Bulletin d’informations sur l’Amérique latine, N°11, Juin 2005
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Pour bien juger des révolutions et des révolutionnaires, il faut les observer de très près et les juger de très loin. (Simon Bolivar).
SOMMAIRE
Extrait du N° 11.
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EMPIRE ORWELLIEN
Grossier, indécent et creux... une strychnine mastiquée, ruminée, idéologique.
Par Franz J.T. Lee, Vhealine.com 22-04-05
FIN DE L’URSS ET PERESTROà KA
Quand commença l’effondrement
Par Lisandro Otero, Rebelion 31-03-05
Perestroika : mettre le doigt dans la plaie
Par Ariel Dacal Diaz, depuis Cuba, Rebelion 13-04-05
La perestroïka et le rôle de l’individu dans l’histoire
Par Lisandro Otero, Rebelion 03-05-05
AMERIQUE LATINE
L’AMERIQUE LATINE A ENCORE LE TEMPS DE NE PAS MANQUER LE TRAIN DE L’HISTOIRE
Entretien avec l’écrivain Manuel Talens, in www.cronica.net, avril 2005
LA GAUCHE LATINO-AMERICAINE EN TROIS ACTES
Par Luis Arces Borja, in Rebelion, 05-04-05
BOLIVIE
CHRONOLOGIE DE LA REVOLUTION
UNE NOUVELLE VAGUE REVOLUTIONNAIRE TRAVERSE LA BOLIVIE
Par Jorge Martin, La Riposte, 02-06-05
L’ANCIENNE CITE D’ARGENT ET L’ENFER DE SES MINEURS
Par Irene Caselli, il manifesto, édition du 13-04-05
MEXIQUE
UNE AUSSI LONGUE INGERENCE
Par le groupe Comaguer, bulletin 120, semaine 12.2005
VENEZUELA
Débat sur le socialisme. Position de l’OIR (Opcion de Izquierda Revolucionaria) : Nous ne voulons pas de 30% de capitalisme. Il nous faut le socialisme à 100%. Manifeste pour le Premier Mai, in Aporrea 27-04-05.
Apport théorique (IV) au débat révolutionnaire du cercle Bolivarien "El Momoy". Pratique vs. Praxis/Critique de la Religion Chrétienne
Par Jutta Schmitt, in Rebelion, 14-05-05
"CHAVEZ PRESIDENTE !"
Forum du 08-04-05 avec Maurice Lemoine à l’occasion de la sortie de son "docuroman" Chavez presidente !, in Quotidien Permanent en ligne du Nouvel Observateur.
EMPIRE ORWELLIEN
GROSSIER, INDECENT ET CREUX... UNE STRYCHNINE MASTIQUEE, RUMINEE, IDEOLOGIQUE
Par Franz J.T. Lee (professeur à l’Université des Andes, Mérida, Venezuela)
– Lire ICI
Fin de l’URSS et anniversaire de la perestroïka
Quand commença l’effondrement
Par Lisandro Otero, Rebelion 31-03-05
Perestroïka : mettre le doigt dans la plaie
Par Ariel Dacal Diaz, depuis Cuba, in Rebelion du 13-04-05
La perestroïka et le rôle de l’individu dans l’histoire
Réponse à Ariel Dacal Diaz, par Lisandro Otero, Rebelion 03-05-05
– Lire ICI
AMERIQUE LATINE
"L’Amérique latine a encore le temps de ne pas manquer le train de l’histoire"
Entretien avec l’écrivain Manuel Talens, par cronicon.net , avril 2005
Manuel Talens (Granada 1948) est romancier, traducteur et chroniqueur dans la presse de langue espagnole (notamment pour El Pais). Il a publié deux romans : La parabola de Carmen la Reina (1992) et Hijas de Eva (1997) et trois livres de récits : Venganzas (1995), Rueda del tiempo (2001, Prix Andalucia 2002 de la Critique) et La sonrisa de Saskia y otras historias minimas (2003).
Comme traducteur, outre un intense travail dans les médias alternatifs d’Internet, en particulier dans Rebelion.org, il a traduit en castillan de nombreux auteurs : George Simenon, Edith Wharton, Tibor Fischer, Groucho Marx, Paul Virilio, Blaise Cendrars, James Petras, etc. Il prépare actuellement son troisième roman, ainsi qu’une édition- papier des essais cinématographiques "Cuba en el corazon" et une anthologie d’articles journalistiques.
INTERNET OU LA CHUTE DES BARRIERES FRONTALIERES
Quel est l’impact sur la vie quotidienne des citoyens en matière sociale et politique de ce que vous appelez "la société interconnectée" ?
J’aime utiliser le binôme "société interconnectée" parce qu’il est très imagé et que tout le monde le comprend, mais je dois dire qu’il vient d’un autre Manuel, avec également un nom catalan, le sociologue Manuel Castells, lequel a défini la tendance naissante des sociétés opulentes à s’organiser autour de la technologie de l’informatique et de la communication symbolique. Cette communication, dans ses modalités variées que sont le courrier électronique, les forums, les chats ou dernièrement les blogs, est un phénomène qui a connu une croissance exponentielle dans les quinze dernières années. Mais il est nécessaire d’émettre une réserve liminaire : étant donné que ceux qui sont nés dans un environnement économique plus ou moins confortable ont souvent tendance à commettre l’erreur de généraliser à partir de leur expérience, comme si tout le monde jouissait des mêmes privilèges, il est d’important de dire d’emblée que la société interconnectée n’est pas, loin de là , une réalité planétaire, mais un privilège du Premier Monde, et de plus, à l’intérieur de celui-ci, à des degrés divers. Je n’ai pas de statistiques précises sous les yeux (1), mais il est évident que l’interconnexion citoyenne d’une société comme, disons, la finlandaise, est bien meilleure que celle dont jouissent les Espagnols ou les Grecs, et cela alors que tous vivent dans l’Union Européenne. Si nous descendons dans l’échelle des richesses par nations, nous trouvons à chaque fois moins de familles qui ont accès à Internet, jusqu’aux derniers pays de la liste, dont la priorité n’est pas de se connecter, mais de survivre.
Il me vient à l’instant en mémoire un dessin de ce dessinateur génial qu’est Forges, dans lequel un Africain disait à un autre : "Si nous avions un téléphone portable nous pourrions le manger". En Afrique, un continent qui a pratiquement disparu des statistiques, où la majorité de la population n’a même jamais envoyé un appel téléphonique dans sa vie, Internet est un phénomène insignifiant. Internet fait partie de la globalisation néolibérale et est un reflet parfait des inégalités qu’elle impose. Du point de vue social, ceux qui comme nous ont accès à Internet on assisté en peu de temps à la chute de nombreuses barrières frontalières.
Personnellement, je n’ai jamais eu autant de contacts de ma vie, professionnels, politiques ou de simple amitié, avec autant de gens de tant de lieux divers, que dans les cinq dernières années. Cela, évidemment, change beaucoup de choses dans la quotidienneté de l’internaute, entre autres sa perception du monde. Et comme la res publica fait partie de cette perception, Internet est en train de changer aussi la manière dont l’internaute influe sur la société qui l’entoure.
Selon vous, le journalisme sur Internet est en train de modifier le processus d’information des moyens de communication traditionnels. L’axiome "à nouveaux moyens, nouveaux contenus" se confirme t-il ?
Au commencement, à savoir à la fin des années 70 et dans les années 80, les internautes activistes d’alors, qui n’étaient qu’une poignée, ont imaginé qu’Internet serait un espace de liberté totale. Aujourd’hui nous savons que ce n’est pas le cas. Le capitalisme cherche toujours à contrôler et neutraliser ce qui peut être dangereux pour ses fins hégémoniques, et comme Internet, savamment utilisé, peut être hyper-dangereux, les gouvernements mettent de plus en plus d’obstacles, le programme Echelon en étant un exemple. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne reste plus d’espaces de liberté sur le réseau, du moins pour le moment. Et si nous observons les médias traditionnels, il est clair qu’Internet est en train de modifier le processus d’information de ces derniers, mais plus sur la forme que sur le fond. Les médias traditionnels, à savoir les journaux, sont toujours plus concentrés entre les mains de quelques groupes capitalistes, la dénommée industrie de la culture , dont la finalité primordiale consiste à faire des bénéfices, l’information n’étant que l’excuse pour justifier son existence, et pour cela, elle est subordonnée à ces bénéfices. La manière de faire du journalisme de cette industrie ne peut pas changer, elle est prise dans un corset économique, et cela pèse sur l’indépendance du prétexte utilisé. Si le directeur d’un journal, un authentique entrepreneur, sent qu’une nouvelle peut porter préjudice aux intérêts de l’entreprise, simplement il l’ignore ou la déforme. C’est comme ça, il ne fait pas de doute, et il suffit de lire les médias traditionnels pour se rendre compte que le traitement sémantique des nouvelles ne résiste pas à la plus élémentaire analyse critique. L’unique changement visible produit par Internet sur les médias hégémoniques est qu’ils en ont profité pour élargir l’offre, qui désormais n’est plus seulement en papier, mais apparaît aussi sur le réseau.
Quelle est votre opinion sur la mise en garde de Gabriel Garcia Marquez, qui considère que "la réalité virtuelle, accrue par l’énorme débit d’informations qui est déversée par les ordinateurs, pourrait aboutir à substituer à la réalité vraie la perception du journaliste" ?
Je prends avec le plus grand sérieux les avis de Garcia Marquez, qui sait de quoi il parle. La réalité virtuelle n’est pas une invention du monde technologique, mais une amélioration spectaculaire de quelque chose qui a toujours existé. Je donne un exemple : quand la couronne espagnole a conquis ce qui est aujourd’hui l’Amérique latine et justifié la conquête par la nécessité d’évangéliser les indiens, n’était-ce pas déjà par hasard une forme de paradigme de réalité virtuelle ? Tel que je le vois, le possible bouleversement dans la capacité de perception du réel face à la réalité virtuelle dont parle Garcia Marquez est plus un problème de culture qu’autre chose. Les êtres humains, quels qu’ils soient, n’ont pas l’habitude de se laisser tromper par les supercheries s’ils ont reçu préalablement une éducation qui leur permet de séparer le bon grain de l’ivraie. Le problème, par conséquent, se situe dans le domaine de la politique, puisque c’est en général l’Etat qui se charge d’éduquer les citoyens. Si l’Etat accomplit pleinement sa fonction éducatrice comme, par exemple, c’est le cas de Cuba, les falsifications de la réalité virtuelle peuvent être facilement neutralisées.
Etes-vous d’accord sur le fait qu’Internet a été fondamental dans l’apparition et la consolidation des médias alternatifs ? Comment évaluez-vous son impact ?
Oui. Internet est le détonateur qui a permis l’explosion du journalisme alternatif, qui avant était limité à des milieux locaux et sans connexions, avec des médias très rudimentaires comme la machine à écrire et les tracts, et qui aujourd’hui dispose de portails magnifiquement conçus et a accédé à la globalité. D’un point de vue technique, l’aspect du journalisme alternatif ne se différencie généralement pas beaucoup de celui des moyens de communication hégémoniques et cela est fondamental, car dans la société de l’image le fait de lutter avec des armes similaires constitue déjà une avancée. L’importance du journalisme alternatif comme force contre-hégémonique tient au fait qu’en ne dépendant pas d’intérêts économiques mais idéologiques, ni non plus des lois du marché, sa survie est garantie, car il se base en général sur les collaborations gratuites des militants. C’est le cas, par exemple, de Rebelion, qui est devenu en quelques années le guide-phare de la gauche de langue espagnole et qui doit son existence exclusivement à Internet. Rebelion est, peut-être, le premier moyen de communication authentiquement global en langue castillane, car on le lit tous les jours des Pyrénées à la Terre de Feu, une chose qui n’était jamais arrivée jusque-là dans l’histoire du journalisme. Ce n’est pas un journal argentin, salvadorien, cubain ou espagnol, mais "nôtre" et cela est, probablement, sa principale réussite : la bolivarisation, Espagne comprise, de la gauche. Ce qui ne veut pas dire que le journalisme alternatif n’a pas ses limites, et la principale d’entre elle est qu’il prêche des convertis. Cela fait longtemps que la Psychologie a découvert que les êtres humains se rapprochent des gens du même credo, ce qui est une manière de se sentir bien, enveloppés dans la tranquillité que les réponses de l’interlocuteur sont une confirmation de nos propres questions, qui ainsi se trouvent ratifiées dans leur certitude. Le danger de cette attitude es t la complaisance. Pour cela beaucoup d’intellectuels de gauche, même s’ils participent aux médias alternatifs, continuent néanmoins à publier dans les médias traditionnels (si on le leur permet, ce qui n’est pas toujours le cas), dans l’intention de toucher des lecteurs qui ne sont pas nécessairement de leur bord idéologique, au risque de recevoir quelques coups sur la tête.
Quelles sont, à votre avis, les perspectives des organisations sociales et progressistes dans ce nouvel ordre communicationnel ?
Ce sont, comme cela a toujours été, des perspectives de lutte continue, sauf qu’aujourd’hui elles sont globalisées, ce qui augmente les effectifs et la capacité d’attaque. C’est le versant positif de ma réponse. Le négatif est que les forces de la réaction sont aussi aujourd’hui globalisées. Etant donné que la finalité des organisations progressistes est une société égalitaire, l’espoir d’y parvenir est plus fort dans les pays où le bouillon de culture permet l’apparition de leaders aux idées révolutionnaires. Des gens comme Castro ou Chavez sont impensables en Europe aujourd’hui. La gauche européenne ne produit pas mieux qu’un Jospin ou un Zapatero, qui pratiquent un capitalisme de bonne volonté, mais un capitalisme au bout du compte. Vous êtes, en Amérique latine, dans une meilleure position pour une issue que nous les Européens, pour utiliser la nouvelle société communicationnelle de manière authentiquement démocratique, car vous avez la chance de compter sur quelques leaders qui croient encore qu’il est possible de changer le monde, pas seulement de le gérer de manière moins inhumaine.
Peut-on dire que grâce au réseau virtuel l’accès à l’information est en train de "se démocratiser" et que d’une certaine manière c’est un instrument important pour affronter l’imposition de la "pensée unique" dont parle Ignacio Ramonet ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, le réseau virtuel n’est pas à la portée de tous, ce qui fait que c’est une plaisanterie de vouloir le qualifier de démocratique. L’accès à l’information continue à demeurer, pour l’essentiel, un privilège de classe. Ceci étant, il est certain qu’Internet permet de contrecarrer, dans une certaine mesure, l’imposition de la pensée unique, mais la lutte continue à être très inégale, car la pensée unique dispose non seulement du pouvoir étatique néolibéral et des médias hégémoniques, mais de la télévision, qui elle est un média "démocratisé" au moyen duquel on déverse des centres de pouvoir, en toute impunité, des ordures idéologiques au sein des foyers globaux.
Comment analysez-vous politiquement et socialement l’influence d’Internet dans la défaite du Parti Populaire aux dernières élections en Espagne du fait de la manipulation orchestrée par le président du conseil d’alors, José Maria Aznar, des événements du 11 M (11 mars 2004) de Madrid ?
C’est un exemple typique du pouvoir des communications instantanées dans les sociétés post-modernes et de leur possible influence sur la politique bourgeoise. Je souligne ici le mot "bourgeois" parce qu’il est important pour la suite de mon propos. Dans le modèle bourgeois de démocratie occidentale il y a généralement deux partis qui alternent au pouvoir et les autres jouent le rôle de figuration théâtrale, servant de justificatifs idéologiques à la pluralité. Ces deux partis, qui ont beau s’empêtrer dans des batailles rhétoriques, n’ont pas en réalité d’idées bien différentes sur la manière dont le monde doit être organisé, du fait que d’entrée tous deux acceptent la société de marché, ce qui transforme leurs bagarres en pur vacarme numantin. C’est ainsi que tout simplement la continuité du système capitaliste est assurée sans grands soubresauts et que les dictateurs comme Franco et Pinochet sont devenus obsolètes. Mais comme le modèle d’Etat semble impossib le à changer par les urnes, une bonne partie de la gauche traditionnelle, celle qui n’a pas renoncé à Marx, ne se donne pas la peine d’ aller voter aux élections. Pour que faire ? se demande t-elle résignée. Bien entendu, quelque chose change dans le quotidien des citoyens avec l’alternance du pouvoir et une preuve de cela est qu’aujourd’hui en Espagne il n’y a plus cette crispation, quand on se levait le matin avec la crainte de la bagarre inévitable, car l’extrême droite d’Aznar et la social-démocratie de Zapatero, ce n’est pas la même chose. Dans les élections qui eurent lieu au lendemain du 11 M, avec les morts de Madrid toujours chauds, le pouvoir d’Internet a comblé le vide laissé vacant par la gauche extra-parlementaire. Cela était dû en grande partie à l’énorme indigestion dont souffrait plus de la moitié de la société espagnole après 8 années d’aznarité, pour reprendre le mot de Manolo Vazquez Montalban, avec le désastre du Prestige et la participation à la guerre en Irak comme parties visibles de l’iceberg d’une politique étatique absolument imprésentable. La goutte qui a fait déborder le vase de la patience a été la scandaleuse manipulation de l’information par le Parti Populaire sur les attentats d’Atocha, qui mobilisa la gauche abstentionniste par courrier électronique, messages SMS et la précipita aux urnes, ce qui gonfla le vote PSOE, car l’important à ce moment-là était d’oublier les différences pour virer le PP. Cependant, bien qu’on puisse se réjouir qu’il y ait aujourd’hui à La Moncloa un homme raisonnable comme Zapatero, il ne faut pas oublier que la droite, malgré tout, a obtenu 10 millions de voix et qu’aux prochaines élections, sans événements aussi dramatiques que ceux du 11 M, il n’est pas du tout certain que la gauche extra-parlementaire se dérange pour aller voter.
Cette nouvelle ère des communications va t-elle être déterminante dans les changements politiques et socio-économiques des sociétés ? Comment la percevez-vous ?
Je ne sais pas ce qu’elle sera, mais je sais ce qu’elle est, du moins pour les sociétés interconnectées, à savoir que l’interconnexion permet des questions et des réponses, des attaques et des contre-attaques. Les sociétés qui ne sont pas interconnectées, qui sont pourtant celles qui ont le plus besoin de changement, parce qu’elles souffrent des injustices les plus flagrantes, continuent et continueront à être soumises aux communications unidirectionnelles de la télévision, qui transforme les usagers en de purs récepteurs passifs de contre-information et de propagande (je salue ici, entre parenthèses, le projet télévisuel de Telesur, pour l’Amérique latine, qui s’il réussit, pourrait porter des coups durs au système actuel de bombardement idéologique néolibéral). La question est de savoir combien de temps encore il sera permis à la dissidence politique de s’exprimer à travers Internet ?
Comme va finir par disparaître la presse sur support papier, c’est seulement une question de temps, comme c’est arrivé avec le passage des disques en vinyle aux CD, et d’économie, du fait que l’édition électronique revient beaucoup moins cher et peut se vendre au même prix, et comme s’accélère l’omniprésence de l’information virtuelle, les gouvernements et les groupes hégémoniques vont contrôler toujours plus le réseau et ce sera très difficile pour la gauche. peut se vendre au même prix, et que s’accélère l’omniprésence de l’information
Dans quelle mesure considérez-vous que le développement technologique des communications va être décisif pour le progrès social des pays en voie de développement comme ceux d’Amérique latine ?
Le développement technologique n’a de valeur sociale que s’il s’accompagne de politiques de distribution égalitaire de la richesse, que celle-ci soit grande ou petite, ce qui, pour le moment est le cas à Cuba et s’entrevoit au Venezuela, et peut-être en Uruguay. C’est comme l’histoire du poisson qui se mord la queue : si on ne rompt pas le cercle vicieux du néolibéralisme, il n’y aura pas de solution. La technologie n’est qu’un outil, qui bien entendu n’est pas neutre, aucun outil ne l’est, et qui peut servir pour améliorer l’humanité ou pour continuer à l’asservir. Je vois la chose ainsi, et pour ce qui est de l’Amérique latine, il est évident pour moi que le chemin de son progrès technologique et social n’est pas le modèle européen adopté par le Chili et par l’Argentine, qui ne fait que maquiller les problèmes sans leur apporter de solutions authentiques, comme cela se passe aussi en Europe, mais celui pris par Hugo Chavez, qui par sa jeunesse est destiné à être le Fidel Castro du XXIe siècle. La grande amitié qui unit les deux leaders indique que le Cubain peut enfin respirer tranquillement : sa relève est assurée.
Une dernière question. Dans votre optique européenne, comment observez-vous le processus d’ébullition sociale que vit l’Amérique latine ?
Avec une grande espérance. Comme l’a rappelé Noam Chomsky dans un récent article sur la crise israélo-palestinienne, la politique est l’art du possible, ce qui revient à affirmer que les désirs sont une chose et la réalité autre chose et que parfois il est préférable de ne pas s’affronter au mur mais de prendre une porte latérale. Je dis cela parce qu’en dépit de l’habitude des Européens à l’eurocentrisme et à considérer que nous sommes les plus intelligents et que nous avons obtenu le bien-être social le plus complet du monde, c’ est un fait que nous avons touché le fond, et ce fond s’appelle néolibéralisme. Il n’y a qu’à voir la constitution que nous sommes sur le point d’adopter. Quand d’un point de vue de gauche on voit que les partis sociaux-démocrates la défende becs et ongles, il n’y a rien d’autre à faire qu’à penser que ses leaders sont pragmatiques et se sont rendus compte qu’ils manquaient d’alternative, car la camisole de force posée sur l’Europe est très difficile, si ce n’est impossible à rompre. C’est pourquoi Zapatero, qui est beaucoup plus futé que ce que croient les gens, fait ce qu’il peut, non ce qu’il aimerait faire, et ce qu’il peut consiste à sauver la plus grande partie des meubles de sa présence en Amérique latine, un continent toujours présent dans le coeur de tout homme de gauche espagnol. Le fait d’avoir reçu Chavez comme un héros et soutenu à Bruxelles la levée des absurdes sanctions prises par l’Union Européenne sous l’influence d’Aznar à l’égard de Cuba indique que, dans son for intérieur, l’actuel président du conseil espagnol sait que Cuba et le Venezuela font ce qu’ils doivent faire. Du reste, la rhétorique moralisante des droits humains, du respect des "dissidents" et de la nécessaire "démocratisation" n’est rien d’autre qu’un théâtre politique, un jeu verbal par lequel les sociaux-démocrates espagnols calment la meute des loups, et il ne faut pas trop les prendre au sérieux. Comme spéculer ne coûte rien, je m’aventure à affirmer que, s’il le pouvait, Zapatero appliquerait en Espagne les mêmes politiques que Cuba et le Venezuela, mais le fait est qu’il ne le peut pas, car il ne durerait pas dix minutes dans sa fonction. L’Amérique latine, en revanche, c’est autre chose, ses coordonnées géopolitiques sont différentes, ses masses ont plus souffert et elle sont plus disposées à descendre dans la rue (le coup d’Etat manqué contre Chavez en est une preuve évidente) et c’est pourquoi "Notre" Amérique, c’est aussi la mienne, incarne l’espérance, maintenant que l’Amérique latine a encore le temps de ne pas manquer le train de l’histoire et d’arriver au socialisme. Bolivar n’est pas mort, il est plus vivant que jamais. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point beaucoup d’Espagnols sont heureux de cela.
(1) Ndt. Vous pouvez consulter des statistiques mondiales, régionales, nationales sur le site ABC del internet : www.abcdelinternet.com
Par exemple : 67, 4% de la population nord-américaine a une connexion à internet, 35,5% de la population européenne (France : 41,2%)... et 1,5% de la population africaine.
L’Amérique latine/Caraïbe est à 10,3%, l’Asie à 8,4% et le Moyen-Orient à 7,5%.
Traduit de l’espagnol par Max Keler
AMERIQUE LATINE
Il plut au parti socialiste de décerner au prolétariat le rôle d’un libérateur des générations futures. Il devait ainsi priver cette classe de son ressort le plus précieux (Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, XII).
Un spectacle social qui fonctionne comme une tromperie : La gauche latino-américaine en trois actes
Par Luis Arce Borja. Source : Rebelion 05-04-2005
Acte 1. La faim provoque l’éclatement de la rébellion des masses. Elle menace l’Etat.
Acte 2. La gauche s’infiltre dans le mouvement. Elle désactive l’explosion sociale.
Acte 3. Sortie démocratique de la crise. Fin des mobilisations et acte électoral.
En guise d’introduction
Ce texte n’est pas une invention mais se veut une note théâtrale sur le thème de la situation sociale de l’Amérique latine. Son contenu est autonome en tant que spectacle social mis en scène pour des millions d’affamés qui veulent lutter et non s’agenouiller, mais qui à la fin tombent vaincus, sans forces, dans le piège organisé par l’Etat et les partis politiques officiels de droite et de gauche. Il n’y a pas ici de place pour les scénarios placides, romantiques et poétiques comme on pourrait l’imaginer dans une Amérique latine pleine de vie et de chaleur. Le cadre qui le cerne est un processus politique caractérisé par un contenu aigu de lutte de classes, phénomène qui s’exprime dans la violence qu’exerce l’Etat contre les citoyens les moins favorisés.
Les notes que nous livrons ici constituent un condensé au rythme théâtral des modes d’action des groupes et personnages qui se désignent de gauche. Ils sont de véritables acteurs qui, en marge de leur médiocrité, se distinguent dans une oeuvre montée pour leurrer et escroquer les masses pauvres. D’année en année le même spectacle se répète, avec le même texte. L’estrade, usée et vieillie, se présente avec tous ses ingrédients et personnages d’une société au bord de l’effondrement social, et dans le drame, la comédie ou la tragédie, les destins s’entrecroisent pour modeler une société au bord de l’explosion.
Le scénario
"Ici des soupirs, des pleurs et des maux retentissant dans l’air sans étoile, me firent pleurer dès mon entrée" (1).
La scène se déroule dans n’importe quel pays d’Amérique latine où la souffrance est parvenue à s’étendre comme une plaie damnée et où le spectacle est permanent et quotidien. Choisissez le lieu, ce peut-être Haiti, le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, la Bolivie, le Pérou, l’Equateur ou toute autre République bananière du continent. Ni la dimension géographique ni la taille du pays ne constituent un problème pour la mise en scène de cette intrigue. L’affamé d’Argentine a les mêmes caractéristiques que l’affamé de Haïti ou du Pérou. La faim et la misère n’ont ni nationalité ni frontières et se répand comme un serpent venimeux des confins du sud de l’Amérique latine jusqu’aux limites du Rio Grande dans le nord du continent.
Dans l’intrigue principale, des millions d’hommes et de femmes luttent à tâtons sans aucun but précis. Dans les rues, dans les usines, dans les universités, dans les villas miseria (bidonvilles d’Argentine, ndt), et même dans les prisons, les masses sont prêtes pour le combat. La faim et la misère s’accentuent et croissent sans cesse. Les organisations qui feignent d’être de gauche ne servent à rien, elles sont des entraves et des barrières de contention. Elles sont complices des bourgeois et des propriétaires fonciers. Leur but est de conduire les masses à la traîne des plans politiques des groupes au pouvoir et de l’impérialisme. Ce sont des espèces de traficants de conscience, qui même s’ils se présentent comme socialistes et révolutionnaires constituent l’obstacle principal que rencontrent les opprimés pour changer leur situation d’opprobre et de misère. Ils sont légalistes jusqu’au bout des ongles et ne s’écartent pas d’un millimètre du ter rain électoral dans lequel ils grossissent comme des porcs. Ils s’ajustent religieusement aux draconiennes lois de l’Etat et se déclarent les purs défenseurs de la constitutionnalité et de l’ "Etat de droit". Il n’y a aucune organisation légale de "gauche" qui maintienne un niveau de cohérence avec les masses, et au lieu de contribuer au développement de la lutte sociale elles cherchent à éteindre le feu de la lutte populaire. En Argentine, au Brésil, en Uruguay, en Bolivie, en Equateur, au Pérou et dans les autres pays elles chevauchent sur les luttes spontanées des masses, non pour les orienter vers le changement et la révolution, mais pour les détourner de leurs luttes et soutenir tel ou tel candidat électoral.
Acte premier
Les masses débordent l’ordre légal. Elles prennent rues, avenues et routes. Elles menacent de tout détruire.
Argentine, novembre 2000. "Le peuple entier se soulève, prend les commissariats, retient les policiers comme otages et s’empare des armes policières : la vengeance se dirige surtout sur ces symboles du pouvoir et du malheur populaire, comme lors du santiagazo de 1993 (2) : les piqueteros lancèrent des pierres sur l’Hôtel Portico Norte, puis sur l’Unité Régionale 4 et le Commissariat 36, ayant avant incendié la cellule 41 de Mosconi, le quotidien El Tribuno, la Municipalité, la banque de la Nation et autres lieux sacrés de la bourgeoisie" (Nouvelle parue dans presque tous les médias de Buenos Aires en novembre 2000).
Bolivie, octobre 2003. "La sanglante répression, qui laisse 86 morts, n’a pu arrêter l’irrépressible marée humaine à laquelle se rallièrent des secteurs surtout des classes moyennes, des intellectuels et artistes. L’entrée des mineurs, comme cela s’était déjà produit dans la révolution de 1952, joua un rôle décisif pour cette victoire" (Différents médias de gauche de Bolivie).
La crise économique éclate à la figure des pauvres et plissent leurs estomacs flasques déjà desséchés par la faim. On entend une explosion de cris de rage et de colère. Par milliers, par millions, les travailleurs sortent dans les rues. Sur une affiche qui monte vers le ciel on peut lire : "A mort les exploiteurs", "A bas les partis politiques", "Il faut tous les pendre". Ils bloquent rues, avenues et routes. Les usines et les commerces sont paralysés. Tout ferme. "Les rues sont au peuple", crient les manifestants. Les voix détonent dans l’espace : "misérables", "fils de putes", "mal nés", "voleurs".
La lutte est spontanée mais la police et l’armée ne tardent pas à se lancer à l’assaut contre les affamés. "Terroristes de merde, communistes", hurlent les militaires avant de lancer la première charge d’infanterie. Il y a des morts, des arrestations et de centaines de blessés par balle. Les prisons se remplissent d’hommes mais aussi de femmes. La situation est semblable à la campagne, les paysans aux vêtements déchirés par la pauvreté occupent villages, gorges et plaines. Comme dans le drame de Fuente Ovejuna ils tuent à coups de bâtons et de pierres les représentants de l’Etat. Ils flagellent jusqu’à la mort les juges et les maires.
Sur l’autre rive du champ de bataille, on entend des voix de peur et d’effroi qui disent : "Il faut les arrêter, ils menacent nos intérêts sacrés. Il doit y avoir des agitateurs étrangers, car nous tenons bien dressés nos gens de gauche ! C’est impossible. Ils violent les lois de la République, ils sont contre l’Etat de droit, ils sont anti-démocratiques et subversifs. Putain, comment en est-on arrivé là avec ces loqueteux qui ne prennent pas en compte le sacrifice que nous faisons pour le pays", dit un riche en savourant avec délice un vin fin français. "Nos profits, et la dette externe, qui la paie ? Qui paie l’armée et la bureaucratie de l’Etat ? Qui paie les collèges, les pots de vin, les groupes paramilitaires ?". C’est nous, dit un des occupants de la luxueuse résidence, et en plus ils veulent nous chasser. Il faut mobiliser cardinal, curés et bonnes soeurs pour arrêter ces merdes.
Acte deux
La gauche fait son entrée triomphale au sein des masses. Elle se faufile parmi les manifestants et plante son étendard, pour donner l’apparence qu’elle organise et dirige la révolte.
C’est l’arrivée de l’ "héroïque" gauche, la légale ou la nouvelle comme il est de mode. Officiellement elle n’a pas été invitée à la manifestation spontanée, mais bravant la colère du peuple, elle s’introduit habilement dans le coeur de la foule. Elle s’infiltre, comme ces agents que la police envoie au sein des travailleurs pour les exploiter de l’intérieur, pour les diviser et les corrompre. Avec fourberie et vivacité, produit de sa grande expérience dans ce type d’activité, elle installe au coeur de la manifestation sa banderole rouge comme le sang. Le symbole et la couleur servent à troubler les masses, qui ne se rendent pas compte de la tromperie alors que l’escroquerie est consommée.
Le double jeu est pourtant évident. Ils se font plus radicaux que les masses elles-mêmes en rébellion, mais d’un autre côté, ils amorcent en secret et ouvertement des négociations avec le gouvernement répudié par le peuple. Pour créer la confusion ils tirent des feux de Bengale et font éclater des feux d’artifice. Ils provoquent la police dans l’espoir d’obtenir ne serait-ce qu’une nuit de prison. S’ils sont réprimés, automatiquement ils se transforment en héros, et cela est une chance sur le terrain électoral. Rien n’est le fait du hasard, tout est calculé. Ils cherchent les quotidiens, les revues et les plateaux de télévision pour lancer de terribles menaces contre le gouvernement et l’impérialisme. Du soir au matin ils se transforment en vedettes du spectacle politique en marche. Pendant que les gros bourgeois se tordent de rire, ils crient : "Qu’ils s’en aillent tous !", comme en Argentine, "Etat multiethnique et Démocratie directe", comme en Equateur, "Gouvernement de tous les Sangs", (promesse métaphorique du président Toledo lors de sa campagne électorale, ndt) comme au Pérou, ou "Assemblée constituante populaire et souveraine", comme en Bolivie. La duperie est sans limite. Ils exigent l’établissement d’une "démocratie participative et directe des masses".
Sur la crête de la vague rebelle la chose sera un jeu d’enfant pour une gauche experte dans l’art du montage théâtral et de la manipulation. De là , comme une traînée de poudre, elle étendra ses tentacules. Ses consignes politiques ne seront pas seulement pour endormir les masses déchaînées et les détourner de toute tentative de porter atteinte à l’ordre imposé, mais aussi pour plaire aux patrons locaux et étrangers. Elle mettra toute son énergie à trouver une "sortie démocratique et constitutionnelle" à la crise et à la rébellion populaire.
Acte troisième
La sortie démocratique de crise proposée par les hommes de gauche et de droite s’applique. Pour la propagande officielle "on entre dans l’ère socialiste" avec Lula au Brésil, Kirchner en Argentine, Gutiérrez en Equateur et Mesa en Bolivie. La société idéale, le socialisme, surgissent, non de violentes luttes de classes, mais des instruments mêmes d’oppression des bourgeois et propriétaires terriens.
Une Assemblée Constituante et des élections générales sont en vue. Les groupes de pouvoir et l’impérialisme se frottent les mains. Le grand spectacle a commencé, messieurs, dit quelqu’un de l’Etat. "Quelle bonne idée de donner une sortie démocratique à la crise du pays", commente un banquier en faisant des calculs sur ses profits juteux. Les masses insurgées, embarquées dans la voiture électorale, cherchent un candidat présidentiel. "Une nouvelle constitution" est proposée comme solution à la crise. Une organisation de gauche réclame "un gouvernement démocratique et populaire", une autre des "élections propres et démocratiques". Un bourgeois attentif aux consignes politiques se dit qu’en fait un gouvernement démocratique, c’est pour eux, et non pour les pauvres diables qui eux y croient. "Sans cette gauche nous serions cuits", dit-il en prenant son téléphone pour annoncer à Washington que la chose est contrôlée à 100% et qu’il n’y a aucun danger. OK, répond s on interlocuteur.
Au Brésil, Lula le bien-aimé de l’église catholique, des patrons et de l’impérialisme, a dit clairement qu’il "n’est pas et n’a jamais été un homme de gauche", mais bien le candidat de la gauche. Les paysans sans terre et les activistes de gauche de toutes tendances le présentent comme le représentant des pauvres au pouvoir. Il gagne les élections et son premier acte de président est d’aller embrasser George Bush. Alors qu’avant il promettait de ne pas payer la dette externe, aujourd’hui il la paie mieux que les gouvernements précédents. Alors qu’avant il promettait la terre aux paysans, aujourd’hui il utilise la violence militaire et policière pour défendre à "sang et à feu" les terres des propriétaires fonciers. Et si avant il annonçait qu’il liquiderait la faim et la misère (programme de faim zéro), aujourd’hui les masses mangent moins qu’avant son installation dans le fauteuil présidentiel et la pauvreté augmente.
En Argentine, Nestor Kirchner, péroniste et de droite, est le candidat électoral de la gauche. Il est proclamé fils préféré du peuple, et on lui adjoint les qualificatifs "anti-impérialistes" et "anti-néolibéral". Les Mères de la Place, figures emblématiques de la lutte contre le crime et l’impunité des militaires argentins, versèrent beaucoup de larmes quand avec amour maternel elles embrassèrent Kirchner le jour de sa victoire électorale. Sa politique "anti-impérialiste" ne s’est pas vue, même en rêves, et depuis 2002 le prétendu gouvernement "anti-impérialiste" a payé plus de 10.000 millions de dollars au FMI et autres organismes des empires (3). Pour les pauvres rien n’a changé et leur situation est même pire que sous les gouvernements antérieurs.
En Equateur (2002), le colonel Lucio Gutiérrez était le candidat des masses populaires et de la gauche. La gauche, non seulement désactiva la rébellion populaire, mais fut chargée de manipuler et d’entraîner les pauvres derrière un candidat qui en pleine campagne électorale se déclara un admirateur d’Augusto Pinochet et un partisan de l’ "exemple démocratique" des Etats-Unis. Quand Gutiérrez a gagné les élections on a dit que le changement révolutionnaire "était irréversible" et ses alliés de gauche s’assirent à la droite de dieu le père pour gouverner. Le MPD (Mouvement Populaire Démocratique), le PCMLE (Parti Communiste Marxiste-Léniniste d’Equateur), la CONAIE (Confédération des Nationalités Indigènes) et le groupe Pachakutik gagnèrent quelques ministères et ne s’éloignèrent du président "révolutionnaire" que quand les masses firent la preuve qu’elles étaient lasses de la tromperie et qu’elles se préparaient à repartir dans de nouvelles luttes populaires.< /P>
En Bolivie, les ouvriers du taita (père, en langue quechua, ndt) Felipe Quispe et les paysans de l’indigène Evo Morales, virent en Carlos Mesa le plus pur démocrate et anti-impérialiste né sur ces terres ombragées. Il ne fallut pas longtemps pour que le gouvernement de l’anti-impérialiste Mesa devienne un cirque dans lequel ne gagnent que les groupes de pouvoir et les transnationales. Selon un récent rapport du PNUD, 60% des Boliviens vivent sous le seuil de pauvreté, chiffre qui monte à 90% dans les campagnes. Et comme toile de fond de ce drame, les mêmes "hommes de gauche" qui soutinrent Mesa (aujourd’hui transformés en parlementaires et personnages importants du gouvernement), crient que Mesa est un traître. Ils appellent aux mobilisations, et demandent que le gouvernement convoque de nouvelles élections. Pendant ce temps, la pauvreté dans ce pays est monté de 5.076.000 en 1995 à 6.448.000 en 2001, et parmi eux (d’après le Programme des Nations Unie s pour l’Alimentation Mondiale) 2 millions de Boliviens souffrent de faim chronique.
Et ne parlons pas du Pérou, pour pas que nos lecteurs se mettent à pleurer, disons seulement : Le gouvernement de "Tous les Sangs" dirigé par Toledo, élu en 2001 par la gauche et par la droite péruvienne, s’est avéré pire que la tyrannie mafieuse, corrompue et criminelle d’Alberto Fujimori et Vladimir Montesinos. Maintenant que plus personne ne mise un seul centavo sur Toledo, et que les masses affamés luttent à nouveau dans les rues, la gauche a ressorti son vieux livret pour escroquer les pauvres. Sans changer même une virgule, elle a remis en marche la mise en scène du bien connu "Acte premier", qui comme on l’a vu, commence par l’infiltration habituelle des masses, pour de là crier à nouveau "A bas le gouvernement" (celui qu’ils ont élus et appuyé). "Elections générales immédiates", et rédaction d’une "Nouvelle Constitution". Et ainsi reprend, épique, burlesque mais aussi douloureuse, la présentation des trois actes de cette oeuvre surgie de la réalité latino-américaine qui met en scène tout le drame des masses pauvres de ce continent.
Luis Arce Borja
Notes
(1) Dante Alighieri, La Divine Comédie, Chant III, au moment d’entrer dans l’enfer.
(2) Le santiagazo ou santiagueñazo désigne le soulèvement de décembre 1993, dans la ville de Santiago del Estero, capitale de la province du même nom, dans le nord de l’Argentine. Suite à la décision du gouvernement Menem de réduire l’emploi public et de baisser les salaires, les travailleurs et la population ont, spontanément, occupé les lieux publics, coupé les routes, démoli les locaux des partis politiques, les domiciles des politiciens corrompus et mis le feu au palais gouvernemental. Ce soulèvement a ouvert un cycle de luttes et posé les prémisses du mouvement piquetero (le traducteur).
(3) Argenpress, publication du 18-03-2005.
Traduction du castillan : Max Keler
BOLIVIE
Brève chronologie de la crise bolivienne
Par RB
GUERRE SOCIALE, SOUVERAINETE NATIONALE ET REVOLUTION
Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie
Par Jorge Martin, La Riposte, 2 juin 2005
L’ancienne cité d’argent et l’enfer de ses mineurs
Par Irene Caselli, il manifesto, 13 avril 2005
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MEXIQUE
Mexique : une aussi longue ingérence
In bulletin n° 120-semaine 12-2005 du groupe COMAGUER (Contre la guerre, comprendre et agir). Contact : comaguer@nomade.fr
Des électeurs qui élisent des gouvernements de gauche, des populations qui luttent contre la dévastation de leurs terres, de leurs économies par le capital transnational, des gouvernements qui se plient de moins en moins aux diktats de Washington qu’ils viennent de la Maison Blanche, du Pentagone, de la Banque Mondiale ou du FMI, l’Amérique Latine inquiète les puissants.
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VENEZUELA
Nous les Travailleurs nous Voulons ce qui nous Appartient : Nous ne voulons pas de 30% du capitalisme. Nous avons Besoin de 100% du socialisme. Manifeste pour le Premier Mai.
Par Opcion de Izquierda Revolucionaria (OIR- Option de Gauche Révolutionnaire), le 27 avril 2005
Le Premier Mai est une date très spéciale pour les travailleurs du monde entier. Ce jour non seulement nous nous souvenons de l’action héroïque des valeureux ouvriers de Chicago qui donnèrent leurs vies pour conquérir la journée de travail de 8 heures, les 8 heures de détente et les 8 heures de repos. Le Premier Mai est aussi un jour de réflexion sur ce qu’est notre vie de travailleurs dans ce système capitaliste ; d’évaluation de nos forces et du chemin parcouru ; et avant tout de lutte, où nous levons bien haut nos poings et exigeons des solutions immédiates et stratégiques à nos besoins.
Le capitalisme est un système qui nous condamne à la misère et à mourir de faim. Presque 120 ans se sont écoulés depuis cette juste lutte de Chicago. Nous avons arraché des droits sur nombre de nos revendications, mais nous demeurons enchaînés à un système qui a pour raison d’être le profit individuel, l’exploitation de la force de travail, l’oppression et la méconnaissance des droits des pauvres et des minorités.
Au nom de la démocratie bourgeoise que préconisent les capitalistes, les gouvernements des Etats-Unis, d’Europe et du Japon envahissent et assassinent des milliers de civils sans défense en Afghanistan, en Irak ou en Haïti. Des centaines de milliers d’enfants meurent quotidiennement de maladies évitables ou guérissables et de la faim. Des millions ne peuvent jouir d’aucun des droits à l’éducation, au logement et à la santé.
D’aucuns veulent réformer ou embellir le système capitaliste. Ils nous parlent de lutter pour une Troisième Voie, d’humaniser le capitalisme, de démocratie protagonique, de coexistence pacifique ou de cogestion politique et productive entre travailleurs et patrons. Aucune de ces options ne sont des alternatives réelles pour nos problèmes.
Le capitalisme est un système qui rend malade, tue et condamne à la misère permanente les hommes et les femmes de la planète. L’heure est venue pour que les peuples du monde se lèvent et luttent pour un nouveau système économique, politique et social opposé au capitalisme, que nous luttions pour le socialisme avec démocratie ouvrière, où effectivement les travailleurs et le peuple sont protagonistes avec pleine capacité de décision.
Nous relevons que le président Hugo Chavez parle de la nécessité de dépasser le capitalisme et de lutter pour aboutir au socialisme. Mais nous sommes préoccupés si ce socialisme qu’a annoncé publiquement le Président se réduit à demander aux patrons la distribution de 30% de leurs actions aux travailleurs, ce qui serait supposé stimuler la production et éviter les conflits du travail. Une telle politique aboutirait en fait à perpétuer le capitalisme et notre misère.
Une des caractéristiques fondamentales du gouvernement du président Chavez est son indépendance politique vis-à -vis des puissances impérialistes. Néanmoins, nous n’arrivons pas à comprendre comment il parle de socialisme et dans le même temps il promeut une politique pétrolière qui met en cause la souveraineté sur notre principale ressource.
Les gouvernements des pays impérialistes font pression sur le gouvernement vénézuélien et celui-ci fait d’importantes concessions aux multinationales. Chevron, BP, Repsol, Total, Esso, les nouveaux capitalistes chinois et russes, tous font la queue pour avoir leur part de notre rente pétrolière, en même temps qu’ils s’assurent que notre pays leur fournit en toute sécurité le combustible dont ils ont besoin pour faire fonctionner leurs économies ou leurs machines de guerre contre les pays pauvres.
Il est paradoxal qu’alors que l’économie a connu une croissance de 17% l’an passé, la pauvreté a augmenté sur les 6 dernières années, de presque 10 points, de 43 à 52%, selon les propres chiffres officiels. Conclusion : les riches sont encore plus riches et nous les pauvres toujours plus pauvres.
Les réserves internationales dépassent les 25.000 millions de dollars, mais le gouvernement propose que l’excédent soit utilisé pour annuler une dette externe frauduleuse et illégitime, qui atteint 40% du Produit Intérieur Brut tandis que les oligarches qui nous ont livré au système bancaire multilatéral et au Fond Monétaire International ont une bonne partie de ces ressources sur leurs comptes personnels.
Le gouvernement parle de dépasser le capitalisme, mais il s’incline en soutenant par de grands crédits les entrepreneurs, il dévalue le bolivar, faisant perdre une partie de sa valeur à notre force de travail.
Il n’exerce aucun contrôle réel sur les prix des produits du panier de la ménagère, ni n’autorise une augmentation des traitements et salaires pour tous les travailleurs vénézuéliens qui permettrait de satisfaire aux besoins basiques des familles. 400.000 bolivars (1), c’est une misère qui permet à peine de couvrir le tiers de ce dont nous avons besoin pour survivre dignement.
Le socialisme est démocratie et égalité sociale. Nous, les travailleurs et le peuple, nous nous sommes sacrifiés durant des décennies. Nous avons fait de notre mieux pour que l’économie croisse. Nous avons offert nos vies pour défendre le gouvernement du président Chavez contre les attaques de l’impérialisme et de l’oligarchie hostile. Nous avons mis en mouvement la nation quand les patrons ont voulu la paralyser. Il est juste que nous les exploités de la ville et de la campagne, nous qui réellement produisons les richesses et défendons le pays de l’agression étrangère, nous disions quel est le système économique dont nous avons besoin et que nous voulons.
Le modèle économique que nous voulons doit être opposé à celui du capitalisme. Nous ne voulons pas qu’une minorité parasitaire soit propriétaire des entreprises, des terres, des banques. Ni que ces nouveaux riches qui se consolident à l’ombre du gouvernement du président Chavez, ainsi que ces fonctionnaires corrompus, soient les nouveaux représentants de la bourgeoisie créole, des multinationales et de l’impérialisme.
De nombreuses expériences révolutionnaires dans le monde ont permis de démontrer que tout processus révolutionnaire qui ne s’approfondit pas ou qui cherche à concilier les intérêts des exploités et ceux des exploiteurs, termine malheureusement dans les dictatures, les bains de sang et la misère.
Souvenons-nous des exemples significatifs du Chili, du Nicaragua, ou tout récemment de l’Equateur, où le peuple a dû se mobiliser pour faire tomber le gouvernement du colonel Lucio Gutiérrez, qui continuait à brader la souveraineté du pays et à enfoncer la population dans la misère. Malheureusement les partis de l’oligarchie qui prétendent dominer le gouvernement veulent faire payer cher au peuple l’audace de s’être soulevé contre leurs intérêts.
Nous devons également apprendre de l’expérience gouvernementale du Parti des Travailleurs au Brésil. Un Président sorti des entrailles de la classe ouvrière, mais avec une mentalité et un programme réformiste et pro-capitaliste, aujourd’hui s’acquitte en bon élève des mesures économiques du Fonds Monétaire International. Pour sa gestion en faveur du FMI, Condolezza Rice vient de le féliciter d’avoir surmonté ses "pauvres origines de classe". La même situation peut se produire avec le gouvernement de Frente Amplio en Uruguay, si ses dirigeants continuent à vouloir coexister, cohabiter et co-gouverner avec les patrons et les multinationales.
C’est pourquoi l’issue au Venezuela n’est pas dans la conciliation. Il n’est pas viable, ni alternatif pour les travailleurs, que les patrons gardent 70% du système capitaliste et les pauvres et exploités les 30% restant. Nous ne voulons pas partager un système criminel et misérable. Il n’est pas possible de partager le pouvoir avec les ennemis de classe qui n’hésiteront pas à transformer notre territoire en un bain de sang pour récupérer le pouvoir politique perdu.
La stratégie des travailleurs n’est pas dans la conciliation de classe, pas plus que dans la co-gestion et le contrôle ouvrier des entreprises. Nous luttons pour atteindre ces deux objectifs afin de démontrer aux travailleurs qu’il est impossible de concilier les intérêts des patrons avec ceux des travailleurs. Le contrôle ouvrier et la co-gestion ne sont pas la "gestion partagée du pouvoir des entreprises", cela c’est du réformisme au service du capitalisme. La co-gestion et le contrôle ouvrier doivent être compris comme la lutte quotidienne et déterminée des travailleurs et du peuple pour obtenir le contrôle des entreprises publiques, privées et de l’Etat.
C’est un stade transitoire, dans lequel nous les travailleurs nous préparons pour contrôler les entreprises et en finir avec l’irrationalité capitaliste en développant une planification de l’économie au service de la grande majorité et non de minorités oligarchiques et de multinationales.
La stratégie des travailleurs et du peuple est l’expropriation de tous les capitalistes ; la nationalisation et la souveraineté absolue sur nos ressources naturelles sans indemnisation aucune des multinationales ; la mise en oeuvre d’ une puissante réforme agraire qui élimine la grande propriété terrienne et organise la production au service de la population. Notre tâche est de démolir les gouvernements des patrons, leurs régimes politiques corrompus et particulièrement leur Etat Capitaliste, pour le remplacer par un Etat Ouvrier sous un régime de démocratie ouvrière avec un gouvernement des travailleurs et du peuple. Notre mot d’ordre de bataille est et continue d’être : TOUT LE POUVOIR AUX TRAVAILLEURS. Pour cela nous disons : Nous voulons le socialisme à 100%, non pas les 30% de miettes des capitalistes.
Et nous pouvons consolider le socialisme à condition que nous unissions notre lutte à celle d’autres peuples frères pour étendre la révolution et vaincre définitivement l’impérialisme au niveau mondial.
Construisons un outil politique de lutte pour le pouvoir des travailleurs. L’éloignement de la population face aux nouveaux partis de la Ve République continue à croître. A Caracas c’est seulement une minorité qui participe aux activités internes du MVR, pendant que le PPT et Podemos n’ont pas de force suffisante pour aller seuls aux élections et fnirent par en appeler à un accord de sommet.
Il y a des lutteurs honnêtes qui se plaignent des fraudes internes du MVR.
L’affrontement entre les nouveaux caciques politiques de la Ve République dépasse les frontières locales et des Etats.
Beaucoup de compatriotes ont pensé qu’en s’inscrivant dans ces organisations ils allaient déborder les "chefs" politiques. Cela n’a pas été possible, car ces partis fonctionnent de manière semblable à ceux de la IVe République. S’ils recueillent des millions de voix c’est parce qu’ils s’appuient sur l’aile protectrice et le prestige dont jouit le président Chavez.
Ce qu’il est important de souligner pour le Premier Mai, c’est que la population continue la lutte et avance, gagne en conscience, a le désir ardent d’apprendre et de se former idéologiquement et politiquement et conserve intacte sa vocation révolutionnaire pour réussir une réelle transformation de la société vénézuélienne.
Nous le disons à tous : construisons nous-mêmes notre outil politique. Un outil aussi précieux que celui qu’a construit l’UNT, pour mener la bataille contre les patrons ennemis du processus révolutionnaire ; c’est plus nécessaire que jamais que nous construisions notre propre parti des travailleurs et du peuple pour lutter pour le socialisme.
Un nouveau parti réellement démocratique qui s’alimente des meilleurs lutteurs et activistes sortis des rangs des travailleurs et du peuple, dont la finalité est la mobilisation ouvrière et populaire, et qui lutte pour conquérir le pouvoir pour les travailleurs et le peuple.
Un parti solidaire des luttes du peuple, qui défend la souveraineté nationale face à l’impérialisme, qui exige le non-paiement de la dette externe, l’augmentation générale des traitements et salaires pour tous, et qui affronte jour après jour les patrons et les propriétaires terriens.
Un parti à la vocation internationaliste que nous a légué le libertador Simon Bolivar.
Un parti au premier rang pour appuyer l’expropriation des entreprises pour qu’elles soient contrôlées et administrées directement par les travailleurs.
Un parti qui lutte pour une nouvelle société, libérée de l’exploitation et des humiliations, qui lutte pour le socialisme par la démocratie ouvrière.
Les militants de l’OIR invitent tous les groupes révolutionnaires à se réunir pour discuter d’une plate-forme politique et programmatique unitaire et pour avancer dans la construction d’une réelle alternative politique ; construisons le Parti des Travailleurs pour la Révolution Socialiste.
-Augmentation générale des traitements et salaires pour tous
-Non au paiement de la dette externe
-Révision de la politique des hydrocarbures. Nous luttons pour une Constituante Pétrolière
-Le capitalisme est exploitation, faim, destruction et mort
-Le socialisme est démocratie, liberté et égalité sociale
-Appuyons la lutte pour l’expropriation de La Constructora Nacional de Valvulas (2)
-Renforçons l’UNT pour en finir avec la bureaucratie syndicale
-Troupes impérialistes hors d’Irak et d’Afghanistan
-A bas l’ALCA, le Plan Colombie et le Plan Puebla-Panama
-Troupes yankees hors de Manta, Vieques et Guantanamo
-Soutenons la juste lutte du peuple équatorien contre l’impérialisme, l’oligarchie et les plans de famine du FMI
-Troupes brésiliennes, argentines et chiliennes hors d’Haïti.
NDLR :
(1)Ce salaire minimum vénézuélien correspond à environ 145 euros (taux de change du 03-05-05).
(2)C’est chose faite, semble t-il, de haute lutte ! Valvulas, une importante entreprise stratégique qui fabrique des soupapes pour l’industrie pétrolière, avait été fermée par son patron lors du sabotage patronal pétrolier de décembre 2002 et récupérée par ses travailleurs. Le président Chavez a proclamé, au cours d’une cérémonie en date du 27 avril 2005 en présence des travailleurs, que l’entreprise était déclarée d’utilité publique, d’où l’expropriation du propriétaire, par ailleurs un ancien dirigeant de la compagnie pétrolière nationale. La nouvelle compagnie, INVEVAL, sera à 51% propriété de l’Etat et à 49% d’une coopérative des travailleurs.
VENEZUELA
APPORT THEORIQUE AU DEBAT REVOLUTIONNAIRE-IV
Dans le précédent Révolution Bolivarienne (RB n°10, avril-mai) nous avons présenté la traduction d’un texte de réflexions du Cercle Bolivarien "El Momoy" de la ville de Chiguara dans l’Etat de Mérida, République Bolivarienne du Venezuela. Le texte ci-après, 4e partie des réflexions du Cercle, analyse les concepts de praxis et de pratique et engage une critique de la religion chrétienne.
Au préalable, nous croyons utile de rappeler ce qu’est un Cercle Bolivarien (source : Maurice Lemoine, Chavez Presidente ! Flammarion, 2005).
Au départ, c’est parti d’une idée du président Chavez de faire vivre la participation citoyenne à la base, la démocratie participative dans la République Bolivarienne. Il n’y avait pas de recette préétablie, chacun devant inventer sa propre formule. Une chose était certaine, c’est que le cercle devait se composer de 7 à 11 personnes, sans restriction de sexe, d’âge ou de nationalité. Pourquoi 7 et pourquoi 11 ? Nul ne saurait le dire. L’idée est de rassembler des gens qui se connaissent, dans une cité, un village, un quartier ou un lieu de travail, et veulent ensemble faire vivre la participation citoyenne, la démocratie participative. C’est l’organisation des communautés du bas vers le haut à partir des besoins. L’assemblée des 7 à 11 citoyens remplit un formulaire, sur lequel est mentionnée l’identité de chacun-e, qui est adressé au Palais présidentiel de Miraflorès par courrier ou fax.
C’est à la fois une manière d’être dans le processus et un nouveau modèle d’organisation politique. Personne ne représente personne, les gens se représentent eux-mêmes dans les assemblées. Les Cercles d’un secteur déterminé se réunissent régulièrement en assemblée. Il y a une coordination à l’échelon supérieure, mais il ne semble pas que ce soit une organisation dirigée d’en haut, par exemple du Palais Présidentiel. Par contre il y a au niveau du pouvoir central quelqu’un qui a pour mission de coordonner les organismes (Banque du Peuple, Banque des Femmes, Surintendance nationale des coopératives, etc.) qui travaillent avec les Cercles.
Les tâches des Cercles, très variées, comprennent notamment :
-défense de la révolution bolivarienne,
-promotion des formes associatives et participatives pour activer la production et la réalisation d’oeuvres d’intérêt social et communautaire, en matière de santé, d’éducation, de culture, de sport, de services publics, d’habitat, d’environnement, etc.,
-articulation avec les autres Cercles, les réseaux sociaux, les institutions et les services publics, pour garantir les services, droits et devoirs constitutionnels,
-formation idéologique bolivarienne, à travers l’étude et l’interprétation des documents bolivariens,
-éducation citoyenne par la lecture de la Constitution Bolivarienne, la Bicha (la Bête), comme disent les Vénézuéliens,
-mobilisation sociale pour répondre à l’appel du Président Chavez,
-discussion sur l’information donnée par les médias, notamment pour affronter la désinformation et débats sur les discours du Président.
Pratique vs. Praxis/ Critique de la Religion Chrétienne
Par Jutta Schmitt, in Rebelion du 14-05-2005
Cercle Bolivarien d’Etudes "El Momoy"/Chiguara (Etat de Mérida-Venezuela)
Synthèse des Séances du 17 avril au 8 mai 2005
Ces dernières séances ont été consacrées à l’analyse des concepts de pratique et de praxis, et à la controverse pour savoir si la religion chrétienne, ou certains de ses éléments, devraient ou non rentrer dans le nouveau socialisme que nous entendons construire, comme une de ses racines. Notre résumé se divise en deux parties : première, qu’est-ce que la Praxis ? Deuxième, Critique de la Religion Chrétienne.
I. Qu’est-ce que la praxis ?
Dans notre effort pour définir le concept de praxis, nous avons fait ressortir, premièrement, que celui-ci se différencie radicalement du concept de pratique, et deuxièmement, que pratique et praxis ne peuvent être séparées de ses parties correspondantes, idéologie et théorie. En ce sens, nous avons brièvement rappelé, en nous référant aux débats antérieurs, que la pratique, le que faire quotidien, répétitif, "automatique", sans réflexion préalable, est le concept corrélatif à l’idéologie dès qu’elle affirme et laisse intact l’ordre social existant ; alors que la praxis, l’activité nouvelle, précise, révolutionnaire, pondérée, produit par et imbriquée au pensé conscient, est le concept corrélatif à la théorie dès qu’elle nie, révolutionne et transforme la réalité existante.
Face à la question : qu’est-ce qui détermine notre pensé et agir et qu’est-ce qui le transforme en théorie et praxis ou en idéologie et pratique, nous avons déterminé ce qui suit :
1. Tout notre pensé et agir est, en premier lieu, déterminé par un cadre préexistant de référence matérielle et spirituelle qui nous entoure et qui est le produit historique des conditions objectives et subjectives créées par les générations antérieures, dans la production et la reproduction de leur vie matérielle et spirituelle.
2. En tant que produits de cette réalité déjà existante, nous avons deux "options" :
Première : il ne nous est pas possible d’étudier en profondeur notre réalité existante, et par conséquent nous n’allons jamais parvenir à la remettre en cause, à la questionner, à la nier et à la changer, auquel cas nous restons des êtres passifs et inconscients, des sortes d’automates, ou des êtres unidimensionnels, dominés dans nos perceptions par l’idéologie régnante, ce qui se traduit dans une pratique quotidienne docile et inoffensive, qui continue à affirmer et appuyer l’ordre social existant ;
Seconde : nous parvenons à connaître à fond notre réalité et par conséquent nous voulons la changer et la révolutionner, auquel cas nous devenons des êtres actifs et conscients, créateurs de neuf sur le plan théorique, ce qui se traduit par une critique active et une activité critique, c’est-à -dire par une praxis révolutionnaire, transformatrice de l’ordre social existant.
3. Le dilemme de "l’homme nouveau", du comment nous changer nous-mêmes, si nous sommes précisément les produits de circonstances qui requièrent d’être changées pour que puissent changer les hommes, ne peut se résoudre que par la praxis révolutionnaire et transformatrice, qui rassemble les deux : le changement des circonstances et le changement de l’être humain.
Dans cet inventaire préliminaire a surgi la question, concernant précisément ces circonstances objectives et subjectives déjà existantes, qui déterminent notre comportement et notre "conscience", dont nous avons précisé qu’il s’agit des formes spécifiques de la production et de la reproduction matérielle de la vie humaine dans l’espace et le temps historique qu’il nous est donné de vivre. Dans notre cas, les circonstances objectives sont, évidemment, les relations de production capitalistes, opérantes dans un pays non-métropolitain, à savoir "en voie de développement", avec un modèle particulier d’accumulation au moyen de la rente pétrolière constituée dans le cadre d’une sorte de capitalisme d’Etat, où ce dernier, avec de brèves exceptions dans son histoire moderne, a joué un rôle keynésien en matière économique et paternaliste dans le domaine social. Sur le plan politique, a fait aussi partie des circonstances objectives un "unipartisme puntofijiste"aux deux visages, adeco et copeyano, qui a institutionnalisé le clientélisme politique et la corruption (le Pacte de Punto Fijo a été le système politique en vigueur une quarantaine d’années au Venezuela, jusqu’à l’arrivée de Chavez en 1998 ; "adeco" et copeyano désignent respectivement les deux ex-partis dominants, AD, le parti social-démocrate et COPEI, le parti démocrate-chrétien, ndt).
Nous avons constaté que les conditions objectives en question se traduisent et s’expriment dans le domaine subjectif, c’est-à -dire précisément dans l’idéologie dominante avec sa pratique correspondante, jusqu’à aujourd’hui et nonobstant les efforts de transformation sociale entrepris par la Révolution Bolivarienne, par l’égoïsme, l’individualisme, la compétition, et par les attitudes de mépris ouvert de son prochain (héritage des rapports de production capitalistes), le tout mêlé à une attitude passive-réceptive, de facilité, dépourvue de tout esprit de responsabilité propre (héritage de l’Etat paternaliste).
Ce sont là , concrètement et immédiatement, les facteurs objectifs et subjectifs qui doivent être dépassés, qui nous ont déterminés et qui continuent à nous déterminer à un degré considérable. Revenant à l’idéologie et à la pratique comme facteurs inducteurs d’une véritable paralysie sociale, nous avons pu faire les constats suivants :
1. L’idéologie, qui garantit la perpétuation de l’ordre social existant dans les têtes surtout des exploités économiquement et condamnés humainement, semble avoir mille et un avantages sur toute pensée critique et neuve, du fait qu’elle est constituée par les idées des classes dominantes, qui en plus d’être propriétaires des moyens de production, le sont aussi des grands médias de communication de masse.
2. Les idées dominantes d’une époque non seulement sont les idées des classes dominantes, mais et comme le dit Marx dans l’Idéologie Allemande, elles se constituent comme le règne des idées sur la réalité matérielle objective ; ce qui signifie que se crée l’illusion fatale que la réalité matérielle-objective d’une époque historique est le produit des idées d’un grand "dieu", d’un sublime esprit, d’un "grand homme" ou même d’une "grande race", alors que les idées, au contraire, sont toujours les produits d’un espace-temps historique déterminé dans la production et la reproduction de la vie humaine.
3. De cette manière, l’idéologie suggère que les changements qui ont eu lieu dans le processus historique ont été le produit d’ "instances supérieures" et que le petit homme ordinaire, les masses, les exploités et les opprimés, ne pourront jamais être porteurs des grandes idées, et qu’encore moins elles pourront se constituer comme une force matérielle transformatrice du présent et du futur.
4. C’est dans ce même sens que se livre la guerre des idées de notre présent ; elle est fondamentalement une guerre déclarée contre toute conception théorico-praxique qui diffère du modèle unique capitaliste, lequel s’étend de manière cancérigène sur le globe terrestre entier. Cette guerre est menée au moyen de l’omniprésence suffocante des grands médias de communication de masse qui couvrent tous les recoins de la planète, et qui sont dirigés contre les esprits critiques et indépendants restant.
5. Le seul antidote contre le poison idéologique-pratique est la théorie incisive, révélatrice et destructrice des illusions et mensonges idéologiques, qui a et aura toujours son épreuve du feu dans la critique active ou activité critique, c’est-à -dire, dans la praxis révolutionnaire.
II Critique de la Religion Chrétienne
Nous avons récemment débattu de la recommandation du Président Chavez d’étudier, dans le cadre de l’immense tâche d’inventer le socialisme du XXIe siècle, non seulement les idées originales de Marx et Engels, mais aussi un apport possible de Jésus Christ à ce "socialisme nouveau", et nous avons lu et discuté un texte sur "le socialisme chrétien", extrait du livre "Hugo Chavez et le Socialisme du XXIe Siècle" de l’auteur connu et apprécié Heinz Dieterich.
Même si nous avons perçu l’effort pour séparer la sphère des "enseignements bibliques" et de la "vie de Jésus Christ" du dogme ecclésiastico-romano-catholique, ont surgi, tout de suite, une série d’observations et de questions relatives au sujet religieux-chrétien en général, qui sont les suivantes :
1. Quand il y a 500 ans les colonisateurs européens se donnèrent pour tâche d’implanter sur notre continent latino-américain le christianisme, il n’y avait pas de conditions objectives dans l’absolu pour l’implantation réussie de cette religion, qui était complètement étrangère à nos sociétés autochtones-indigènes. Seulement après l’extermination sans miséricorde, la violence la plus brutale et le génocide perpétré contre nos peuples ancestraux indigènes, seulement après que les colonisateurs eurent transformé nos terres en une vallée de larmes, la religion chrétienne a pu prendre souche et "être adoptée" par les populations traumatisées, déracinées, renversées et réduites en esclavage par une culture étrangère.
2. Cela veut dire que le christianisme était la main droite de la colonisation, de la militarisation, de la déshumanisation et de l’anéantissement de nos civilisations antiques ou "précolombiennes", fait historique violent et barbare, qui non seulement peut-être attribué au "mauvais usage" de cette religion ou à un "abus" au nom de son dieu, mais qui fait aussi partie intrinsèque des "enseignements bibliques" eux-mêmes. Nous nous référons ici au racisme, à la discrimination et à l’exclusion sociale, intrinsèques à la notion de "peuple élu par dieu" (dont les membres seraient, au passage, les seuls qui le jour du jugement final obtiendraient "le salut"), en connexion directe avec la notion fasciste de "race supérieure", dont la "tâche noble et missionnaire" est d’apporter les bienfaits de la "civilisation" aux peuples qui aujourd’hui constituent le "Tiers Monde". Le cynique Rudyard Kipling, un romancier britannique, est allé jusqu’à appeler cela "le fardeau de l’homme blanc" (the white man’s burden) !
3. Si notre propre expérience historique nous a enseigné que la déshumanisation totale et absolue était la condition sine qua none pour pouvoir implanter le christianisme, qu’est-ce qui nous empêche de conclure qu’avec la ré-humanisation de nos peuples disparaîtrait le fantôme du christianisme et le besoin psychologique d’une "revendication divine" post-mortem pour les misères supportées dans cette vie unique, véritable et authentique qui est la nôtre ?
4. Si nous sommes conscients que le christianisme a été l’arme de contrôle mental la plus puissante des classes dominantes tout au long des siècles et depuis des millénaires pour que les opprimés supportent leur misère infinie dans ce qui est leur unique vie, pouvons-nous réellement "sauver" ne serait-ce que des fragments du christianisme pour notre socialisme nouveau, ou cela ne serait-il pas plutôt une irresponsabilité de taille historique ?
Après ces observations et interrogations de caractère général, nous avons procédé à la lecture du texte de Dieterich, dans lequel l’auteur se donne pour tâche d’expliquer l’ "Apport de Jésus Christ au socialisme du XXIe siècle", et même si nous avons constaté qu’à première vue nous pourrions être d’accord avec la façon élégante de Dieterich de résoudre cette tâche, nous avons mis en doute la source même de l’analyse, à savoir la bible. Nous avons rappelé dans ce contexte, que la bible n’est pas un texte intégral et que pour aucun des livres qui la constitue n’a été conservé le texte original des auteurs respectifs, à tel point qu’il a fallu recourir à sa reconstruction à partir de multiples fragments et traductions. En conséquence et avant de pouvoir s’approcher d’une analyse de l’ "apport de Jésus", il convient de se familiariser avec la critique de la bible, qui comprend au moins deux niveaux fondamentaux :
1. Critique de l’origine, de la canonisation et de la traduction de la bible par la critique des sources, la critique des textes d’un point de vue philologique, et la critique de l’herméneutique biblique, ce qui conduit inévitablement à la compréhension de la bible en tant que genre littéraire, produit d’êtres humains, et non en tant que "parole de dieu".
2. Critique du contenu, qui comprend la critique des principes moraux et éthiques exposés dans la bible, comme la violente intolérance religieuse dans l’ancien et le nouveau testament, la violence ouverte contre les ethnies différentes et les communautés qui ont un autre type de foi, les guerres de conquête et le génocide, le machisme patriarcal avec son hostilité et sa rigoureuse discrimination du féminin, l’asexualité, etc. etc. etc.
A un autre niveau du débat et considérant le christianisme institutionnalisé, catholique romain, nous avons constaté que nous sommes entrés dans une nouvelle phase d’inquisition, dans laquelle se combinent le fondamentalisme chrétien le plus rude avec la technologie la plus sophistiquée d’armement et de destruction, représentée par la "formule" Ratzinger-Bush. Devant ce cadre préoccupant a surgi la question de savoir si "le rachat" de l’ "essence du christianisme", concentré dans la figure de Jésus et recommandé par le président Chavez afin d’enrichir le socialisme nouveau du XXIe siècle, tient à des considérations tactiques du fait que l’écrasante majorité de la population vénézuélienne est chrétienne, ou à un problème profond, non résolu par la religion.
Néanmoins, ce problème devrait logiquement se résoudre dans le cadre d’une étude minutieuse des pensées de Marx et Engels, également recommandée par Chavez, où nous trouvons que dans son "Introduction à la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel", Marx observe que "la critique de la religion est la condition préalable de toute critique". Nous en sommes restés là de cette discussion, que nous poursuivrons dans notre prochaine séance.
Traduit du castillan par Max Keler
CHAVEZ PRESIDENTE !
"Si vous me poser la question, je vous répondrais que c’est un docuroman. Pour expliquer ce qu’est la révolution bolivarienne, j’ai choisi la technique narrative romanesque, mais en collant au maximum à la réalité... Vous pouvez considérer que la part de l’imagination est tout à fait minine et que je me suis appuyé sur la connaissance du pays, ma présence à Caracas lors du coup d’Etat, une énorme documentation. On pourrait presque considérer ça comme un grand reportage" (Maurice Lemoine).
Forum du 08/04/2005 avec Maurice Lemoine, rédacteur en chef adjoint au "Monde Diplomatique", spécialiste de l’Amérique latine et auteur de "Chavez Presidente !" (Flammarion, avril 2005, 864 pages, 25 €)), sur le site du Nouvel Observateur, Quotidien Perm@nent.
I : questions des internautes : ML : réponses de Maurice Lemoine
I (XMEN). Alors comme ça, on ferait trop de foin autour d’Ingrid Betancourt ? "On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs" ? Il faut bien que "révolution se passe" ? Pourriez-vous clarifier un peu votre position et vous situer vis-a-vis de la position nauséabonde de certains éléments du Monde Diplomatique.
ML. Il n’y a pas de "position nauséabonde de certains éléments du Monde diplomatique". Je n’ai pas souvenir d’y avoir lu, à aucun moment, qu’"on ferait trop de foin autour d’Ingrid Betancourt" (et je m’y occupe de l’Amérique latine). Je présume que vous faites référence à un éditorial de Val (Charly Hebdo) m’attaquant personnellement sur ce thème. Il n’a jamais daigné publier le droit de réponse que je lui ai envoyé ! PS. je connais personnellement Ingrid avec qui j’entretiens (entretenais) des relations très amicales et que j’ai aidé (journalistiquement) à dénoncer une énorme affaire de corruption dans le cadre de la privatisation des ports colombiens (voir Le Monde diplomatique, en 2000 je crois).
I. Pour ou contre Chavez ? Pourquoi ?
ML. Contre : C’est un ancien militaire - parachutiste de surcroît (mais les paras vénézuéliens n’ont fait ni la guerre d’Indochine ni la guerre d’Algérie !) - Il a tenté un coup d’Etat en février 1992 (mais en 1989, la répression d’une révolte populaire par le gouvernement avait fait 3 000 morts à Caracas). - Il entretient d’excellentes relations avec Cuba (mais son régime n’a rien à voir avec le régime cubain : pluralisme des partis politiques, totale liberté d’expression, aucune nationalisation, appel aux investisseurs étrangers, etc. - On l’accuse de vouloir mettre en place une dictature "castro-communiste"... - Son opposition représente un large spectre de la société vénézuélienne : classe moyenne, médias, Eglise, patronat, principal syndicat... - Il serait (d’après Washington) un perturbateur continental. Pour : Il a été élu démocratiquement. - Sa victoire au référendum révocatoire du 15 août 2004 (neuvième victoire électorale consécuti ve !) a été incontestable. - Il entend mettre la richesse pétrolière au service d’un projet social. - Il mène un certain nombre de réformes (santé, éducation, etc.) qui constituent effectivement une formidable avancée pour les secteurs jusque-là oubliés (70% de la population). - Le tout, dans un cadre indiscutablement démocratique...
I. Hugo Chavez est-il dangereux ?
ML. Dangereux pour qui ? Pour ceux que n’a jamais ému le fait que 70% de la population aient été livrés à la misère, incontestablement oui. Pour ceux qui voulaient privatiser la première richesse nationale - le pétrole -, oui. Pour la tentative de Washington de poursuivre sa domination hégémonique de l’Amérique latine, évidemment oui. Pour ceux qui refusent tout changement dans cette partie du monde : oui. Pour les Vénézuéliens ? Consultation électorale après consultation électorale, ils lui accordent leur confiance. Et ses voisins, Lula au Brésil, Kirschner en Argentine, Tabaré Vasques en Uruguay (pour ne parler que d’eux) n’ont pas l’air spécialement inquiets. Il est vrai qu’on les considère comme "de gauche"... Sont-ils dangereux ?
I. Comment expliquez vous le cafouillage des événements du 11 avril 2002, notamment le fait que le général en chef des armées (proche de Chavez) ait annoncé lui-même la démission de Chavez, alors que ce dernier prétend n’avoir jamais renoncé au pouvoir.
ML. Le général en chef de l’armée vénézuélienne, le général Lucas Rincon, a effectivement annoncé dans la nuit du 11 au 12 avril, que Chavez avait accepté de démissionner. Sous la pression des putschistes, et pour éviter un bain de sang, le président a effectivement envisagé cette possibilité et a fait savoir qu’il y mettait quatre conditions : - que soit garantie la sécurité physique des membres du gouvernement. - que la Constitution soit respectée au pied de la lettre (démission devant l’Assemblée nationale et prise de fonction du vice-président jusqu’à de nouvelles élections). - S’adresser en direct au pays (la télé d’Etat avait été mise hors de fonction par les putschistes). - Que tous les fonctionnaires de son gouvernement l’accompagnent ainsi que les officiers de sa garde personnelle. Les putschistes feignent d’accepter ces conditions et Rincon, sous leur pression, fait son annonce à la télévision. A peine l’a-t-il fait, que les officiers gol pistes annoncent qu’ils "n’acceptent aucune condition". Dès lors, et pendant toute sa détention, Chavez refusera catégoriquement de démissionner, et ne démissionnera pas.
I. Ne pensez-vous pas que le problème du Gouvernement Chavez réside dans le manque de compétences des gens qui l’entourent ?
ML. Devant la succession de tentative de coup d’Etat, déstabilisation économique, entretien d’un chaos politique, c’est-à -dire de menaces réelles pesant sur le pouvoir, Chavez a souvent été amené à favoriser la fidélité plutôt que la compétence. D’où le sentiment, parfois, d’une machine gouvernementale fonctionnant de manière assez chaotique (mais n’oublions pas que les gouvernements précédents, très présentables, eux, ont réussi la performance de mener 70% de la population en-dessous du seuil de pauvreté à une époque où le pays recevait l’équivalent de 20 plans Marshall en revenus pétroliers).
I. L’opposition putschiste ne regrette t’elle pas de ne pas avoir assassiné Chavez en avril 2002 ?
ML. Certains le regrettent sûrement, mais ils ont tort : l’assassinat de Chavez aurait provoqué (ou provoquerait) un début de guerre civile et un bain de sang.
I. Pensez vous qu’une intervention américaine au Venezuela pour renverser Chavez soit possible ?
ML. Intervention directe, sûrement pas (serait mal acceptée par la "communauté internationale"). Intervention indirecte ou "couverte" (cover action) vraisemblablement oui. Sous des modalités difficiles à prévoir car de nombreuses options sont possibles.
I. Chavez, Président d’un pays qui n’a jamais été aussi riche dans son histoire, utilise t’ il bien la manne pétrolière ? Pourquoi toujours autant de pauvres dans ce pays ?
ML. Jamais aussi riche ? Vous oubliez les années 70, quand on appelait le pays le "Venezuela saoudite"... On ne réduit pas une pauvreté de 70% en quelques mois ou même quelques années (voir Lula au Brésil...). La situation de chaos entretenue par l’opposition jusqu’au référendum révocatoire du 15 août 2004 a eu des effets destructeurs sur l’économie du pays. Ainsi, le lock-out (paralysie de l’économie par le patronat, et de l’industrie pétrolière par les cadres) de décembre 2002/janvier 2003 (63 jours) a coûté au pays 9% de son PIB. Terrible ! Cela étant, la situation s’étant quelque peu normalisée et les prix du pétrole étant ce qu’ils sont (Chavez n’y est pour rien !), l’Etat a déversé des sommes très importantes vers les secteurs populaires. On assiste actuellement à un boom de la consommation : + 25% pour le commerce + 32% pour la construction + 27% pour le transport. Par ailleurs, grâce à l’assouplissement du contrôle des changes, le secteur privé a pu à nouveau importer des biens intermédiaires et relancer la consommation. Enfin, et surtout, l’incorporation (dès le début de son mandat) d’un million d’élèves supplémentaires dans le système scolaire (par la suppression des frais d’inscription) ; la création de 3000 écoles bolivariennes (3 repas par jour gratuits pour les élèves) ; la mission Barrio Adentro qui a mis 13 000 médecins (cubains) dans les quartiers défavorisés n’ayant pas, jusque-là , accès au système de santé ; l’alphabétisation d’un million de personnes ; la réincorporation de dizaines de milliers de jeunes dans le système secondaire d’éducation, qu’ils avaient quitté ; les marchés populaires (produits de nécessité à des prix inférieurs à ceux du marché) ; la mise en place de micro-crédits, Banque des femmes, banque du peuple ; la réforme agraire qui a distribué plus de 2 millions d’hectares de terre à 60 000 familles paysannes qui en étaient dépourvu (objectif pour la fin de l’année : 3 millions d’hectares), ont incontestablement amélioré la situation des classes les plus défavorisées. Pour la traduction économique (et macro-économique) de ces avancées, je conseille d’attendre les prochaines statistiques de la Commission économique pour l’Amérique latine (Cepal), qui dépend de l’ONU, pour avoir une vue claire (et honnête) de la situation.
I. Chavez accepterait il une défaite à des élections prochaines ?
ML. Dans des conditions démocratiques, oui. Il avait largement annoncé qu’il respecterait le résultat du référendum révocatoire s’il lui était contraire. Petite rectification : dans une précédente réponse, je parle du référendum révocatoire du 15 août 2004. Non, cette date (le 19 août 2003 en réalité) correspond à la mi-mandat de Chavez, date à partir de laquelle pouvait être demandé un tel référendum. Celui-ci a eu lieu du 27 novembre 2003 au 2 décembre 2004).
I. Un conflit entre le Venezuela et la Colombie est il possible ?
ML. Un vieux conflit territorial existe entre la Colombie et le Venezuela. Sans aller jusqu’à dire qu’un conflit est possible, il est certain que la situation est tendue entre les deux pays. Le récent achat d’armes du gouvernement bolivarien au Brésil (avions de chasse) à l’Espagne (avions et navires de guerre) et même à la Russie (100 000 fusils d’assaut AK-103 et AK-104)s’inscrit dans ce contexte. Depuis le début de l’aide militaire étasunienne à Bogota, dans le cadre du Plan Colombie - destiné à combattre les guérillas colombiennes -, la capacité CONVENTIONNELLE de l’armée colombienne a considérablement augmenté : elle est actuellement 4 fois supérieure aux forces armées vénézuéliennes en terme de puissance de feu. Ce qui, en principe, n’a aucun sens puisque la structure conventionnelle d’une armée ne sert pas à lutter contre la guérilla. Par ailleurs - et surtout - les paramilitaires colombiens sont très présents sur la frontière vénézuélienne et sero nt sans doute (beaucoup plus que l’armée colombienne en tant que telle) les vecteurs d’une tentative de déstabilisation (il y a quelques mois, 90 paramilitaires ont été arrêtés dans la banlieue de Caracas ; ils devaient, revêtus d’uniformes de l’armée vénézuélienne, attaquer des installations militaires, faire croire à un soulèvement "de l’armée vénézuélienne", créer une situation de chaos permettant d’envisager - pourquoi pas - une intervention étrangère...
I (Chavez). Chavez est un gentil parce que c’est une espèce de Le Pen de gauche ?
ML. Amusant ! Le Pen est xénophobe. Chavez a accordé la nationalité vénézuélienne à des dizaines de milliers de Colombiens, présents dans son pays depuis parfois dix ou quinze ans, et dont la situation n’avait jamais été régularisée. Le Pen est étroitement nationaliste. Chavez se réclame de Bolivar (libérateur du Venezuela, mais aussi de la Colombie, de l’Equateur, du Pérou, de la Bolivie), prône l’intégration latino-américaine, est à l’initiative de la création d’une télévision sud-américaine, TeleSur (avec l’Argentine et le Brésil, entre autres)... Dois-je continuer ?
I. Monsieur, merci d’exister. Juste pour nous rappeler ce qu’était le journalisme français sous influence de Moscou aux plus belles heures du Stalinisme.
ML. Monsieur, merci d’exister aussi. Mais savez vous que le Venezuela n’appartient pas au Pacte de Varsovie ?
I (ML). Castro c’est ton pote ?
ML. Dans une Amérique latine qui, de 120 millions de pauvres en 1980 est passée à 224 millions aujourd’hui (chiffres : Commission économique pour l’Amérique latine de l’ONU), il me semblerait important que les défenseurs des droits de l’homme accordent autant d’attention aux autres pays du continent qu’à Cuba...
I (Cevez). Psss... le 09.11.1989 ça te dit quelque chose ?
ML. Bien sûr ! Et le 27 février 1989, vous avez entendu parler ? 3 000 morts à Caracas... Le "caracazo".
I. Comment voyez vous l’avenir de l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques) ?
ML. Pour les non initiés : l’ALBA entend réintroduire (ou introduire, tout simplement) la dimension sociale dans la problématique de l’intégration latino-américaine. Pour le moment, il s’agit d’un projet qui peut apparaître comme utopique. Néanmoins, les ravages du libéralisme en Amérique latine le justifient amplement. Tout dépendra bien sûr des gouvernements au pouvoir dans les pays de la région, mais une inflexion des politiques en vigueur est seule susceptible d’éviter un possible chaos (révoltes de tous types, insécurité, décomposition sociale) sur un sous-continent où les inégalités sont en train de faire renaître un fort radicalisme des luttes sociales. Dans ce sens, on peut considérer l’échec de la Zone de libre échange des Amériques (ALCA en espagnol), qui, sous l’égide de Washington, devait être mise en place cette année et qui ne le sera pas, comme un premier signe. Le virage à gauche d’une partie de la région (Venezuela, Brésil, Argentine, Uru guay) est un autre symptôme intéressant.
I (Moron). Comme il est d’usage dans la mouvance "altermondialiste", vous condamnez la vision manichéenne de l’administration US, mais vous en êtes l’exact reflet. Les Etats-Unis seraient le Mal, responsables de tous les maux qui affligent l’humanité. Tous ceux qui se présentent comme ses adversaires sont alors des représentants du Bien, quelles que soient leurs tares... d’où vos positions sur des leaders douteux. Bon courage.
ML. De deux choses l’une : ou vous vous réclamez de la démocratie ou pas. Un dirigeant qui a gagné huit consultations électorales (en présence d’observateurs internationaux - Centre Carter, Organisation des Etats américains) peut être critiqué pour sa politique, mais je ne vois pas en quoi il serait "douteux"...
I (bloa). Jean-Paul II avait survécu à la tentative d’assassinat par les services soviétiques. Aujourd’hui, il finit par mourir. Vous êtes satisfait ?
ML. Ni satisfait ni insatisfait (je suis un laïc tolérant). Mais je vous jure que ce n’est pas moi qui l’ai tué !
I. Cher Monsieur, Quand un "grand" journaliste français traite Chavez de "gorille populiste" et d’"antisémite", que répondez-vous ? Est-ce à votre avis mauvaise foi, ou mauvaise information ?
ML. Que c’est tout ce qu’on veut sauf "un grand journaliste". Vous ne pensez pas à Alexandre Adler, j’espère... PS. Il n’y a encore eu au Venezuela ni pogroms ni attaques de synagogues. Mais il est vrai que Chavez fréquente des dirigeants arabes au sein de l’Opep... Cela fait assez facilement de vous un antisémite !!!
I. Comment expliquez vous que malgré huit scrutins démocratiques validés internationalement, beaucoup de journalistes parlent de Chavez comme d’ un dictateur ? Et pourquoi ne parle-t-on jamais de l’essentiel, à savoir les réformes sociales en éducation, santé, réforme agraire, etc.
ML. Très vaste question... On n’aime pas les militaires latino-américains (cela peut se comprendre : Stroessner, Pinochet, Viola, Videla et autre racaille...). Il y a de moins en moins de journalistes spécialistes de l’Amérique latine (zone géographique qui n’intéresse les médias qu’en cas de catastrophe naturelle, crimes de masse, dictature, guerre civile ou autre événement spectaculaire. Beaucoup d’ex-soixante-huitards occupent aujourd’hui des postes de responsabilité dans les médias (de gauche, du centre gauche et du centre). Ils ont souvent dit et écrit beaucoup d’âneries dans leur jeunesse. Ils passent maintenant leur temps à se dédouaner en jetant le bébé avec l’eau du bain. Beaucoup ont soutenu des mouvements révolutionnaires de tous types et sont dans la logique "on ne nous la fera plus, on a vu ce que ça a donné !"). Du coup, il n’y a plus aucun effort d’analyse... Ralliement pur et simple au néolibéralisme (voir les débats franco-français et eur opéen). Processus d’identification avec la classe moyenne vénézuélienne, massivement dans l’opposition : on se ressemble, on est entre soi. Le social ? C’est fini ! Etc... (désolé de ne pas développer).
I. Le président Hugo Chavez est un militaire. Quelle est la place de l’armée dans le Venezuela actuel ? Vous semble t-elle fiable à l’égard du gouvernement démocratique et du processus bolivarien (je pense au précédent chilien et au coup de 2002) ?
ML. L’armée occupe une place importante (y compris par la présence de nombreux militaires à des postes de responsabilité "civile"). Le précédent chilien a à voir avec la tentative de coup d’Etat du 11 avril 2002 puisqu’il a été mené par une soixantaine de généraux et amiraux. La différence : la grande majorité des officiers, y compris généraux (et en particulier ceux commandant les troupes sur le terrain) sont demeurés fidèles et ont participé à l’opération ramenant Chavez au pouvoir (le 13). De plus, ce coup d’Etat a permis au gouvernement bolivarien d’"épurer" l’armée des éléments qui avaient participé au "golpe". Moyennant quoi on peut la considérer aujourd’hui comme loyale (à l’exception, bien sûr, de quelques éléments).
I. Il serait bon que vous indiquez la part de fiction et de réalité dans votre roman. Je n’en ai que 200 pages mais j’avoue avoir du mal à faire la différence tant les clins d’oeil à l’actu sont nombreux (M. Lévêque, Reich...), au point de ressentir parfois une certaine gêne. Par exemple, lors du 4F*, les discussions et tractations sont-elles réelles ?
* Le 4F désigne la tentative de coup d’Etat du 4 février 1992, dirigée par Chavez, alors lieutenant-colonel de parachutistes. Les Vénézuéliens aiment beaucoup les abréviations (Note RB).
ML. "Chavez Présidente" ! Si vous me posez la question, je vous répondrais que c’est un "docuroman". Pour expliquer ce qu’est la révolution bolivarienne, j’ai choisi la technique narrative romanesque, mais en collant au maximum à la réalité. Il ne vous a pas échappé, par exemple, que le nom de l’ancien président, Carlos Armando Fernandez (dans le roman) ressemble beaucoup à Carlos Andrés Pérez (ex-président dans la vie). Plus que la trajectoire de "personnes" j’ai cherché à expliquer des logiques et si j’ai choisi le roman plutôt que l’essai c’est pour ne pas cantonner le bouquin aux 500 personnes qui, en France, s’intéressent au Venezuela. Mais vous pouvez considérer que la part de l’imagination est tout à fait minime et que je me suis appuyé sur ma connaissance du pays, ma présence à Caracas lors du coup d’Etat, une énorme documentation. On pourrait presque considérer ça comme un grand reportage.
I. Bonjour, Quelles ont été vos sources, notamment pour les discussions privées entre Chavez et collaborateurs et celles entre les dirigeants lors du coup de 92 ? Avez vous extrapolé ou certains acteurs vous ont-ils rapporté exactement ces propos ?
ML. Pour le coup d’Etat de 92 (celui de Chavez) : des acteurs du golpe. Pour le coup d’Etat de 2002 (contre Chavez) : j’y étais présent ; rencontre postérieure de nombreux acteurs ; lecture intégrale (800 pages en corps 7)du rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale vénézuélienne, mise en place après le coup d’Etat, et devant laquelle sont venus témoigner tous les protagonistes importants. Les noms ont été changés dans le roman, mais 95% de ce que je fais dire à mes personnages a été dit dans la réalité par ceux (authentiques) qui leur ressemblent parfois d’une manière frappante.
I (martine). Bonjour monsieur, que pensez-vous des positions de l’église et de ses influences sur la population de l’Amérique latine ? Merci.
ML. Influence très conservatrice en matière de moeurs (contrôle des naissances, avortement, etc.). Eglise ultra conservatrice (politiquement) en Colombie, en Argentine et au Venezuela. Affaiblissement progressif du courant de la Théologie de la libération (combattu par le Vatican). Montée en force des religions pentecôtistes.
I (Fichtre). Salut, A lire votre roman, tout au moins le début, on a vraiment l’impression que Chavez est le messie de l’Amérique latine, le nouveau Bolivar. Est-ce votre avis ou est-ce que vous ne le présentez comme cela que dans un but romanesque ?
ML. Voir réponses précédentes... Bonne lecture.
I. Quelles sont exactement les relations entre Chavez et les Farc ? Que s’est-il exactement passé lors de l’arrestation d’un dirigeant des Farc au Venezuela par les services colombiens ? Est-il possible que cette opération ait pu être organisé sans que Chavez soit au courant ? Pourquoi a-t-il mis tant de temps à protester-si mollement je trouve ?
ML. Le Venezuela a 2300 kilomètres de frontières avec la Colombie. Il ne peut donc ignorer aucun des acteurs politiques agissant de l’autre côté de la frontière. Des contacts ont été établis avec les FARC, en début de mandat, pour leur demander de ne pas agir en territoire vénézuélien. En échange, Caracas n’interviendrait en aucun cas dans ce conflit (comme le souhaiterait Washington) sauf comme médiateur, si on le lui demandait, en vue d’une négociation de paix. Ces relations d’un gouvernement vénézuélien avec les FARC ne sont pas nouvelles. Sous la présidence de Rafael Caldera (qui a précédé Chavez) le ministre de la frontière, Pompeyo Marquez (aujourd’hui dans l’opposition) était chargé des relations avec les FARC. De même, un commandant des FARC, Andrés Paris, vivait à Caracas au vu et au su de tous. Affaire Granda : le "ministre des affaires étrangères" des FARC était à Caracas pour rencontrer des fonctionnaires français et une délégation suisse pour discuter les conditions d’une possible libération d’Ingrid Betancourt. Les services colombiens, aidés par trois gardes nationaux vénézuéliens (payés un million de dollars) ont empêché cette opération. Le gouvernement bolivarien n’était évidemment pas au courant. Et s’il a mis du temps à réagir, c’est que l’affaire le mettait dans une situation inconfortable : elle allait immanquablement relancer les supputations sur les relations Chavez/"narcoguérilla" et être utilisées contre lui.
I. Salut Momo, Avez vous lu ce livre écrit par un journaliste de l’agence officielle cubaine Granma et accusant Robert Ménard d’être lié à la CIA ? (1)
ML. Chers amis, tant pis pour Ménard... Il est déjà 12 h 25 et on a débordé l’horaire de 25 minutes ! Faut qu’on arrête notre conversation. Que ceux auxquels il n’a pas été répondu me pardonnent, je ne pensais pas que vous seriez aussi nombreux. Bonne journée à tous. On ferme la boutique !
(1) Le livre auquel se réfère cet internaute est sans doute celui écrit par Jean-Guy Allard avec la collaboration de Marie-Dominique Bertuccioli : "Le dossier ROBERT MENARD. Pourquoi Reporters sans Frontières s’acharne sur Cuba", Editions Lanctôt, Outremont, Québec, 2004 (NDLR de RB). Maurice Lemoine en a parlé dans sa critique du Monde Diplomatique. Tant pis pour Ménard !
Notre commentaire :
En complément de la lecture du "docu-roman" de Maurice Lemoine "Chavez Presidente !", vous pouvez utilement consulter les articles de l’auteur :
"Hugo Chavez sauvé par son peuple" (Le Monde Diplomatique de mai 2002) et "Dans les laboratoires du mensonge au Venezuela" (Le Monde Diplomatique d’août 2002).
Vous y trouverez notamment les noms des principaux protagonistes des événements d’avril 2002, auxquels ressemblent étrangement ceux mis en scène pour la fiction ! Ces quelques repères permettent de mieux plonger dans le mode romanesque adopté, lequel rend captivant ce grand reportage de 850 pages.
Il ne fait pas de doute que le principal protagoniste du sauvetage de la "révolution bolivarienne" dans ces moments tragiques a été le peuple vénézuélien. Il ne fait pas de doute non plus que Cuba a apporté au sauvetage une contribution précieuse, dont certains aspects nous sont révélés par Maurice Lemoine. Le rôle des Etats-Unis, quant à lui, ne surprendra personne, encore qu’on soit loin de tout savoir.
Le livre de Maurice Lemoine plonge au fonds des âmes, là où se trouvent les ressorts cachés de la lutte des classes. De la grande bourgeoise du Neuilly vénézuélien à la buhonera (marchande ambulante) des barrios (quartiers populaires), c’est toute la société d’un pays en révolution que convoque l’auteur, qui ne cède pas à la tentation d’une vision simplificatrice. Mais ce qui semble plus d’actualité que jamais à la lumière du Venezuela, c’est que "l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes".
La leçon à en tirer n’est-elle pas, et c’est celle que semble tirer Hugo Chavez en épilogue, lorsqu’il se référe à celui que tout le monde voyait président de Colombie, le leader de la gauche Jorge Eliécer Gaitan, assassiné en 1948 par l’oligarchie : l’ennemi ne renoncera jamais. Les adversaires de classe sont toujours aussi irréductibles, aveugles et fanatiques. Leur drapeau blanc n’est qu’un leurre tactique. Le crépuscule des escualidos (nom donné par Chavez à ses opposants et signifiant "gringalets") prépare de nouveaux combats. La solidarité internationaliste avec le Venezuela doit se développer, car l’impérialisme ne renoncera jamais à mettre en échec les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs ressources.
Pour un autre éclairage, voir sur le site de RISAL l’entretien de Frédéric Lévêque avec l’auteur :
http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1378
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Ce qu’il n’a pas accompli ne l’est toujours pas aujourd’hui : Bolivar a encore beaucoup à faire en Amérique. (José Marti).
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La référence explicite à Simon Bolivar et au mouvement bolivarien est fortement symbolique. Simon Bolivar, qui était un grand aristocrate, n’est en aucun cas pour nous un modèle ou une référence théorique. Il y avait néanmoins dans son projet d’unité des peuples, d’indépendance et de liberté quelque chose d’une parfaite actualité, au coeur des enjeux, singulièrement en Amérique latine.
Une fois par mois environ Révolution Bolivarienne présentera à une sélection d’articles de presse (la grande parfois mais surtout l’alternative, la militante, la rebelle), de contributions, d’analyses, d’événenements et d’initiatives. Une part plus ou moins conséquente de nos textes seront des traductions par nos soins (ou par des réseaux amis), le plus souvent de l’espagnol, mais aussi d’autres langues. Ces textes seront donc pour la plupart inédits en français. A ce sujet, si vous disposez d’un peu de temps et de la connaissance de langues étrangères, votre contribution sera particulièrement bienvenue ! De même qu’un récit de voyage. D’autre part, une tribune libre est à la disposition des lecteurs-trices.
Pour reprendre une image de l’antique mythologie, il nous semble que l’Amérique latine est un fil d’Ariane susceptible de nous aider à sortir de notre labyrinthe en nous émancipant de nos propres Minotaures.
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