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Cuba : Qui est Raoul Castro ?





4 août 2006


Dans le flot de désinformation qui nous a accablé, les journalistes ont eu
du mal à expliquer qui était Raoul Castro. L’inévitable « expert » Machover,
et d’autres du même acabit, sont venus expliquer que Raoul ne "tiendrait"
rien, parce qu’il n’avait pas le charisme de son frère, que personne ne le
connaissait quasiment à Cuba. Machover, enterrant avant le temps Fidel, pour
la première fois lui rendait un hommage détourné : il reconnaissait
implicitement que Fidel ne tenait pas son peuple par la terreur mais par « 
le charisme ». Mais c’était pour mieux, une fois de plus, nous asséner
quelques contre vérités.


Le contexte des médias français :

Non seulement à Cuba on connaît Raoul, mais il n’a pas l’image que déjà on
lui bâtit ici, en suivant fidèlement la consigne du crétin assassin de la
Maison Blanche. Car de ce côté-là , aux Etats-Unis rien n’a bougé. Des voix
se sont élevées pour réclamer la fin du blocus. Rien de bien nouveau dans
cette demande : depuis des années il y a une majorité au Congrès pour exiger
l’assouplissement du blocus, des démocrates, mais aussi des républicains
issus des milieux d’affaire.

On ignore en France tout de Cuba, mais on ignore également ce qui se passe
aux Etats-Unis, la presse se contentant de diffuser la propagande de Miami,
des plus excités dont Machover et les autres « spécialistes » de Cuba sont
les représentants. Aux Etats-Unis, soit par conviction, soit par sens de
leurs intérêts bien compris, il existe une majorité de gens qui souhaitent
au moins l’assouplissement du blocus. Les noirs démocrates nord-américains,
par exemple se battent en faveur de Cuba, des églises protestantes, mais
aussi des Etats progressistes s’opposent au blocus. La mafia de la Floride,
(un mélange de gangsters, d’affairistes, et de stipendiés de la CIA, et de
terroristes qui ont sévi dans toute l’Amérique latine) tient cet Etat dont
le gouverneur est le frère de Bush, c’est « Miami vice ». Ils développent
une véritable hystérie anticubaine. C’est un des quatre Etats dont dépend l’élection présidentielle et on sait ce que Bush doit au contrôle exercé par cette
racaille. Notons encore qu’à l’intérieur même de l’Etat de Floride, il
existe désormais une opposition à cette mafia, chez les immigrés cubains
également, où des voix dénoncent le blocus.

Tout cela pour expliquer que notre presse française, la radio, la
télévision, ne parlent pas du point de vue des Etats-Unis, celui-ci est
nettement plus complexe et moins anti-cubain, non les médias français sont
la voix exclusive de la mafia de Miami, et ne laissent la parole qu’à 
celle-ci. Donc non contents de ne jamais s’intéresser aux 11 millions qui
vivent dans l’île, au profit d’une poignée de « dissidents » rémunérés par
le gouvernement des Etats-Unis
 [1] , mais ils se font les porte-voix
exclusifs d’un système, celui de l’Etat de Floride, dont les tenants ont été
mêlés à la plupart des mauvais coups (assassinat de Kennedy, Watergate,
tortionnaires d’Amérique latine comme Posada Carriles). Sans parler de
Robert Ménard (RSF) qui a lui-même reconnu recevoir des fonds des USA [2] , nous avons donc
une presse, radio, télévision, qui sur Cuba a choisi non seulement d’adopter
le point de vue de cette mafia, mais pratique la censure sur tout autre
point de vue, y compris celui venu des Etats-Unis. (Reporters Sans Frontières et les coups d’ Etats de Washington : le financement par l’ Institut Républicain International révélé, par Diana Barahona et Jeb Sprague.)


Résultat, vous êtes convaincus que Cuba appelle Fidel Castro, le lider
maximo. C’est une expression qui n’est jamais employée dans l’île, où l’on
parle du "commandente" ou plus normalement de Fidel. Cette expression vient
de Miami. Comme vous êtes tellement habitués à entendre parler du "régime
cubain" que cela vous paraît normal. Il n’y a rien d’innocent en ce qui
concerne Cuba, tout est propagande. Même la maison Blanche s’autointoxique
au point d’envisager comme mesures de la transition démocratique la
vaccination des écoliers cubains, alors que ceux-ci bénéficient de 14
vaccinations, et que le taux de mortalité infantile est meilleur en survie
que celui des Etats-Unis. Quand on suit ces gens-là on ne peut que se
tromper.

Ceci explique sans doute le degré de désinformation, les pronostics sans
cesse déjoués, de nos cubanologues des médias français. [3]Tout le monde
attendait le départ de Castro pour voir se déclancher à Cuba une guerre
civile, Fidel Castro, malade passe les pouvoirs dans le cadre prévu par la
constitution. Cuba reste paisible. Castro n’est pas mort, mais se considère
comme en situation temporaire de ne pouvoir assumer ses charges. Les Cubains
pensent majoritairement qu’il va s’en sortir et l’espèrent. Nos médias ne
savent plus comment interpréter ce calme, ils tournent en rond, font appel
exclusivement à leur pseudo-experts et nous ne saurons toujours pas ce qui
se passe à Cuba.

Bush a dit : pas question de revoir le blocus. Fidel Castro a passé le
pouvoir « à son frère, le gardien de prison ». C’est la ligne, nul doute qu’elle
va être reprise.

A Miami, les excités se donnent en spectacle et crient comme tous les
fascistes de leur espèce « Viva la muerte », on nous les présente comme le
« vrai » Cuba.

Donc personne en France ne sait qui est Raoul Castro, et que la passation
des pouvoirs est prévue par la Constitution cubaine, à la manière dont la
Constitution française en cas de vacance de la Présidence donne les pouvoirs
au Président du Sénat. Car Raoul n’est pas seulement « le frère » de Fidel,
il est un homme d’Etat, bien connu des Cubains et apprécié pour diverses
qualités.


Qui est Raoul Castro :

Raoul Castro fait dès la première heure de la Révolution partie du groupe
autour de Fidel, il y a le Che Guevara, Camille Cienfugos, et Raoul Castro.
C’est même lui qui à Mexico présente le Che à son frère. Il est vrai qu’il n’a
pas l’aspect flamboyant de son frère aîné, mais c’est un grand organisateur,
un révolutionnaire. On insiste souvent sur son « pragmatisme », en l’opposant
au caractère « visionnaire » de Fidel. Raoul Castro est aussi passionné par
la théorie, le débat d’idées, mais il est aussi celui qui traduit en fait,
en organisation les décisions et de ce fait éclaire la décision, y participe
pleinement.

Une anecdote courait à Cuba durant la période spéciale, une broma, une
plaisanterie : tout Cuba avait faim et maigrissait, un paysan restait replet
et visiblement en pleine forme. Raoul vient le voir et lui demande son
secret. « Je mange cette herbe » dit le paysan. Raoul l’a fait analyser et
lui trouve des qualités nutritives extraordinaires, il ordonne : « produisez
cette herbe en quantité et distribuez là aux Cubains ». Fidel intervient :
« Pas question d’y toucher, il faut la conserver en cas d’invasion et de
durcissement du blocus ».

Cette anecdote résume bien la manière dont les Cubains voient les deux
frères. Ils savent le rôle joué par Raoul dans la révolution. Non seulement
la manière dont il a créé de toute pièce une armée révolutionnaire, qui dès
cette époque non seulement a pour objectif de défendre l’île, mais d’assurer
par ses interventions actives une aide matérielle aux Cubains.

Comme me l’expliquait une amie après la maladie de Fidel, « Raoul alors que
tout le monde était dans les limbes et ne savait comment assurer la survie,
a pris les choses en main, il a défendu et imposé une mesure qui n’avait
rien d’évident, l’ouverture des marchés paysans où ces derniers portaient à 
la ville les produits de leur propre culture ». Cela a évité aux Cubains de
mourir d’inanition, et Fidel s’est rangé à cette idée qui lui déplaisait,
parce qu’il voyait bien que cela pouvait donner lieu à la naissance d’une
paysannerie enrichie et égoïste. Dans le même temps, Raoul a développé de
grandes fermes gérées par l’armée, encore aujourd’hui quand les prix ont
tendance à monter dans les marchés, l’armée intervient en proposant en
grande quantité des produits agricoles qui stabilisent les prix.

Mais le rôle de l’armée sous sa direction ne s’est pas limité là . Elle gère
directement des entreprises, en particulier dans le secteur touristique, et
elle met en place des méthodes de gestion qui sont transférées dans d’autres
secteurs. L’armée cubaine est la seule armée à s’autofinancer. Mais ce
laboratoire ne se limite pas à l’économie, Cuba cherche à créer un tourisme
écologique, respectueux de l’environnement, où l’on ne « bronzerait pas
idiot », c’est l’armée qui innove et dans le cadre de la restructuration
sucrière, des terres sucrières de la province de santa Clara sont ici l’objet
de l’innovation d’un tourisme écologique.

Les liens entre cette armée révolutionnaire et la puissante centrale
syndicale cubaine sont très forts. Quand j’avais fait mon enquête dans les
centrales sucrières, j’avais été frappée par l’existence de ces liens. Les
locaux syndicaux affichaient des portraits de Raoul, et les travailleurs du
sucre se considéraient comme en état de mobilisation en cas d’invasion. A
cette occasion j’avais découvert un autre maillage de la société cubaine que
celui que l’on peut percevoir dans les cercles intellectuels de la Havane.
Toutes mes enquêtes m’ont confirmé cette capacité organisationnelle, partant
des problèmes concrets affrontés par les Cubains, leur apportant des
réponses, des hommes et des femmes de terrain.

Raoul Castro ne s’oppose pas au caractère visionnaire de son aîné, il le
complète, l’assure, en mettant en oeuvre depuis toujours une organisation
révolutionnaire et populaire. Les Cubains connaissent ce travail mené par
Raoul et l’apprécient.Sans se désintéresser des relations internationales,
conduisant souvent des délégations d’étude en particulier en Chine, il agit
d’abord pour améliorer la situation à Cuba, renforcer la défense de l’île.

Si Fidel est une figure titanesque, un symbole de l’unité de Cuba, Raoul a
un réseau de fidélités, de confiance. L’image que l’on donne de lui d’homme
de l’ombre n’est pas exacte, il est chaleureux, vivant et par exemple aime
danser, faire la fête, alors que son aîné est plus austère, plus lointain.

La passation des pouvoirs est donc parfaitement constitutionnelle et de
surcroît elle correspond à l’état d’esprit de l’immense majorité des
Cubains. Qu’ils soient critiques ou non sur le système politique, et d’une
certaine manière ils le sont tous, y compris Fidel, il suffit de relire son
discours à l’Université du 17 novembre 2005, pour mesurer à quel point les
dirigeants et le peuple cubain ne cessent de dénoncer « ce qui ne va pas »,
tentent de le corriger, mais ils ont tous la volonté de résister à la
colonisation nord-américaine. Nommer celui qui dirige l’armée
révolutionnaire, dans ces heures où les Etats-Unis auraient pu tout tenter,
était donc parfaitement logique. Depuis plus de quarante ans Cuba subit une
guerre larvée, attentats terroristes, blocus, et propagande, il était donc
normal que l’armée révolutionnaire, celle qui repose sur la mobilisation
populaire soit à la tête du pays.

Les Cubains ont d’ailleurs fait la preuve de la force de cette mobilisation,
par leur tranquillité, partout les dirigeants, les responsables sont allés
expliquer que Fidel avait besoin de repos, qu’il comptait sur l’esprit de
responsabilité des Cubains et que la tâche essentielle était de préserver l’unité
du peuple cubain. Certes on n’a pas vu Raoul Castro à la télévision, ni
beaucoup de dirigeants, ils étaient tous en train de mouiller la chemise sur
les lieux de travail, au plus près des Cubains pour porter ces idées. De
toute manière depuis plusieurs mois, voir années la situation était prévue
et chaque Cubain savait ce qu’il avait à faire quels que soient les
événements.Dans un article récent intitulé "Que se passe-t-il à Cuba",
j’avais émis des hypothèses de ce type concernant "l’après-Castro", il me
semblent qu’elles se vérifient. Encore que nous ne soyons pas dans
"l’après-Castro", Fidel n’est pas mort, et la plupart des Cubains sont
convaincus "qu’il va s’en sortir" et que la seule question est de savoir
s’il aidera, conseillera ou reprendra les "rênes".

Même si Cuba n’est plus dominé par la monoculture sucrière, j’ai eu le
sentiment durant deux jours d’assister à une zafra, la coupe de la canne, c’est
une véritable guerre dont les brigades sont dirigées par un état major. Le
calme, la tranquillité cubaine qui a stupéfié tous les observateurs,
relevait de cette organisation dans laquelle depuis tant d’années Raoul
Castro joue un grand rôle.

La méconnaissance de Cuba est telle et le thème de la dictature si prégnant dans les esprits occidentaux, que les commentaires sont allés bon train sur ce que mettait en place Fidel pour lui succèder. Comme d’ailleurs les mêmes se sont interrogés sur l’absence d’Alarcon. C’est parce que ces commentateurs "avisés" ignorent le fonctionnement réel des institutions cubaines.

Cuba est un régime d’assemblée, depuis le niveau local jusqu’au niveau national, Fidel est élu comme Président par l’assemblée du pouvoir populaire dont il est un des élus par la base. Il n’a rien à déléguer à Alarcon qui est le Président de cette Assemblée Populaire et qui conserve ses pouvoirs. La présidence d’Alarcon a d’ailleurs donné beaucoup de relief à sa fonction et aux travaux de l’Assemblée.

Fidel ne délègue que ce qu’il a en charge, c’est-à -dire trois fonctions constitutionnelles, celle de Secrétaire du parti, celle de président du Conseil d’Etat et celle de commandant en chef de l’armée cubaine. Il les délègue à une seule personne prévue par l’article 94 de la Constitution qui est Raoul, lui même second dans toutes ses fonctions.

En outre Fidel a pris l’habitude de s’investir dans des domaines de travail spécifiques auxquels il donne une impulsion. En général ces domaines relèvent à la fois du National et de l’International. Il s’agit dans ce cas des trois domaines, l’énergie, l’éducation et la santé. Il demande à des responsables de travailler en collégialité pour surveiller la bonne marche de ces dossiers.

Donc il ne s’agit pas d’une sorte de comité de salut public qui prendrait en main les rênes de Cuba, mais bien de la poursuite du fonctionnement normal des institutions cubaines.

Mais pour savoir cela, il faudrait réellement s’intéresser au peuple cubain,
et pas seulement à la poignée de stipendiés des Etats-Unis et ne pas laisser
seulement la parole à leurs représentants dans les médias français.

Danielle Bleitrach


Pourquoi les arrestations à Cuba ? par Wayne Smith, ancien responsable la section des intérêts US à la Havane.


A LIRE : Les dernières mesures des USA contre Cuba, par Wayne S. Smith, juillet 2006.


Cuba : la plus grande muselière du monde, par Maxime Vivas.

L’avenir de la révolution est entre les mains de jeunes pompistes, par Richard Gott.




 Dessin : J.Kalvellido www.insurgente.org


[1Il ne s’agit pas d’affirmations gratuites, ainsi les récentes mesures
(juillet 2006) préconisées par Bush
pour resserrer le garrot du blocus et
financer la propagande anticubaine, dans l’île est à l’étranger (80 millions)
réservés à cet usage, désignent clairement les bénéficiaires, des gens comme
Osvaldo Paya, les dames en blanc, la fine fleur de la dissidence. Ces
derniers ont d’ailleurs protesté en affirmant : un que Miami détournait l’essentiel
des fonds qui leur était destiné, deux que cette désignation officielle les
décrédibilisait...

[3Cela n’atteint pas que Cuba, les errances de Paranagua le « 
spécialiste » de l’Amérique latine du Monde sont célébres. Il annonce qu’Evo
Morales est fâché avec Chavez et évitera Caracas au moment même où celui-ci
atterrit au Venezuela. Evidemment c’est la faute de Castro, qui décidemment
n’a qu’une obsession contrarier Paranagua, puisque c’est lui qui a convaincu
Evo. Où a-t-il pris son information ? Autre fait illustre, Paranagua
explique que Chavez met à mal la gauche latino, et casse le Mercosur, le
récent sommet de la fin juillet non seulement témoigne que Chavez, voir Evo
Morales intègre le Mercosur, mais que l’événement est la rupture du Blocus
et la présence de Fidel en est l’aspect le plus sensationnel...


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