RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Cuba dossier 4/6 : Pourquoi les arrestations à Cuba ?


Voici rassemblées six contributions pour tenter de comprendre les enjeux de la situation cubaine, à un moment, ou Cuba " axe du mal" est clairement désigné par les USA comme cible possible, aprés l’ Irak.

 Cuba : une résistance socialiste en Amérique latine:Remy Herrera

 Un autre regard sur les « dissidents » à Cuba : Rémy Herrera

 De Guantanamo à La Havane et retour : John Brown

 Pourquoi les arrestations à Cuba ? : Wayne S. Smith

 Le Reich en Haïti : Dominique Balaou

 Cuba fait mal : Eduardo Galeano



10 avril 2003


Une opinion de Wayne Smith qui fut, rappelons-le, patron de la section
des
intérêts US à la Havane.




4/6 - Pourquoi les arrestations à Cuba ?


Par Wayne S. Smith


Plusieurs articles de presse abordant la déplorable vague d’arrestations de
dissidents à Cuba ont souligné que la situation jusqu’à présent semblait
aller vers une plus grande tolérance. Lors de sa visite à Cuba au mois de
mai de l’année dernière, par exemple, le Président Carter a rencontré des
dissidents et dans son discours télévisé (à la télévision Cubaine) il a
parlé du Projet Varela, un projet qui demande plus de libertés politiques.
Avant et après la visite de Carter, de nombreux autres états-uniens, y
compris moi-même, ont régulièrement et ouvertement rencontré des dissidents
dans le cadre des effort accomplis pour améliorer les relations entre nos
deux pays.

Oswaldo Paya, le principal promoteur du Projet Varela, fut même autorisé à 
se rendre aux États-Unis pour y recevoir le prix W. Averell Harriman de
l’Institut Démocratique à Washington, d’où il se rendit en Europe. Le
gouvernement Cubain n’a peut-être pas apprécié ce qu’il a dit à l’extérieur,
mais il ne fut pas puni pour autant lorsqu’il rentra. Il semblait que les
choses allaient tout doucement dans la direction d’une plus grande tolérance
sur l’île.

Alors pourquoi ces arrestations de dissidents ? Est-ce parce que, comme
certains aux États-Unis se sont empressés d’affirmer, que Castro espérait
que l’attention du monde soit détournée par la guerre en Irak, que personne
ne s’en rendrait compte ou réagirait à l’emprisonnement de quelques
dissidents ?

Non, cette explication ne cadre pas. D’abord, aucune personne en possession
de toutes ses facultés (et on peut nier tout ce que l’on veut à Fidel
Castro, sauf ça) n’irait penser que l’arrestation de 80 dissidents, dont
beaucoup sont des figures connues internationalement, passerait inaperçue.
Les Cubains s’attendaient à de vives réactions, et ils ne se sont pas
trompés.

Ensuite, le moment pouvait difficilement être plus mal choisi du point de
vue de Castro. La commission des droits de l’homme de l’ONU a entamé sa
séance annuelle pour décider, entre autres, s’il faut condamner Cuba pour
violations des droits de l’homme. Etant donné la plus grande tolérance
mentionnée ci-dessus, il semblait que Cuba avait de bonnes chances d’éviter
une condamnation cette année. Les arrestations, survenues en ce moment
précis, rendent une condamnation plus probable.

En tenant compte de tout cela, pourquoi ces arrestations et pourquoi
maintenant ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord noter que la
plus grande tolérance à l’égard des dissidents était une réponse aux
ouvertures de certains groupes du Congrès des États-Unis et du public
états-unien en faveur d’une politique moins agressive de la part de
l’administration Bush. Mais au contraire, sa politique et ses discours sont
plus hostiles et menaçants que jamais. Il a ignoré tous les offres de
dialogue et s’est contenté de garder le cap sur un changement de régime à 
Cuba.

Comme l’a déclaré publiquement James Cason, Chef de la Section des Intérêts
des États-Unis (à Cuba), un de ses taches était de promouvoir "la transition
vers une forme participative de gouvernement".

Il est certain que nous aimerions tous voir une société plus ouverte à Cuba,
mais ce ne sont pas les États-Unis qui devraient en assurer la promotion ou
la réalisation. En fait, ce n’est pas aux États-Unis de décider de la forme
du gouvernement à Cuba parce que Cuba, après tout, est un pays souverain.

L’administration Bush n’était pas à l’aise devant les signes d’ouverture de
la part de Castro, parce que cela ne faisait qu’encourager les partisans
d’un assouplissement des restrictions de voyages et d’une levée de
l’embargo. De nouvelles initiatives dans ce sens étaient attendues au
Congrès cette année. Que faire pour les éviter ?

Ce que l’administration Bush a fait est très clair. Elle a ordonné au Chef
de la Section des Intérêts des États-Unis à la Havane d’entamer une série de
réunions ouvertement provocatrices avec des dissidents, allant jusqu’à 
organiser des séminaires dans sa propre résidence et distribuer toutes
sortes de matériel. Il a même tenu des conférences de presse après certaines
de ces réunions. Certaines de ces réunions auraient pu faire partie de la
routine, si leur sujet n’était pas le renversement du régime. Mais les
choses étant ce qu’elles sont, les Cubains en sont arrivés à conclure que
ces réunions étaient de nature "subversives" et de plus en plus
provocatrices.

En général, les personnes arrêtées n’ont pas été accusées d’exprimer une
opinion contre l’état, mais de "comploter avec des diplomates Etats-uniens."
Il faut noter que les diplomates Cubains rencontrent souvent des citoyens
états-uniens, c’est vrai. Mais pour comprendre la position des Cubains,
imaginons la réaction du gouvernement des États-Unis si ces diplomates
rencontraient des membres du Parti Indépendantiste de Puerto Rico afin de
promouvoir l’indépendance de cette l’île. Il se pourrait que le Procureur ne
fasse pas arrêter tout le monde, mais personnellement je ne le parierais
pas.

Et le début de la guerre contre l’Irak a joué un rôle dans ces arrestations.
Les Cubains l’ont perçu comme un signal que les États-Unis étaient
déterminés à peser de tout leur poids et d’écarter de leur chemin tous ceux
qu’ils n’aimaient pas, y compris par le recours unilatéral à la force. Comme
me l’a déclaré récemment un officiel Cubain : "Votre nouvelle politique de
guerre préventive change les règles du jeu, nous sommes obligés de faire
clairement savoir que nous ne nous laisserons pas faire".

C’est ainsi que nous avons assisté à cette vague d’arrestations et à une
vague exagérée de réactions. Les Cubains ont fait exactement ce que
l’administration Bush voulait qu’ils fassent. Pratiquement toute la
communauté dissidente a été arrêtée et passent en procès (ou vont le faire
bientôt) et risquent de très lourdes peines et peut-être la prison à vie.
C’est tragique.

Cette affaire ne sera pas facile à oublier et empêchera une amélioration des
relations entre les États-Unis et Cuba, tant qu’une amélioration ne se fera
pas sentir à l’intérieur de Cuba. Pendant ce temps, l’Aministration Bush
continuera à exercer ses pressions et ses provocations, comme pour empecher
une telle amélioration.

Il a été dit que Castro a simplement considéré que le moment était propice
pour mettre un terme à la dissidence à Cuba, et il y a certainement une part
de vérité là -dedans. Castro n’a jamais aimé la critique.

Néanmoins, ces dernières années, il a toléré les critiques contre le
système. Si les choses avaient continué en l’état, il aurait peut-être
continué à le faire. Mais la situation a changé, non seulement entre les
États-Unis et Cuba, mais au plan international, et ce d’une manière que
l’opinion publique des États-Unis n’a pas encore tout à fait compris.

Dans cet avenir sombre qui nous attend, les gens de bonne volonté aux
États-Unis qui aspirent à de meilleures relations entre nos deux pays, à une
société plus tolérante à Cuba, devront se raccrocher à l’idée que la
meilleure manière pour y parvenir est de réduire les tensions, d’entamer un
véritable dialogue et de multiplier les contacts.

Comme l’a souvent dit Elizardo Sanchez, militant des droits de l’homme à 
Cuba, "plus il y aura des citoyens états-uniens dans les rues Cubaines,
meilleure cela sera pour une société plus tolérante, alors pourquoi
maintenez-vous les restrictions aux voyages ?" Les politiques menées par les
Administrations successives depuis 44 ans n’ont rien accompli de positif.
Pire, la politique de Bush n’a produit qu’une répression accrue. Exactement
le contraire de ce que nous devrions souhaiter !


Wayne S. Smith, now a Senior Fellow at the Center for
International Policy, was Third Secretary of Embassy at the
American Embassy in Havana from 1958 until the U.S. broke
relations in January of 1961, and was Chief of the U.S.
Interests Section in Havana from 1979 until 1982.
http://ciponline.org/cuba/humanrights/2003dissidentcrisis.htm


 Source : CUBA SOLIDARITY PROJECT
http://cubasolidarite.fr.st




Journalisme indépendant à Cuba : Nestor Baquer, agent de la sécurité infiltré raconte.


Réponse aux mensonges de Reporters sans frontières, par Salim Lamrani.



Les Etats-Unis et la « dissidence » cubaine, par Salim Lamrani.



Que se passe-t-il à Cuba, par Danielle Bleitrach.






URL de cet article 754
   
Même Thème
CHE, PLUS QUE JAMAIS (ouvrage collectif)
Jean ORTIZ
Recueil d’interventions d’une vingtaine d’auteurs latino-américains et européens réunis à Pau en avril 2007 pour un colloque portant sur l’éthique dans la pratique et la pensée d’Ernesto Che Guevara, une pensée communiste en évolution, en recherche, qui se transforme en transformant, selon les intervenants. Quatrième de couverture On serait tenté d’écrire : enfin un livre sur le Che, sur la pensée et la pratique d’Ernesto Guevara, loin du Che désincarné, vidé d’idéologie, doux rêveur, (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Lesley Stahl :"Nous avons entendu dire que 500.000 enfants sont morts (en Irak). Ca fait plus qu’à Hiroshima. Et, vous savez, est-ce que cela en valait le prix ?

Secrétaire d’Etat US Madeleine Allbright : "Je pense que c’est un choix difficile. Mais le prix - nous pensons que cela en valait le prix."

Entretien télévisé sur CBS 60 minutes, Mai 1996

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.