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Révolution paysanne !

Le moment est enfin venu de prendre acte d’un fait majeur traversant tout à la fois - certes sous des formes différentes - les pays du Nord et les pays du Sud : la faillite générale des stratégies agricoles mises en oeuvre à partir des années 1960. On redécouvre partout le rôle primordial des paysans dans l’évolution équilibrée des sociétés humaines et la préservation des écosystèmes qui les portent. Pour l’heure les « fondamentalistes » des modèles agro-technocratiques parviennent encore à dissimuler au plus grand nombre l’ampleur démentielle du désastre qu’ils ont préparé et apparaissent toujours comme « progressistes » aux yeux des croyants du salut de l’humanité par la transformation des sols en paillasse de laboratoire. Mais, une autre histoire est déjà en marche, à distance du système agro-industriel dominant maintenu artificiellement en vie grâce aux perfusions financières, chimiques ou scientistes. Et s’il s’agissait d’une révolution, réellement verte cette fois ?

Toute révolution commence par désacraliser les mythes profondément ancrés dans l’ordre existant. Une évidence apparaît aujourd’hui : on a décrété trop vite « la fin des paysans ». Certes, la figure du paysan défini par Henri Mendras en 1967 dans son essai n’existe quasiment plus quarante ans plus tard dans les pays du Nord. Pourtant, si le paysan maître de son labeur et de son temps, cultivant péniblement sa terre a disparu chez nous, il est illusoire de voir dans sa disparition le signe premier et décisif de l’avènement de son successeur fatal : l’agriculteur exploitant rationnellement ses terres. Il n’est rien de plus faux que cette dichotomie entre le paysan incarnant la tradition qu’il faut nécessairement dépasser et la modernité que représenterait l’entrepreneur des campagnes rationalisées. Nous réalisons enfin - et sans doute trop lentement - que cultiver une terre c’est l’entretenir, la faire durer tandis que l’exploiter c’est l’appauvrir, la détruire à petit feu.

Entre la figure du paysan d’autrefois à jamais disparu et l’épouvantail « moderniste » qui bientôt sera nu, il existe une place immense pour des hommes et des femmes respectant de nouveau la terre nourricière. Qu’ils se nomment encore paysans ou qu’ils préfèrent se dénommer agriculteurs paysans ils (ré)inventent les formes d’une agriculture durable pour une transmission décente aux générations qui les suivent. Ils veulent vivre du prix de leur travail et non de subventions quémandées et sans cesse renégociées par des représentants à la légitimité douteuse. Ils ne veulent pas dépendre exclusivement du complexe de l’agro-bio-business pour leurs semences, la nourriture de leurs animaux d’élevage, leurs débouchés sur le marché qu’ils souhaitent plus équilibré. Ils développent des circuits courts par la vente directe aux consommateurs qu’ils apprécient de rencontrer quand la Grande Distribution méprise ce lien social essentiel. Bref, ils aiment la terre et ses fruits, la vie, les autres…

Désormais le consommateur se tourne davantage vers eux pour éviter les faiseurs de mal bouffe. Le moment est donc venu de « pousser » l’offre de l’agriculture paysanne par un basculement des subventions de l’agriculture productiviste prédatrice des écosystèmes vers le financement de la conversion des terres et l’installation de nouveaux paysans aux « méthodes douces ». Il faut mettre un coup d’arrêt au mouvement de concentration des terres par une redéfinition du rôle des structures de régulation de la propriété foncière, à commencer par celui des SAFER. Il faut enfin encourager la création et le développement de réseaux rapprochant les producteurs et les consommateurs afin que l’échange marchand nécessaire soit légitimement complété par d’autres formes d’échanges indispensables à une économie sociale, solidaire et écologique. C’est par ce changement d’échelle de la production de l’agriculture paysanne que l’on rendra accessible au plus grand nombre - et à des prix raisonnables - une alimentation de qualité garante d’une meilleure santé des hommes et de leur environnement.

Belle utopie ? Non ! Nécessité bien comprise pour protéger l’homme, au Nord comme au Sud. Les technocrates eux-mêmes commencent à tourner casaque. Leurs récentes études prospectives pour l’Europe analysent quatre scénarios pour les décennies à venir. Le premier consiste à pousser à fond le modèle « agro-efficace » forgé par la PAC. Et advienne que pourra ! Le deuxième scénario est celui de l’agriculture duale dans lequel cohabitent le modèle « productiviste » et une agriculture paysanne stimulée. Cette configuration paraît peu crédible tant l’équilibre harmonieux entre des logiques d’évolution incompatibles est illusoire. Le troisième scénario réside dans la spécialisation des régions européennes en des productions dominantes « raisonnées ». L’exorbitant coût écologique et énergétique des transports qui en résulterait incite fortement à écarter cette solution. Le dernier scénario est nommé « agriculture HPE (haute performance environnementale) ». Il s’agit d’une agriculture de proximité et de petites et moyennes propriétés ressemblant à celle « de l’entre-deux guerres » nécessitant de remettre à la terre, en France par exemple, un million de paysans. On aura compris que la préférence de nos experts « visionnaires » va à cette solution « passéiste » devenue salutairement moderne. Que de temps avons-nous perdus !

Du coup, les pays du Sud ont de l’avance, eux qui n’ont pas encore eu le temps d’éliminer partout leur paysannerie traditionnelle par une surmécanisation du travail agricole et par la substitution mortifère des cultures d’exportation aux cultures vivrières. Au sein de la FAO le concept de « l’agriculture de conservation » fait doucement son chemin. Pourtant, si partout l’intelligence commence à parler, suscitée qu’elle est par les exigences du temps, il lui manque l’instrument politique par lequel elle s’imposera demain. Le mouvement Via Campessina pourra-t-il faire contrepoids aux stratégies mondiales des firmes de l’agro-bio-business et à leur coupable collusion avec les classes politiques en place ? Chacun de nous doit fertiliser cet espoir qui dépasse de très loin le sort des paysans. Soyons tous un peu paysan en nos coeurs et en nos têtes.

Yann Fiévet

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