en doute. Quant aux valeurs en question, elles vont de soi, alors pourquoi en parler ?

Mondialisation de l’agression et globalisation des résistances

« Tout comme les Indiens étaient qualifiés de sauvages pour justifier leur exploitation, ceux qui luttaient pour une réforme sociale étaient qualifiés de communistes pour justifier leur persécution »
Gleijeses, Politics and Culture in Guatemala, Michigan, 1988, p.392

Bien entendu, cette qualité historique de l’agressivité des Etats-Unis n’est pas passée inaperçue au yeux de certains peuples, notamment les populations victimes de cette politique. Devant le confort douillet de ses certitudes distillées au quotidien, l’opinion publique occidentale ne reçoit que des échos déformés d’une résistance qui s’organise. Un président est élu au Venezuela et décide de reprendre le contrôle des richesses de son pays ? Le voilà aussitôt affublé de qualificatifs péjoratifs. Il augmente le prix du pétrole ? Les hauts-fonctionnaires états-uniens parlent de mesures « agressives » à leur encontre. Comme si les Etats-Unis se seraient laissés dicter par d’autres le prix de leur pétrole...

Pour tous ceux-là , une grande variété de qualificatifs est prévue : populistes, dictateurs (parfois « en puissance »), etc... Mais qu’importe le terme, puisque leur véritable point commun est celui de ne pas courber l’échine devant l’autoproclamé maître du monde. Un maître du monde militairement puissant, donc dangereux, mais économiquement au bord du gouffre et qui ne maîtrise plus en réalité qu’un dernier domaine. Un domaine qui est son terrain de prédilection, et grâce auquel il réussit encore à entretenir l’illusion : le contrôle des moyens de communication.

Dans cette levée des résistances des peuples du Sud, et particulièrement sur le continent américain, le jeu qui s’est engagé est exceptionnellement riche et complexe. Nourris de toutes leurs expériences passées - des batailles perdues, des victoires éphémères, des résistances qui perdurent malgré tout jusqu’à devenir symboles - tous ces peuples apportent à leur manière les pièces qu’ils ont récupérées sur les champs de bataille. Dans ces contrées lointaines et mystérieuses ignorées par nos médias, et qui ne sont pourtant que les foyers de tous ces autres « nous », les esprits, les mains et les coeurs s’activent pour reconstruire un avenir de la planète qui ne repasserait pas par la case « départ ». Alors, si vous entendez quelques rumeurs, si vous percevez quelques mouvements, ne vous laissez pas encore une fois duper par le système de propagande qui vous entoure. Dites-vous que c’est simplement l’Histoire qui redémarre.

Introduction à Les Etats-Unis De Mal Empire - Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud - éditions ADEN, de Danielle BLEITRACH, Viktor DEDAJ, Maxime VIVAS, sept. 2005

Notes

(1) « Je l’ai invitée lors d’un prochain séjour à venir jouer avec l’orchestre de Paris et l’Ensemble orchestral de Paris » Pierre Delanöe, maire socialiste de Paris, Fév. 2005, en parlant de Condoleezza Rice.

(2) Affaire des Activités Militaires et Paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique) Cour Internationale de Justice http://www.icj-cij.org/cijwww/ccases/cnus/cnusframe.htm

(3) Lire Les Guerres Scélérates - les interventions de l’armée américaine et de la CIA depuis 1945, William Blum, éditions Parangon/l’Aventurine.

(4) « pour nous médiatiser, nous avons besoin de la complicité des journalistes, du soutien de patrons de presse et de l’argent du pouvoir économique. » hebdomadaire français Marianne du 5 au 11 Mars 2001, page 9

(5) Government funds color press group’s objectivity - Diana Barahona
http://www.newsguild.org/gr/gr_display.php?storyID=2213 (en français http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/rsf_ned.html ). Robert Ménard l’a d’ailleurs platement admis lors d’un forum public sur Internet cf annexe II - consulter
http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/rsf_menard_041022.html

(6) Roger F. Noriega, Assistant Secretary for Western Hemisphere Affairs - Statement Before the Subcommittee on Africa, Global Human Rights and International Operations and the Subcommittee on the Western Hemisphere Washington, DC March 3, 2005. http://www.state.gov/p/wha/rls/rm/2005/q1/42986.htm

(7) Address to a Joint Session of Congress and the American People United States Capitol Washington, D.C September 20, 2001 http://www.whitehouse.gov/news/releases/2001/09/20010920-8.html

(8) Voir annexe I : Liste (partielle) des interventions de l’armée Etats-Unienne

(9) La fin de l’histoire et le dernier homme, Francis Fukuyama, Flammarion (1993)

(10) Dans le documentaire CIA Guerres Secrètes (William Karel, 2003) l’ancien chef de département de la CIA, Milton Bearden, explique comment les Etats-Unis ont amené l’URSS à l’effondrement en l’épuisant dans la course aux armements. L’URSS en était au point de consacrer 40% de ses ressources à répondre à la course aux armements des Etats-Unis. Bearden explique comment deux chefs successifs de la CIA, William Casey et Robert Gates, ont diffusé de fausses informations pour perpétrer la croyance en une menace grandissante de l’URSS au moment même celle-ci était déjà épuisée. « La Guerre Froide aura coûté 13 mille milliards de dollars au contribuable états-unien » pour répondre à une menace volontairement surestimée.

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