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Impératifs

L’époque est aux impératifs. Impératifs paraît-il inéluctables. Les sociétés humaines seraient ainsi contraintes de se soumettre , de choisir la fuite en avant. Trois impératifs tiennent le haut du pavé de la soumission contemporaine à laquelle l’on fait cependant semblant de résister afin de faire accroire que l’on maîtrise encore le cours des évènements les plus inquiétants. L’impératif climatique d’abord : le réchauffement de la planète est réputé inéluctable tout comme ses conséquences catastrophiques pour les écosystèmes. L’impératif économique ensuite : l’ordre néolibéral de la mondialisation, financiarisée chaque jour davantage, serait sans appel possible et il faut donc en accepter les sombres dégâts sociaux et environnementaux. L’impératif technologique enfin : il est impossible de retenir le « progrès » techno-scientifique présenté comme le salut d’une humanité confrontée à de trop nombreux périls. Pour couronner ce triptyque et en prendre toute la pleine mesure il convient de comprendre que les trois impératifs sont étroitement liés, ce qui ne peut qu’accroître leur inéluctabilité. Nous n’aurions plus alors qu’une seule vraie ressource disponible : l’adaptation.

Commençons par la fin de notre énonciation qui est aussi, selon la doxa désormais partout proclamée, le début d’une nouvelle Renaissance du monde. L’impératif technologique tient presque tout entier dans « l’intelligence artificielle » et ses innombrables promesses miraculeuses. L’Homme nouveau nous est annoncé ; il va enfin advenir. Et, il portera dans sa hotte démesurée toutes les solutions, y compris celles auxquelles nous n’osons pas même songer aujourd’hui. L’Homme sera augmenté, deviendra un autre démiurge invincible, fera fi de toutes les menaces qu’il a lui-même fomenté depuis deux-cent-cinquante ans, vivra pourtant entouré de ce qui nous semble actuellement un monde potentiellement invivable. Cet optimisme béat n’est sans doute pas majoritairement partagé aujourd’hui. Cependant, s’il était massivement rejeté nous ne vivrions pas dans l’état d’immobilisme patent ou de subordination ouverte au diktat des marchés que traversent actuellement les sociétés des pays riches du point de vue de la décision politique. Dans l’automatisation générale du monde l’homme hyper-connecté ne s’appartiendra bientôt plus. Il renonce petit-à-petit à l’exercice conscient de son libre-arbitre pour lui préférer la soumission aveugle à la Techné.

Cependant, l’envahissement de la technique ne saurait être expliqué uniquement par la fascination que ses prouesses exercent sur nos congénères et l’immensité des promesses qu’elle nous réserve encore. La course effrénée au Progrès doit énormément à ce que cette course est partie intégrante d’un système économique écrasant dans lequel la recherche systématique du profit maximal et l’abaissement des coûts – à commencer par le coût du travail – sont des normes intangibles. Les défenseurs du système continuent de croire qu’en dehors de la Croissance aucune solution aux grands maux de notre époque n’est permise, qu’une croissance sans fin dans un monde fini est toujours possible. Ils sont accrochés aux manettes ou savent dicter leur loi d’airain à ceux qui tiennent les rênes du système dont nombre d’effets sont devenus pourtant incontrôlables. La « gouvernance » dissimule un modèle fonctionnant pour le plus grand profit de la minorité des nantis. Les dégâts sont immenses. Plus la Technique s’étend au sein du mode de production, plus le facteur humain est sacrifié. Le nombre d’emplois chute à mesure que les automates remplacent les individus et leurs métiers. Il faut certes encore des hommes et des femmes sur les chaînes de production ou dans les entrepôts logistiques mais ils sont désormais tous soumis respectivement aux « cadences infernales » et à l’harassante « commande numérique ». L’emballement du système réclame des processus de gestion et d’organisation de plus en plus puissants, toujours plus gourmands en ressources, notamment énergétiques. A quoi va servir la « 5G » si ce n’est à acheminer des volumes croissants d’informations diverses vers tous les points du Globe ? A quoi va servir le compteur Linky – dit intelligent ! – si ce n’est à nourrir en données informatiques un énorme système de contrôle de notre vie domestique et nous rendre ainsi plus dépendants encore de la technique et de l’opacité de l’usage des informations collectées ?

Bien sûr, des hommes et des femmes résistent un peu partout au monstre froid qui progresse sans relâche. Ils ne sont pas adeptes de « la servitude volontaire ». Ils savent que des bifurcations dans la marche du monde sont souhaitables, des retours en arrière salutaires lorsque l’on s’est trompé de chemin. Leurs luttes sont exemplaires mais sont bien peu relayées par les tenants de la médiasphère. Le véritable impératif est désormais ici : il faut faire sauter le verrou de l’immobilisme crasse des gouvernants. En France, ce n’est probablement pas pour demain matin. A ceux qui croient sincère la soudaine conversion écologique macronienne disons qu’ils se mettent, une fois n’est pas coutume, le doigt dans l’œil ! Le décret no 2019-568 du 7 juin dernier a remplacé le nom du label « Transition énergétique et écologique pour le climat » par le nom label « France finance verte » dans le code de l’environnement... Longue vie à l’économie capitaliste de prédation ! Concitoyens, adaptez-vous !

Yann Fiévet

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Harald Welzer : Les Guerres du climat. Pourquoi on tue au XXIe siècle
Bernard GENSANE
Il s’agit là d’un ouvrage aussi important que passionnant. Les conclusions politiques laissent parfois un peu à désirer, mais la démarche sociologique est de premier plan. Et puis, disposer d’un point de vue d’outre-Rhin, en la matière, permet de réfléchir à partir d’autres référents, d’autres hiérarchies aussi. Ce livre répond brillamment à la question cruciale : pourquoi fait-on la guerre aujourd’hui, et qui la fait ? L’auteur articule, de manière puissante et subtile, les questions (…)
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