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Révolution Bolivarienne N°9- Mars 2005.


Bulletin d’informations sur l’Amérique latine, N°9, Mars 2005

*** *** ***

Pour bien juger des révolutions et des révolutionnaires, il faut les observer de très près et les juger de très loin. (Simon Bolivar).


SOMMAIRE


Extrait du N° 9.
Pour recevoir l’ intégralité du bulletin écrire à bolivarinfos@yahoo.fr.


 PROPOS CROISES CHE GUEVARA-HUGO CHAVEZ

Par rédaction RB


 CHILI REBELLE, par Max Keler

. Le dernier film de Carmen Castillo

. Le combat dans lequel est mort Miguel Enriquez (écrit par Gabriel Garcia Marquez en 1975)

. Entretien avec Carmen Castillo, par Hugo Guzman R., La Jornada du 6-10-2004

 VENEZUELA

. Il faut sauver le révolutionnaire Chavez, par Celia Hart, in El Militante-Venezuela, 28-02-2005

. Le destin des Etats-Unis est de semer la misère en Amérique, par Franz J.T. Lee, in Aporrea, 29-01-2005


 TERRORISME D’ETAT

. L’ombre du Condor, contre-révolution et Terrorisme d’Etat International dans le Cône Sud. Une synthèse de Franck Gaudichaud, Université Paris VIII, parue dans la revue Dissidences (ainsi que dans @mnis, Revue de Civilisation Contemporaine de l’Université de Bretagne Occidentale).



LE SAUT QUALITATIF DE LA REVOLUTION BOLIVARIENNE : LE SOCIALISME.

DEUX GENERATIONS, UNE AUTRE EPOQUE, UN MÊME RÊVE, UN MÊME COMBAT.

Propos croisés Ernesto Che Guevara-Hugo Chavez

"Si on me demandait, à moi, si cette Révolution qui est devant vos yeux est une révolution communiste, après avoir bien précisé ce qu’est le communisme, et laissant de côté les accusations venues de l’impérialisme et des puissances coloniales qui confondent tout, nous en arriverions à dire que cette Révolution, au cas où elle serait marxiste-et écoutez bien que je dis marxiste-le serait parce qu’elle a découvert elle aussi, par ses propres méthodes, les voies indiquées par Marx" (Che*)

"Il n’existe pas de solution à la pauvreté dans le système capitaliste" (Hugo Chavez le 30-01-2005, invité à un campement du Mouvement des Travailleurs Sans-Terre du Brésil).

"Le capitalisme ne va pas être dépassé dans le cadre du système lui-même, mais dans le cadre du socialisme" (Hugo Chavez le 30-01-2005 au FSM de Porto Alegre).

Hugo Chavez invite les pauvres du monde à "inventer le socialisme du XXIe siècle" (IVe Sommet de la Dette Sociale, Caracas, 25-02-2005).

"Le meilleur chemin pour faire un monde possible n’est pas le capitalisme mais le socialisme" (Alo Presidente, 27-02-2005).

"Il n’y a pas de solution à l’intérieur du capitalisme, il faut emprunter le chemin vers le socialisme". Mais c’est un socialisme qu’il faut inventer : "Nous ne pouvons pas continuer à copier des modèles, il faut inventer le socialisme pour cette terre d’Amérique, pour ce siècle" (Hugo Chavez à Montevideo, pour la prise de fonction du Président Tabarez Vasquez, 02-03-2005).

"... le Venezuela a fourni au peuple cubain l’aide la plus forte et la plus solidaire quand nous étions dans la Sierra Maestra [...]. Un peuple qui a atteint la haute conscience politique et la grande foi combattante du peuple vénézuélien ne restera pas longtemps prisonnier de quelques baïonnettes ou de quelques balles : balles et baïonnettes peuvent changer de mains et les assassins devenir les victimes" (Che*).

"Nous sommes en train de retrouver le chemin de la liberté, quel qu’en soit le prix. C’est San Martin qui continue de parler, soyons libres, le reste n’a aucune importance" (Chavez au FSM, 30-01-2005).

"Que la liberté soit conquise dans chaque parcelle d’Amérique !" (Che*).

*Extraits du discours du Che prononcé à l’ouverture du Premier Congrès Latino-Américain de la Jeunesse, le 28 juillet 1960.



CHILI REBELLE, par Max Keler

Carmen Castillo écrivait il y a 25 ans :

"Il faut se battre contre la nostalgie, il le faut pour vivre, mais il y a des moments où le désir de rentrer chez moi est si intense [...]. On ira un jour. Oui, on reviendra" (in "Un jour d’octobre à Santiago").

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 VENEZUELA

IL FAUT SAUVER LE REVOLUTIONNAIRE

Par Celia Hart, 28 février 2005

Pour que l’ennemi puisse tuer le révolutionnaire Chavez, il devra être capable d’assassiner un à un les grains de sel des océans, il devra arrêter le vol des étoiles, il devra sacrifier chaque ADN utile qui nous a été transmis depuis notre apparition comme espèce. Cependant, pour assassiner le Président... il suffit d’une seule balle.

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Le destin des Etats-Unis est de semer la misère en Amérique

Par Franz J. T. Lee

Aporrea, 29 janvier 2005

A l’époque de Simon Bolivar, la glorieuse Révolution Anglaise, la Révolution Nord-Américaine, la Révolution Française et la Révolution industrielle Britannique produisirent des effets durables à l’échelle mondiale sur les idées politiques, la morale sociale et la pratique révolutionnaire de tous les grands hommes. C’était le temps de la glorieuse victoire du capitalisme bourgeois-démocratique sur l’esclavagisme antique et le servage féodalo-absolutiste.

Ces changements révolutionnaires momentanés eurent un impact prolongé sur les perspectives politiques, les gouvernements et la liberté des diverses classes sociales, mais aussi sur les mentalités des sujets coloniaux et des peuples dominés par l’Europe, en particulier en Amérique du Sud et aux Caraïbes, comme on peut le vérifier dans la pensée politique de John Lock, Thomas Paine, Charles-Louis Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, John Stuart Mill, Simon Bolivar, Thomas Jefferson, etc.

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TERRORISME D’ETAT

L’ombre du Condor

Contre-Révolution et Terrorisme d’Etat International dans le Cône Sud

Article paru en septembre 2003

Si l’on regarde aujourd’hui, avec les yeux de l’historien, le Cône Sud à la fin des années soixante soixante-dix et que par, la suite, l’on tourne une page de quelques années, pour fixer la même partie du monde, le constat est sans appel : le sous-continent latino-américain est passé, en général, d’une phase de forte mobilisation et politisation sociale, montée en puissance de partis et organisations révolutionnaires, arrivée au pouvoir de gouvernements populistes de gauche ou progressistes appelant à une rupture avec le capitalisme à un reflux généralisé du mouvement ouvrier, une ère de violence politique étatisée, la destruction massive de tous les espaces d’expression et de participation démocratiques, l’écrasement physique et idéologique sans relâche des militants et mouvements révolutionnaires, la mise en place de modèles économiques capitalistes dirigistes puis/ou néolibéraux.

Par Franck Gaudichaud

Revue Dissidences - www.dissidences.net

Que s’est-il passé ? Quel fil conducteur a été rompu et par quels moyens l’Amérique Latine a été conduite à ce reflux des luttes sociales ? Pour répondre à cette question, il faudrait, pêle-mêle, s’attacher à une ample analyse multidisciplinaire qui rende compte des différences et spécificités historiques de chaque pays, du contexte socio-économique mondial, des orientations stratégiques des mouvements révolutionnaires concernés, de la prégnance des pratiques populistes en Amérique Latine, des errements du mouvement communiste international, de la puissance de l’intervention nord-américaine, de la crise hégémonique des classes dominantes locales en liaison avec celle du modèle économique de substitution d’importation ou encore au rôle des représentations subjectives de l’époque. Une telle entreprise dépasse bien entendu largement les prétentions de cet article et nécessiterait la mise en place d’un travail collectif au niveau international, à la manière qu’a pu le réaliser la Cambridge University en ce qui concerne l’histoire générale contemporaine de l’Amérique Latine [1]. Nous nous contenterons ici, avec pour point d’ancrage la thématique « Mouvements révolutionnaires, lutte armée et terrorisme », de focaliser notre objectif sur un aspect spécifique et essentiel de ce retournement de tendance que vit alors l’Amérique Latine : celui de la mise en place d’un terrorisme d’Etat contre-révolutionnaire transnational, appuyé par l’impérialisme américain.

Si l’on cherche à dater ce changement brutal de conjoncture, l’on peut dire qu’il s’agit de la fin de ce que le sociologue Tomas Vasconi nommait la « longue décennie » de l’Amérique Latine, c’est-à -dire cette période qui s’étend du premier janvier 1959 avec la prise du pouvoir à la Havane par les « Barbudos » et qui se conclue, selon lui, au Chili avec le coup d’état dirigé entre autres par Augusto Pinochet, le 11 septembre 1973 [2]. A cette date, le Paraguay connaît déjà depuis plus de 19 ans le régime de fer du général Alfredo Stroessner (et qui ne s’achève que 26 ans plus tard) ; les généraux brésiliens sont au pouvoir depuis 1964, la Bolivie connaît la tyrannie du général Banzer suite à l’écartement du populiste du gauche du général Torres en 1971 ; en cette même année 1973, la démocratie parlementaire uruguayenne est éconduite par celui qui était censée la représenter, le président Juan Maria Bordaberry et au Pérou, le général Francisco Morales Bermudez écrase son collègue en uniforme, Juan Velasco Alvarado qui tentait de diriger un mouvement progressiste populiste. Enfin, en 1976, s’initie la sanglante dictature militaire argentine du Général Videla, qui fait suite à l’instabilité chronique que vivait le pays depuis le mort du général Peron. Cette vague dictatoriale s’effectue dans le contexte de la Guerre Froide et de la vision anticommuniste mondiale dispensée et fomentée avec fureur par l’administration nord-américaine. Cette ascension de la terreur d’Etat dans le Cône Sud laisse la région parsemée d’exilés et réfugiés politiques : environ 4 millions de personnes doivent fuir leur pays d’origine et chercher refuge dans les pays voisins ou plus loin encore, lorsque de nouveau ce pays d’accueil tombe sous les coups des militaires (c’est par exemple le cas des nombreux exilés chiliens qui après avoir fuit en Argentine fin 1973, se trouvent de nouveau menacés par le coup d’Etat de 1976). En termes généraux et si l’on utilise des estimations basses, la Terreur d’Etat dans le Cône Sud est responsable d’un strict minimum de 50 000 assassinats, plus de 35 000 disparus et 400 000 emprisonnés. Ces chiffres comprennent non seulement des militants de gauche, mais aussi de la droite parlementaire et nombre de personnes n’ayant eu aucunes activités politiques et ce jusqu’à des enfants (environ 8000 disparus ou assassinats d’enfants) [3]. L’une des justifications qui a été avancée de manière régulière par ses diverses dictatures dans leur utilisation systématique de la violence politique d’Etat à été la nécessaire lutte contre la subversion menée par des organisations de lutte armée de gauche et plus généralement en utilisant l’épouvantail de la guérilla et de la subversion marxiste.

Il est exact qu’il s’est développé, dans le sillage « vert olive » de Cuba et du guevarisme, plusieurs organisations appelant à la lutte armée et à l’utilisation légitime de la violence révolutionnaire dans plusieurs pays de l’Amérique Latine [4]. Au niveau du Cône Sud, en Uruguay, agit de manière spectaculaire le mouvement Tupamaros ; en Argentine, l’Armée Révolutionnaire du Peuple (ERP) et les Montoneros (mouvement armé issu du péronisme de gauche) luttent contre la répression clandestine exercée par les forces armées du gouvernement constitutionnel et des groupes paramilitaires, sous la direction du ministre José Lopez Rega ; dans le sud du Pérou s’organise un mouvement paysan insurrectionnel sous la direction d’Hugo Blanco, dans le Brésil du début des années soixante plusieurs organisations politiques appellent à la guérilla ; au Chili, le Mouvement de la Gauche Révolutionnaire (MIR) se réclame de la « guerre populaire prolongée », bien qu’il rejette tout e stratégie de lutte armée durant le gouvernement de l’Unité Populaire (1970-73). [5] Malgré de nombreuses différenciations tactiques et stratégiques, des positionnements politiques qui ne sont pas toujours partagés quant à l’utilisation de la violence ou encore de l’adaptation ou non au mouvement de masse, la lutte armée est partie intégrante de l’expression politique des mouvements révolutionnaires latino-américains des années soixante, soixante-dix. Ceux-ci, dans un contexte général de crise du capitalisme dépendant et d’une réorientation stratégique de l’impérialisme, subissent dès leurs origines une répression organisée depuis les appareils répressions de leurs Etats respectifs en collaboration avec les services d’intelligence nord-américains et de plusieurs groupes d’extrême droite : les « escadrons de la mort » (tels la sinistre « triple A » : Alliance Anticommuniste Argentine). Ces diverses organisations d’extrême gauche doivent également faire face entre autres choses , au poids du réformisme politique sur la majorité du mouvement populaire comme à leurs propres déficiences, marquées par l’immaturité politique et une vision parfois « illuministe » de la réalité des luttes sociales. Au niveau du Cône Sud, on peut noter qu’a existé une tentative de coordination des forces de la gauche révolutionnaire insurrectionnelle avec la création la JCR (Junta Coordinadora Revolucionaria). L’idée de la JCR naît notamment de l’initiative du MIR-Chili et du leader argentin Santucho (ERP) suite à une réunion organisée à la Havane, en juillet 1971 (étaient également présents des militants du mouvement Tupamaros ainsi de la ELN bolivienne, reste de la guérilla fondée par Ernesto Guevara). Cette mini Internationale Révolutionnaire Latino-américaine est formée au Chili en janvier 1973 mais ne réussit pas à prendre une ampleur importante. Cependant, depuis le Chili d’Allende est tout de même mis en place une école de cadres, quelques envois d’appui financier à l’EL N bolivien, l’accueil de certains militants Tupamaros fuyant la répression ou encore des projets de construction d’armes semi-lourdes. Le coup d’Etat dans ce pays et la vague de terreur au niveau continental empêche définitivement tout développement réel de la JCR [6].

Les différentes interventions militaires contre-révolutionnaires vont s’appuyer, au niveau subjectif, sur une véritable idéologie du type « guerre sainte » anticommuniste, où est démonisée une supposée subversion généralisée et organisée contre la « paix » sociale et les valeurs nationales. Cette vision de la menace guerrilleriste, sans commune mesure avec les forces réelles des mouvements insurrectionnels, permit de justifier tortures, enlèvements, disparitions forcées et terrorisme d’Etat. Derrière ce discours, le point fondamental est la constatation que la mise en place des dictatures en Amérique Latine répond fondamentalement à une phase de radicalisation de la lutte sociale, à une politisation accélérée des classes populaires vers des positions anticapitalistes (importance de la référence au socialisme et à la révolution cubaine) et de ce fait à la déstabilisation directe des intérêts du grand capital et de ces agents locaux dans cette partie du monde. Partant de là , la figure « terroriste » est peu à peu assimilée ou confondu par les différentes dictatures avec toute personne ayant eu un lien avec des organisations sociales et politiques, parfois travaillant seulement dans des quartiers populaires ou encore ayant une posture d’opposition à l’installation d’un régime dictatorial.

Le cas du Chili l’illustre bien car, comme dans ce pays n’existait pas de mouvement de lutte armée significatif et que la majorité de la gauche au pouvoir croyait fermement en la possibilité d’une transition au socialisme avec l’appui des militaires dits « constitutionalistes », la junte du inventer un ennemi interne. Cette croisade destinée à sauver le pays d’un « plan Z » construit de toute pièce, est invoqué au nom de lutte contre la « chienlit marxiste » et le respect de la tradition chrétienne et occidentale du pays. Ainsi dans le « livre blanc » qui servit à expliquer le pourquoi du coup d’Etat au lendemain de celui-ci, est invoqué la présence de pas moins de 15000 « experts en guérilla qui vinrent de tout le monde et spécialement de Cuba, Brésil, Argentine, etc.. ; recrutés parmi les terroristes de ces pays » [7]. Ces dangereux guérilleros auraient été dirigés par le Général cubain Tony de la Guardia, du nord au sud du pays. Même si certains auteurs [8 ] ou acteurs de l’époque, dont dernièrement A.Pinochet lui-même, continuent d’invoquer cette présence d’une véritable armée parallèle pour parler non d’une répression militaire mais de « guerre civile » au Chili, l’absence de résistance et de préparation militaire au coup d’Etat, ainsi que les archives disponibles aujourd’hui démontrent le contraire [9].

Par contre, ce que nous apprennent avec nombre de détails, les archives découvertes au Paraguay, fin 1992, ainsi que les documents déclassifiés des services d’intelligence des Etats-Unis, est l’installation bien réelle, d’une campagne de terreur d’Etat, coordonnée internationalement, avec comme objectif la destruction de tout mouvement se réclamant de l’anticapitalisme qui aurait pu mettre à l’ordre du jour la possibilité de révolutions victorieuses dans un contexte de radicalisation généralisation de la lutte des classes latino-américaines. On sait désormais que cette coordination de la violence d’Etat contre-révolutionnaire a été nommée par ses organisateurs « Opération Condor ».


Les Archives de la Terreur contre-révolutionnaire latino-américaine

Le Paraguay, petit pays de 4 millions d’habitants au centre du Cône Sud, possède une longue tradition d’isolement et de régimes dictatoriaux. Outre sa position géopolitique idéale, il possède une grande aura parmi les criminels de guerre nazis et plus largement les militants anticommunistes réactionnaires en tant que pays d’accueil de toutes sortes de militaires et civils, responsables de violation des droits humains, génocides, répressions massives, trafic de stupéfiants, espionnage. Le Paraguay écrasé par la main de fer de Stroessner (1954-1989) a été reconnu par Richard Nixon comme la nation la plus conséquente dans la lutte contre le communisme. Ce pays a notamment accueilli des personnages tels que Joseph Mengele (médecin nazi) ou le chef de la loge maçonnique P-2, Licio Gelli [10]. Il semble que les 35 années de dictature aient donné aux agents de ce régime une telle confiance dans sa stabilité et dans sa probable restauration suite à sa chute en févrie r 1989, qu’aucun travail de destruction d’archives et d’effacements des preuves d’atteintes aux droits de l’homme n’a été pensé de manière efficace. De plus, l’implication de plusieurs de ces dirigeants dans le trafic de cocaïne, blanchiment d’argent et investissement dans les casinos, semblent les avoir éloignés de leurs fonctions de sécurité et de sa froide rationalité. Confiants dans l’impunité sur laquelle ils pensaient toujours compter, les chefs de l’armée et de la police paraguayenne nous laissent aujourd’hui la plus importante masse de documents et d’archives jamais découvertes sur l’ensemble des activités des services secrets dans le Cône Sud [11]. Ces « archives de l’horreur » ou « archives de la terreur » ont été mises à jour, presque par hasard, fin décembre 1992, par le professeur et ex-prisonnier politique de l’Opération Condor, Martin Almada [12]. Celui-ci recherchait des détails liés à sa détention auprès des archives de la police. Et de fil en aiguille, accompagné d ’un juge, il a découvert dans un local presque abandonné de la banlieue d’Asunción, des archives qui livrent des détails sur des milliers de latino-américains qui sont passés sous les ailes du Condor [13]. Il s’agit d’une véritable montagne d’archives qui donne également la possibilité de comprendre les liens entre les pays membres de l’Opération Condor et le « grand frère » américain et confirme l’existence d’une multinationale de la terreur contre-révolutionnaire, planifiée et organisée : 700 000 documents couvrant une période de 35 ans ; plus de 180 armoires d’archives, plus de 10000 photos des services secrets, 8369 fiches sur des détenus, 1888 passeports et cartes d’identités, 115 volumes de rapports de police, 740 cahiers classés par ordre alphabétique, plus de 500 cassettes enregistrées, 574 dossiers sur les partis politiques et une bibliothèque de plus de 1500 livres [14]. En tout, ont été découvertes environ quatre tonnes d’archives qui représentent une véritable « bomb e à retardement » aussi bien du point de la recherche historique que du combat devant les tribunaux de milliers de familles de disparus, assassinés et victimes des différentes dictatures. Bien entendu se pose un grave problème de conservation de ces documents, problème qui n’a pas été encore résolu de manière satisfaisante alors que tout est fait pour que les pièces les plus importantes soit mises de côté ou disparaissent. L’aide nord-américaine de la AID (Agence Interaméricaine de Développement) qui se proposait de les microfilmer, a été rejetée catégoriquement car l’AID est suspectée de vouloir effacer les traces les plus flagrantes de la collaboration avec les services nord-américains. Les documents découverts ont donc été classés et conservés avec plus ou moins de difficulté par des organismes de droits de l’homme du Paraguay et famille de victimes, comme avec l’aide d’autres organismes de droits de l’homme du Cône Sud [15]. Il reste encore aujourd’hui beaucoup à faire pour les sauvegarder et depuis décembre 1999, M. Almada réclame à ce qu’ils soient classés « Mémoire du monde » par L’UNESCO mais aussi à ce que le thème de l’Opération Condor et des archives de la Terreur soient inclus dans les programmes des universités latino-américaines (recherches sur ses aspects politiques, juridiques, historiques, sociologiques, économiques, psychologiques) [16].


L’autre pan essentiel de la documentation sur l’Opération Condor se trouve à Washington et c’est pour cette raison que nombre de victimes n’ont cessé de réclamer la déclassification des archives des services secrets américains. Ce processus de déclassification a débuté pour le Chili par exemple dès 1974 suite à ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de la « commission Church », du nom du député démocrate qui facilita la révélation de certains documents montrant l’implication des Etats-Unis dans le coup d’état de septembre 1973 [17]. Aujourd’hui, de nombreux autres documents sont accessibles malgré d’immenses lacunes et la lenteur évidente du département d’Etat pour procéder à une timide ouverture des archives de l’Agence Nationale de Sécurité américaine. Cette procédure est notamment permise par l’existence d’une loi sur la liberté d’information (The US freedom of Information Act) qui oblige dans une certaine mesure, la déclassification partielle de certain s documents jusque là jalousement gardés dans l’ombre. Même s’il ne faut pas se faire d’illusions sur la partialité d’une telle déclassification, il serait tout aussi idiot de ne pas reconnaître le caractère exclusif des documents auquel nous pouvons avoir accès aujourd’hui et dont une partie est même accessible directement sous format électronique grâce au travail unique à ce jour du site du National Security Archive (NSA), abrité par l’Université de Washington [18]. Dernièrement, le déclassement de nouvelles archives concernant le Chili (le 13 décembre 2000) et en août 2002, la livraison de plus de 4600 documents sur la dictature argentine ont permis de faire un saut qualitatif dans la connaissance de l’Opération Condor et du rôle des ambassades américaines notamment, dans ce plan terroriste. En ce qui concerne les derniers documents déclassifiés en ce qui concerne l’Argentine, ils sont le fruit du travail de recherche de Carlos Osorio du NSA qui a présenté courant 2001 une chronologie de la répression dictatoriale dans ce pays. Cette investigation, qui a notamment pour objectif la livraison de documents réclamés par l’organisation des « mères de la place de mai » [19], a été retardée par les attentats du 11 septembre dans le centre de New York [20].

Quoi qu’il en soit, les chercheurs possèdent aujourd’hui à disposition un corpus essentiel afin de mener à bien des recherches plus approfondies et dont on peut, aux vues des premiers bilans déjà effectués, tirer quelques enseignements majeurs sur le fonctionnement de l’Opération Condor.


La doctrine de la sécurité nationale et le rôle d’ingérence de Washington

L’idéologie anticommuniste des Etats-Unis et ses pratiques d’ingérences répétées contre tous les régimes progressistes latino-américains ont permis de semer les germes de l’Opération Condor, en effectuant la promotion de la coordination des services d’intelligence de la région, facilitant les prises de contact entre les différentes armées et surtout en leur donnant une formation idéologique et militaire, tout comme un appui technique direct. Dés février 1945, lors de la conférence panaméricaine de Chapultepec (Mexique), les Etats-Unis rappellent aux militaires latino-américains le danger que constitue le communisme. C’est dans cette optique que sont mis en place des accords bilatéraux d’assistance militaire (à partir de 1951) destinées à apporter entraînement militaire et formation théorique à des officiers latino-américains, notamment à « L’école des Amériques » (située dans la zone nord-américaine de Panama) [21] mais aussi aux Etats-Unis. Ces accords signi fient également approvisionnement en armes et envois de conseillers sur place. Suite à la révolution cubaine, les Etats-Unis comprennent l’importance de donner une vision continentale à cette lutte contre le communisme et cherchent à mettre en connexion les militaires américains dans une vision du monde s’inspirant de la Doctrine de la Sécurité Nationale [22]. Cette conception débouche sur la création des « Conférences des armées américaines » (CEA) qui se tiennent tous les ans et puis tous les deux ans. Dans son bulletin d’information numéro un qui reprend en partie des décisions de la X° réunion à Caracas (septembre 1973), l’on apprend que le CEA était d’accord pour « donner plus de force à l’échange d’informations pour contrecarrer le terrorisme et [...] contrôler les éléments subversifs dans chaque pays » : nous sommes bien là au coeur de qui deviendra l’opération Condor [23]. Cet échange d’information se déroule à travers le réseau des attachés militaires (réseau Agremil) et éma ne aussi bien des services de renseignement militaire que des polices politiques des différentes dictatures et jusqu’à ceux d’escadrons de la mort participant aux tortures et exécutions de supposés « terroristes » (tels l’Organisation de Coordination des Opérations Subversives) [24]. Ce souci de coordination transnationale couvre différents domaines et convoque les énergies de plusieurs services de renseignement, dont également ceux de la CIA. Un historien américain attribue par exemple, à la CIA, l’organisation des premières réunions entre fonctionnaires de sécurité uruguayens et argentins afin de discuter de la surveillance des exilés politiques fuyant leur pays d’origine, tombés sous les coups des interventions militaires. De la même manière, il semble que la Centrale servit d’intermédiaire dans les réunions entre les dirigeants des escadrons de la mort brésiliens, argentins et uruguayens [25]. Cette affirmation parait tout à fait probable puisque l’on possède aujourd’hui nombre d e documents déclassifiés qui prouvent l’ampleur de l’action de Centrale dans « la guerre sale » en Amérique Latine, comme c’est le cas par exemple, au Chili ou encore au Guatemala [26]. La tactique de déstabilisation utilisée sous le Chili d’Allende, le fait que les diplomates américains comme le gouvernement (dont Richard Nixon et Henri Kissinger) aient comploté en faveur du coup d’état, notamment par le sabotage économique et l’utilisation du terrorisme, rappelle qu’il ne s’agit en aucune mesure d’une implication indirecte des Etats-Unis mais d’une politique impérialiste consciente et assumée en tant que telle. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit la tactique employée par les services secrets américains au Chili pour comprendre comment le travail des agents de Washington permit l’installation de la dictature de Pinochet et par la suite au Condor de prendre son envol sur l’ensemble du Cône Sud [27].

De fait, le gouvernement nord-américain n’a pas seulement organisé des réunions et formations de militaires en favorisant l’idéologie anticommuniste et l’appel au combat antisubversif. La division des services techniques de la CIA a fourni aux différents agents latino-américains d’essentielles « leçons en tortures », via notamment des manuels qui enseignent le niveau de choc électrique que peut recevoir un corps humain sans pour autant tomber dans le coma ou provoquer le décès. Parmi les livres découverts dans la bibliothèque des « archives de l’horreur », l’un a particulièrement marqué l’ex-prisonnier politique Martin Almada. Son titre est : « Comment maintenir en vie les personnes torturées ». Il semble également que ce même service ait offert aux appareils de répressions latino-américains des équipements électriques permettant « l’interrogatoire » des « subversifs ». Ce fait, vient d’être confirmé par un agent repenti de la CIA, Ralph W. McGehee, qui a for mé partie de l’organisation de 1952 à 1977. Dans son livre intitulé « Deadly Deceits : my 25 years in the CIA », il raconte comment la CIA a participé à l’Opération Condor et particulièrement son association avec les escadrons de la mort de divers pays. Par exemple en ce qui concerne l’Uruguay, il écrit que la CIA « a eu un contrôle sur les listes les plus importantes des activistes de gauche. Elle a livré les noms de leur famille et amis. Par le biais de service de liaison, le CIA a donné aux services d’intelligences et aux escadrons de la mort, noms complets, date et lieu de naissance, nom des parents, adresse, lieu de travail, photographie » et toujours selon McGhehhe, afin d’accompagner ce travail d’information, l’agence envoie en 1969, à Asunción, Dan Mitrione, fameux tortureur qui résumait son travail par cette formule : « La douleur exacte, dans l’endroit exact, avec la quantité exacte afin d’obtenir l’effet désiré » [28].

Il faut répéter que cet appui matériel et intellectuel n’est pas apparu au milieu de soixante- soixante-dix, avec l’installation généralisée des dictatures dans le Cône Sud mais au contraire constitue un travail de longue haleine, engagé très tôt par les services d’intelligence nord-américains. Là encore le Paraguay de Stroessner a été un formidable laboratoire de réalisation grandeur nature de techniques de répression politique. Certes, cette dictature s’est inspirée au sein de plusieurs sources différentes, dont les techniques de répression nazies importées d’Allemagne par l’Argentin Hector Rosendi ou encore des conseils du mercenaire polonais, Pedro Prokopchuk, spécialiste en contre-espionnage anticommuniste. En parallèle à cette aide venue d’Europe surgit celle, essentielle, donnée par Washington. Les documents secrets découverts au Paraguay donnent nombre de précisions sur ces relations. Dés 1956, le lieutenant-colonel Robert K. Thierry, du département d ’Etat donne des cours aux officiers de la Direction Nationale des Services Techniques, l’un des principaux centres de tortures d’Asunción, dirigé par Antonio Campos Alum, du ministère de l’intérieur. Robert K. Thierry était tellement apprécié que les « archives de la terreur » contiennent plusieurs lettres du ministre des affaires étrangères paraguayennes et ex-chef de la police (Edgar Ynsfran appelé aussi « le grand inquisiteur ») envoyés à des représentants des Etats-Unis afin de vanter les services de Thierry, qualifiés de « très satisfaisants pour le pays » [29]. Ce type de conseil en répression de la part des agents nord-américains était également présent dans le principal centre de torture du pays, la Délégation de la Police Politique, dirigée par Pastor Coronel dit « le boucher » [30].

Finalement, les preuves d’une telle coopération sont nombreuses et ce n’est pas le seul exemple historique de l’installation d’une sorte de multinationale du crime, pensée et organisée en partie depuis les bureaux du FBI et de la CIA. Dans les années soixante, les Etats-Unis ont créé « L’Opération Phoenix » qui a signifié la création de bandes paramilitaires et terroristes responsables de plusieurs milliers d’assassinats dans la région du sud-est asiatique, spécialement au Vietnam sud et en Indonésie (dont l’appui au coup d’Etat contre Sukarno en 1965). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’un des responsables de l’Opération Phoenix a été William Colby qui devient par la suite directeur de la CIA au moment même de la mise en place de « L’Opération Condor » dans le Cône Sud [31]. C’est ce même William Colby qui déclarait le 25 octobre 1974 que les « Etats-Unis ont le droit d’agir illégalement dans n’importe qu’elle région du monde » [32].


La naissance du Condor

L’un des axes principaux de l’Opération Condor se situe entre Santiago (Chili) et Buenos Aires (Argentine). Première remarque, les racines de la coopération terroriste d’Etat en Amérique Latine naissent avant même que l’Argentine ne vive sous le talon de fer du général Videla. Le projet est orchestré depuis Santiago, par Manuel Contreras, directeur de la DINA (Direction D’intelligence Nationale), crée officiellement par la junte du Général Pinochet en 1974. La DINA était un organisme entièrement dépendant du gouvernement militaire et non, comme ont tenté de le faire croire certains avocats d’Augusto Pinochet, un appareil sous le contrôle total d’un Manuel Contreras en proie aux folies des grandeurs et agissant sans l’assentiment de ses supérieurs hiérarchiques [33]. D’ailleurs ; le directeur de la DINA a été également un agent informateur de la CIA de 1974 à 1977 et rétribué directement par l’agence jusqu’en 1975 comme l’ont révélé des documents déclassifiés du congrès nord-américain, en septembre 2000 [34]. Les premières collaborations de la DINA avec l’Argentine s’effectue sous le gouvernement de Peron, grâce notamment à l’action clandestine de Enrique Arancibia Clavel, agent de la DINA qui travaille officiellement pour une succursale de la banque d’Etat du Chili [35]. Les premiers liens sont surtout tissés avec le groupe paramilitaire « Triple A », né sous les bons hospices du ministère de José Lopez Rega. Ajoutons que la « Triple A » a pu se développer grâce aux contacts que possédaient J. Lopez Rega avec le mouvement franquiste à Madrid mais également avec certains membres de l’OAS française qui agit alors en Algérie (ceci alors que son « mentor », Peron, maintenait des contacts cordiaux avec le Général De Gaulle) [36]. Suite à la chute de J. Lopez Rega, ce travail débouche sur une prise de contact directe de la DINA avec les militaires argentins. La tête de file de cette coordination est alors José Osvaldo Riveiro, second en chef du redouté « bataillon 601 » et convaincu comme Contreras de la nécessité de se coordonner pour mener à bien la répression anticommuniste. Le mise en place effective de l’Opération Condor a été précédée d’un lent travail qui s’est concrétisé par plusieurs réunions secrètes, que les archives nous permettent aujourd’hui de connaître. Début mars 1974, des représentants des polices du Chili, d’Uruguay et de Bolivie se sont réunit avec Alberto Villar, sous-chef de la police fédérale argentine et cofondateur de la Triple A, afin de penser l’éradication des « subversifs » réfugiés dans l’Argentine de Peron [37]. Dans le courant de l’année 1974, M. Contreras organise plusieurs rencontres, dont l’une avec le Général Camps (supérieur d’Alberto Villar) qui quelques années plus tard déclare de manière très claire : « En Argentine, il ne reste pas de disparus en vie. J’en assume toute la responsabilité et m’en sent très orgueilleux » [38]. Pendant l’année 1975, se multiplient les réunions a vec les autres chefs des services d’intelligence sur le thème de la mise en marche d’un « Bureau de Coordination de Sécurité » : la coordination fonctionnait déjà avec le début d’échange de prisonniers dés 1974, il restait à l’approfondir [39]. C’est par exemple à cette époque que débute le fonctionnement de « l’abc du Condor », sorte de « novlangue » orwelienne qui permettait d’échanger des messages codés via télex entre les différents services [40]. La constitution formelle de l’Opération Condor, date du 25 novembre 1975, lors d’une réunion secrète tenue à Santiago, où sont invités des agents paraguayens, boliviens, brésiliens, uruguayens et argentins [41]. Le coup d’Etat de mars 1976 en Argentine donne une solidité réelle à la structure d’ensemble. Dans ce cadre, des accords de coopération amples sont conclus entre les différents pays cités auxquels on peut ajouter la participation du Pérou. L’architecture de cette transnationale terroriste est pensée en s’inspirant de l’Interpol (Organisation Internationale de la Police Criminelle), dont le centre est basé en France. Elle permet de centraliser les informations et de s’échanger des services entre les différentes polices politiques, dont l’envoi d’un pays à un autre de prisonniers ou « l’interrogatoire » de prisonniers directement dans le pays où ils sont détenus. Elle offre la possibilité également de formation transnationale et de spécialisation des agents. Parmi ces spécialisations existe celle de la pratique de la torture : par exemple plusieurs agents paraguayens viennent à Buenos Aires pour « interroger » des compatriotes détenus par la police politique argentine. De même, la dictature de Videla offre des cours de perfectionnement via son service d’intelligence (SIDE). Martin Almada qui a étudié en détail des centaines d’archives émanant de sa découverte, donne le détail d’un de ces cours destinés au personnel de haut niveau. Les sujets traités étaient : l’analyse idéologique du marxisme-léninis me ; Subversion et terrorisme ; Communication sociale ; Intelligence et contre-intelligence [42].

Il s’agit donc de l’établissement d’un réseau qui cherche une efficacité optimale dans le cadre d’actions transnationales, dont les activités principales sont l’espionnage, la torture et l’assassinat de personnes de toutes nationalités, jugées comme subversives. Bien entendu, pour fonctionner, ce réseau nécessite une source de revue et une structure financière d’appui. Comme cela a été prouvé par plusieurs procès judiciaires, les services secrets chiliens et paraguayens avaient à leur disposition, les compagnies aériennes nationales et toutes les facilités des services postaux. Sont également formées plusieurs entreprises commerciales fantômes, destinées à couvrir les activités terroristes : au Chili, plus de 30 entreprises sont crées avec ce but et une entreprise de pêche chilienne (Pesquera Chile) sert ainsi de centre des opérations. L’incursion progressive de ce réseau au sein du monde patronal et financier forme une sorte d’ODESSA qui assoit les bases d’u ne protection efficace des agents alors en activité, et ce jusqu’à aujourd’hui. Au Chili, cette « couverture » est dirigée par le général des forces Aériennes, Vicente Rodriguez [43]. Au sein de ce réseau multinational, M. Contreras possède le nom de code de « Condor n°1 » en tant que principal initiateur et J. Osvaldo Riveiro s’appelle « Condor n°2 ». Ainsi que les révèlent les « papiers intimes » de l’Opération Condor, les relations entre les différents pays ne se sont pas déroulées sans frictions, tensions internes, diverses petites et grandes trahisons entre services qui tout en étant coordonnés, restent d’impitoyables concurrents [44].

Le gouvernement des Etats-Unis était bien évidemment à l’ordre du jour de la plupart des agissements du Condor. Le 28 septembre 1976, l’attaché du FBI à Buenos Aires, Robert Scherrer envoie un télégramme secret à la direction de Washington qui nous fournit une synthèse du fonctionnement de l’Opération Condor et qui vaut la peine d’être citée largement car il s’agit de l’une des meilleures définitions émanant de source de première main : « L’opération Condor est le nom de code pour la collecte, l’échange et l’enregistrement d’informations concernant des soi-disant « activistes de gauche », des communistes et des marxistes, qui ont été récemment mises en commun en coopération entre des services de renseignement en Amérique du Sud, dans l’objectif d’éliminer les activités terroristes marxistes dans la région. En outre, l’opération Condor prévoit des actions conjointes contre des cibles terroristes dans les pays membres de l’opération. Le Chili est le centre pour le soutien à l’opération. Outre le Chili, ses membres comprennent l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay. Le Brésil a aussi été approché pour fournir des renseignements pour l’opération Condor. Les membres les plus enthousiastes de l’opération sont à ce jour l’Argentine, l’Uruguay et le Chili. Ces trois pays ont mené des opérations conjointes, en premier lieu en Argentine, contre des cibles terroristes. [...] Une troisième et la plus secrète phase de l’opération implique la formation d’équipes spéciales issues de pays membres qui sont destinées à se déplacer n’importe où dans le monde dans des pays non membres (de Condor - NDLR) pour exécuter des sanctions, allant jusqu’à l’assassinat, contre des terroristes ou des soutiens à des organisations terroristes des pays membres de Condor. Par exemple, au cas où un terroriste ou (une personne - NDLR) qui soutient une organisation terroriste d’un pays membre de Condor a été repéré dans un pays européen, une équipe spéciale de l’opération Condor sera envoyée pour localiser la cible et la surveiller. A l’issue de l’action de surveillance, une deuxième équipe sera envoyée pour effectuer la sanction contre la cible. Les équipes spéciales bénéficieront de faux documents (d’identité - NDLR) des pays membres de Condor ; elles pourront être constituées d’individus venant exclusivement d’un seul pays membre de Condor ou de groupes mixtes venant de plusieurs. Les pays européens spécialement mentionnés comme lieu d’opérations possibles dans le cadre de cette troisième phase sont la France et le Portugal. [...]. Il faut noter qu’aucune information n’a été développée indiquant que des sanctions dans le cadre de la troisième phase de Condor aient pu être programmées pour être exécutées aux Etats-Unis. Toutefois, il n’est pas hors de toute possibilité que le récent assassinat d’Orlando Letelier à Washington DC ait pu être exécuté dans le cadre de la troisième phase de Condor. Comme indiqué plus haut, les informat ions à notre disposition indiquent qu’une attention particulière a été accordée à des opérations de troisième phase en Europe, particulièrement en France et au Portugal. Ce bureau restera en alerte pour recueillir toute information indiquant que l’assassinat de Letelier est une action de l’opération Condor » [45].

C’est précisément cette troisième phase de l’Opération Condor, celle de l’accomplissement d’assassinats hors de l’Amérique Latine et particulièrement l’assassinat d’Orlando Letelier, ex-ministre d’Allende et personnage clef de l’opposition à Pinochet, qui ont commencé à soulever les soupçons de journalistes et chercheurs sur l’existence d’un réseau de la terreur d’Etat. Le fait que la DINA n’hésite pas à pratiquer des attentats dans le centre de Washington, fait alors courir de plus en plus de rumeurs, fâcheuses pour l’image internationale des Etats-Unis [46]. Ce télégramme correspond à un changement d’attitude des Etats-Unis qui craint les répercussions politiques de telles activités et une commission d’enquête est organisée afin de donner quelques lumières sur les responsables de l’assassinat de Letelier. En effet, le nouveau président libéral James Carter, qui se proclame partisan des droits de l’homme, entend pratiquer un désengagement apparent de son pay s de cette guerre sale, tout du moins de son implication directe et ouverte.

Les dictatures latino-américaines resserrent alors les rangs autour de la Confédération Anticommuniste d’Amérique Latine (CAL), émanation de la Ligue Mondiale Anticommuniste (WACL), internationale liées aux différents services de renseignements de pays anticommunistes. Lors de la réunion de la CAL à Asunción en mars 1977 est évoqué la nouvelle attitude de Washington. C’est également lors de cette réunion que certains secteurs de l’église catholique sont désignés comme potentiellement dangereux et subversifs. Un plan proposé par les boliviens (plan Banzer) appelle à « l’éradication » des religieux progressistes et adeptes de la théologie de la libération. Ce plan est mis à exécution dès l’année suivante et aboutit à l’assassinat de prêtres, nonnes, laïcs, etc... et dont la figure le plus en vue est Oscar Romero, archevêque de San Salvador (Salvador). Parallèlement à ces réunions de la CAL (la quatrième se déroule à Buenos Aires en septembre 1980), les Etats-Un is continuent d’avoir de nombreux contacts et échanges d’informations avec les dictatures latino-américaines via les rencontres régulières du CEA. L’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, en 1981, relance l’interventionnisme direct et revendiqué comme tel de la puissance nord-américaine [47].


Le vol du Condor

Le 30 septembre 1974, à Buenos Aires, l’ex-vice président du Chili et ex-ministre d’Etat du gouvernement Allende, le général Carlos Prats et son épouse, meurent sous les coups d’une bombe à retardement. A. Pinochet élimine ainsi l’une des personnes qu’il a toujours jugé comme un rival dangereux au sein des forces armées pour sa position « constitutionaliste ». Parmi les responsables de cet attentat se trouvent Michael Towley, nord-américain spécialiste en électronique et un membre de l’armée chilienne qui participe par la suite à la « Caravane de la mort » (massacre de 72 militants importants tout au long du Chili durant le mois d’octobre 1972) [48]. Cette opération est menée avec l’appui de la direction de la police fédérale de Buenos Aires [49]. Le 6 octobre 1975 des néofascistes italiens liés aux groupes Avanguardia Nazionale et Ordine Nuovo, dirigés par Stéfano Delle Chiaie et employés temporairement par la DINA via Michael Towley, tentent d’abattre Berna do Leigton. Ce dernier, dirigeant démocrate-chrétien chilien, organisait la résistance à Pinochet depuis son exil italien [50]. Mais ce que Stella Calloni nomme « la saga de la mort » ne s’arrête pas là . L’opération Condor va aller jusqu’à pratiquer l’assassinat sous le nez de l’Oncle Sam : le 21 septembre 1976, Orlando Letelier est tué en plein coeur de Washington, dans le quartier des ambassades. Là encore, M. Towley, inconditionnel de la DINA, est le coordinateur. Ce dernier confesse plus tard à la justice américaine qu’il a collaboré sur cette opération avec des militants anticastristes du Mouvement Nationaliste Cubain [51]. Cet assassinat produit un tel scandale qu’il permit le début des investigations, notamment du grand reporter, Jack Anderson, qui fut parmi les premiers à dénoncer le rôle de son pays dans l’ingérence au Chili et qui dévoile dans les années postérieures l’existence de l’Opération Condor [52]. A la mi-1976, le journaliste Richard Gott, parle d’une répressi on similaire à celle de « l’Opération Phoenix » et accuse nommément, Henry Kissinger, alors secrétaire d’Etat, de connaître les assassins [53]. C’est accusation paraît tout à fait logique et il semble même que la CIA ait laissé faire délibérément les agents chiliens (voire qu’elle les ait aidé), puisqu’à cette époque l’agence est préoccupée de la présence de dissidents, comme Orlando Letelier, qui ont beaucoup d’influence à Washington [54]. C’est Georges Bush (père) qui est alors à la tête de la centrale (du 30 janvier 1976 au 20 janvier 1977) et comme cela a été démontré par plusieurs enquêtes journalistiques, de nombreuses mesures ont été prises pour retarder et falsifier les recherches sur l’assassinat de Letelier ; pour, par la suite, livrer sous conditions à la justice, Michael Towley, auprès duquel la CIA s’est engagée à fournir une nouvelle identité dans le pays de son choix [55]. Ces trois assassinats appartenant à la « phase trois » de l’Opération Condor sont les plus c onnus mais pas les seuls. La France faisait également partie de la zone d’action du Condor, particulièrement avec le projet d’assassinat de militants comme le fameux Carlos (Illich Ramirez Sanchez), projet qui échoue d’ailleurs puisque Carlos n’est capturé qu’en 1994, notamment grâce aux services prêtés par la CIA [56]. La DINA planifie également la mort de Carlos Altamirano, secrétaire général du PS durant l’Unité Populaire et recherché avec entêtement par le général Pinochet : cet objectif n’est finalement pas réalisé, semble t’il parce que les agents chiliens ne purent bénéficier de l’aide espagnole qu’ils attendaient [57].

Revenons maintenant sur la phase deux et la répression orientée vers les mouvements révolutionnaires du Cône Sud. Les militants chiliens ont subit de nombreuses pertes en dehors de leurs frontières et ce sont les militants du MIR chilien qui ont eu à souffrir le plus, en tant qu’organisation politique, de la part de la répression organisée par l’Opération Condor [58]. La commission parlementaire organisée par les gouvernements « démocratiques de transition » sur la répression au Chili dénombre dans son bilan final, 33 citoyens chiliens qui seraient aujourd’hui considérés comme « disparus » après avoir été capturés par des agents argentins, paraguayens ou brésiliens seulement entre 1975 et 1976 [59]. On sait quelles sont les énormes limitations et faiblesses de cette enquête qui a surtout servi, au nom de la « Vérité et la Réconciliation », à tenter de mettre un point final au débat sur l’impunité dans ce pays. Dans les exemples de détentions citées par cette commission, on peut souligner celle de Jorge Isaac Fuentes Alarcon, militant argentin de la ERP qui est arrêté en mai 1975 par la police paraguayenne alors qu’il tente d’atteindre l’Argentine et qui est « offert », plusieurs mois plus tard, comme source importante aux agents de la DINA. Selon le même rapport son arrestation aurait été permise grâce à des informations fournies par le personnel de l’ambassade des Etats-Unis à Buenos Aires. Les traces d’Alarcon disparaissent dans le centre de torture de la Villa Grimaldi alors qu’il est considéré comme un personnage essentiel dans la mise en place de la coordination révolutionnaire JCR. Son arrestation précède de 4 jour, la détention d’Amilcar Santucho, frère du dirigeant de l’ERP, qui après une intense campagne de solidarité internationale peut partir en exil en 1979. Ce n’est pas le cas d’Alarcon, ni, autre exemple, de celui du franco-chilien Jean Yves Claudet Fernandez, militant MIR, qui est détenu en novembre 1975 à Buenos Aires et exécuté sur place par des agents chiliens.

Une des actions d’envergure menée dans le cadre de l’Opération Condor a été la réalisation de « L’Opération Colombo » [60]. Avec l’aide puissante des médias de communications soumis à la dictature, la DINA fait croire au monde et surtout aux organismes internationaux, que 119 militants chiliens périssent en Argentine suite à des affrontements internes à la gauche révolutionnaire. Cette opération est montée alors que les Nations Unies viennent de désigner une commission spéciale destinée à enquêter sur la disparition de milliers de personnes au Chili. Entre juin et juillet 1975, une véritable contre offensive psychologique et communicationnelle est fabriquée de toutes pièces : le MIR aurait installé un foyer révolutionnaire dans la province argentine de Salta près de la frontière de la Bolivie, du Paraguay et du Brésil. L’armée argentine serait alors intervenue, écrasant une partie l’insurrection et tuant de nombreux militants. Afin de mener à bien ce mensonge à l’échelle continentale et internationale, le terrorisme d’Etat possède l’appui délibéré de plusieurs journaux « prestigieux » du Cône Sud, qui alarment les populations sur le danger terroriste d’extrême gauche. Au sein de cette guerre psychologique, les services secrets vont jusqu’à utiliser des cadavres brûlés et mutilés qui sont présentés comme étant ceux de militants chiliens. Malgré les dénonciations, le mensonge a été maintenu plus de 15 ans. Aujourd’hui, l’on sait grâce aux investigations effectuées par le Comité de Défense des Droits du Peuple du Chili (CODEPU) que ces 119 personnes ont été exécutées lors de sessions de tortures au Chili, sans avoir pris les armes ; qu’il s’agissait de 100 hommes et 19 femmes qui ont été arrêtés entre mai 1974 et février 1975 ; que plus de 100 d’entre eux avaient moins de 30 ans et que 20 d’entre eux n’appartenaient à aucune organisation politique [61].

Rapidement, la vague de terreur qui s’abat sur l’Amérique Latine détruit ce qui restait des mouvements révolutionnaires qui prétendaient engager la lutte armée contre les « Gorilles » et l’impérialisme. Le MIR chilien comme l’ERP argentin qui formaient les deux bataillons les plus importants de la JCR sont rapidement désarticulés et leurs militants persécutés. La mort de Miguel Enriquez en 1974, chef charismatique du MIR, sous les coups de la répression de la DINA [62], symbolise la déroute profonde que vit le mouvement. Edgardo Enriquez qui était chargé de la coordination au sein de la JCR avec les Argentins, est fait prisonnier, le 10 avril 1976, à Buenos Aires aux côtés d’autres militants du MIR et de la brésilienne Regina Marcondes. Quant à l’ERP, ses capacités d’action sont efficacement amoindries par la dictature de Videla. Alors qu’elle possède en 1975 environ 300 hommes armés dans la zone du grand Buenos Aires et qu’elle anime des foyers de guérilla rurale (notamment à Tucuman), cette organisation est complètement déstructurée à peine deux ans plus tard. L’un des coups durs pour l’ERP a été la mort de Mario Roberto Santucho, le 19 juillet 1976. En août 1976 est élu Luis Mattini comme secrétaire général et sont intégrés à la direction, entre autres, les militants Merbilhaa et Gorriaran Merlo : un mois plus tard Merbilhaa est détenu et à la fin de l’année quasi 50 dirigeants sont en exil dont Luis Mattini et Gorriaran Merlo. L’ERP subit par la suite d’importantes contradictions internes qui aboutissent en 1979 à sa division, entre une aile reniant la stratégie militaire et une autre l’accentuant. Le mouvement Montoneros est lui aussi en pleine débâcle. Selon un rapport de l’Ecole des Amériques, « ils souffrirent une série de défaites face aux forces de sécurité durant les années 70 et en 1977 abandonnèrent le pays. Dans les années 80, le groupe s’était réduit à seulement 300 membres » [63]. Au final, les Montoneros et l’ERP qui avaient pu comptabiliser environ 1300 personnes armées et entraînées, n’en regroupent plus qu’une centaine en 1978, alors que la majorité des militants se trouvent en exil [64]. Nombre de ces militants d’extrême gauche fournissent par la suite d’importants contingents de cadres et combattants au Nicaragua révolutionnaire, aux côtés des Sandinistes.

Outre des militants révolutionnaires et des membres de l’église catholique, l’Opération Condor s’est également chargée d’abattre dans le sous continent des personnalités politiques jugées trop encombrantes dont le plus connu est sûrement Juan José Torres, ex-président de Bolivie, écarté par le général Banzer et qui s’était réfugié en Argentine [65]. D’autre part si, l’Argentine, le Chili et le Paraguay furent ses principaux lieux d’action, le Condor a agit également dans d’autres pays du Cône Sud, comme le Pérou par exemple [66]. Il semble également qu’après avoir ensanglanté le mouvement contestataire dans la région, que l’Opération Condor ait agit contre le mouvement révolutionnaire de l’Amérique Centrale, particulièrement nicaraguayen. Cette extension s’est déroulée avec la bénédiction et la collaboration des Etats-Unis, qui suite à l’élection de Ronald Reagan en 1981, réinstallent une politique interventionniste. Les opérations des Etats-Unis contre le Ni caragua révolutionnaire ont commencé dès la victoire sandiniste de juillet 1979 et ceux que Ronald Reagan a nommé les « combattants de la liberté » étaient en fait des mercenaires financés par la guerre sale [67]. Il existe assez de documentation dans les « archives de l’horreur » pour prouver que le Paraguay a été impliqué dans l’affaire de « l’Iran Gate » qui consiste à ce que les services secrets américains favorisent l’échange d’armes contre de la drogue et la vente d’armes illégales avec pour but de financer les Contras, le mouvement contre-révolutionnaire nicaraguayen [68]. En 1981, se tient la réunion du CEA à Washington où il est décidé de signer de nouveau, des accords bilatéraux sur les « terroristes » et de créé un secrétariat permanent avec comme siège, le Chili dictatorial : sous le vocable du discours anticommuniste, on trouve désormais, outre les habituels opposants de gauche et les prêtres progressistes, les organisations de droits de l’homme et de lutte contre l’imp unité [69].


La fin du Condor ?

Il est impossible dans le cadre de cet article de rendre compte, même en termes généraux, de l’ensemble des violences qui ont été menées par l’Opération Condor. Il est d’ailleurs difficile aujourd’hui de chiffrer le nombre de ses victimes parmi les milliers de personnes ayant souffert la répression durant ces années dans le Cône Sud. Les récits de vie et témoignages écrits sont nombreux aujourd’hui et donnent toute la dimension traumatique et terrifiante de ce qu’a signifié l’Opération Condor [70] pour ceux qui l’on subit de l’intérieur. L’ensemble des victimes de la terreur d’Etat (ceux qui ont survécu et leurs proches), ont désormais à jamais une vie et psyché marquée par des pratiques rationnelles et étatisées de tortures, viols collectifs, humiliations physiques et psychologiques, emprisonnements illégaux, etc. Ces expériences représentent une cassure individuelle difficilement surmontable et qui affectent les individus de manière différente suivant les s évisses infligés et les personnalités concernées [71]. Si l’on passe du niveau individuel au niveau sociétal, l’impact sur les sociétés latino-américaines que représente cette terreur d’Etat est considérable en termes de destruction du mouvement social, des activités culturelles et de l’ensemble la vie sociale et politique qui restent marquées, à des degrés divers, par la violence, la peur et l’atomisation structurelle. Ces traits ont été accompagnés et renforcés par les nouveaux modèles économiques et sociaux implantés par les dictatures, essentiellement de type capitaliste néolibéral. La pratique du terrorisme d’Etat ne se réduit donc pas à son action coercitive contre les mouvements révolutionnaires. La lutte contre ces derniers sert la plupart de justification simpliste et est intégrée en ce sens dans la propagande des dictatures, pour imposer ou restaurer un régime économico-social inégalitaire et autoritaire. Ces systèmes sociaux se développent grâce au manteau protecteur d’un Etat dictatorial et pénètrent l’ensemble des relations sociales en déconstruisant par la terreur et la violence physique l’ensemble des espaces de débat et organisations démocratiques. En ce sens le terrorisme d’Etat terrorise et brutalise les sociétés qui lui sont soumises jusque dans leurs aspects les plus infimes (tels que la vie quotidienne : les relations de voisinage par exemple), tentent d’empêcher toute réactivation des luttes sociales tout en appliquant parallèlement une politique économique hautement favorable aux intérêts du capital contre ceux du travail. Comme le remarque le sociologue Franz Hinkelammert, « Le terrorisme d’Etat implique une société qui n’est pas capable de respecter les droits de l’homme, qui n’a pas comme perspective de lutter contre la torture et la disparition, qui n’intègre ni socialement ni économiquement sa population, ce qui produit une violation systématique des droits de l’homme » [72].

Selon le rapport Nunca Mas argentin (qui raconte au travers de milliers de pages le témoignage de centaines de victimes) la spécificité de l’Opération Condor au sein de ce cadre global de la répression massive est sa dimension « sans frontières » : « La méthode employée a consisté, fondamentalement, dans l’interconnexion des groupes illégaux de répression, lesquels, en définitive, agirent comme s’il s’agissait d’une même et unique force ; une telle action constitue, du fait de la clandestinité à laquelle on a déjà fait référence, une claire violation de la souveraineté nationale » [73]. Il y donc là un paradoxe, qui n’est qu’apparent d’ailleurs : les dictatures du Cône Sud, qui affichent un discours ultra nationaliste, ont pourtant mit en place une internationale de la terreur contre-révolutionnaire afin de défendre la stabilité de leur régime contre toute opposition. Cette entreprise a été réalisée d’une part, avec le consentement et l’implication matérielle et idéologique du gouvernement des Etats-Unis, qui fait preuve de plus ou moins d’intervention directe suivant les périodes. D’autre part, l’Opération Condor s’est appuyée sur de nombreux groupes paramilitaires ou d’extrême droite, afin de réaliser diverses opérations et ce au niveau international. Ce type de pratiques a existé dans la plupart des pays du Cône Sud et a signifié une brutalisation sauvage des sociétés latino-américaines sous le signe du terrorisme d’Etat.

Formellement, il semble que l’Opération Condor disparaisse dans le courant des années 80 avec le retour des régimes parlementaires dans la région. On ne peut aujourd’hui constater une pratique de tortures et disparitions institutionnalisées à l’échelle régionale. Cependant comme le notent l’ensemble des auteurs consultés rien ne permet d’affirmer catégoriquement que le système Condor a été entièrement dissout, bien au contraire. Tout d’abord parce que les réunions du CEA continuent de se tenir de manière régulière et qu’elles continuent de voir la subversion se développer partout : ainsi en 1987, les représentants militaires de gouvernements démocratiquement élus décrivaient avec terreur « la pénétration idéologique [...] de l’action subversive inspirée d’Antonio Gramsci » qui agirait « spécialement, dans le champ de l’éducation, les moyens de communication, les arts, la morale sociale, les centres de réflexion, le terrain religieux » [74]. Ensuite car sous l’é gide des Etats-Unis est organisé actuellement une coopération multilatérale avec plusieurs pays latino-américains liés à la lutte antiterroriste. D’autre part, parce que les événements en cours, notamment au Venezuela, en Colombie et au Pérou ou encore le « plan Colombie » démontrent le maintient de violences politiques de type « contre-insurrectionnelles » d’Etat ou paramilitaires, qui sont ouvertement appuyées par Washington [75]. Aucun chercheur s’intéressant à l’Opération Condor ne peut faire l’économie d’un tel questionnement du présent, et ce encore moins au nom de l’objectivité des sciences sociales.

En ce qui concerne les perspectives qu’ouvrent les archives découvertes sur ce sujet, elles sont immenses et couvrent un champ d’étude considérable lié à la reconstruction de l’histoire récente de cette partie du monde. Elles possèdent plusieurs dimensions extrêmement « explosives », non seulement en termes judiciaires mais surtout pour le sens politique qu’elles prennent dans l’Amérique Latine d’aujourd’hui. En effet, elles permettent de mettre en accusation de nombreux exécutants et têtes pensantes de l’Opération Condor, parmi lesquelles des personnes du poids d’Henri Kissinger et plus globalement, elles racontent quelle barbarie a été capable de développer la terreur d’Etat en Amérique Latine afin de combattre l’onde d’agitation sociale et de mouvements révolutionnaires que connaît l’Amérique Latine des années 60-70. Il est certain, à moins d’avoir un goût sadique et morbide prononcé, que parcourir les récits entremêlés des militants passés sous les griffe s du Condor ou que la consultation de la froideur des rapports des services d’intelligence n’offrent souvent que rage et amertume. Pourtant, il est essentiel d’approfondir notre connaissance de l’Opération Condor, il est également légitime que cette histoire soit connue de tous et en priorité des nouvelles générations (et donc intégrée au sein des programmes scolaires et des discussions en cours au sein du mouvement social mondial). En ce sens, l’appel de Martin Almada à ce que les archives de la terreur soient sauvegardées doit être entendu comme un combat qui concerne l’ensemble des secteurs de l’humanité qui refusent l’amnésie intéressée des responsables directs et indirects de cette répression continentale. Un important travail a déjà été réalisé mais il faut continuer en ce sens. Cela signifie la mise à disposition d’une aide financière conséquente pour la construction d’un centre d’archives moderne et le maintient d’un contrôle permanent sur ce fond de la part des associati ons de victimes comme de chercheurs de toutes les nationalités. Les « archives de l’horreur » doivent pouvoir être consultées tant par les spécialistes que les militants et toutes personnes intéressées à comprendre le fonctionnement et la logique de l’Opération Condor : ce droit à la mémoire mais surtout cette nécessité de connaître, comprendre et analyser le fonctionnement de la terreur contre-révolutionnaire sont essentiels à la construction du futur des peuples latino-américains et indispensables à la construction des projets de société à venir dans cette partie du globe.


Bibliographie utilisée :

M. Almada, Las intimidades del Cóndor, XXIII International Congress of the Latin American Studies Association, Washington DC, Septembre 2001.

M. Almada, Paraguay : la cárcel olvidada, el paà­s exiliado, Asunción, Imprenta Salesiana, 1993.

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Sites Indispensables :

www.derechos.org/nizkor/doc/condor

www.gwu.edu/ nsarchiv


Notes :

[1] Ce travail encyclopédique exceptionnel a été dirigé par Leslie Bethell. On consultera avec profit pour le présent sujet les tomes 12 et 13. (L. Bethell ed., The Cambridge History of Latin America, 13 t., Cambridge, Cambridge University Press, 1994).

[2] T. A. Vasconi, Las ciencias sociales en América del Sur y Chile : 1960-1990, Introducción, mimeo, Centro de Investigaciones Sociales, Universidad ARCIS, Santiago, 1995.

[3] Chiffres de la Commission des Droits de L’homme Argentin datant de février 1990 (cités par Stella Calloni, "Los Archivos del horror del Operativo Cóndor", Equipo Nizkor, 8 aout 1998, pp. 3, www.dererchos.org/nizkor/doc/condor/calloni.html (traduit de l’anglais et tiré de la revue Covert Action, Etats-Unis, automne 1994).

[4] V. Bambirra, A. Lopez, M. Moleiro, S. Condoruma, C. Núñez, R. Mauro Marini, A. Zapata, Diez anos de insurrección en America Latina, 2 t., Buenos Aires, Ed. Pla, 1972. Voir particulièrement l’article de présentation générale de Vania Bambirra, "Diez anos de insurrección en América Latina", pp. 23-76, tome 1.

[5] Sur les Tupamaros voir : C. Nunez, « MLN Tupamaros : los combatientes no se improvisan » in V. Bambirra et autres, Op. Cit., pp. 73-112, tome 2 ; sur la guérilla brésilienne au début des années soixtante-dix : R. Mauro Marini, « La izquierda revolucionaria y las nuevas condiciones de luchas de la luchas de clases » in V. Bambirra et autres, Op. Cit., pp. 113-168, tome 2 ; sur le Pérou : S. Condoruna, « Las experiencias de la ultima etapa de las luchas revolucionaria en el Peru", in V. Bambirra et autres, Op. Cit., pp. 1-11, tome 2. Pour une analyse approfondie des mouvements de guérillas en Argentine et beaucoup plus récente, critique et plus « distanciée » que les articles précités voir le travail de J. Gasparini (centré surtout surtout le mouvement Montoneros) : « Mouvements sociaux, pouvoir militaire et guérilla en Argentine. Les années soixante-soixante dix, les années de plomb », thèse de doctorat, Suisse, Université de Génève, novembre 1998. (publié e en espagnol dans une version remaniée : J. Gasparini, Montoneros, final de cuentas, Buenos Aires, Ed de la Campana, 1999) et Luis Mattini, Hombres y mujeres del PRT-ERP, Buenos Aires, Ed de la Campana, 1999. Sur le MIR chilien consulter la bibliographie que fournissent les comptes rendus de lecture ainsi que l’entretien à Luis Vitale présents dans ce numéro de Dissidences.

[6] F. Martorell, "Los Enemigos", Operación Cóndor. El vuelo de la Muerte, pp. 64-70, Santiago, Ed. LOM, 1999.

[7] Libro Blanco del Cambio en Chile, Santiago, Ed. Lord Cochrane, 1973. Ce livre de justification du coup d’Etat et semé de falsifications historiques, a été rédigé en partie par l’historien Gonzalo Vial, fondateur de la revue Que Pasa ? et par la suite ministre de l’éducation de la dictature.

[8] C’est le cas de l’historien et militaire Luis Heinecke Scott dans son brûlot anticommuniste : Chile, crónica de un asedio, 4 t., Santiago, Sociedad Editora y Grafica Santa Catalina, 1992.

[9] Victor Osorio Reyes a effectué un très bon bilan à ce sujet : « Mitos y mentiras del golpe militar », La Huella, N°12, Santiago, septembre 2002.

[10] R. Garcia Lupo, El Paraguay de Stroessner, Buenos Aires, Ed. B, Coll. Reporteros, 1989.

[11] Esteban Cuya, "La operación Cóndor : El terrorismo de Estado de Alcance transnacional", Memoria, N°5, Nuremberg, décembre 1993 (in Ko’Aga Rone’Eta (1996) : [www.derechos.org/koaga/vii/1/cuyas.html]) et G. Meilinger de Sannemann, "Confirman en Asunción existencia de la fatà­dica "Operación Cóndor" ", Santiago, La Epoca, 25 mars 1993.

[12] S. Blixen, "Los archivos del terror", Santiago, La Nación, pp. 7, 27 juin 1999. Voir le témoignage de M. Almada dans Stella Calloni, « La novela del Horror. Martin Almada », Los Anos del Lobo : Operación Cóndor, pp. 111-119, Buenos Aires, Ed. Continente, 1999 et pour une analyse du Paraguay dictatorial vu par cet auteur/acteur : M. Almada, Paraguay : la cárcel olvidada, el paà­s exiliado, Asunción, Imprenta Salesiana, 1993.

[13] X. Poo, "La riesgosa Labor del descubridor", Santiago, La Epoca, 28.02.93.

[14] B. Paz, M. Angelica Gonzalez, R. Palau Aguilar, Es mi informe : los archivos secretos de la policà­a de Stroessner, pp. 445-446, Asunción, Centro de Documentación Y Estudios, 1994.

[15] Stella Calloni, "Los Archivos del horror del Operativo Cóndor", Equipo Nizkor, 8 aout 1998, www.dererchos.org/nizkor/doc/condor/calloni.html (traduit de l’anglais et tiré de la revue Covert Action, Etats-Unis, automne 1994) et G. Mellinger de Sannemann, Paraguay y la Operación Cóndor en los Archivos del Terror, Ed. de l’auteure, Asunción, 1994.

[16] Voir la conclusión intitulée "J’écris pour alerter" de M. Almada, "Las intimidades del Cóndor", XXIII International Congress of the Latin American Studies Association, Washington DC, Septembre 2001

[17] Senado de los Estados Unidos (Informe Church), Acción encubierta en Chile 1963-1973 : Informe de la comisión designada para estudiar las operaciones gubernamentales concernientes a actividades de inteligencia, Washington, 18 de diciembre de 1975 in http://www.derechos.org/nizkor/chile/doc/encubierta.html.

[18] Toute personne s’intéressant au thème du terrorisme d’Etat dans le monde et à l’implication des Etats-Unis à ce sujet se doit de visiter leur site où le visiteur peut même télécharger certains documents des services secrets dans leur version originale : http://www.gwu.edu/ nsarchiv/.

[19] Ces femmes, qui ont été dénommées les « folles de mai », ont repris depuis les années quatre-vingt la lutte de leur proches disparus sous les coups de la répression et ont permis une forte réorganisation du mouvement social argentin en refusant tout compromis, particulièrement au niveau de l’impunité, avec les gouvernements qui ont suivi la dictature (voir par exemple : N. C. Mariano, « Argentina », Operación Cóndor. Terrorismo de Estado en el Cono Sur, pp. 23-56, Buenos Aires, Ed. Lohlé-Lumen, 1998.)

[20] Stella Calloni, "La Operación Cóndor al descubierto", La Jornada, México, aout 2002 (in La Insignia, 23 aout 2002 : www.lainsignia.org/2002/agosto/ibe_104.htm).

[21] La chercheuse J. Patrice Mc Sherry de Long Island University a découvert parmi les archives déclassifées nord-américaines, un message envoyé en 1978, par R. Withe, ambassadeur des Etats-Unis au Paraguay, qui confirme que la base militaire de Panama a été un centre de coordination de l’Opération Condor. Selon MCSherry, les archives montrent que « les officiels militaires et d’intelligence des Etats-Unis considèrent Condor comme une organisation « contre-terroriste légitime » » et elle ajoute « les preuves chaque jour plus nombreuses éclairent la profondeur de la participation et complicité des Etats-Unis dans la répression en Amérique Latine, comme faisant partie de la guerre foire et des crimes de l’Opération Condor » (El Mostrador, « Vinculan « Operación Condor » con base militar de Estados unidos en Panama », Rebelion.org, 8 mars 20002 ; http://www.rebelion.org/ddhh/condor080301.htm).

[22] S. Maria Lozada, J. Viaggio, C. Zamorano, E. Barcesat, Inseguridad y desnacionalización. La doctrina de Seguridad Nacional, Buenos Aires, Ed. Derechos Humanos, 1985 et J. Bourgaux, M. Alvarez, La ideologà­a de la seguridad nacional en el marco del terrorismo de Estado como sistema de gobierno : el caso chileno, Bruxelles, Asociación Internationale de juristes démocrates, 1987 (actes du colloque international "El terrorismo de Estado en Chile", Genève, 14-15 février 1986).

[23] CEA, secretaria permanente, Boletin informativo, N°1, Santiago du Chili, 1985 (cité par Pierre Abramovici, « "Opération Condor", cauchemar de l’Amérique Latine », Paris, Le Monde Diplomatique, pp. 24-25, mai 2001).

[24] Voir E. Sabato, M. Ruiz, G. Fernandez y otros, Nunca Mas, Informe de la Comisión Nacional sobre la desaparición de personas, Buenos Aires, Ed. Eudeba, 1995.

[25] A. J. Langguth, Hilden Terrors New York, pp. 251, New York, Pantheon, 1978.

[26] Il est recommandé là encore d’aller consulter directement les sources de première main qui sont élocantes : http://www.gwu.edu/ nsarchiv.

[27] V. Mahskin, Operación Cóndor, su rastro sangriento, Buenos Aires, Ed. Cartago, 1985.

[28] Selon cet agent, la CIA aurait également fournit aux militaires chiliens une liste de 20 000 personnes, « candidats à l’assassinat le matin du coup d’Etat ». Les citations du livre de R. W. Mcgehee sont issus de l’article en espagnol suivant : La Republica en la Red, « Los garfios del crimen clavados en América Latina », Rebelión.org, 13 janvier 2003 ; http://www.rebelion.org/ddhh/cia130103.htm.

[29] Documents consultés par N. C. Mariano, Operación Cóndor. Terrorismo de Estado en el Cono Sur, Buenos Aires, Ed. Lohlé-Lumen, 1998.

[30] Pour plus de détails voir notamment : G. Mellinger de Sannemann, Paraguay en el Operativo Cóndor, RP Ediciones, Asunción, 1989.

[31] Stella Calloni, .« La novela del Horror. Martin Almada », Los Anos del Lobo : Operación Cóndor, pp.19, Buenos Aires, Ed. Continente, 1999.

[32] Cité par V. Mahskin dans Operación Cóndor, su rastro sangriento, pp.8, Buenos Aires, Ed. Cartago, 1985.

[33] Voir M. Salazar, Contreras, historia de un intocable, Ed. Grijalbo, Santiago, 1995 et M. E. Rojas, La represión en Chile. Los Hechos, Santiago, Ed. IEFALA, 1998.

[34] El Nuevo Herald, Miami, 20 septembre 2000 (cité par Pierre Abramovici, « "Opération Condor", cauchemar de l’Amérique Latine », Op. Cit.).

[35] F. Martorell, "Operación Cóndor. El vuelo de la Muerte, pp. 31, Santiago, Ed. LOM, 1999.

[36] Pour une analyse plus appronfondie : I. Gonzalez Jansen, La Triple A, Buenos Aires, Ed. Contrapunto, 1986.

[37] Pierre Abramovici, « "Opération Condor", cauchemar de l’Amérique Latine », Op. Cit.

[38] Esteban Cuya, "La operación Cóndor : El terrorismo de Estado de Alcance transnacional", Memoria, N°5, Nuremberg, décembre 1993 (in Ko’Aga Rone’Eta (1996) : www.derechos.org/koaga/vii/1/cuyas.html)

[39] par exemple en novembre 1974, une personne sans militance politique mais proche de Pascal Andres Allende, dirigeant du MIR chilien est fait prisonnier à Buenos Aires et envoyé dans les centres de détentions chiliens (F. Martorell, "Operación Cóndor. El vuelo de la Muerte, pp. 40, Santiago, Ed. LOM, 1999.).

[40] J. Elias, "El abécédé de la Operación Cóndor", Santiago, La Nación, 2001.

[41] Voir « Nacimiento del Operativo Cóndor » in Martà­n Almada, "Las intimidades del Cóndor", XXIII International Congress of the Latin American Studies Association, Washington DC, Septembre 2001.

[42] Archivos del Terror, Documentos 00010F 0535 et 0536 (cités dans Martà­n Almada, "Las intimidades del Cóndor", XXIII International Congress of the Latin American Studies Association, Washington DC, Septembre 2001).

[43] Esteban Cuya, "La operación Cóndor : El terrorismo de Estado de Alcance transnacional", Memoria, N°5, Nuremberg, décembre 1993 (in Ko’Aga Rone’Eta (1996) : www.derechos.org/koaga/vii/1/cuyas.html)

[44] Voir la encore l’analyse des « intimités du Condor » effectuée par Martin Almada ("Las intimidades del Cóndor", XXIII International Congress of the Latin American Studies Association, Washington DC, Septembre 2001).

[45] Nous utilisons la traduction effectuée par le journal L’Humanité (« Comment les Etats-Unis ont aidé à éliminer les progressistes dans leur « arrière cour », Paris, L’humanité, 26 novembre 1998). Le télégramme de R. Scherrer est accessible en ligne dans sa version originale : http://www.gwu.edu/ nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB8/ch23-01.htm.

[46] J. Dinges, S. Landau, Asesinato en Washington : el caso Letelier, Santiago, Ed. Planeta, 1990.

[47] P. Abramovici, « "Opération Condor", cauchemar de l’Amérique Latine », Paris, Le Monde Diplomatique, pp. 24-25, mai 2001.

[48] J. Escalante Arellano, La misión era matar. El juicio a la caravana Pinochet-Arellano, Ed. LOM, Santiago, 2000

[49] E. Ahumada, R. Atria, J. L. Egana, A. Góngora, C. Quesney, G. Saball, G. Villalobos, Chile. La Memoria Prohibida. Las violaciones de derecho humanos, 3 T., Santiago, Pehuen Ed., 1990.

[50] Les détails de cet attentat sont connu grace aux procès qui ont été mené contre les exécuteur de celui-ci dont Contreras, Towley et Delle Chiaie (voir Stella Calloni, Los Anos del Lobo : Operación Cóndor, pp. 72-89, Buenos Aires, Ed. Continente, 1999 et Esteban Cuya, "La operación Cóndor : El terrorismo de Estado de Alcance transnacional", Memoria, N°5, Nuremberg, décembre 1993 (in Ko’Aga Rone’Eta (1996) : www.derechos.org/koaga/vii/1/cuyas.html)).

[51] F. Varas, C. Orrego, El Caso Letelier, Santiago, Ed. Acongagua, 1990.

[52] Avec par exemple l’article suivant : J. Anderson, « Condor : South American Assassins », Washington Post, pp. 9, 2 aout 1979 (cité par S. Calloni, "Los Archivos del horror del Operativo Cóndor", Op. Cit).

[53] R. Gott, « Shots ands Plots », London, The Guardian, pp. 17, 4 juin 1976 (cité par S. Calloni, "Los Archivos del horror del Operativo Cóndor", Op. Cit).

[54] A. Morente Aznar, " CIA mito o realidad : la mano de la CIA en el asesinato de O. Letelier", Santiago, La Tercera, 26 fevrier 1989. L. Rivano affirme quant à lui l’hypothèse que le CIA aurait pu être l’auteur de cet attentat : La CIA mato a Letelier : otra hipótesis, Santiago, Ed. Luis Rivano, 1995.

[55] V. Mahskin, Operación Cóndor, su rastro sangriento, pp. 54-55, Buenos Aires, Ed. Cartago, 1985.

[56] Stella Calloni, "Los Archivos del horror del Operativo Cóndor", Equipo Nizkor, 8 aout 1998, www.dererchos.org/nizkor/doc/condor/calloni.html (traduit de l’anglais et tiré de la revue Covert Action, Etats-Unis, automne 1994)

[57] C’est l’avis du juge Baltazar Garzon qui a enquêté sur cette affaire (F. Martorell, Op. Cit., pp. 142).

[58] CODEPU,Masalládelasfronteras : estudio sobre las personas ejecutadas o desaparecidas fuera de Chile : 1973-1990, Santiago, Ed. CODEPU, 1996.

[59] Le Texte complet de ce rapport controversé a été publié dans : « Informe de la Comision Verdad y Reconciliacion », Santiago, La Nacion, 05 mars 1991, 287p.

[60] Voir Stella Calloni, "Operación Colombo", pp. 60-71, Los Anos del Lobo : Operación Cóndor, Buenos Aires, Ed. Continente, 1999 et N. C. Mariano, « Chile », Operación Cóndor. Terrorismo de Estado en el Cono Sur, pp. 83-114, Buenos Aires, Ed. Lohlé-Lumen, 1998.

[61] CODEPU, La Gran mentira. El caso de la lista de los 119, Santiago, Serie Verdad y Justicia, 1994 et pour une analyse plus globale de la répression au Chili, voir : M. E. Rojas, La represión en Chile. Los Hechos, Santiago, Ed. IEFALA, 1998.

[62] Action dirigée dans ce cas précis par l’agent Osvaldo Romo, fameux pour ses qualités d’infiltration et de tortureur. Voir : N. Guzman, Romo, confesiones de un torturador, Santiago, Ed. Planeta, 2000.

[63] Rapport cité par F. Martorell, "Operación Cóndor. El vuelo de la Muerte, pp. 165-166, Santiago, Ed. LOM, 1999.

[64] Les chiffres cités sont de F. Martorell. Pour une analyse plus approfondie, nous renvoyons au livre précités de J. Gasparini sur les Montoneros et Luis Mattini sur la ERP.

[65] M. Sivak, El asesinato de Juan José Torres, Buenos Aires, Ed. Serpaj, 1997.

[66] C’est la cas par exemple avec la vague de détention de mai 1978 à Lima où sont arrêtés de nombreux intellectuels et militants dont le leader trotskyste du mouvement paysan péruvien, Hugo Blanco (voir S. Calloni, Los Anos del Lobo : Operación Cóndor, Buenos Aires, Ed. Continente, 1999).

[67] E. Yeves, La Contra : una guerra sucia, Madrid, Grupo Editorial Z, 1990.

[68] Idem, pp. 188-197.

[69] P. Abramovici, « "Opération Condor", cauchemar de l’Amérique Latine », Paris, Le Monde Diplomatique, pp. 24-25, mai 2001.

[70] Voir par exemple les témoignages dans : P. Miranda, « Terrorismo de Estado : testimonios del Horror en Chile y Argentina », Santiago, Ed. Sextante, 1989.

[71] A. Inger, Trauma y cura en situaciones de terrorismo de estado, Santiago, CESOC, 1996.

[72] Franz Hinkelammert, "Reflexiones sobre democracia y estatismo", Proposiciones, pp. 80, N°15, Santiago, decembre 1987.

[73] E. Sabato, M. Ruiz, G. Fernandez y otros, Nunca Mas, Informe de la Comisión Nacional sobre la desaparición de personas, pp. 266, Buenos Aires, Ed. Eudeba, 1995.

[74] Documento Conferencia de Ejércitos Americanos (CEA), Mar del Plata, 1987 (cité par S. Calloni, Los Anos del Lobo : Operación Cóndor, pp. 220, Buenos Aires, Ed. Continente, 1999).

[75] Sur la Colombie consulter par exemple : G. Petro, "Indulto a paramilitares", Rebelión.org, 15 janvier 2003 in http://www.rebelion.org/plancolombia/petro150103.htm.



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La référence explicite à Simon Bolivar et au mouvement bolivarien est fortement symbolique. Simon Bolivar, qui était un grand aristocrate, n’est en aucun cas pour nous un modèle ou une référence théorique. Il y avait néanmoins dans son projet d’unité des peuples, d’indépendance et de liberté quelque chose d’une parfaite actualité, au coeur des enjeux, singulièrement en Amérique latine.

Une fois par mois environ Révolution Bolivarienne présentera à une sélection d’articles de presse (la grande parfois mais surtout l’alternative, la militante, la rebelle), de contributions, d’analyses, d’événenements et d’initiatives. Une part plus ou moins conséquente de nos textes seront des traductions par nos soins (ou par des réseaux amis), le plus souvent de l’espagnol, mais aussi d’autres langues. Ces textes seront donc pour la plupart inédits en français. A ce sujet, si vous disposez d’un peu de temps et de la connaissance de langues étrangères, votre contribution sera particulièrement bienvenue ! De même qu’un récit de voyage. D’autre part, une tribune libre est à la disposition des lecteurs-trices.

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Les Etats-Unis de mal empire : Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud
Danielle BLEITRACH, Maxime VIVAS, Viktor DEDAJ
Présentation de l’éditeur Au moment même où les Etats-Unis, ce Mal Empire, vont de mal en pis, et malgré le rideau de fumée entretenu par les médias dits libres, nous assistons à l’émergence de nouvelles formes de résistances dans les pays du Sud, notamment en Amérique latine. Malgré, ou grâce à , leurs diversités, ces résistances font apparaître un nouveau front de lutte contre l’ordre impérial US. Viktor Dedaj et Danielle Bleitrach, deux des auteurs du présent livre, avaient intitulé (…)
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(...) je suis d’accord avec le fait que le tsunami a été une merveilleuse occasion de montrer, au-delà du gouvernement des Etats-Unis, le coeur du peuple américain.

Condoleezza "oui, j’ai un grain" Rice
devant la commission sénatoriale des relations étrangères US - janv. 2005

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