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On est au bord de la guerre nucléaire et tout le monde s’en fiche

26 avril 2022. Les États-Unis convoquent , sur leur base militaire de Ramstein en Allemagne, 40 États, 40 pays occidentaux. C'est tout l'Occident qui est là pour armer de plus en plus l'Ukraine. L'Histoire retiendra peut être cette date, si la guerre a lieu et si l'humanité y survit, comme le début de la troisième guerre mondiale.

Peut-on parler en effet militairement de non belligérance, sauf à faire preuve d’hypocrisie, lorsqu’on voit l’effort de guerre des États-Unis, 30 milliard de dollars prévus, et celui dans lequel ils impliquent toujours plus les États occidentaux, ainsi que le type d’armes fournies, de plus en plus lourdes, de plus en plus sophistiquées. Le Secrétaire à la Défense des États-Unis, Lloyd Austin, reprenant une formule du président Roosevelt à la veille de l’entrée des États-Unis dans la Deuxième Guerre mondiale, qualifie cet énorme effort militaire "d’aide pour renforcer l’arsenal de la démocratie ukrainienne". Mais il révèle, en même temps, sans autre précaution, que le but de cette réunion, ainsi que celui de la guerre est "d’affaiblir" durablement la Russie. Dans le même sens, et dès le début de la guerre d’ailleurs, le 24 février, le président Joe Biden annonçait des sanctions dévastatrices" contre la Russie et le 7 avril il promettait que "ces sanctions effaceraient quinze ans de progrès économique de la Russie".

Bref, il s’avère, et en fait depuis le début, que les États-Unis envisageaient la guerre en Ukraine comme une guerre contre la Russie.

Un tournant dangereux

Mais jusqu’à présent, il s’agissait militairement d’une guerre entre deux pays, l’Ukraine et la Russie. Avec cette réunion du 26 avril, un tournant dangereux pour tout le monde, est pris résolument par les États-Unis, celui vers une guerre de 40 États, de tout l’Occident, par procuration contre la Russie. Les États-Unis précisent même que ces 40 États vont garder le contact et se réunir régulièrement pour évaluer la situation militaire. Ce faisant, mais les États Unis en ont-ils conscience, ils donnent de fait ainsi à la guerre en Ukraine l’allure d’une confrontation mondiale.

Le 18 janvier 2017 déjà, au Forum économique mondial de Davos, Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, accusait le président Poutine de "menacer l’ordre libéral international", c’est-à-dire l’ordre étasunien, la domination jusqu’à présent sans partage des États Unis sur le monde. Un peu partout, actuellement, dans les médias occidentaux, des voix autorisées précisent désormais que la défaite de l’Ukraine serait celle de l’hégémonie occidentale. Remarquons au passage, que les expressions trompeuses, d’il y a à peine quelques mois, de "communauté internationale" ont disparu du vocabulaire occidental pour laisser la place au mot "Occident".

De son côté, la Russie, elle aussi, désigne clairement l’enjeu actuel de cette guerre, lorsqu’elle parle de remettre en question l’hégémonie occidentale. Elle l’a même fait plus tôt que les États-Unis en disant, dès le départ, que ceux-ci n’avait cure de l’Ukraine, et "de la défense du droit international qu’ils n’ont cessé de violer", mais que leur véritable objectif était de mener une guerre contre la Russie par procuration.

L’Histoire nous apprend que, jusqu’à présent, lorsque deux grandes puissances se sont affrontées, ou bien l’une a été détruite ou les deux l’ont été, sauf quelques exceptions. C’est vrai depuis la guerre du Péloponnèse entre Sparte et Athènes et jusqu’aux deux guerres mondiales. Mais cette fois ci, à l’ère nucléaire, c’est le monde qui sera détruit, l’humanité qui probablement disparaitra. Sparte avait dominé pendant cent ans le monde civilisé connu d’alors. Athènes a émergé, et une fois devenue une puissance sur tous les plans, économique, culturel, militaire, elle a demandé plus de place, la place qui lui revenait désormais. La guerre était inévitable.

Un engrenage mortel

L’Histoire nous apprend aussi que lorsqu’une puissance domine le monde longtemps, ce qui est le cas des États Unis, mais aussi, depuis plus longtemps encore, de l’Occident en tant que puissance globale, elle vit sa remise en cause, la contestation de sa domination, l’éventualité de son déclin , comme une agression insupportable. Elle la ressent de façon douloureuse, angoissante, avec aussi le sentiment de l’ingratitude des puissances montantes , dans un monde qu’elles ont la conviction d’avoir bâti, façonné, de lui avoir tout donné : sa technologie, sa culture et même ses valeurs.

Cela ferme leur perception des réalités nouvelles, pire il leur devient pratiquement impossible d’ accepter ces réalités. Le changement, le bouleversement de l’ordre établi est vécu comme une menace existentielle. Leur domination est perçue comme une condition de leur survie même. D’où le caractère extrême, aussi bien verbal que matériel, que peut avoir leur affrontement avec les puissances montantes, celles qui les contestent, l’impossibilité totale de prendre en compte le point de vue de l’autre, car tout ce que dit l’autre, tout ce qu’il fait lui parait une menace. La volonté de compromis n’existe pas. On veut vaincre. Là est le mécanisme intime d’une l’escalade continuelle, et celui de l’escalade actuelle entre les États-Unis et la Russie : tout recul de l’autre est interprété comme une faiblesse et donc un encouragement à l’escalade, en même temps que tout succès de l’autre est perçu comme un danger et donc comme une raison d’aller encore plus loin dans l’escalade. Un engrenage mortel.

Du côté de la Russie, un même mécanisme se met en place, même si c’est pour des raisons différentes. L’obsession hégémonique des EU depuis la fin de la guerre froide, celle de l’OTAN à l’encercler, puis à s’installer directement en Ukraine à ses frontières, ont amené la Russie , à avoir, elle aussi, mais par un autre processus, le sentiment que son existence même était menacée. Elle vit, elle aussi, le conflit actuel comme une question de survie. C’est ce qu’a répété sans arrêt Vladimir Poutine.

Tous les ingrédients alors sont réunis pour une déflagration qui ne peut être que majeure, et toucher à l’existence même de l’autre. Les États-Unis n’ont pas besoin, du moins actuellement, à recourir à l’arme nucléaire puisqu’ils disposent d’autres armes de destruction massive, notamment économiques et que, surtout, ils peuvent faire mener par les ukrainiens, une guerre par procuration, qu’ils sont décidés à entretenir, à alimenter financièrement et militairement pour qu’elle soit longue. C’est là leur calcul.
Mais on ne joue jamais tout seul. La Russie ne peut accepter cette différence toute théorique, de plus en plus formelle entre belligérance et non belligérance, d’autant plus que le but de la guerre et l’ennemi sont clairement définis par les États Unis : la Russie. Les États-Unis disent qu’ils ne font pas la guerre contre la Russie en Ukraine. Mais c’est une pétition de principe. Ce qui est certain, c’est que la Russie, elle, ne fait pas la guerre en Ukraine contre les États Unis, mais que les États Unis eux la font, presque directement, en Ukraine contre la Russie. Ils le proclament d’ailleurs.

Les situations de la Russie et des États-Unis, sont totalement différentes : si les États Unis peuvent faire la guerre contre la Russie par procuration, la Russie elle ne le peut pas. Elle n’a pas d’autre solution que de la faire directement aux États Unis si l’action des États Unis s’avère constituer pour elle une menace directe, stratégique, existentielle. C’est cela qui fait que la situation est lourde de terribles dangers pour le monde.

"Nous les utiliserons si cela s’avère nécessaire"

En désignant à la réunion de Ramstein, aux 40 pays occidentaux, la Russie comme l’ennemi, comme l’objectif de cette guerre en Ukraine, les États-Unis en ont changé la signification, y compris aux yeux de certains pays européens. Ils ont imposé au conflit leur vision, leur direction, et le risque désormais probable, d’un affrontement direct.
La réaction du président Vladimir Poutine, le lendemain 27 avril, devant la Douma, à Saint-Pétersbourg, a voulu prendre en compte désormais clairement ce risque. Il déclare que s’il y a l’ingérence d’un "élément externe", et que la Russie se sent menacée de façon vitale, sa réponse sera "rapide et foudroyante". Il signale une nouvelle fois que la Russie a des armes stratégiques que ne possèdent pas les États-Unis : « Nous avons pour cela tous les instruments. De ceux que personne ne peut se vanter de posséder. » Et surtout, il précise sur ces armes nouvelles : "Nous ne nous contenterons pas de nous en vanter, nous les utiliserons si cela s’avère nécessaire” et il ajoute " « Toutes les décisions là-dessus ont été déjà prises ».

Toute la gravité de la situation est dans ces mots "nous les utiliserons". Jusqu’à présent la règle implicite pour tous, résidait dans la dissuasion nucléaire, c’est-à-dire dans le principe stratégique que les armes nucléaires ne peuvent être utilisées, d’où le terme "dissuasif", parce que leur utilisation signifierait l’anéantissement réciproque. Or on passe désormais à autre chose, à quelque chose de différent de ce qu’ a vécu le monde jusqu’à présent, le risque, non plus théorique, mais réel d’une guerre nucléaire.
De théorique, le risque de guerre nucléaire est devenu réel. C’est ce qu’a résumé dans une déclaration, le 25 avril, le ministre russe des affaires étrangères, Serguei Lavrov.
A la gravité de la situation, les étasuniens répondent par la désinvolture, l’ironie, voire la dérision. Pour Le président Joe Biden, dans des déclarations du 28 avril "c’est une réaction de désespoir de la Russie face à son échec en Ukraine". Pour les médias des États Unis, ce risque de guerre nucléaire n’est depuis le début que de "la propagande", "du bluff", des tentatives de faire peur à l’Occident, de l’intimider. Le ton est donné ainsi à tous les médias occidentaux qui vont dans le même sens dans un unanimisme quasi total.

Par contre, sur les médias russes le ton est diffèrent, grave. Le 30 avril, sur la chaine
"Russia 1", la gravité de la situation n’est pas niée ou sous-estimée. On considère l’éventualité d’une guerre nucléaire comme réelle. Les gens en parlent avec sérieux, et même avec une sorte de fatalisme, comme si on voulait préparer l’opinion à cette situation.

Le 28 avril sur le plateau de Rossiya 1, Margarita Simonyan, la directrice de la chaîne d’information russe Russia Today, affirme :" L’idée que tout se termine par une attaque nucléaire me semble plus probable que tout autre scénario." On va jusque dans les détails, le discours est concret : on explique l’avantage dont dispose actuellement la Russie sur le plan de la technologie militaire et des armements nucléaires, avec ses missiles hypersoniques qui arrivent invisibles sur l’ennemi, et avec l’énorme missile balistique Sarmat, invisible lui aussi, et qui peut détruire, à lui seul, un pays tout entier. On donne même des chiffres sur leur rapidité "foudroyante" : 106 secondes pour arriver à Berlin, 200 à Paris, 206 secondes à Londres, ce qui ne permet pas à l’adversaire de réagir. "Personne n’y survivrait" dit un animateur de l’émission, "Personne sur cette planète" rectifie le présentateur du Programme. Le dialogue est hallucinant.
Les images de ce dialogue sur un plateau de la télé russe sont transmises, fait rare, sur des chaines françaises. Les animateurs français en rient. Ils rivalisent de moqueries envers les russes. L’atmosphère est surréaliste. Sur un plateau français, une jeune femme ukrainienne, qui fait la guerre à Paris, accuserait presque les Français d’être des lâches, et" d’avoir peur de Poutine" et de la guerre nucléaire. Un vieux général en retraite lui dit que la vitesse des missiles russes ne devrait pas impressionner, et qu’un missile de plus ou de moins ne change rien à l’affaire, puisque chaque camp a les moyens d’anéantir l’autre. Ils voient tous dans ce dialogue à la TV russe la preuve de la folie russe.

Mais moi, cela me rappelle cette histoire d’un fou qui monte sur le mur de son hôpital pour voir l’extérieur et qui voit un homme passer dans la rue. Il crie alors au passant : "vous êtes combien là-dedans."

Où sont les pacifistes ?

Ce qui est terriblement inquiétant, plus que tout le reste, c’est la façon avec laquelle les États Unis, et derrière eux les canaux d’opinion occidentaux minimisent ou veulent minimiser la gravité extrême de la situation, cette escalade qui nous charrie invinciblement vers une troisième guerre mondiale, vers une guerre nucléaire. S’agit-il d’aveuglement comme c’est le cas des empires, notamment déclinants, quand ils sentent leur domination contester, comme le fait actuellement la Russie qui déclare sans détours qu’elle veut remettre en cause l’ordre mondial existant. La réaction des États-Unis est sans nuances. Le contestataire de l’ordre régnant est à la fois méprisé et sous-estimé . Sur ce danger nucléaire, on peut noter que l’attitude russe est différente de celle des États Unis. Autant la Russie en informe son opinion franchement, autant les États-Unis le nient.

S’agit-il alors de déni, de sous-estimation de la situation, ou est-ce une volonté délibérée de vouloir chloroformer l’opinion publique, de vouloir empêcher son intervention, en un mot de la garder inconsciente de la situation réelle, et de cette escalade insensée dans laquelle les États-Unis entrainent les pays occidentaux.

Jamais depuis l’invention de l’arme nucléaire, quelles que soient les crises qu’a connues le monde pendant la guerre froide, il y eu un tel degré de gravité de la situation. Et il n’y a plus, on dirait, les forces populaires qui faisaient naguère obstacle à la guerre et à l’armement nucléaire, aussi bien en Occident que dans le monde. Il y avait dans les années 70 et 80 un puissant mouvement de la paix. Les gens se mobilisaient, par millions, contre le déploiement de missiles en Europe, ils constituaient des chaines humaines de plusieurs centaines de kilomètres entre les pays européens pour s’opposer à la guerre. Les élites intellectuelles et scientifiques, les savants , les artistes publiaient des déclarations contre la guerre. Les prix Nobel avaient constitué des groupes pour analyser les conséquences d’un holocauste nucléaire et en décrire l’horreur. L’opinion en était régulièrement informée. Ce n’est plus le cas. Où sont les pacifistes d’antan, des temps de la guerre froide ?

On est au bord de la guerre nucléaire, et on a l’impression que tout le monde s’en fiche !
La raison, les raisons ? En Occident, les gens semblent être soumis à une propagande de guerre sidérante, paralysante. Ailleurs dans le monde, on pense que c’est une guerre limitée à l’Europe et aux États Unis. "Est-ce que les missiles peuvent arriver jusqu’à nous" m’a demandé innocemment quelqu’un. On ne comprend pas les conséquences globales d’une guerre nucléaire, même limitée à une partie du monde. Peu savent que l’hiver nucléaire s’étendra partout, que la guerre nucléaire est par définition totale, qu’elle peut signifier la fin du monde, la fin de l’humanité. Aucun journal, aucune chaine, aucun site n’en parle, ne dit, ne décrit les horreurs de la guerre nucléaire.

Qui donc va pouvoir réveiller l’opinion publique mondiale ? Que faire ? Qui va donner l’alerte ? Qui peut arrêter cet engrenage mortel ? Quelles personnalités, quels hommes de bonne volonté, quels partis, quels gouvernements, quels États ? Il faut arrêter ça ! Il faut que "les gens", que les peuples "bougent".

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(...) je suis d’accord avec le fait que le tsunami a été une merveilleuse occasion de montrer, au-delà du gouvernement des Etats-Unis, le coeur du peuple américain.

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