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Révolution Bolivarienne N° 2 - Juillet 2004.

Bulletin d’informations sur l’Amérique latine. N°2 , juillet 2004.

Pour bien juger des révolutions et des révolutionnaires, il faut les observer de très près et les juger de très loin (Simon Bolivar).

Introduction

Nous consacrons la majeure partie de cette revue au Venezuela, tout en gardant un oeil sur le reste du continent (comme par exemple sur l’Argentine, le Brésil ou Cuba).

Une bonne nouvelle, croyons nous : il n’y a plus seulement que l’impérialisme qui s’intéresse de près au Venezuela. La solidarité internationale des peuples se développe.

Pourtant tout le monde peine à définir en profondeur ce qui se passe réellement dans ce pays qui entretient des relations économiques considérables avec les EU du fait de sa production pétrolière (le gros du pétrole est exporté aux EU et 70% des importations viennent des EU).

Après des mois de tension et d’incertitudes, un référendum révocatoire aura bien lieu, le 15 août précisément. Frédéric Lévêque, pour le Réseau International de Solidarité avec l’Amérique latine RISAL, revient sur cette longue bataille politico-juridique (article 5). Pour les opposants des beaux quartiers : "Chavez va tomber, Chavez va tomber". Rien n’est pourtant moins sûr. L’impérialisme lui-même se met à douter. "Chavez pourra t-il être vaincu comme Pinochet ?", titre le grand quotidien de Floride, le Miami Herald, par son éditorialiste très pro-Bush Andrès Oppenheimer (article 10). La comparaison de Chavez avec Pinochet, pour ignoble qu’elle soit, est révélatrice d’un certain désarroi.

L’universitaire et dirigeant de la Gauche Révolutionnaire vénézuélienne Miguel Angel Hernandez Arvelo s’inquiète pour sa part des manoeuvres de l’impérialisme, de ses agents dans le pays, et s’étonne que Chavez puisse accepter de les rencontrer (article 8).

Si tout le monde s’accorde sur le caractère inédit du "processus" vénézuélien, celui-ci fait néanmoins débat. Pour le secrétaire général de la Jeunesse Communiste du Venezuela, David Velasquez (article 6), le programme gouvernemental est "absolument alternatif", même si la transformation de l’Etat reste à faire. La révolution bolivarienne est d’abord pour lui une "révolution de libération nationale", et il lance un appel à la solidarité internationale.

L’ancien ministre sandiniste Ernesto Cardenal, de retour d’un voyage au Venezuela, n’a aucun doute : nous sommes bien en présence d’une nouvelle révolution en Amérique latine (article 9). Une révolution qui rompt avec les schémas préconçus des processus révolutionnaires, une révolution au caractère sui generis très affirmé.

Un autre universitaire vénézuélien, Vladimir Aguilar Castro, essaie d’aller un peu plus au fond des choses (article 4). Partant du contexte mondial de l’offensive du capital globalisé, il reprend à son compte, pour la compréhension du moment politique actuel, la catégorie marxiste de l’hégémonie chère à Antonio Gramsci. Le moins que l’on puisse dire, et l’auteur en convient, est que l’existence de "zones grises" qu’il repère dans la crise vénézuélienne, traduit la complexité du processus politique, qui demeure en partie énigmatique.

A défaut de certitudes, mais non sans pistes sérieuses, nous livrons à la réflexion, en le transposant au Venezuela , ce propos prophétique d’Augusto Cesar Sandino, le général des hommes libres : "Jamais, Nicaraguayens, il ne vous serait pardonné de tendre l’autre joue à l’envahisseur. Vos mains, Nicaraguayens, doivent être des cyclones s’abattant sur les descendants de William Walker" (El Pensamiento vivo de Sandino, Ed. Educa, San José de Costa Rica, 1974).

* * * * * * *

REVOLUTION BOLIVARIENNE N°2, Juillet 2004

 SOMMAIRE

REVUE DE PRESSE

1-ARGENTINE. Les marches des travailleurs au chômage pour exiger plus d’aide, par Hector Tobar, Los Angeles Times du 19/06/2004 (traduction de l’anglais Max Keler).

2-BRESIL. Lettre du Mouvement des Sans Terre du 25/06/2004 (traduction du portugais Christian Chantegrel)

3-CUBA. Bush contre Cuba et contre nous, par Rémy Herrera, L’Humanité du 22/06/2004.

4-VENEZUELA. Amérique latine : le caractère de l’offensive du capital et son incidence dans la crise hégémonique au Venezuela, par Vladimir Aguilar Castro, pour Herramienta, Buenos Aires, n° 25, été 2004 (traduction de l’espagnol Gérard Jugant).

5-VENEZUELA. La bataille du référendum, par Frédéric Lévêque, le 17/06/2004, RISAL.

6-VENEZUELA. Entretien avec David Velasquez, secrétaire général de la Jeunesse Communiste du Venezuela. Comment Chavez sort son pays du sous-développement. Solidaire du 16/06/2004.

7-VENEZUELA. Médias au-dessus de tout soupçon... de RSF, par Thierry Deronne et Benjamin Durand, Caracas, 22/06/2004, ACRIMED.

8-VENEZUELA. Carter, Cisneros et Chavez : de quoi parlent-ils ? par Miguel Angel Hernandez Arvelo, le 20/06/2004. www.aporrea.org (traduction de l’espagnol Gérard Jugant).

9-VENEZUELA. Une nouvelle révolution en Amérique latine, par Ernesto Cardenal, El Nuevo Diario, Managua, 17 et 18/05/2004 (traduction de l’espagnol Gérard Jugant).

10-VENEZUELA. Chavez pourra t-il être vaincu comme Pinochet ? par Andrès Oppenheimer, El Nuevo Herald, Miami, 20/06/2004 (traduction de l’espagnol Gérard Jugant).

FILM

Condor, les axes du mal

LIVRES

Pérégrinations d’une paria

Mémoire argentine

Le silence de la pluie

REVUE DE PRESSE

 1-ARGENTINE

LES MARCHES DES TRAVAILLEURS AU CHôMAGE POUR EXIGER PLUS D’AIDE

Par Hector Toban, Los Angeles Times, 19/06/2004.

Traduction de l’anglais Max Keler.

BUENOS AIRES. Des milliers de travailleurs sans emploi sont descendus ce vendredi dans les rues de la capitale, paralysant la circulation et obligeant des magasins et des restaurants à fermer, alors qu’une récente étude a montré que bien que l’économie argentine soit en croissance rapide, le chômage reste, à 14%, parmi les plus élevés de la région.

Les marches des piqueteros ou piquets, mouvement des chômeurs, ont conclu une semaine de mobilisations et de blocages de routes partout dans cette métropole de 12 millions d’habitants, incluant une journée entière de barricade mardi sur l’autoroute reliant Buenos Aires à l’aéroport international.

Bien que le mouvement des piqueteros soit divisé en plusieurs fractions, il s’est uni pour la protestation de vendredi. Raul Castells, le leader d’un des principaux groupes, avait appelé à de "puissantes actions-surprise dans tout le pays", incluant "l’occupation synchronisée d’immeubles car le gouvernement ne répond toujours pas aux exigences des Argentins affamés".

Bien que les manifestants occupèrent seulement quelques restaurants, les menaces incitèrent à l’évacuation du siège de la compagnie pétrolière Repsol YPF, située au centre-ville. Un groupe de piqueteros avait prévu d’y organiser une action, pour obtenir que la compagnie vende le gaz propane aux nécessiteux avec un rabais de 50%. Le propane est la principale source de chauffage es pauvres en hiver, qui dans l’hémisphère Sud commence juste. Cette journée de protestation se situait dans le cadre de ces douzaines de vendredis afin d’obtenir du gouvernement un certain nombre d’aides et notamment une hausse de l’allocation mensuelle aux sans-emplois, actuellement en moyenne de 60$ ainsi que du lait gratuit pour les cantines communautaires.

Les manifestants se rassemblèrent devant le Congrès et tinrent un meeting devant les bureaux du président Nestor Kirschner au Palais de la Casa Rosada.

Nestor Pitrola, leader du groupe de la Centrale des Travailleurs, dit que ces actions étaient le point culminant d’une série de protestations dans les provinces pauvres d’Argentine de Jujuy, Salta et Chaco. "Nous exigeons qu’on arrête de payer la dette extérieure", dit Pitrola. "Nous pourrons utiliser ces ressources pour construire des logements pour les pauvres".

Le gouvernement argentin négocie avec les représentants du FMI comment le pays va payer les plus de 10 milliards de dollars dus aux obligataires privés. Le pays a cessé de payer en décembre 2001. L’économie argentine toucha le fond après le défaut de paiement, avec un taux officiel de chômage atteignant 25%. En 2002, le gouvernement dévalua la monnaie, autorisant une dévaluation drastique du peso par rapport au dollar. La chute qui en est résulté dans le coût de la main d’oeuvre a aidé l’économie à repartir.

Selon un rapport gouvernemental sur le travail publié mercredi, la production intérieure brute du 1er trimestre a augmenté de 11% comparée à la même période de l’année précédente. La croissance a été la plus soutenue dans le secteur de la construction, avec une hausse de 41%. Mais le chômage reste élevé, baissant de seulement 0,1% dans les 3 derniers mois. Environ 2,3 millions de personnes restent sans travail et plus de 2,6 millions sont sous-employées, ce qui signifie qu’ils survivent avec moins d’un travail à temps complet, selon les statistiques gouvernementales.

Depuis des mois, les protestations des chômeurs, des travailleurs de l’Etat et d’autres sont la chronique quotidienne ici. Souvent, un groupe de quelques dizaines de marcheurs bloquent une des principales avenues de la ville. Il n’y a pas longtemps, les chauffeurs de taxi protestèrent à leur tour contre l’impossibilité de travailler à cause de toutes les rues bloquées.

Les manifestations du vendredi ont vu des dizaines de milliers de personnes marcher dans le centre-ville. Bien qu’il n’ait pas été rapporté d’occupations d’immeubles de bureaux, les piqueteros prirent le contrôle de plusieurs restaurants Mc Donalds, dont l’un situé près de l’Obélisque.

"Nous sommes ici parce que c’est une compagnie américaine et nous sommes contre l’intervention des yankees dans notre pays", dit Nina Peloso, une activiste du Mouvement Indépendant des Retraités et des Sans-Emplois.

Beaucoup d’Argentins estiment que les EU font pression sur leur gouvernement pour qu’il accepte des mesures de réduction des programmes sociaux.

 2-BRESIL

LETTRE DU MOUVEMENT DES SANS TERRES DU BRESIL

Traduite du portugais par Christian Chantegrel.

http://listas.rits.org.br/mailman/listinfo/letraviva

Letraviva@listas.rits.org.br.

vendredi, 25 juin 2004

Avec, comme toujours, l’intention de vous faire part de la lutte pour la Réforme Agraire au Brésil, cette quinzaine nous analysons quelques éléments de la conjoncture agraire concernant l’agro-commerce et la CPMI (Commission Parlementaire Mixte d’Enquête) de la Terre.

Notre mouvement lutte inlassablement contre la concentration de la propriété foncière. Nous pensons qu’il est impossible de vaincre la pauvreté et l’inégalité sociale sans une démocratisation de la propriété de la terre, dans le cadre de la Réforme Agraire.

Pour cela, il suffirait d’appliquer la constitution brésilienne, qui prévoit que toutes les grandes propriétés latifundiaires ne remplissant aucune fonction sociale doivent être expropriées (avec indemnisations) et distribuées aux travailleurs ruraux sans terre.

Selon les calculs du Plan National de la Réforme Agraire, élaboré à la fin de l’année dernière, il existe approximativement 55 000 immeubles ruraux, classés comme grandes propriétés improductives, qui contrôlent 116 millions d’hectares. Ils ne représentent que 1% de tous les propriétaires ruraux du Brésil.

Dans sa lutte politique, le MST a toujours présenté le latifúndio comme notre principal ennemi. Nous insistons aujourd’hui pour que ces 116 millions d’hectares soient expropriés pour la Réforme Agraire.

Ces derniers mois, nous avons assisté à l’émergeance d’une nouvelle alliance, entre le capital étranger, représenté par les transnationales de l’agriculture (Monsanto, Sygenta, Cargill, Bunge, etc) et les grands capitalistes brésiliens de l’agro-commerce ainsi que les latifundiaires arriérés. Une alliance identique eut lieu en 1964 et aboutit au coup d’état militaire pour empêcher les réformes démocratiques, parmi lesquelles la Réforme Agraire.

Par cette alliance, les élites brésiliennes viennent au secours du latifúndio, et attaquent le MST. Pourquoi agissent-elles ainsi ?

Tout d’abord pour des raisons pratiques, puisque nombreux sont les capitalistes et les transnationales qui possèdent aussi des latifúndios.

Ensuite, par intérêt de classe. Même si nous ne luttons que contre le latifúndio, eux s’unissent, pour défendre leurs intérêts de classe dominante.

Troisièmement, parce qu’ils choisissent, pour l’agriculture brésilienne, le modèle de l’agro-commerce, des grandes propriétés monocultrices pour l’exportation, uniquement pour gagner de l’argent. Et c’est pourquoi, ils voient dans le latifúndio la capacité agricole d’augmenter leur capital. Si le gouvernement exproprie ces latifúndios et les livre au peuple, les élites perdent un territoire d’expansion pour leurs affaires.

La quatrième raison est politique. Ils craignent que le gouvernement Lula honore ses engagements de campagne et fasse réellement la Réforme Agraire. Alors ils attaquent le MST, pour maintenir le gouvernement sous pression et sans marge de manoeuvre.

Et cinquièmement, pour des raisons idéologiques. La classe dominante brésilienne n’admettra jamais que les pauvres puissent s’émanciper, avoir ses organisations autonomes, bref, profiter des richesses produites dans ce pays. En fin de compte, si les privilégiés existent, c’est bien parce que des millions de pauvres les nourrissent.

C’est dans ce contexte que les élites utilisent leur pouvoir économique, politique et idéologique pour défendre le latifúndio et attaquer tous ceux qui luttent pour la Réforme Agraire. Ces élites attaquent et manipulent tous les jours, en se servant aussi de leur pouvoir de monopole des moyens de communication. La manipulation des informations dans les médias est une honte nationale. (ça ne vous rappelle pas le Vénézuela ? NDT)

Les attaques se font aussi au Parlement, avec l’aide des députés ruralistes, défenseurs des intérêts des latifundiaires dans la CPMI.

Ils veulent transformer la CPMI de la terre en une arme contre ceux qui luttent pour la Réforme Agraire. Pourtant, l’objectif de la CPMI est d’analyser et trouver des réponses à la violence et la pauvreté à la campagne ainsi qu’à la concentration foncière.

Ils se basent sur une accusation fausse, prétendant que le MST utiliserait les deniers publics pour organiser des occupations de terres. Ils ne comprennent rien au peuple, aux pauvres et à leurs mouvements. Les pauvres, les travailleurs, se mobilisent par nécessité.

Parce qu’ils n’ont pas de terre, et non parce que quelqu’un paye pour qu’ils luttent.

Les organismes qui travaillent pour l’assistance sociale, l’éducation, la culture et la qualification professionnelle dans les assentamentos conquis par la lutte du MST et d’autres mouvements sociaux ruraux, aux moyens d’accords financés par l’état, ont été les victimes des députés et sénateurs de l’UDR, qui, propageant de fausses informations à propos de ces organismes, ont demandé la levée du secret bancaire.

En revanche, ils n’admettent pas que soient aussi inspectés les comptes des organismes des grands fazendeiros, CNA (Confederação Nacional da Agricultura), OCB (Organização das Cooperativas Brasileiras), UDR (União Democrática Ruralista), par crainte que le peuple brésilien ne découvre la vérité. Ce que veulent ces défenseurs du grand capital, c’est discréditer les organismes qui soutiennent les milliers de familles Sans Terre dans leur processus de conquête de citoyenneté, et tenter, par là -même, d’affaiblir la lutte pour la Réforme Agraire.

Pourquoi ne demandent-ils pas au Ministère de l’Agriculture comment sont dépensées les ressources publiques destinées aux organisations de fazendeiros, pour organiser des expositions de bétail ?

Il est étrange que ceux-là mêmes qui veulent briser le secret bancaire des organisations soutenant les activités sociales des mouvements, dissimulent la levée du secret des comptes de CC-5. Ils cachent qui sont les dix mille Brésiliens riches, qui, d’après la Receita Federal (le fisc) ont 82 milliards de dollars déposés sur des comptes à l’étranger.

La Réforme Agraire est une nécessité, pour toute la société brésilienne. Elle est un instrument essentiel, pour démocratiser notre société et la propriété de la terre. Pour créer du travail dans le milieu rural et combattre la pauvreté et l’inégalité sociale.

Même si les élites puissantes défendent leurs privilèges bec et ongle, le peuple va continuer à s’organiser et à lutter pour ses droits.

Le MST continuera à organiser les travailleurs qui luttent pour leurs droits. Nous ne sommes pas effrayés par les aboiements des privilégiés.

Secrétariat National du MST.

 3-CUBA

BUSH CONTRE CUBA ET CONTRE NOUS

Par Rémy Herrera (*), économiste, chercheur au CNRS. Article paru dans l’Humanité du 22 juin 2004

Bush approuvait le 6 mai dernier un rapport de la commission pour l’aide à une Cuba libre, qui détaille une série de nouvelles mesures destinées à durcir l’embargo contre l’île.

Cet embargo, vieux de quarante-trois ans, vise ouvertement à infliger le maximum de souffrances au peuple cubain, " causer la faim et le désespoir ", selon les termes du département d’État des États-Unis. La quasi-unanimité des États membres de l’Assemblée générale des Nations unies le condamne. En 2003, 179 pays ont voté pour sa levée, et trois contre : les États-Unis, Israël et les îles Marshall. Mais ce durcissement résonne pour Bush comme l’aveu d’un échec - un de plus. Car le dispositif de contrainte arbitraire imposé par les États-Unis a échoué à bloquer la récupération de l’économie, réelle et régulière depuis 1994 : le taux de croissance du PIB est, en moyenne, sur les dix dernières années, plus soutenu à Cuba que dans les autres pays d’Amérique latine. Si l’embargo nie au peuple cubain le droit à l’autodétermination, comme son droit au développement, l’important pour nous est de comprendre qu’en attaquant Cuba, c’est notre liberté à tous qu’attaque B ush.

La grande nouveauté des mesures prises par l’exécutif états-unien réside dans le fait qu’elles portent désormais atteinte aussi aux libertés des Cubains vivant aux États-Unis. Atteinte à leur liberté de circuler : les voyages à Cuba seront à présent soumis à une autorisation délivrée au cas par cas (au lieu de la permission générale accordée auparavant) et restreints à une visite tous les trois ans (contre une par an jusqu’ici). Atteinte à leur liberté d’aider qui ils aiment : les envois de devises vers Cuba voient leurs plafonds considérablement réduits et leurs destinataires limités aux proches parents directs (conjoints, enfants, parents, grands-parents, petits-enfants), au mépris des liens affectifs et effectifs de solidarité et du libre choix de subvenir aux besoins de la famille élargie, " à la cubaine ", incluant parents éloignés, amis, voisins, collègues de travail.

Par ailleurs, les autorités états-uniennes sont dorénavant habilitées à mener les " opérations secrètes " nécessaires pour identifier les personnes qui contreviendraient aux nouvelles réglementations. et à récompenser tout individu (délateur) qui collaborerait à leur interpellation. L’obtention de visas pour voyager à Cuba, qu’ils soient destinés à des particuliers ou des institutions sera compliquée par des démarches administratives conçues pour être dissuasives. Le nombre de citoyens états-uniens condamnés à des sanctions pénales pour s’être rendus à Cuba sans autorisation de sortie du territoire, en très forte hausse depuis l’arrivée au pouvoir de Bush, pourrait donc encore augmenter. Au moment où Cuba assouplit les conditions d’entrée dans l’île (y compris pour les Cubains de l’immigration), les États-Unis entravent celles de sortie de leur territoire - en violation des accords migratoires signés dans le passé.

Bush a en outre déclaré qu’il entend désormais faire appliquer avec fermeté les sanctions prévues par la loi Helms-Burton de mars 1996. Le titre III de cette loi octroie aux tribunaux états-uniens le droit de juger et de condamner tout ressortissant d’un pays tiers (ainsi que sa famille) qui effectue des transactions avec Cuba. Son titre IV prévoit, entre autres, le refus de visas d’entrée sur le territoire des États-Unis à ces ressortissants étrangers (et à leur famille). Le contenu normatif de cet embargo - spécialement l’extraterritorialité de ses règles qui imposent à la communauté internationale des sanctions décidées unilatéralement par les États-Unis - est une violation de la lettre et de l’esprit de la charte des Nations unies, comme des fondements mêmes du droit international. Extension exorbitante de la compétence territoriale des États-Unis, il est contraire au principe de souveraineté nationale et de non-intervention dans les choix intérieurs d’un État étranger. Attendrons-nous qu’un citoyen français employé d’une firme en affaires avec l’île soit assigné à résidence et porte un bracelet électronique détecteur de mouvements - peine que vient de purger pendant quatre ans le Canadien Jim Sabzali pour avoir commis le " crime " de vendre des purificateurs d’eau à des hôpitaux cubains - pour réaliser qu’à travers Cuba c’est également à nos libertés que s’en prend Bush ?

Ce n’est pas tout. Les récentes mesures prises par les autorités états-uniennes afin de limiter la liberté de circulation des personnels et des connaissances scientifiques conduisent à inclure dans le périmètre de l’embargo des domaines jusqu’à présent formellement exclus par la loi. Seront systématisés les refus de missions à Cuba de chercheurs états-uniens ; les refus de délivrance de visas aux chercheurs cubains (de même qu’à tout fonctionnaire de l’État cubain, y compris les médecins) ; les refus de publication aux États-Unis d’articles et de livres scientifiques d’auteurs cubains ; les refus d’octroi de licences de logiciels informatiques ; les refus de satisfaire les commandes de bibliothèques cubaines en ouvrages, revues, disquettes ou cédéroms de littérature scientifique spécialisée. En bafouant les libertés d’exercer le métier de chercheur, d’échanger des informations scientifiques, de penser ( !), Bush condamne ainsi l’une des plus fécondes opportun ités de développer sur une base solidaire et humaniste la coopération intellectuelle entre pays.

Dans le même temps, Bush annonce quelque 59 millions de dollars de fonds publics supplémentaires pour le soutien financier et logistique des " dissidents " à Cuba et des institutions (organisations gouvernementales et non gouvernementales) chargées de " disséminer des informations " anticubaines dans le monde. Un fonds spécial financera les visites à Cuba de " volontaires " pour y former, organiser et encadrer la contre-révolution sur l’île. Radio et TV Mart¡ - dont les appels incessants à la haine et au terrorisme lancés contre Cuba depuis Miami devraient quant à elles prochainement empocher 18 millions de dollars. Chose extraordinaire : un avion de l’armée états-unienne sera mis à la disposition de ces stations de radio et de télévision pour en faciliter les transmissions - en violation des règles de l’Union internationale des communications et de la souveraineté d’un pays.

Pour Bush, le seul véritable problème de la démocratie est d’en fixer le prix. Personne n’a oublié qu’il vola son poste de président grâce en partie à l’extrême droite " cubaine anticubaine " de Floride, et notamment à la puissante et très réactionnaire Fondation cubano-américaine. C’est cette même extrême droite qui se rappelle aujourd’hui à son bon souvenir, en imposant contre Cuba un durcissement de l’embargo avant l’élection présidentielle.

L’embargo du gouvernement états-unien contre Cuba est illégal et illégitime. En tant qu’il vise à détruire un peuple, il constitue un acte de guerre non déclarée contre Cuba. En tant qu’il porte atteinte à l’intégrité physique et morale de tout un peuple, et d’abord de ses enfants, il est assimilable, en droit, à un crime contre l’humanité. Bush ne sait sans doute pas que ce peuple a réussi à réduire son taux de mortalité infantile à un niveau inférieur à ce qu’il est à Washington. Ni que ce peuple n’a aucunement besoin d’une " vaccination immédiate de tous les enfants de moins de cinq ans ", comme le préconise son rapport, parce que tous les enfants cubains sont déjà tous vaccinés - contre treize maladies infantiles, mieux qu’aux États-Unis ! Ce que Bush doit savoir en revanche, avant de faire un pas de plus, c’est que ce peuple, dont l’histoire ne manquera pas de dire le courage, la dignité et la grandeur, résistera " jusqu’à la dernière goutte de son sang " pour que ses enfants restent libres.

Bush ne menace pas aujourd’hui que le peuple de Cuba. Il menace nos libertés, chaque jour un peu plus, à nous tous. Les plans du " libérateur " sont liberticides.

(1) Dernier livre paru : Cuba révolutionnaire, Éditions L’Harmattan, 2003.

 4-VENEZUELA

AMERIQUE LATINE : LE CARACTERE DE L’OFFENSIVE DU CAPITAL ET SON INCIDENCE SUR LA CRISE HEGEMONIQUE AU VENEZUELA

Par Vladimir Aguilar Castro*, pour Herramienta (Buenos Aires) n° 25, été 2004 (revista@herramienta.com.ar.).

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant.

Dans un article publié dans la revue Herramienta, "La tortueuse configuration hégémonique au Venezuela", nous signalions [1] que la crise vénézuélienne est l’expression de la difficulté de constituer une nouvelle hégémonie. Nous faisions remarquer que le processus en cours n’est pas l’aboutissement d’un pacte comme le fut jadis celui de Punto Fijo [2] qui portait en son sein un ensemble de contradictions déterminées par le caractère des alliances qui s’étaient formées, par l’apparition de nouveaux acteurs sur la scène politique et par le contenu des changements qui se manifestaient comme conséquences d’une rupture institutionnelle avec le passé. L’adaptation du nouveau système politique aux changements politiques et juridiques de l’année 1999, bien que réalisée par la voie électorale et dans le cadre des règles du jeu démocratique, entraînait en même temps la configuration d’une hégémonie qui prenait, pour n’être pas l’expression d ’un accord politique, les formes et expressions les plus diverses dans la recherche d’une consolidation. Bien que l’Assemblée Nationale Constituante prétendit avec la promulgation d’une nouvelle constitution jeter les bases d’un nouveau régime politique, la grande charte finalement ne constitua pas le point d’arrivée de la grande exigence de changements que la société vénézuélienne portait depuis déjà quelque temps.

L’objet du présent article est de contextualiser ce que nous entendons par hégémonie, catégorie qui selon nous rend compréhensible ce qui se passe dans le pays, en dépassant les faux manichéismes et la banalisation dans laquelle est tombé le débat politique actuel. Dans cette optique, nous insisterons exclusivement sur trois aspects qu’il nous semble important de faire ressortir :

a)Le contexte mondial de l’offensive du capital et ses incidences sur la situation politique nationale.

b)L’hégémonie comme catégorie d’analyse marxiste applicable à l’étude et à la compréhension du moment politique actuel.

c)Les zones grises de la crise actuelle dans le cadre des conditions signalées précédemment.

Ces trois aspects tenteront de poser les bases d’un des chapitres les plus complexes de l’histoire politique du pays, dans la mesure où le caractère sui generis des phénomènes qui se présentent, les particularités des nouveaux agents du pouvoir et le contenu des alliances qui se nouent tant au sein de l’opposition que du gouvernement ne permettent pas de voir de manière claire que ce qui est en train de se développer explique la tortuosité d’un processus qui assurément entraînera des crises dans les temps à venir.

1-Le contexte mondial de l’offensive du capital et ses incidences sur la situation politique nationale [3].

C’est Peter Gowan, dans un ouvrage extraordinaire, The Global Gamble [4], qui a mis en évidence le contexte dans lequel se recompose le capitalisme et notamment le capitalisme financier. L’auteur explique que le capitalisme financier est parvenu à obtenir de meilleures conditions d’action par suite de la contre réforme libérale engagée dans les années 90 sous les administrations de Ronald Reagan aux EU et de Margaret Thatcher en GB. "Cette politique, qui avait pour but d’offrir au capitalisme financier des garanties d’investissement, de mouvement et de spéculation, était la conséquence logique du processus de récession que supportait l’économie mondiale depuis les années 70".

Comme hypothèse de travail nous partons de l’hypothèse que les changements opérés dans l’administration américaine avec l’arrivée de G.W. Bush à la Maison Blanche constituent l’expression politique d’une nouvelle offensive du capital similaire à la contre réforme libérale des années 90 [5]. C’est ainsi que les nouvelles réalités du monde qui virent l’arrivée d’un président républicain au gouvernement des EU, lequel l’emporta finalement à l’issue d’un grand périple d’imprécisions domestiques dans les décomptes électoraux, nécessitèrent des conditions objectivement et subjectivement lui permettant de se légitimer vis-à -vis d’un électorat intérieur et d’un public extérieur qui commençaient à perdre confiance dans les présumés fondamentaux du système démocratique américain. Mais il n’y avait pas que cela, il s’agissait aussi de donner un peu de sens et de cohérence au programme politique de la nouvelle administration. Quel pourrait être l’élément unificate ur d’une politique ? Que permettrait à la nouvelle direction la justification de son programme antibalistique et de son isolationisme déclaré à l’égard du reste du système international ? Comment favoriser le lobby de la guerre qui faisait pression pour introduire des pièces clés à l’intérieur de la nouvelle administration de Washington ? Quelle action pouvait justifier une chose ou une autre ?

Nous n’avons pas la prétention de répondre ici à ces interrogations. Il s’agit bien plus de mettre en évidence ce que nous estimons être la principale offensive du capital financier à cette étape, à la suite des profonds moments de récession des années 70 avec la crise du régime d’accumulation qui se mit en marche après la guerre, et dont le plan Marshall était le corollaire, et avec ce que certains auteurs ont dénommé l’offensive de la contre réforme libérale des années 80 et 90 [6]. Le capitalisme, dans sa nouvelle impulsion d’après-guerre, a eu comme principale tendance de prendre appui sur la transnationalisation du capital. On rencontre alors les premières manifestations de la contre réforme qui s’exprimera à son maximum des années plus tard. La nouvelle offensive financière mit le pouvoir politique dans l’incapacité de constituer un frein aux forces économiques.

Dans le cadre de l’après-guerre, Peter Gowan [7] insiste sur le fait que le régime d’accumulation internationale dérivé de la guerre constitua la réponse de la classe dominante américaine au défi du mouvement ouvrier et des pays communistes. Il estime à ce sujet qu’il s’agissait d’impulser :

a)La réorientation des économies nationales vers la croissance industrielle, l’organisation d’un système monétaire et d’un système financier international basé sur la parité fixe dollar/or

b)La garantie que les Etats nationaux disposent d’un vaste marché intérieur en faveur des exportations américaines et des investissements directs des firmes US.

c)La garantie pour les Etats d’accords qui leur permettent de financer une base productive nationale ainsi que la constitution de grands secteurs publics protégés avec pour fin de réactiver la demande en Europe et au Japon, assurant l’ouverture de ces économies à l’économie américaine.

d)L’assistance de la Banque Mondiale et du FMI aux Etats à problèmes. Une autre décision importante sera la décision des EU d’ouvrir leur énorme marché aux importations en échange d’une ouverture réciproque de ses partenaires alliés.

e)La constitution d’un important sous-système par voie d’intégration de l’Europe Occidentale à partir de la fin des années 40, avec la perspective de consolider l’Alliance de l’Allemagne de l’Ouest face à l’Allemagne de l’Est, faisant front face au bloc communiste depuis la France et l’Italie.

Mais il s’agissait aussi d’une stratégie de contrôle du pétrole garantissant sa possession et sa distribution par les eu qui commençaient à tenir le rôle de gardien du capitalisme mondial. A cette fin, la stratégie de concentration et de centralisation du capital dans des zones comme l’agro-alimentaire créerait les conditions de relance de toute une machinerie de conquête, plus seulement de la planète terre, mais aussi du système solaire [8].

Ce que nous venons d’exposer constitue le principal fil conducteur de ce que nous cherchons à démontrer. A la suite du 11 septembre nous sommes en présence d’une nouvelle offensive, plus barbare, diabolique et perverse que celle de Reagan et Thatcher, celle de la consécration suprématiste de la principale superpuissance du moment : les EU [9].

Dans le contexte de l’Amérique latine, la contre réforme libérale des années 80 et 90 a eu des effets nocifs pour les économies du Sud et indiscutablement d’énormes répercussions pour l’Amérique latine. Daniel Bensaïd [10] retient quelques chiffres éloquents de cette offensive du capital dont les pays latino-américains furent parmi les principales victimes. Les crises mexicaine, brésilienne et en dernier lieu argentine, pour ne citer que les économies les plus importantes du continent, sont significatives. Ainsi l’Amérique latine, qui comptait pour 14% du PIB mondial en 1950, n’en représentait qu’à peine 8,8% en 1998, Brésil inclus. Sa part dans le commerce mondial chutait de 12% en 1950 à 3,5% en 1998. Sa dette extérieure explosait de 79 000 millions de dollars en 1975 à 370 000 millions en 1982, pour atteindre 750 000 millions en 1999. Enfin, alors qu’entre 1990 et 1996 ses importations augmentèrent de 127%, ses exportations pour la même période n’augmentèrent que de 76% [11].

En lien à ces données, les effets des ajustements structurels exigés par les organismes prêteurs comme le FMI, avec leur cortège de privatisations et de dérégulations, approfondirent la dépendance de nos pays dans le cadre de l’économie mondiale [12].

Dans l’espace latino-américain, il était nécessaire de recomposer les forces sociales qui rendirent effective la politique de création des conditions du capital financier. En ce sens, tout essai de régime politique pouvait être le bienvenu, étant donné la décomposition des élites gouvernementales traditionnelles, ainsi qu’il advint avec Menem en Argentine et Fujimori au Pérou. Le capital devait aussi différencier entre une bourgeoisie dont l’intérêt pour le marché national restait déterminant et le néo-populisme bourgeois avec une bureaucratie transnationalisée, de plus en plus liée aux nouvelles exigences de l’économie globale de marché. L’instrument politique et institutionnel antérieur était la dénommée "global governance" [13], qui devint la condition de tous les programmes d’emprunts offerts par les organismes financeurs du développement. Les Etats nationaux devaient seulement créer les garanties d’investissement au capital transnati onal par des régimes de propriété, de communication et d’échanges adéquats ainsi que par des conditions optimales de production et de reproduction.

Mais ce n’était pas tout. Tout comme l’a exprimé encore Peter Gowan [14], quand les relatons de classe sont jugées inadéquates pour les classes dominantes en ce qui concerne ses liens au capital transnational et financier, celles-ci peuvent ou bien transformer la structure interne de classe, ou bien redéfinir le milieu international, ou les deux à la fois. Là est le drame de la crise latino-américaine actuelle, dont le développement s’est trouvé déterminé par le processus d’accumulation capitaliste. En même temps, là est la principale expression du "contexte mondial de l’offensive du capital et de son incidence sur la situation politique nationale vénézuélienne".

Nous assistons en ces débuts de siècle à l’une des offensives les plus néfastes (mais pas l’ultime) du capital financier. Cela pourrait expliquer les récentes conceptions politiques essayées depuis l’arrivée à la Maison Blanche de l’administration républicaine et qui justifient le nouveau budget de guerre des EU [15]. La contre réforme libérale des années 90 a besoin d’un nouveau corollaire.

2-L’hégémonie comme catégorie d’analyse marxiste applicable à l’étude et à la compréhension du moment politique actuel.

Comme l’a formulé Nicos Poulantzas dans son ouvrage "Hégémonie et domination dans l’Etat moderne" [16], le concept d’hégémonie a été élaboré par Antonio Gramsci, mais il avait déjà été utilisé par Plékanov et par Marx lui-même dans "Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte". Poulantzas considère que le concept d’hégémonie acquiert un statut scientifique propre puisqu’il s’applique à l’Etat et aux classes qui y ont intérêt. De même que cette catégorie permet de mettre en évidence les caractéristiques historiques particulières en rapport avec un mode de production déterminé [17]. Au sein d’un Etat spécifique à l’intérieur duquel se conjuguent des formations économiques et sociales, l’hégémonie comme catégorie permet de mettre en évidence les relations entre les structures de l’Etat capitaliste et la construction de ses classes dominantes, faisant ressortir fondamentalement les relations entre base et superstructure. Dans le cadre concret du Venezuela, cette conformation des classes dominantes résultant des changements opérés en 1999, n’a été ni homogène ni unidirectionnelle car elle a été déterminée par des systèmes d’alliances qui en tentant de déloger du pouvoir de "vieux" acteurs pour laisser la place à de "nouveaux", privilégiant l’accord avec les secteurs économiques inscrits dans l’offensive mondiale du capital. De la même manière, le type d’alliances a été déterminé par des circonstances sociales concrètes, faisant coalitions et alliances en fonction de la conjoncture politique.

La nouvelle hégémonie au Venezuela, qui n’a pas encore fini de se consolider, est le résultat d’une tentative de configuration d’une forme spécifique de domination politique et étatique dans une formation économico-sociale historiquement déterminée. Mais en même temps elle est l’expression de "nouveaux" acteurs qui cherchent à s’accrocher au pouvoir sur la base de négociations politiques (y compris avec les "vieux" acteurs), de privilèges économiques, d’accumulation de richesses via la corruption, et en s’abritant derrière la condition de caste et de bureaucratie "émergente" que leur permet le fait d’usurper le nouveau pouvoir politique et de faire partie de l’environnement présidentiel [18]. Si bien qu’il est difficile d’affirmer que l’Etat vénézuélien, dans les circonstances actuelles correspond aux intérêts d’une classe dominante en particulier, car dans le processus de transition qui est en cours, et précisément dans la tortuosité de cette configur ation hégémonique et le développement concret d’une formation économico-sociale, l’Etat peut répondre aux intérêts d’une fraction de classe ou d’une caste qui sans être une classe, veut s’approprier le pouvoir dans une conjoncture déterminée.

Conformément à des auteurs comme Ernest Mandel [19], bien qu’un Etat en phase de configuration d’une nouvelle hégémonie ne s’érige pas nécessairement comme le produit d’une classe en particulier, donc ne vient pas à poser une réalité objective propre, il se constitue néanmoins à partir du champ dans lequel se situe la lutte de classes et les rapports d’exploitation et de domination [20]. Pour autant, la base de l’Etat sera toujours déterminée par les relations de production et de classe qui existent dans la société [21]. Dès lors il est permis de s’interroger sur le cas du Venezuela actuel : quel est le caractère de ces relations ?

L’Etat traduit ainsi dans le champ politique la relation des intérêts des classes dominantes ou de ses factions avec les intérêts de la classe dominée. Il en résulte que la configuration hégémonique dans une conjoncture politique déterminée (mondiale ou domestique) serait caractérisée non par une classe mais par un ensemble d’alliances d’une partie d’entre elle, de factions, castes, bureaucraties et par l’obtention de privilèges et prébendes provenant de l’exercice et de l’usurpation illimitée du pouvoir, jusqu’à la domination concrète de celui-ci par une classe en particulier. L’Etat aurait ainsi une "caractérisation définitive" dès le moment où il est conquit et où son contrôle est exercé de manière pérenne par une classe spécifique. Bien sûr, l’antérieur serait déterminé par le niveau de développement (inégal et combiné) de la formation économico-sociale existante dans un pays.

3-Les "zones grises" de la crise vénézuélienne dans le cadre des deux conditions signalées ci-dessus.

Cet antérieur nous permet de situer quelques-unes des "zones grises"[22] de la crise vénézuélienne actuelle, à chaque fois que du fait de la tortuosité de la configuration hégémonique, le dénouement du processus politique sera déterminé par diverses variantes qui constituent les scénarios possibles du conflit. D’avance, nous devons signaler que la "caractérisation transitoire et définitive (voir supra) est ce qui aide à déterminer si une classe est hégémonique ou suprématiste ou encore dans une situation hybride entre ces deux positions.

-Première "zone grise" : la même "caractéristique transitoire et définitive" est ce qui fait qu’un régime politique déterminé puisse passer par des formes de personnalisme politique, césarisme, bonapartisme, Etat Thermidorien et messianisme [23].

S’agissant du passage d’une situation "transitoire" à une situation "définitive" dans une configuration hégémonique déterminée (et dans le cas spécifique du Venezuela), Cesar Henriquez [24] nous explique ceci :

Antonio Gramsci met en évidence deux aspects clés en rapport avec la solution césariste :

le contexte dans laquelle elle trouve son origine et ses possibles voies d’évolution. En ce qui concerne le premier point, il s’agit d’un phénomène relié à des situations de crises particulièrement aiguës. De manière large, nous pouvons nous référer dans cet ordre à divers types de crise :

En premier lieu celles à caractère "économique", de portée cyclique ou conjoncturelle et qui s’expriment dans une interruption temporaire de la croissance ; à côté de celles-ci on parle de la "crise structurelle" quand on se trouve devant une crise économique qui affecte l’essence même du modèle de développement et en troisième lieu nous identifions la "crise organique" quand la "crise structurelle" s’associe à celle de la direction politique (ou d’hégémonie), avec ce qui constitue un haut degré de désagrégation sociale qui s’exprime dans la rupture des liens historiques entre les élites et le peuple, le refus de ce dernier de continuer à se laisser gouverner, et le dilemme de premières pour tenter de nouvelles formes de consensus ou appeler à la répression pour conserver le pouvoir. C’est dans le cadre de la "crise organique" que le vieux système crée les conditions de l’issue césariste (après l’échec des alternatives initiales provenant du système même, com me ce fut le cas dans le Venezuela de Rafael Caldera), avec l’ascension au gouvernement, par des voies diverses, d’une personnalité forte, généralement provenant du sein de l’Etat en crise (comme il est advenu avec Chavez, qui vient du monde des élites, en particulier des élites militaires).

Pour Gramsci on peut parler d’un "césarisme progressif ou régressif". Dans le premier cas le leader césariste impulse la création d’une nouvelle forme d’Etat (la démocratie participative en est un exemple actuel), ce qui constitue une "révolution" en ce qui concerne la redéfinition de fond des hiérarchies sociales et des groupes, couches et classes, déplaçant partiellement ou totalement d’autres dans les positions de pouvoir, altérant radicalement l’influence sociale de ces différents facteurs, cristallisant cela dans une nouvelle corrélation de forces dont la durée est variable, bien que stable durant une certaine période. Le césarisme au contraire est régressif quand il constitue une prolongation de la forme étatique (l’espace de la domination) antérieure, ce qui peut dériver si la crise se maintient jusqu’à une "restauration", où le nouveau projet (le néolibéralisme peut être un exemple, pour le cas vénézuélien), les vieilles élites sous un certain schéma de rotation et de changement, tentent de rétablir leurs positions, en maintenant les secteurs populaires dans leur position traditionnelle de classes subordonnées. Quand la solution césariste échoue, peut survenir le "fascisme", qui est l’alternative extrême du bloc conservateur pour surmonter la crise, avec soutien militaire et engagement des secteurs des classes moyennes comme base de la mobilisation de masses. Il propose alors l’interruption brutale de l’option césariste progressive, ce qui nécessite la présence d’un cadre répressif très clair. Au lieu du fascisme peut surgir néanmoins la radicalisation des classes subordonnées dans la direction d’une révolution, cette fois de nature violente et insurrectionnelle, hors de toute possibilité de contrôle pour le leadership césariste du processus, lequel procède, comme on l’a souligné, du monde des élites.

Ce qui vient d’être exposé indique que le processus politique vénézuélien "transite" entre l’une et l’autre forme d’exercice du pouvoir, principalement fondé dans le caractère des alliances, dans la difficulté d’ériger une nouvelle hégémonie et dans les processus de recomposition de forces au sein du bloc de pouvoir.

Ce processus de recomposition a été déterminé par divers moments :

a)1998-2000, durant la constituante, avec les anciens alliés passés dans l’opposition.

b)2000-2002 durant le processus d’appropriation de l’entreprise pétrolière, depuis le moment où a éclaté l’arrêt pétrolier qui a transité par la présidence de la corporation autour de 5 personnages clés (civils et militaires), dont 4 sont actuellement dans les rangs de l’opposition.

c)le processus (pas achevé) de perte de l’hégémonie parlementaire par le parti de gouvernement, faisant reposer son leadership sur une majorité de circonstance.

d)le 4e moment, apparu lors du coup d’état du 11 avril 2002, au cours duquel les militaires anciennement alliés du président conspirèrent d’abord contre lui pour ensuite, face à l’attaque des secteurs fascistes (principalement économiques et de l’armée) le remettre en place. Ces militaires sont tous dans l’opposition, à l’exception de celui qui avait annoncé la démission du président Chavez : l’actuel ministre de l’Intérieur et de la Justice Lucas Rincon [25].

-Seconde "zone grise" : la question pétrolière continue de constituer le centre du débat politique au Venezuela et par conséquent de l’action gouvernementale après l’échec de l’action pétrolière.

Comme nous l’avons souligné ici et dans d’autres articles, la dispute pour configurer une nouvelle hégémonie constitue l’axe central de la lutte pour dominer l’assemblée nationale constituante et l’actuelle assemblée nationale. Mais elle s’est convertie aussi dans l’aspect le plus important du débat parlementaire, du discours présidentiel et des principales manoeuvres des secteurs qu’on trouve dans "l’ombre" des décisions politiques et économiques importantes.

La concrétion d’un bloc hégémonique est la condition nécessaire à un nouveau pacte qui en se débarrassant des "vieux" acteurs, libère la voie à d’autres proches des secteurs qui ont influencé la politique économique nationale des dernières années et en ont bénéficié.

Après 3 années de tentatives de "conciliation" entre les intérêts de la nouvelle caste qui cherche à se consolider au sein de l’Etat et celle constituée au sein de l’entreprise pétrolière, de mésententes entre les deux au sujet des affaires pétrolières et de tensions avec les intérêts étrangers qui sont allés suggérer une sortie du Venezuela de l’OPEP et une privatisation de Petroleos de Venezuela (PDVSA) lors de l’action pétrolière écoulé, les contradictions entre l’ "ancien" et le "nouveau" ont explosé. La militarisation de PDVSA comme nouvelle offensive de la caste bureaucratique civilo-militaire enkystée dans le gouvernement a pour objectif de mettre la main à un des derniers et plus importants bastions de pouvoir qu’elle ne contrôlait pas encore totalement. L’actuel conflit vénézuélien est le reflet de la lutte pour remplacer une bureaucratie pétrolière transnationalisée par une autre, pas nécessairement plus nationaliste, mais "agent" de la nouvelle hég émonie qui met du temps à se configurer.

-Troisième "zone grise" : la configuration hégémonique continuera à demeurer une énigme dans les nouveaux scénarios électoraux qui se rapprochent, y inclus (s’il a lieu) pour le référendum révocatoire.

Inévitablement les prochains processus électoraux vont imprimer un nouveau contenu au caractère des alliances, à chaque fois que celles-ci seront nécessaires à la préservation des quotas de pouvoir aux niveaux locaux, régionaux et nationaux mais fondamentalement par la possible fissure qu’on entrevoit au sein du bloc au pouvoir. Cette ultime circonstance est celle qui permettrait de démêler le jeu politique dans le pays et de créer de nouveaux scénarios dans le processus de configuration d’une nouvelle hégémonie.

Le référendum révocatoire comme mécanisme de belligérance et de dissidence démocratique présentent le risque de "séquestration politique" de la part des deux principaux acteurs (officialisme et coordination démocratique) qui tiennent le débat national polarisé. En faisant ainsi, le gouvernement compte sur des subterfuges pour fiche en l’air éventuellement les résultats. Cela ferait dudit mécanisme au lieu d’un outil de médiation démocratique un nouvel élément de discorde politique en prétendant que l’un ou l’autre secteur méconnaît les résultats des urnes. Dans tous les cas le référendum s’est déjà érigé comme un élément de diversion qui assurément dictera la ligne de l’action politique de l’un et de l’autre secteur pour les prochains mois.

A partir de ce que nous venons d’ébaucher, le caractère du régime, la difficulté de constitution de l’hégémonie et le retour (offensif) des vieux acteurs qui se refusent à mourir, marquent le pouls de la situation actuelle. Par ailleurs, bien que les "bruits de sabre" ont été utlisés en plusieurs circonstances comme une possibilité politique réelle pour résoudre la crise du pays (à ce stade du capitalisme c’est une possibilité réelle dans toute partie du monde), cette issue comme "option politique" à la crise nationale s’épuise un peu plus chaque fois. Son maigre (insuffisant) soutien, le peu d’écho chez certains membres des forces armées et dans plusieurs secteurs civils en désaccord avec le régime actuel sont évidents. Néanmoins le passé, devant l’absence d’autres alternatives politiques (de la part du gouvernement et de l’opposition), fait que cette solution reste une possibilité dans le scénario national, donnant une respiration à tout moment pour une ave nture de cette nature.

-Quatrième "zone grise" : la politique extérieure vénézuélienne est l’expression d’un discours et non d’une action portée par les agents en charge de sa formulation et de son exécution [26].

Le Venezuela n’est pas resté en marge du processus mondial et l’ensemble des changements survenus sur le plan interne à partir de 1999 ont été influencés par la dynamique internationale. Dans le contexte que nous venons d’exposer, la politique extérieure vénézuélienne et l’insertion du Venezuela dans le monde, seraient déterminés par trois éléments importants :

a)Par les aspects nouveaux contenus dans la constitution de la République Bolivarienne du Venezuela dans son préambule, aux articles 1, 2, 3 et en particulier dans la section V du chapitre i du titre IV [27].

b)Par le discours présidentiel spontanéiste contre la "globalisation sauvage", la Zone de Libre Echange des Amériques (ALCA) [28], le FMI et l’OMC, entre autres, qui n’est l’expression ni de la politique du Venezuela dans chacune de ces instances ni des agents qui le représente.

c)Par la garantie que l’actuelle administration a donné en matière pétrolière au capital international et aux centres de pouvoir, en assurant que le pétrole ne serait pas utilisé (pas plus qu’avant) comme "arme politique". De là que l’Irak a probablement été bombardée avec du combustible vénézuélien.

Ce qui a été exposé ci-dessus montre la discordance entre le discours présidentiel, l’action de la Chancellerie vénézuélienne pour s’adapter aux désirs du président et le rôle du Venezuela au sein des organisations internationales [29]. Il vaut la peine de signaler que le monde se reflète au Venezuela par les conséquences de cette "autre" globalisation de l’exclusion, non seulement sociale et économique mais aussi politique, avec les expressions d’intolérance qui s’observent quotidiennement dans notre pays. Dans d’autre latitudes cette intolérance politique s’est traduite dans des processus d’exclusion ethnique, raciale et des persécutions de type tribal, qui montrent le caractère de ce que le philosophe allemand Ernst Bloch dénomme la "nom contemporanéité des changements". Comme nous l’avons esquissé dans un article précédent [30], dans le cas du Venezuela le débat manichéen, la polarisation des positions, les sujets de désaccord toujours plus irrationnels entre les principaux acteurs politiques du pays, la "radicalisation du processus" (comme l’on appelé certains), l’invocation d’idéologies sans aucun contenu programmatique, l’appel à une sorte de "retour au passé" vers le Venezuela du XIXème siècle et les persécutions déclenchées par le gouvernement de transition durant le peu d’heures d’usurpation du pouvoir en avril 2002, s’insèrent à notre avis dans le cadre d’une spécificité de la "contradiction non contemporaine". Avec Bloch, cette spécificité s’exprime dans le fait que ces "contradictions non contemporaines" n’apparaissent qu’en périphérie des antagonismes sociaux réels et représentent dans ces antagonismes une aberration fortuite et circonstancielle. Dans le pays, la base matérielle de cette spécificité continuera à être la mentalité rentière qui a tourné autour du pétrole, la sensation, le mythe et la symbolique que ce recours peut tout résoudre en tant que forme de dissimulation, d’amortissement et de substitution des contradictions essentielles de la société vénézuélienne. Le cas du Venezuela a été symptomatique du croisement de ces formes de conscience non contemporaine. La même a été adoptée dans les discours présidentiels et dans les plans de la "révolution bolivarienne" ainsi que dans les actions de l’opposition, avec comme majeur effet, comme nous l’avons dit, durant les heures du gouvernement de transition face à l’exercice du pouvoir d’Etat. Mais ce n’est pas seulement du passé. La société elle-même se trouve immergée dans une sorte d’atavisme entre les nostalgies pour et dans le passé, et un futur incertain mais ouvert.

Là est le grand paradoxe du moment présent dans lequel s’impose la "rationalisation de l’irrationnel". Aucune société n’est exempte de dérives catastrophiques dont l’humanité a souffert par le passé.

Pour ne pas conclure

Le gouvernement ne peut continuer à ignorer le mécontentement grandissant et la crise de gouvernabilité que tend à générer l’actuelle situation politique.

Il ne peut continuer dans l’autisme et l’approfondissement de la polarisation sociale et politique existante. Les aspects les plus significatifs de l’ingouvernabilité sont la paralysie du pouvoir législatif (Assemblée Nationale) et du pouvoir judiciaire (Tribunal Suprême de Justice), institutions qui n’ont pas été capables de jouer le moindre rôle de médiateurs dans les conflits successifs. La crise actuelle nous entraîne dans une sorte de "divertissment et de banalisation du politique" devant la situation économique existante du fait de l’application de mesures (néolibérales [31] incluses) auxquelles le gouvernement a prêté la main sans qu’il y ait eu le temps de protester contre elles.

La crise du politique se converti peu à peu dans l’expression d’une crise économique dont la principale tendance est de s’aiguiser. De la même manière, la crise hégémonique au Venezuela est l’expression d’une crise politique, d’une "nouvelle" classe dirigeante qui n’en finit pas de se configurer mais fondamentalement d’une crise économique substituée et tempérée par un débat politique chargé d’une énorme composante atavique.

*Vladimir Aguilar Castro est politologue, avocat, professeur à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université des Andes à Merida, Venezuela, spécialiste des relations internationales.

Notes

[1]Vladimir Aguilar Castro, "La tortuosa configuracion hegemonica en Venezuela", revue Herramienta, B.A., 2002-2003 (printemps-été) n° 21, pp.41-55.

[2]"Le 23 janvier 1958 tomba la dictature de Marco Pérez Jimenez comme conséquence de l’entrecroisement du mécontentement dans les casernes et du rejet du gouvernement par de larges secteurs de la société vénézuélienne, galvanisée par l’action clandestine des partis politiques [...]. De ce point de vue l’événement le plus important fut le "Pacte de Punto Fijo" accordé par les représentants d’Action Démocratique(AD), de l’Union Républicaine Démocratique (URD) et le Comité d’Organisation Electorale Indépendante (COPEI), lequel constitue l’événement fondateur national de l’histoire politique contemporaine du Venezuela [...]. Ce système a été dénommé par les orateurs chavistes comme synonyme de partidocratie, domination politique des dirigeants, corruption, mépris du peuple, soumission au capital étranger, entre autres" (traduit de l’ouvrage de Medofilo Medina, "El eligido presidente Chavez. Un nuevo sistema politico", Ediciones Aurora, 2 001, pp. 50-52).

[3]Extrait de notre article : "Latinoamerica en el marco de la contreofensiva capitalista mundial", Genève, 2002 (inédit). De la même manière cet article est un résumé de notre travail inédit "Los nuevos tiempos del capital".

[4]Peter Gowan, "The Global Gamble", Londres, Verso, 1999.

[5]L’économie américaine était dans un processus de récession similaire avant les événements du 11 septembre 2001. La nouvelle offensive coïncide fondamentalement avec l’apparition du lobby et des acteurs de la course aux armements et pétrolifères qui en même temps que le capital financier, définirent l’alliance principale des prochaines offensives militaires traduites par la guerre d’Afghanistan puis dans la guerre contre l’Irak. Cette dernière est l’excuse et la justification de tous les plans guerriers de la nouvelle administration américaine face à l’impossibilité de trouver d’autres adversaires de plus grande envergure belliqueuse.

[6]Parmi les principaux auteurs : Peter Gowan, The Global Gamble, Londres, Verso, 2000 ; voir aussi son excellent article traduit en français : Cosmopolitisme libéral et gouvernance globale, dans la revue Contre Temps, Paris, Textuel, n° 2, 2001, pp. 97-110 ; Daniel Bensaïd, Le Nouveau désordre impérial, dans Contre Temps n° 2, pp. 9-20 ; Giovanni Arrighi, The Long Twentieth Century, Londres, Verso, 2000 ; Christophe Aguiton, Le monde nous appartient, Plon, 2001.

[7]Peter Gowan, "Cosmopolitisme libéral et gouvernance globale", op. cit., p.101.

[8]A ce sujet on peut citer le plan de guerre des étoiles de l’administration Reagan et l’actuel programme de l’administration Bush de conquête de la planète Mars afin d’y créer les conditions atmosphériques y permettant la vie humaine.

[9]Les termes sont ceux de Peter Gowan et nous les empruntons comme fondement à l’hypothèse centrale de cet article. L’auteur mentionné fait une excellente différenciation entre "hégémonisme" et "suprématisme" de la puissance américaine, le second étant la conséquence logique du premier.

[10]Daniel Bensaïd, "Le nouveau désordre mondial", op. cit. pp.9-20.

[11]Ibid, p.14.

[12]Ibid.

[13]Indépendamment des multiples significations que puisse avoir le concept nous penchons pour celle initialement conçue par les organisatons financières internationales : un nouveau mécanisme de régulation internationale dans le cadre de la crise de souveraineté des Etats (du Sud) et comme un nouveau modèle politique à imposer aux pays débiteurs. Cf. Ministère de l’Aménagement, du Territoire et de l’Environnement, "Glossaire des outils économiques de l’environnement", France, Agora 21, 2000.

[14]Cf. Peter Gowan, "Cosmopolitisme libéral et gouvernance globale", op.cit.

[15]Le nouveau budget de la défense des EU est supérieur au total des 15 pays qui dépensent le plus dans le militaire, y inclus la Chine, la Russie et les alliés de l’OTAN, cf. El Pais, 10/02/2002.

[16]Nicos Poulantzas, "Hegemonia y dominacion en el Estado moderno", Argentina, Edition Pasado y Presente, n° 48, 3e édit. 1975, 161 p.

[17]Op.cit. p. 44.

[18]Nous avons dit que "dans cette caste convergent les nepman (nouveaux riches) qui comme couche nouvelle commencent à se configurer dans le pays. Nous faisons ici une analogie avec l’époque qui dans l’ex-Union Soviétique, en initiant le processus de dégénération bureaucratique, commença à constituer, non une nouvelle classe, mais une nouvelle caste parasitaire. Cette dernière tenait pour principale source de bénéfice l’appropriation de l’argent public, résultat de la position que la majorité des fonctionnaires publics occupaient dans l’appareil de l’Etat et du parti" (Vladimir Aguilar Castro, "La tortuosa configuracion de la hegemonia en el Venezuela", op. cit.

[19]Ernest Mandel, "Trotsky : teorica y practica de la revolucion permanenta, introd, notas y compilacion", Mexico, Siglo XXI editores, 1983, p. 221.

[20]Nicos Poulantzas, "Hegemonia y dominacion en el Estado moderno", op. cit. p. 50.

[21]Ibid.

[22]Nous avons utilisé l’expression "zone grise" pour réfuter le manichéisme de certaines analyses autour de la situation politique vénézuélienne, qui tentent de faire croire que ce qui arrive au plan national est le résultat du choc exclusif de deux secteurs qui s’opposent et se nient. Le processus est beaucoup plus complexe, ce qui le rend plutôt "sui generis", car il est déterminé par des faits et des circonstances qu’on trouve aussi bien dans un secteur que dans l’autre (chavisme et antichavisme).

[23]Pour différencier chacune de ces formes de pouvoir, voir l’excellent travail de Cesar Henriquez, "El chavismo, balance critico de una experiencia politica", Caracas, 2002, 36 pages.

[24]Op. cit., pp.4-5.

[25]Comme expression de ce que nous affirmons, il est utile de rappeler que jusqu’au 11 avril 2002, ceux-ci et d’autres militaires (bien que conspirant) comme Luis Miquelena (ex-ministre de l’Intérieur et de la Justice et ex-constituant du chavisme) faisaient partie de l’équipe gouvernementale. Penser que la sortie du gouvernement de ces ex-fonctionnaires a épuré la "révolution" semble un simplisme plus proche des explications réductionnistes sur la situation actuelle du pays que d’une analyse de fond sur ses causes, ses tendances et les dangers de dérive. Mais il y a plus. Les généraux Raul Baduel, Julio Garcia Montoya, Luis Acevedo, Fernando Camejo, Pedro Torres Finol et Ali Uzcategui, qui participèrent au "sauvetage" du président le matin du 13 avril, dans le manifeste "Opération Sauvetage de la Dignité Nationale", proposèrent la convocation d’un référendum consultatif comme le moyen le plus approprié pour régler la crise politique qui s’est approfondi e depuis dans le pays. Au jour d’aujourd’hui, ces généraux font partie de l’entourage le plus intime du président. Pour combien de temps encore ?

[26]Dissertation présentée dans le cadre du XIIIe Congrès national des Etudiants et Diplômés en Sciences Politiques et Carrières Voisines (ALEGCIPOL Venezuela.), qui s’est tenu du 21 au 24 octobre 2003 à Merida, Venezuela.

[27]L’article 152 de la Constitution stipule que [sic] : "les relations internationales de la République du Venezuela répondent aux buts de l’Etat en fonction de l’exercice de la souveraineté et des intérêts du peuple ; elles sont régies par les principes d’indépendance, d’égalité entre les Etats, de libre-détermination et de non-intervention dans ses affaires intérieures, de solution pacifique des conflits internationaux, de coopération, de respect des droits humains et de solidarité entre les peuples dans la lutte pour leur émancipation et le bien-être de l’humanité. La République maintiendra la plus ferme et déterminée défense de ces principes et de la pratique démocratique dans tous les organismes et institutions internationaux".

[28]Dans le cas du récent sommet sur l’ALCA réuni à Monterrey au Mexique, le Venezuela a formulé des réserves sur la déclaration finale. Elles concernent plus les délais fixés que contenu de l’accord. Néanmoins, il n’y eu pas de désaccord formulé sur la nécessité de constituer un bloc régional d’intégration commerciale.

Bien que le président ait tenu un discours incendiaire à ce sommet, ses manifestations demeurent plus anti-impérialistes qu’anticapitalistes. Dans la phase actuelle du mode de production capitaliste : qu’est-ce qui est le plus important ? Comme le dit John Holloway, "l’intégration de l’Etat (n’importe lequel) aux relations sociales capitalistes signifie toujours qu’il fait partie de l’agression du capital contre l’humanité"(Cf. John Holloway, Keynesianismus, una peligrosa ilusion. Un aporte al debate de la teoria del cambio social, Buenos Aires, Editions Herramienta, 2003, p.13.

[29]Sur le supposé rôle protagoniste du président et non du Venezuela au sein des mouvements sociaux et libertaires d’Amérique latine, nous reviendrons à une autre occasion. Ce n’est pas l’objet de cet article de faire une analyse à ce sujet, mais signalons déjà que le mouvement progressiste mondial passe par une crise de référents qui provoque des adhésions aux personnages et tendances politiques les plus dissemblables.

[30]V.A. Castro, "La tortuosa configuracion hegemonica en el Venezuela", op. cit.

[31]En harmonie avec le reste du système capitaliste, le secteur financier, c’est-à -dire bancaire, a été le plus favorisé, privilégié et "allaité" au Venezuela. Voir à ce sujet les déclarations ("Le système bancaire est un actif pour le pays") du président de l’Association Bancaire Vénézuélienne, Oscar Carvallo, dans le périodique Venezuela Analitica (29/10/2002). Dans la situation antérieure, il ne faut pas oublier les énormes affaires obscures que l’entreprise pétrolière étatique développait avec le capital transnational par la livraison des principales réserves de gaz et de pétrole du pays.

 5-VENEZUELA : la bataille du Référendum

par Frédéric Lévêque, 17 juin 2004. Source : RISAL

Après des mois de tension et d’incertitudes, le couperet est enfin tombé. Il y aura bien un référendum révocatoire au Venezuela. En effet, ce jeudi 3 juin 2004, le Conseil national électoral (CNE) a annoncé, sur la base de chiffres préliminaires, que l’opposition avait recueilli suffisamment de signatures pour entamer le processus référendaire qui devrait culminer au mois d’août prochain - le 15 exactement - et décider de l’avenir du pays. Il a également annoncé que neuf députés d’opposition seraient soumis, à l’instar du président de la République, à un référendum révocatoire.

Revenons sur cette longue bataille politique et juridique :

Lire la suite sur RISAL : http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1012

 6-VENEZUELA. Comment Hugo Chávez sort son pays du sous-développement

www.ptb.be.solidaire

Entretien avec David Velasquez, Secrétaire général de la Jeunesse communiste du Venezuela, paru dans Solidaire du 16/06/2004, hebdomadaire du PTB (Parti du Travail de Belgique).

En ce moment, des milliers de jeunes Vénézuéliens sont à Cuba. Une avant-garde de 15.000 jeunes qui reçoivent une formation au pays de Fidel et du Che, pour ensuite aller travailler sur des projets sociaux au Venezuela. Les jeunes font partie du Front Francisco de Miranda de Lutte sociale. Francisco de Miranda était le prédécesseur de Simon Bolà­var, le dirigeant latino-américain le plus connu de la lutte pour l’indépendance. Le travail de ces jeunes est une composante de notre révolution bolivarienne, déclare David Velásquez, secrétaire général de la Jeunesse communiste du Venezuela.

Bert De Belder, Pol De Vos et Frank Venmans.
16-06-2004

De quels programmes sociaux s’agit-il ?

David Velásquez. Avant tout, il y a la campagne d’alphabétisation, baptisée Mission Robinson I. Robinson, c’est le nom d’emprunt de Simón Rodrà­guez, le mentor de Bolà­var. La campagne est un grand succès : déjà 1,2 millions de personnes ont appris à lire, écrire et calculer, sous le slogan Yo, sà­ puedo (Si, je peux y arriver). Pour ce faire, nous utilisons une nouvelle méthode, en combinant l’apprentissage des lettres et des chiffres. Pour dix élèves, il y a un prof, qui utilise également la TV et la vidéo. Cela se fait pour ainsi dire au domicile des gens, dans leur propre entourage. Et l’on ne s’en tient pas à la seule alphabétisation : soins médicaux et prévention, projets socio-économiques, construction de logements sociaux... En juillet, le Venezuela va recevoir un prix de l’Unesco (l’organisation des Nations unies pour l’enseignement, le travail social et la culture), pour ce projet d’alphabétisation.

Avec la Mission Robinson II, nous voulons aider 500 000 personnes qui viennent d’apprendre à lire et à écrire à suivre et terminer le cycle primaire complet. La Mission Rivas fera suivre l’enseignement moyen à 600 000 personnes et la Mission Sucre en acheminera 500 000 autres vers l’enseignement supérieur.

Puis, bien sûr, il y a tout le travail de santé. Actuellement, 13 000 médecins cubains travaillent au Venezuela, dans le cadre du Plan Barrio Adentro (le plan des villages reculés), où peu de médecins vénézuéliens acceptent d’aller travailler. En même temps, Cuba forme également des médecins de chez nous, afin qu’ils puissent reprendre le travail des médecins cubains dans les régions rurales.

Impressionnant, mais s’agit-il d’une vraie révolution ?

David Velásquez. Il s’agit de bien plus que de ces programmes sociaux, nous menons un programme gouvernemental absolument alternatif qui s’écarte fondamentalement de tout ce qu’on a fait avant. Mais la transformation de l’Etat n’y figure pas encore, il s’agit toujours de réformes au sein de l’Etat existant. Et celui-ci constitue d’ailleurs un obstacle, dans bien des cas. Nous devons suivre les procédures légales, l’opposition essaie de saboter les nouvelles lois, durant deux ans, la Cour suprême a bloqué la loi sur les réformes, etc. C’est pourquoi, pas à pas, la révolution bolivarienne doit-elle également créer un Etat parallèle.

Tu parles de révolution bolivarienne. Comment devons-nous considérer la chose ?

David Velásquez. C’est une révolution de libération nationale. Le Venezuela a obtenu son indépendance politique en 1824. Ici, cela revient finalement à acquérir également notre indépendance sur le plan économique. Les diverses composantes de la population et le gros des forces combattantes sont impliquées dans ce projet. La révolution comprend cinq axes. Sur le plan politique, la démocratie participative doit remplacer la démocratie représentative classique. Dans le nouvel Etat, le peuple aura le pouvoir. Il exercera un contrôle social, codécidera du budget et, via un référendum, il pourra destituer les élus ou les fonctionnaires de l’Etat

Le second axe est celui de l’économie. Nous ne voulons pas moins qu’un changement des rapports de production. L’accent principal va aux entreprises publiques, on cesse ou on inverse les privatisations. Il faut une répartition plus juste des richesses, surtout des revenus énormes du pétrole. De la sorte, nous pourrons enclencher un véritable développement industriel. Profitant de pouvoirs spéciaux, le gouvernement a promulgué des lois d’un impact économique important, comme la loi sur la réforme agraire, la loi sur les pêcheries, la loi sur le pétrole.

En quoi le président Chavez se heurte-t-il à la bourgeoisie ?

David Velásquez. Dans l’application de cette loi, l’opposition est souvent acharnée. Depuis 2001, quand la loi sur la réforme agraire a été votée, plus de 100 paysans pauvres ont perdu la vie dans leur lutte pour la terre. Et la première grève patronale au Venezuela, en décembre 2001, était précisément dirigée contre trois de ces lois issues des pouvoirs spéciaux.

Y a-t-il également des pressions extérieures pour entraver la révolution vénézuélienne ?

David Velásquez. Le gros de notre pétrole est exporté aux Etats-Unis, et nous dépendons de ces mêmes Etats-Unis pour 70% de nos importations. Mais nous comptons bien diversifier nos relations internationales.

C’est le troisième pilier de la révolution bolivarienne. Nous voulons davantage de commerce avec l’Union européenne, la Russie, l’Inde. Nous avons des accords d’amitié et de collaboration avec maints pays du tiers-monde. Aux pays les moins développés, aux pays des Caraïbes et de l’Amérique latine, et certainement à Cuba aussi, nous pouvons fournir du pétrole à des conditions avantageuses. Le Venezuela veut également insuffler une nouvelle vie à l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, de sorte que le pétrole puisse redevenir une arme aux mains du tiers-monde, et non dans celles des multinationales occidentales. Et nous promouvons l’intégration économique de l’Amérique latine. Face à l’ALCA, la zone libre-échangiste des Amériques, qui est tout à l’avantage des multinationales américaines, nous prônons l’ALBA, l’Alternative bolivarienne pour les Amériques.

Et les 4e et 5e axes de la révolution vénézuélienne ?

David Velásquez. J’ai déjà beaucoup parlé du volet social. Et le dernier pilier, c’est celui du développement du pays, et non seulement de la capitale Caracas, où vivent 5 des 24 millions de Vénézuéliens, ou de la région côtière avoisinante.

En tant que communistes, comment évaluez-vous le projet du président Hugo Chávez ?

David Velásquez. On pourrait dire que Chávez est occupé à poser les bases d’une sorte de société post-capitaliste, d’un Etat de justice sociale. Le Parti communiste du Venezuela dit qu’il s’agit de l’étape de la révolution nationale, une étape en route vers le socialisme. Nous estimons très important de soutenir Chávez et, ce faisant, de consolider au mieux les réalisations de cette étape. Nous sommes pour le renforcement du pouvoir populaire et d’un large front autour de Chávez. Dans cette phase, nos options politiques sont cohérentes avec celles de Chávez. Nous formons une sorte de réserve idéologique pour sa politique. En même temps, nous travaillons pour le renforcement de notre parti, et nous gagnons en influence, tant quantitativement que qualitativement.

A deux reprises, les Etats-Unis et la bourgeoisie vénézuélienne ont tenté de renverser Chávez. D’abord, via un coup d’Etat de la CIA, le 11 avril 2002, et ensuite, par une grève des patrons et une semaine de sabotages contre la production pétrolière, de décembre 2002 à janvier 2003.

Avant ces attaques contre la révolution bolivarienne, notre parti était assez marginalisé par le gouvernement ainsi que par l’organisation de Chávez, le Mouvement de la Cinquième République. Mais, ces derniers temps, Chávez tient un discours plus manifestement anti-impérialiste et il y a davantage d’ouverture vers le Parti communiste. Par exemple, nos membres sont très présents dans les programmes sociaux du gouvernement.

Un coup d’Etat de droite est-il possible ? Une intervention des Etats-Unis ?

David Velásquez. Au Venezuela, actuellement, il n’y a toujours pas de milices populaires. Le peuple n’est pas armé. Mais les forces combattantes sont composées en grande partie de simples gens du peuple. La pensée progressiste y est largement répandue et c’est encore plus le cas depuis le coup d’Etat d’avril 2002, lorsque l’armée a été nettoyée de ses officiers les plus à droite. Les militaires reçoivent une formation politique, ils font du travail social, ils aident aux travaux d’infrastructure, etc. Ainsi, ils sont en contact direct avec la population. L’intégration des militaires au sein du peuple, voilà peut-être ce qu’on pourrait appeler « le peuple armé ».

L’attitude militaire vis-à -vis des Etats-Unis est une question délicate. Le Venezuela ne peut pas tout se permettre comme il le voudrait. Nombre de formes d’entraînement que les militaires américains donnaient à nos soldats ont été supprimées. Il n’est plus question du tout non plus d’exercices militaires communs avec l’armée américaine.

En août 2005, votre organisation, la Jeunesse communiste du Venezuela, accueille le Festival mondial de la Fédération mondiale de la Jeunesse démocratique (FMJD). Ceci peut-il constituer un soutien pour le mouvement révolutionnaire de votre pays ?

David Velásquez. Si la droite rassemble toutes les forces internationales possibles, comme la CIA, le gouvernement réactionnaire colombien et les organisations non gouvernementales réactionnaires, il nous faut également faire appel à la solidarité internationale. Nous voulons que le mouvement révolutionnaire au Venezuela et la FMJD se renforcent mutuellement via le festival. Par le contact avec la population, dans les débats politiques, avec les échanges culturels, via les visites de quartiers, tous les participants pourront apprendre quelque chose de notre lutte. Tous ceux qui viendront au festival collaboreront aussi ou, du moins, seront en contact avec les projets sociaux du gouvernement vénézuélien. Ainsi, les participants au festival seront aussi des observateurs internationaux, ils pourront témoigner des faits réels en ce qui concerne notre pays. Une telle expérience peut également constituer la base d’un mouvement de solidarité par la suite.

Combien de jeunes pensez-vous mobiliser ?

David Velásquez. Au festival de Cuba, en 97, ils étaient 12.400 jeunes. En Algérie, en 2001, un peu plus de 9.000. Nous voulons rassembler 15.000 jeunes de plus de 100 pays. En dehors du festival, ils pourront également faire du travail volontaire : repeindre une école, rénover un hôpital Ou aider à ouvrir des maisons de jeunes à des activités politiques, récréatives et culturelles. Nous adressons également un appel à des étudiants en médecine, en dentisterie et à des assistants sociaux afin qu’ils fassent leur stage au Venezuela, dans le cadre du festival.

 7-VENEZUELA : Médias au-dessus de tout soupçon... de RSF

Par Thierry Deronne, Benjamin Durand 22 juin 2004

Au Venezuela, Reporters Sans Frontières appuie depuis deux ans des médias complices de nombreuses violations des droits de l’homme... et appuie sur l’accélérateur dans la campagne mondiale contre le gouvernement de Hugo Chavez. Quels sont ces médias dont RSF valide les informations ? Pourquoi cette stratégie politique d’une organisation supposée impartiale ?

Caracas, juin 2004. La récente découverte d’une cache d’armes dans des locaux appartenant à la chaîne TV Venevisión, rappelle ce dont les médias commerciaux, quasi monopolistiques au Venezuela, co-organisateur du putsch militaire d’avril 2002, sont capables en termes de déstabilisation politique. Le directeur de la chaîne affirme qu’il s’agit "d’armes rouillées". La même chaîne de télévision avait, quelques semaines auparavant, comme François Meurisse dans Libération, affirmé que la découverte de 91 paramilitaires colombiens dans une propriété d’un des dirigeants de l’opposition vénézuélienne, était, elle aussi, une manipulation du président Chavez. Un peu vite peut-être : le lendemain, le gouvernement colombien, pourtant peu suspect d’estime pour le président vénézuélien, dénonçait cette invasion et dépêchait sa ministre des affaires étrangers pour superviser le rapatriement des recrues en Colombie.

Venevisión est la propriété d’un ami personnel de George Bush et Jimmy Carter, Gustavo Cisneros. Auteur du premier coup d’Etat médiatique de ce siècle, ayant fait croire au monde pendant 24 heures que Hugo Chavez avait fait tirer sur son peuple, le Murdoch latino coordonne le putsch en avril 2002, accompagné de l’élite patronale dans son bunker de Caracas et offre son jet aux militaires putschistes pour évacuer le président. Pendant ce temps, Venevision, Globovisión, et l’ensemble des chaînes privées célèbrent sur un ton jubilatoire le décret des putschistes abolissant parlement, constitution, défenseur du peuple, et autres institutions démocratiques. En 48 heures de putsch, des médias qui ne cessaient de parler de sauver la liberté d’expression au Venezuela, montrent leur vrai visage. Leurs « journalistes » mènent la chasse aux opposants en direct, sur un ton haletant, en compagnie de la police politique, tout en imposant le black-out sur la résistance crois sante de la population civile. Cible privilégiée, les médias associatifs sont persécutés, certains de leurs membres arrêtés : on ne lira aucune protestation de RSF à ce sujet.

Les médias tels que Venevisión, présentent une longue liste de complices dans les violations de droits de l’homme. Ces implications n’ont pas cessé, comme le montrent les campagnes médiatiques actuelles contre des dirigeants paysans liés à la réforme agraire du gouvernement Chavez, traités d’envahisseurs, de guérilleros, certains assassinés par la suite.

En août 2003, lorsque la Commission nationale des Télécommunications, dans une opération qui serait routinière aux Etats-Unis ou en France, applique la loi et retire quelques relais d’émetteurs installés sans permis légal par Globovisión, celle-ci lance une campagne violente contre cette « nouvelle atteinte à la liberté d’expression » (que RSF relaie aussitôt) appelant les citoyens à résister à la dictature qui s’installe au Venezuela. Alors qu’à aucun moment Globovisión n’interrompt ses programmes, puisque sa fréquence légale et habituelle ne fait pas problème, les fonctionnaires de la Commission sont conspués et une grenade est lancée par un commando nocturne contre leurs bureaux.

Liberté d’expression ou dictature médiatique ?

Malgré l’échec de leur putsch, tous ces médias continuent quotidiennement à appeler les militaires à « agir vite » pour renverser le président, et accentuent leur pression sur le Conseil électoral, à quelques semaines du referendum présidentiel. Au sein des programmes la contradiction politique est pratiquement nulle. « Que Chavez s’en aille » est le refrain quotidien répété sur toutes les ondes par les politiques, journalistes, experts, bien d’accord entre eux.

Venevisión, RCTV, Televen, CMT, Globovisión, la radio privée, qui occupent 95% du spectre hertzien, et neuf journaux sur dix, appartiennent à l’opposition. Comme hier au Chili ou au Nicaragua, ils se servent de « la liberté d’expression » comme axe central de la guerre médiatique contre un gouvernement anti-néolibéral, qui a rétabli la souveraineté sur le pétrole, et qui gène beaucoup l’administration Bush. Des médias par ailleurs racistes (Chavez, certains de ses ministres, voire les ambassadeurs et présidents africains qui le visitent, sont traités de « singes », ce qui a suscité des protestations diplomatiques auprès d’une des chaînes, RCTV, en mars 2004). Le gouvernement Chavez, pour sa part, n’a emprisonné aucun journaliste, fermé aucun média, censuré aucun article. Pourquoi, dès lors, les rapports de Reporters Sans Frontières font-il de Chavez une de ses cibles et valident-ils les allégations des médias privés selon lesquelles le gouvernement Chavez rép rime la liberté d’expression ?

La stratégie de RSF au Venezuela

Dès ses premiers rapports en 2000, RSF parle de Hugo Chavez comme d’un futur Castro. On découvre alors que la correspondante choisie par RSF à Caracas, Maria José Pérez Schael, est ... conseillère de l’opposition. Dans El Universal, en 2002, l’honorable correspondante de RSF parle des putschistes : « mon coeur vibre à la vue des militaires insurgés, de ces hommes vertueux qui défilent sous nos couleurs nationales ». Face aux protestations RSF se résigne à choisir un autre collaborateur.

Mais RSF continue de valider sans contre-enquête la version des médias d’opposition. Et omet de dire, par exemple, que des tribunaux vénézuéliens ont établi un lien entre des militaires putschistes et les « auto-attentats » comme celui de Globovisión destinés à nourrir une image mondiale répétitive à souhait. A contrario, lorsque la télévision associative Catia Tve, dont les programmes sont fabriqués directement par les habitants des barrios (quartiers populaires) et qui émet sur tout l’Ouest de Caracas, est fermée en juin 2003 par un maire d’opposition, RSF, visiblement gêné par le fait que le seul media fermé au Venezuela l’ait été par l’opposition, annonce précipitamment, en septembre 2003 sa « réouverture ». C’est faux. A l’heure où nous écrivons (juin 2004), Catia TVE n’a toujours pas repris ses émissions.

La journaliste Naomi Klein s’est étonnée que RSF fasse du gouvernement Chavez une menace pour la liberté d’expression. Selon elle, la plus grave menace provient, dans la réalité, de médias capables d’organiser un coup d’Etat et de groupes transnationaux dont le propriétaire, Gustavo Cisneros, ne cache pas son désir de devenir le futur président du Vénézuéla. Récemment le cinéaste argentin Solanas et l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, qu’on ne peut suspecter de naïveté en matière de droits de l’Homme, ont témoigne de "l’incroyable liberté d’expression en vigueur au Venezuela". Curieusement les médias français, comme Le Monde ou Libération, mais aussi Charlie Hebdo récemment, emboîtent le pas aux médias privés vénézuéliens. Seul Le Figaro, paradoxalement, a échappé jusqu’ici à cette hystérie. Le patron de RSF Robert Ménard, lui, relaie et renforce les campagnes des empires médiatiques contre une démocratie transformée en « futur Cuba ». Dans la nouvelle revu e « Médias » (la revue de ceux qui ne veulent pas critiquer les médias), détenue en partie par RSF, Robert Ménard signe récemment avec Pierre Veilletet un long article plein de fiel sur le thème « La guérilla des altermondialistes contre l’info ». Les auteurs pestent contre Bourdieu, Ramonet, PLPL, Halimi, puis écrivent : « Les "alters" ont toutes les indulgences pour l’ex-putschiste Hugo Chavez, ce caudillo d’opérette qui ruine son pays mais se contente - pour l’instant ? - de discours à la Castro sans trop de conséquences réelles pour les libertés de ses concitoyens ». Ménard reproche ensuite à Ramonet de « passer sous silence les discours virulents d’Hugo Chavez contre la presse, les débordements et les réactions de ses partisans, l’impunité dont ils bénéficient ».

RSF n’existait pas encore quand Armand Mattelard analysant l’alliance des grands médias et de la SIP (association de propriétaires de médias) dans le renversement d’Allende, écrivait : « L’enquête judiciaire sur l’administration du journal El Mercurio, accusé d’irrégularités fiscales, a servi de prétexte pour dénoncer de soi-disant mesures coercitives contre la "presse libre". (...) Le message émis par la presse de la bourgeoisie chilienne revient à sa source, renforcé par l’autorité que lui confère le fait d’avoir été reproduit à l’étranger. (...) Nous sommes en présence d’une SIP tautologique. Sa campagne n’est qu’un immense serpent qui se mord la queue. » Au moment où s’effrite en France l’aura d’intellectuels médiatiques et experts en « droits de l’Homme » qui ont appuyé une guerre dont la barbarie était prévisible, il est temps d’enquêter sur la stratégie politique de Robert Ménard, à travers RSF, au Venezuela.

Source : Acrimed/ Alia2.

 8-VENEZUELA.

CARTER, CISNEROS ET CHAVEZ : DE QUOI PARLENT-ILS ?

Par Miguel Angel Hernandez Arvelo*, le 20/06/2004.

www.aporrea.org

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant.

Combien de travailleurs et de gens du peuple ne seront pas surpris par la nouvelle de la réunion du président avec Cisneros à la demande de Jimmy Carter, comme cette dame qui a appelé Chavez ce dimanche à son programme Allo Président, et qui a fait part de sa tristesse.

Selon Ultimas Noticias et d’autres quotidiens nationaux, le président Chavez s’est réuni vendredi dernier avec Cisneros. Cette rencontre avait été favorisée par le président du Centre Carter. Le président n’a pu faire autrement que de reconnaître publiquement que cette réunion s’était tenue, étant donné les fuites vers la presse. S’il indiqua ne rien avoir à cacher, nous nous demandons pourquoi il n’a rien dit plus tôt ? Pourquoi n’a t-il pas dit qu’il allait se réunir avec de tels personnages ? Il est vrai que Chavez a passé pas mal de temps à expliquer les raisons de cette mystérieuse rencontre, spécialement depuis l’appel de cette dame qui, très préoccupée, et avec la sagesse propre au peuple, a alerté Chavez sur les dangers d’une telle réunion avec ces serpents venimeux que le peuple connaît très bien pour avoir essayé le venin qu’ils distillent.

Dans son programme Chavez dit des choses comme "si je devais aller en enfer, à parler avec Mandinga, nul doute que je le ferais si c’est pour le bien du peuple". Sans aucun doute avec ces personnages apparentés au Prince des Ténèbres du capital et de l’impérialisme, ce fut la rencontre avec le diable, mais est-ce monter ou descendre ? Nous nous demandons : depuis quand parler avec Gustavo Cisneros et Jimmy Carter peut procurer quelque chose de bon au peuple ?

Le président dit aussi qu’il était disposé à ouvrir les portes de Miraflorès et de son coeur à tous eux qui veulent partager ses plans et ses propositions dans le cadre de la Constitution, ce qui de manière générale peut sembler plausible, mais Cisneros, lui, peut-il "ouvrir son coeur noir" à quelqu’un ? Comment ce putschiste et ce fieffé exploiteur des travailleurs peut-il offrir quelque chose dans le cadre de la Constitution ? Depuis quand ce sinistre personnage s’intéresse t-il aux lois et à la Constitution ? Et de Carter on pourrait dire plus ou moins la même chose. Celui qui fut président de la puissance impérialiste la plus agressive de l’histoire de l’humanité et l’envahisseur de l’Iran à l’époque de la révolution, que peut-il offrir au peuple vénézuélien ? Depuis quand l’impérialisme a t-il du coeur ?

Supposons, ce qui n’a pas été clarifié par l’explication que donna Chavez à Allo Président, que de cette réunion est sorti quelque chose, une espèce de compromis entre les participants, duquel Carter serait le garant. Ce qui est certain, c’est que tout cela nous rappelle le christ et son pardon du 13 avril 2002, ainsi que les négociations entamées avec les putschistes depuis le sabotage pétrolier de 2002/2003 sous la "facilitation" de l’OEA et du Centre Carter, et qui permirent la collecte des signatures, les objections et aujourd’hui le référendum frauduleux que l’impérialisme et la bourgeoisie sont parvenus à nous imposer par leurs magouilles et leurs pressions.

Le peuple et les travailleurs vénézuéliens sont fatigués de tendre l’autre joue, nous sommes certains qu’ils ne veulent pas de nouveau passer l’éponge et tourner la page pour permettre de légaliser l’impunité des putschistes, des affameurs et des assassins du peuple. Ils ne veulent absolument pas du moindre compromis avec cette canaille vendant sa patrie dont Cisneros est un des chefs et des financiers les plus importants. On ne peut pas croire qu’ils sont des nouveau-nés. Ces coquins manigancent quelque chose. Le capital n’a ni âme ni coeur. Attention au nouveau pardon et au nouveau Christ après que nous les ayons défaits au référendum. Nous ne voulons pas de table de négociation. Si nous tendons la main à Cisneros, c’est pour l’envoyer en prison avec Capules Radonsky et les autres putschistes toujours en liberté. Le peuple vénézuélien n’oublie pas le rôle néfaste joué par Venevision dans le coup d’Etat d’avril 2002, avec ces images déformant les faits.

Cisneros est aussi le patron de Coca Cola Venezuela, l’entreprise qui en Colombie paie des sicaires pour assassiner les dirigeants syndicaux. Lui, l’ami intime de Carlos Andrés Perez, de Lusinchi et de Caldera ; l’acolyte d’Henri Kissinger, de David Rockfeller et de G. Bush père, avec lequel il avait coutume d’aller à la pêche et de jouer au golf ; l’invité assidu de la Maison Blanche au temps de Ronald Reagan.

Le problème n’est pas de haine, d’amours ou de coeurs ouverts, mais de justice. Justice pour les gens simples du peuple assassinés durant le coup d’Etat de 2002 ; justice pour ceux qui ont survécu aux balles de la Police Militaire ; justice pour les gens qui ont dû faire d’interminables queues pour obtenir une bouteille de gaz durant le sabotage pétrolier et pour les chauffeurs de taxi pour acheter de l’essence ; justice pour tous ceux qui ont souffert de tant de pénuries à cause des actions des putschistes dirigés par ce milliardaire truand.

*Miguel Angel Hernandez Arvelo est professeur à l’Ecole de Sociologie de l’Université Centrale du Venezuela et dirigeant national de l’OIR (Option de Gauche Révolutionnaire).miguelaha2003@yahoo.com.

 9-VENEZUELA.

UNE NOUVELLE REVOLUTION EN AMERIQUE LATINE

Par Ernesto Cardenal , El Nuevo Diario, Managua, 17 et 18/05/2004.

Poète, prêtre, Ernesto Cardenal a été ministre de la Culture du gouvernement sandiniste au Nicaragua

Traduction de l’espagnol Gérard Jugant.

Dans la ville de Valencia, au Venezuela, on m’a raconté qu’un jour Neruda était venu lire des poèmes et qu’il n’y avait que 30 personnes pour l’écouter. Mon séjour se terminait dans cette ville où se tenait un Festival Mondial de Poésie (avec des poètes des cinq continents) et la salle était tellement remplie que la moitié du public resta dehors, si bien que la séance dut être renouvelée pour tous ceux qui n’avaient pu prendre place.

A Caracas, pour ce même Festival, la salle du Théâtre Teresa Carreño ne contenant que 2500 places, il a été nécessaire d’installer un écran géant pour tous les gens qui se tenaient dans la rue. Plusieurs poètes me dirent que cet engouement pour la poésie n’était pas habituel au Venezuela, et qu’il s’agissait du produit de la révolution. J’étais surpris qu’au Venezuela tout le monde parlait de "processus" et d’autres, plus précis, de la "révolution". En réalité, il s’agit d’une révolution en processus. Ce qui est méconnu à l’étranger, où l’on ne présente du Venezuela que le mécontentement de l’opposition.

A l’extérieur, on ne sait pas qu’au Venezuela la campagne d’alphabétisation bat son plein et que d’ici deux mois l’analphabétisme sera à zéro. L’enseignement se fait aussi en langues indigènes qui sont au nombre de 38, et on publie dans ces langues. La langue officielle n’est plus seulement l’espagnol, mais aussi les langues indigènes. Il y a trois indiens à l’Assemblée et jusqu’il y a peu une indienne était ministre (de l’environnement).

Lire la suite de l’ article

 10-VENEZUELA.

CHAVEZ POURRA T-IL ETRE VAINCU COMME PINOCHET ?

Par Andrès Oppenheimer, El Nuevo Herald, Miami, 20/06/2004.

Le référendum du 15 août sur l’avenir du président de gauche vénézuélien Hugo Chavez sera le principal événement de ce type depuis le plébiscite qui mit en échec l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet en 1988. C’est pourquoi j’ai appelé l’homme qui fut l’artisan de la victoire de l’opposition au Chili pour lui demander si un résultat similaire est possible au Venezuela.

L’opposition vénézuélienne peut-elle gagner un plébiscite alors que toutes les règles du jeu sont écrites pour bénéficier à Chavez, ai-je demandé à Genaro Arriagada, le chef de la campagne oppositionnelle dans le référendum chilien de 1988. L’opposition vénézuélienne devra t-elle poursuivre si le gouvernement persiste à refuser la présence d’observateurs internationaux ?

Voyez les conditions dans lesquelles va se dérouler le référendum, lui ai-je indiqué :

. Chavez vient d’acheter un nouveau système de vote par machines informatiques digitales qui n’a été essayé dans aucune élection. Le logiciel de ces machines a été acheté 91 millions de dollars à l’entreprise Bitza Corp., dans laquelle le gouvernement de Chavez détenait jusqu’à la semaine passée une participation de 28%, et dont le ministre des Sciences, Omar Montilla, était membre du Directoire comme représentant du gouvernement.

. La question du plébiscite a été rédigée comme pour aider Chavez. Le texte approuvé par les autorités électorales contrôlées en grande partie par le gouvernement, dit ceci : "Etes-vous d’accord pour que cesse le mandat populaire obtenu au moyen d’élections démocratiques légitimes" de Chavez ?

. Des officiels gouvernementaux ont dit que des observateurs internationaux de l’Organisation des Etats Américains et du Centre Carter qui surveillèrent les récentes consultations publiques ne seraient plus acceptés s’il y avait lieu de réaliser le référendum le 15 août.

. Une nouvelle loi approuvée par le Congrès à majorité chaviste, a augmenté le nombre de membres de la Cour Suprême de 20 à 32 et a permis que le Congrès nomme les nouveaux juges et destitue les anciens par une majorité simple à la Chambre. De cette manière, s’il y a un désaccord sur le résultat du référendum et que le litige va à la Cour Suprême, Chavez aura le dernier mot.

. Une autre nouvelle disposition sanctionne de prison ceux qui reçoivent de l’aide d’organisations non gouvernementales des Etats Unis, d’Europe ou des autres pays. Pourtant Chavez se vante d’avoir fait venir au Venezuela des dizaines de milliers de médecins et d’enseignants cubains, qui travaillent pour les programmes sociaux du gouvernement.

Arriagada, qui à la suite de la victoire de l’opposition contre Pinochet fut ministre du gouvernement d’Eduardo Frei et plus tard ambassadeur aux EU, m’a dit qu’à son avis l’opposition vénézuélienne affronte de plus grands obstacles, mais aussi dispose de quelques avantages par rapport à la coalition chilienne qui l’emporta sur Pinochet.

En ce qui concerne les désavantages, Arriagada fait observer qu’alors que Pinochet permit la présence d’observateurs internationaux et un comptage manuel des votes qui rendirent très difficile une fraude, Chavez ne semble pas disposé à accorder ces droits.

De plus, l’opposition vénézuélienne a moins d’appui international que n’en avait le mouvement anti-Pinochet au Chili. Bien que la Coordination Démocratique qui dirige la campagne de l’opposition ait prouvé qu’elle était démocratique et modérée, Chavez est parvenu à convaincre beaucoup à l’étranger que l’opposition vénézuélienne est "fasciste" et "putschiste", ajoute Arriagada.

Du côté des atouts, l’opposition vénézuélienne d’aujourd’hui a un bien meilleur accès à la télévision et aux journaux que l’opposition chilienne en 1988.

Les principales chaînes privées et les deux principaux journaux du Venezuela appuient l’opposition, "alors que nous au Chili nous avions seulement obtenu une tranche de 15 minutes par jour dans le mois précédant le plébiscite", précise Arriagada.

La conclusion d’Arriagada est que l’opposition vénézuélienne et la communauté internationale devraient exiger des conditions minimales pour le plébiscite, comme la présence d’observateurs internationaux, sinon le résultat n’aura aucune crédibilité. Mais l’opposition ne devrait pas se retirer du processus, en tous cas jusqu’au dernier moment, estime t-il. "Jusqu’à maintenant, l’opposition vénézuélienne est parvenue à surmonter tous les obstacles que lui a mis Chavez", fait-il remarquer. "Et si elle est parvenue à obtenir plus de 3 millions de voix dans une pétition ouverte, où les opposants devaient faire connaître publiquement leurs signatures, prenant ainsi le risque d’être l’objet d’intimidation future, alors ses chances sont réelles d’obtenir plus de 4 millions de voix dans un vote secret".

Je suis d’accord. Les règles du jeu sont faites pour que Chavez gagne. Mais si Chavez veut la légitimité, il devra permettre un vote crédible. Et comme cela s’est passé au Chili en 1988, ou au Nicaragua en 1990, il n’y a rien de plus difficile pour un régime autoritaire que de contrôler les gens quand ils sont seuls face à une urne.

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FILM

 Condor, les axes du mal. Documentaire en VOST, Argentine, 1h26, de Rodrigo Vasquez.

L’Opération Condor a été le cauchemar de l’Amérique latine. Bilan estimé : 50 000 assassinats, 35 000 disparus, 400 000 prisonniers. C’est au nom de la "lutte contre le terrorisme" que Condor a été mené dans les années 70 et 80 en Amérique du Sud. L’opération, lancée par le Chili de Pinochet après le coup d’Etat du 11 septembre 1973, ciblait les mouvements de gauche. Condor devint le programme commun des dictatures militaires avec le soutien du département d’Etat américain et de la CIA..

Le film de Rodrigo Vasquez, jeune cinéaste argentin, accompagne plusieurs victimes de Condor, toujours à la recherche de la vérité. Il pousse aussi certains responsables de Condor, toujours en place, à témoigner. Depuis les événements du 11 septembre 2001, ceux-ci revendiquent ouvertement être les pionniers de l’actuel combat contre le "terrorisme international". Ce serait une erreur de penser que Condor appartient au passé. En janvier 2002 le réseau, qu’on croyait disparu, organise un enlèvement. Et surtout se configure aujourd’hui un Mega Condor, dont les ailes se déploient, en partie sous nos yeux, en partie dans l’ombre.

Il y a peu de chance que Condor, les axes du mal, soit diffusé par les grands circuits !

LIVRES

 Réédition des Pérégrinations d’une paria de Flora Tristan, éditions Babel.

Récit d’une féministe de 30 ans dans le Pérou post-colonial, à la recherche de ses racines paternelles. A son retour du Pérou, Floran Tristan s’engagera dans le mouvement ouvrier naissant. En 1840, elle publiera, 7 ans avant "Situation de la classe ouvrière en Angleterre" de Engels, "Promenades dans Londres", où elle décrit la vie du prolétariat anglais. Ensuite elle fondera un mouvement pour l’action : L’Union Ouvrière.

Flora Tristan décédera lors de son tour de France pour l’Union Ouvrière plusieurs années avant la naissance de son petit fils : Paul Gauguin.

 Mémoire argentine, de Tununa Mercado, éditions Sabine Wespieser, 224p., mars 2004.

L’exil en 16 récits de Tununa Mercado. Quand la mémoire bloque l’imagination, éloigne de la réalité, mène aux portes de la folie. L’auteure, faute de moyens financiers, n’avait pas pu suivre un traitement clinique. C’est en partie chose faite par ce travail d’auto-analyse qui est aussi une réflexion sur l’exil politique.

 Le silence de la pluie, d’Alfredo Garcia-Roza, éditions Actes Sud. Un polar du Raymond Chandler brésilien. L’Inspecteur Espinosa enquête dans un quartier huppé de Rio. L’éditeur prévoit de publier d’autres enquêtes de l’Inspecteur carioca.

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Ce qu’il n’a pas accompli ne l’est toujours pas aujourd’hui : Bolivar a encore beaucoup à faire en Amérique. (José Marti).

Pour nous contacter : bolivarinfos@yahoo.fr.

 Notre initiative politique est celle d’individus, militantEs certes, mais n’est au service d’aucune organisation en particulier, et encore moins, cela va sans dire, de pouvoirs ou d’intérêts vénaux, médiocres ou à courte vue.

La référence explicite à Simon Bolivar et au mouvement bolivarien est fortement symbolique. Simon Bolivar, qui était un grand aristocrate, n’est en aucun cas pour nous un modèle ou une référence théorique. Il y avait néanmoins dans son projet d’unité des peuples, d’indépendance et de liberté quelque chose d’une parfaite actualité, au coeur des enjeux, singulièrement en Amérique latine.

Une fois par mois environ Révolution Bolivarienne présentera à une sélection d’articles de presse (la grande parfois mais surtout l’alternative, la militante, la rebelle), de contributions, d’analyses, d’événenements et d’initiatives. Une part plus ou moins conséquente de nos textes seront des traductions par nos soins (ou par des réseaux amis), le plus souvent de l’espagnol, mais aussi d’autres langues. Ces textes seront donc pour la plupart inédits en français. A ce sujet, si vous disposez d’un peu de temps et de la connaissance de langues étrangères, votre contribution sera particulièrement bienvenue ! De même qu’un récit de voyage. D’autre part, une tribune libre est à la disposition des lecteurs-trices.

Pour reprendre une image de l’antique mythologie, il nous semble que l’Amérique latine est un fil d’Ariane susceptible de nous aider à sortir de notre labyrinthe en nous émancipant de nos propres Minotaures.

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Le cynisme particulier des États-Unis est que durant toute l’existence de Cuba révolutionnaire, ils ont délibérément cherché une stratégie pour étrangler le pays, discriminer son peuple et détruire l’économie.

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porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères de Russie

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