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Révolution Bolivarienne N° 1 - Juin 2004.

Bulletin d’informations sur l’Amérique latine. N° 1, juin 2004.

Chers amiEs,

Voici le premier numéro de Révolution Bolivarienne.Notre initiative politique est celle d’individus, militantEs certes, mais n’est au service d’aucune organisation en particulier, et encore moins, cela va sans dire, de pouvoirs ou d’intérêts vénaux, médiocres ou à courte vue.

La référence explicite à Simon Bolivar et au mouvement bolivarien est fortement symbolique. Simon Bolivar, qui était un grand aristocrate, n’est en aucun cas pour nous un modèle ou une référence théorique. Il y avait néanmoins dans son projet d’unité des peuples, d’indépendance et de liberté quelque chose d’une parfaite actualité, au coeur des enjeux, singulièrement en Amérique latine.

Une fois par mois environ Révolution Bolivarienne présentera à une sélection d’articles de presse (la grande parfois mais surtout l’alternative, la militante, la rebelle), de contributions, d’analyses, d’événenements et d’initiatives. Une part plus ou moins conséquente de nos textes seront des traductions par nos soins (ou par des réseaux amis), le plus souvent de l’espagnol, mais aussi d’autres langues. Ces textes seront donc pour la plupart inédits en français. A ce sujet, si vous disposez d’un peu de temps et de la connaissance de langues étrangères, votre contribution sera particulièrement bienvenue ! De même qu’un récit de voyage. D’autre part, une tribune libre est à la disposition des lecteurs-trices.

Pour reprendre une image de l’antique mythologie, il nous semble que l’Amérique latine est un fil d’Ariane susceptible de nous aider à sortir de notre labyrinthe en nous émancipant de nos propres Minotaures.

La rédaction de RB

REVOLUTION BOLIVARIENNE N°1, Juin 2004

Pour bien juger des révolutions et des révolutionnaires, il faut les observer de très près et les juger de très loin. (Simon Bolivar).

 SOMMAIRE

REVUE DE PRESSE

1/Les littératures caraïbes à Saint Malo : Festival Etonnants Voyageurs, Cuba, la veine cubaine, par Michèle Gazier et Gilles Heuré, Télérama n°2837 du 29/05/2004

2/Empire(s). Le perpétuel plaidoyer de frère Bartolomé, par Miguel Leon-Portilla, La Jornada (Mexico) du 2/6/2004 (traduction de l’espagnol par Gérard Jugant).

3/Amérique. Assassin, lâche, escroc. Bon débarras Ronald Reagan. Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers, par Greg Palast, le 06/06/2004, www.GregPalast.com (traduction de l’anglais par Cuba Solidarity Project-CSP-cubasolidarity@club-internet.fr)

4/Amérique latine. Populisme radical : un sujet politique non-identifié, par Adolfo Gilly, Le Monde Diplomatique, édition de Buenos Aires, juin 2004 (traduction de l’espagnol par Gérard Jugant).

5/Brésil. Face à l’alignement de Lula. Entretien de Beatrice Whitaker avec Heloïsa Helena, sénatrice, exclue du PT, Rouge n° 2066 du 17/05/2004.

6/Colombie. La démocratie bipartiste en danger. Une révolution démocratique en cours, par Mario Sanchez, Correspondencia Internacional n° 21, Buenos Aires, juin 2004 (traduction de l’espagnol par Gérard Jugant).

7/Mexique. Sommet AL/UE. PrisonnierEs politiques torturéEs à Guadalajara, par Annie, le 01/06/2004, Indymedia Montréal/Québec.

8/Pérou. Fujimori arme les paramilitaires de toujours, Pagina/12, par Carlos Noriega, Buenos Aires, du 02/06/04 (traduction de l’espagnol par Gérard Jugant).

9/Venezuela. Partisans et opposants de Hugo Chavez se lançent dans la "bataille" du référendum. Le Monde du 06/06/2004 avec AFP.

10/Venezuela. Une intervention US au Venezuela est-elle possible ?, par Miguel Angel Hernandez, professeur de sociologie à l’Université de Caracas, Correspondencia Internacional N°21, Buenos Aires, juin 2004 (traduction de l’espagnol par Gérard Jugant).

11/Venezuela. Réponse de Chavez à Noriega, par Jean-Guy Allard pour Granma International du 01/06/2004.

12/Venezuela. Les collines qui soutiennent Chavez, par Martin Piqué, Pagina/12, Buenos Aires du 16/05/2004 (traduction de l’espagnol par Anne Verecken pour RISAL).

13/Venezuela. Plate-forme de lutte anti-impérialiste, Correspondencia Internacional n° 21, Buenos Aires, juin 2004 (traduction de l’espagnol par Gérard Jugant).

14/Gauche latino-américaine. Chato Peredo et ses trois frères, par Maurizio Mateuzzi, il manifesto du 11/06/04 (traduction de l’italien par Marie-Ange Patrizio).

* * * * * * *

 1/ Festival Etonnants Voyageurs. Les littératures caraïbes à Saint-Malo : Cuba.

La veine cubaine par Michèle Gazier et Gilles Heuré, Télérama n° 2837 du 29/5/2004.

Sur leur île ou en exil, les écrivains vivent une histoire d’amour complexe avec leur terre d’origine. Une nostalgie amère qui leur inspire des textes sombres et désabusés. Cuba ? « C’est une petite île et un mystère, affirme Abilio Estévez, écrivain cubain installé depuis deux ans à Barcelone. J’ignore ce qui dans ce monde tragique favorise la création. Peut-être est-ce justement le tumulte de son histoire... » Oui, Cuba est un mystère.

Par sa position géographique, si près des Etats-Unis et, pourrait-on dire en plagiant les Mexicains, « si loin de Dieu », l’île a toujours été un objet de convoitise. L’Espagne a tout fait pour la garder sous son aile. Les Etats-Unis - qui y ont soutenu plusieurs dictatures - en auraient bien fait une étoile de plus sur leur drapeau. Quant aux Soviétiques, soutien du régime de Fidel Castro, ils ont « aidé » à leur manière ­ économiquement faible et politiquement stricte ­ l’île sous le soleil, gelée par le blocus américain. Comment oublier cette histoire si mouvementée lorsqu’on écrit sur Cuba ? Comment faire l’impasse sur les guerres, les atrocités commises par tous les drapeaux, les espoirs de la révolution de Castro et les désillusions qui ont suivi ?

Qu’ils soient restés sur l’île, comme Leonardo Padura, auteur de romans noirs et d’un superbe roman « blanc », L’Etole et le Palmier, ou comme Ena Lucà­a Portela, une trentenaire à la plume acide et au rire dévastateur qui, avec Cent Bouteilles sur un mur [1] , s’est taillé une place de choix dans le paysage cubain ; qu’ils vivent en France, comme Eduardo Manet, en Suède comme René Vázquez Dà­az, à Barcelone comme Abilio Estévez ou à Los Angeles comme Alex Abella, tous les auteurs cubains écrivent sur Cuba. Pour Eduardo Manet, rien d’anormal à cela, « l’esprit nationaliste est très fort et, exilés ou fils d’exilés, Cubains de l’île ou de la diaspora, tous se sentent cubains et sont fiers de l’être ». Peu importe du reste la langue dans laquelle ils ont choisi d’écrire, Cuba demeure aux points cardinaux de leur imagination. Manet, lui, a choisi le français dès son premier exil, dans les années 50, lorsqu’il a quitté l’île pour échapper à la dictature de Batista, qu’il croyait éternelle. « Je me suis dit : il faut oublier ce pays. Devenir français. Pas seulement par le passeport, mais par la langue. »

Alex Abella, qui a quitté Cuba à l’âge de 10 ans, écrit en anglais, mais son polar de la Série noire, Le Dernier Acte, truffé d’expressions en espagnol, ne prend sa vraie dimension littéraire que lorsque le personnage central, Charlie Morell, retourne à Cuba. Depuis la Suède où il a fait sa vie, René Vázquez Dà­az, lui non plus, ne cesse jamais d’évoquer Cuba. Son dernier livre, Saveurs de Cuba, est un florilège de la cuisine de son enfance relié à son histoire et à celle de l’île. Les souvenirs gustatifs ouvrent sur une nostalgie qui semble être l’un des moteurs de son écriture. « C’est une puissante motivation, mais elle ne suffit pas. Cuba est l’essence même de ma littérature, pas seulement La Havane. C’est toute l’île qui m’a inspiré une trilogie sur la Cuba profonde, la vie et la mort dans ces villages poussiéreux et oubliés entre mer et montagne. »

De tous, c’est sûrement Leonardo Padura qui exprime le plus fort son attachement. « Vivre à Cuba m’est une nécessité vitale : en tant qu’individu, je ne me sens complet qu’en vivant entre les quatre murs de cette île, en y souffrant parfois des limitations en tout genre, mais en y savourant aussi une expérience qui nourrit sans cesse mon écriture. Pour moi, il est indispensable d’entendre parler cubain, de sentir les gens penser en cubain, de vivre parmi eux, avec eux. » Malgré le grand succès de ses livres auprès de ses concitoyens, Padura admet que les droits perçus pour son roman le plus vendu ne s’élèvent pas tout à fait à ... 400 dollars. Ajoutant que la vie à Cuba offre de toute façon peu de tentations marchandes. De l’île ou d’exil, ces oeuvres ont en commun un regard critique sur le régime castriste.

Ena Lucà­a Portela, dont le livre a tout de même été couronné à Cuba, est l’une des plus sévères. Elle n’a pas connu le castrisme révolutionnaire des débuts, mais évoque la vie difficile actuelle. « J’ai eu faim, une faim à crever, et pas seulement pendant la crise des années 90 mais aussi durant l’époque soviétique. Ecrire n’a jamais soulagé mon estomac affamé. J’ai parfois l’impression qu’on survalorise le rôle de l’écriture. » Pourquoi écrit-on alors ? Pour communiquer avec les autres lorsqu’on n’est pas douée pour ça, répond-elle, et pour tuer l’ennui : « Ca rapporte beaucoup moins que d’être narcotrafiquant. Mais écrire est beaucoup plus dangereux. J’ai peur. Ca stimule... »

Alex Abella, dont le père fut condamné à mort pour activités « contre-révolutionnaires », puis sauvé in extremis par la présence des oeuvres de Marx et d’Engels dans sa bibliothèque, n’est pas tendre non plus avec Castro. Mais c’est la santeria, cette religion héritée du vaudou, arrivée d’Afrique à Cuba, via Haïti, qui exalte son imaginaire. Il en dénonce les dangers dans Le Dernier Acte. Que pense-t-il des Cubains restés à Cuba ? « Je les plains, surtout ceux qui aiment encore ce gouvernement. Ce sont des prisonniers sous le charme de leurs geôliers : une forme politique du syndrome de Stockholm. »

Le rôle de l’écrivain est d’être critique. « La littérature est un acte de dissidence. Sinon elle perd son essence », affirme Abilio Estévez, dont le roman Palais lointains évoque le naufrage de La Havane à travers trois errants : un homosexuel, une prostituée et un clown, qui se sauvent un temps en vivant dans le souvenir glorieux du théâtre de La Havane...

Pour René Vázquez Dà­az, qui a fui l’île en 1978, profitant d’un séjour dans un pays de l’ex-bloc soviétique pour ses études, le régime castriste doit être combattu, mais il est absurde de le diaboliser. « Les critiques sans nuances sont intellectuellement malhonnêtes. Tout n’est pas à jeter dans le régime cubain. Si l’on traitait avec autant de rigueur Israël, la Turquie ou même les Etats-Unis, il faudrait aussi les tenir à l’écart de la communauté des pays civilisés. »
En revanche, tous s’accordent à penser que la créativité cubaine n’est pas le fruit de la seule révolution. « Le discours de la propagande cubaine, relayé par des intellectuels du monde entier, "Avant la révolution, rien ! Après la révolution, tout !", est insupportable, s’insurge Eduardo Manet. Ce qui est constant à Cuba, lieu d’immigration, c’est le passage des cultures, la curiosité des habitants, l’envie de savoir. Ce n’est pas un peuple mort ou fatigué. »

Une ligne de partage sépare pourtant les auteurs nés sous le castrisme dégénérescent et ceux nés avant ou pendant la révolution. Ceux qui ont souffert sous Batista et ceux qui n’ont connu que Castro... Pour les uns, dont Leonardo Padura, Cuba reste « une utopie ancrée au coeur de la mer des Caraïbes » ; pour d’autres, tel Abilio Estévez, c’est un pays qui a connu « bien des âges d’or dont l’un des plus brillants fut celui de la revue Orà­genes (Origines) », qui réunissait avant la révolution, de 1944 à 1956, des écrivains comme José Lezama Lima, Virgilio Piñera ou Alejo Carpentier ; pour Alex Abella enfin, l’île de son enfance « n’appartient à aucun continent, elle est sui generis, maudite ou bénite, embaumée, enchantée ou périlleuse. » Bonne fée ou sorcière, Cuba reste, aux yeux du monde, l’île de la tentation.

Qu’en sera-t-il à la mort de Castro ? « Vous savez ce qu’est la loi américaine Helms-Burton [2] ?,demande René Vázquez Dà­az. Son objectif est de substituer une législation américaine à la législation cubaine. C’est comme si l’Allemagne, n’appréciant pas le gouvernement français, créait une loi, de Berlin, destinée à être appliquée à Paris... » Alex Abella, qui ne souhaite aucunement retourner vivre à Cuba, et Eduardo Manet, plus secret sur le sujet, réagissent de la même manière lorsqu’on leur suggère que demain Cuba pourrait devenir un Etat nord-américain de plus. « Jamais ! » s’écrient-ils. « L’influence américaine sera grandissante, bien sûr, admet Manet, mais l’espoir vient des jeunes des deux côtés - de l’exil et de l’intérieur -­, de ceux qui ont envie de réaliser des rêves encore inaccomplis à ce jour. » « Après Castro, tout peut arriver, convient Alex Abella. Mais jamais Cuba ne deviendra une étoile du drapeau américain. Les relations avec les Etats-Unis ont engendré trop de souffrances. »

Reste à tous ces écrivains cette passion de leur île qui les relie par les mots, la peau, les parfums, les souvenirs, les saveurs, les entrailles, les musiques, les souffrances. Comme l’écrit Abilio Estévez : « L’imagination se nourrit de tout, de grandes choses et d’infimes détails. Du sublime et du terrible. Je crois que les conditions hostiles dans lesquelles on a dû travailler à Cuba réveillent la violence et la force nécessaires à la création. Les conditions de l’exil peuvent, elles aussi, favoriser cet univers créatif car l’exil est un déchirement. Qui a dit que la perle était une maladie de l’huître ? ».

Michèle Gazier et Gilles Heuré

 2/EMPIRE(S)

LE PERPETUEL PLAIDOYER DE FRERE BARTOLOME.

par Miguel León-Portilla, in La Jornada-Mexico-du 2 Juin 2004.

Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant

Le frère Bartolomé de Las Casas (1474-1566) appela "Destruction des Indes" les actions perpétrées par nombre de conquistadors et de commissionnaires dans le Nouveau Monde. Innombrables furent ses dénonciations de cette destruction qui recouvrait la privation de la liberté des indiens, le renversement de leurs dieux d’origine, le dépouillement et l’obligation de durs travaux, accompagnés de morts et de l’achèvement de peuples et de cultures. Il écrivit sans relâche, plaidant sa cause devant Charles Quint, les évêques et les fonctionnaires royaux. Sa vie fut un plaidoyer en défense des indiens.

Aujourd’hui, à plus de 400 ans de distance, bien que nous sachions que ses dénonciations furent approuvées par les ennemis de l’Espagne qui forgèrent la légende noire, reconnaissons-comme le firent des juristes, des historiens, des anthropologues et d’autres de nombreux pays du monde-que le sévillan Las Casas fut le premier dans l’énonciation des droits de l’homme, et de plus leur défenseur actif.

Trouvant terribles ses dénonciations et plaidoyers, l’empereur leur prêta l’oreille et loin de voir en lui un traître ou un exalté, promulgua différentes lois et cédules royales dans lesquelles, comme s’il faisait sien ce qu’exposait Las Casas, il reconnaissait les grandes injustices subies par les indiens et ordonna d’être attentifs à leurs demandes. Et Philippe II en fit de même plus tard. Je citerai comme exemple une partie de la cédule royale adressée le 27 mai 1582 à l’archevêque de Mexico (ndt : c’est du vieux castillan !) :

"Nous sommes informés que sur cette terre se portent très mal les indiens natifs des lieux par suite des mauvais traitements que leur font subir vos commissionnaires. Et que, après avoir considérablement diminué le nombre de ces indiens, dans différents endroits, il en manque plus du tiers... Et qu’ils les traitent pire que des esclaves et comme tels beaucoup ont été vendus et achetés, passant d’un maître à un autre, qu’il y en a quelques-uns qui sont morts sous le fouet, que des femmes aussi meurent... Et qu’il y a des mères qui tuent leurs enfants nouveau-nés, en disant qu’elles le font pour leur éviter les travaux qu’eux endurent ; et que lesdits indiens conçoivent une très grande haine du nom de chrétien et considèrent les espagnols comme des trompeurs et ne croient pas les choses qu’ils leurs enseignent" .

Ces propos font écho à ce qu’avait dénoncé des années plus tôt le frère Bartolomé. Celui qui fut le censeur des oeuvres de l’Espagne-ce que ne fit aucune puissance impériale-influença ainsi la politique et le droit de sa patrie en faveur des indiens et aussi des esclaves africains, dès lors que l’idée initiale de les substituer aux indiens, pour les travaux les plus durs, fut ensuite abandonnée. Ce fut lui qui le premier condamna ouvertement leur transfert dans le Nouveau Monde, s’opposant à leur esclavage comme il s’était opposé à celui des indiens.

A la lumière de cela, une interrogation me vient à l’esprit : à plus de 400 ans de distance, l’empire moderne, qui s’appelle les Etats Unis d’Amérique, a t-il, par bonheur, un censeur comme Bartolomé de Las Casas ? Mais George W. Bush, qui est totalement ignare et borné, serait-il disposé à écouter, comme le fit Charles Quint, les voix de dénonciation et les plaidoyers qui se lèvent contre ses sinistres actions en Afghanistan et en Irak et aussi contre Cuba ? Et serait-il disposé à recevoir quelqu’un qui remuerait sa conscience dans un entretien en tête à tête ?

La première grande question soulevée par Las Casas se rapportait aux justes causes pour faire la guerre. Bush l’a justifiée en la prétendant préventive, pour trouver des armes de destruction massive que personne n’a trouvé. Mais que répondrait Monsieur Bush à l’accusation d’avoir provoqué des milliers de morts d’innocents, de femmes, d’enfants, et de personnes âgées en Afghanistan et en Irak, ainsi que la mort de ses propres soldats envoyés par lui à l’abattoir ?

Revenons à nouveau aux excès des conquêtes dans le Nouveau Monde, si souvent condamnés hypocritement aux Etats-Unis, quoique pratiqués par eux de la même manière. Il est vrai que les conquistadors détruisirent de précieux monuments indigènes, mais par hasard, l’invasion de l’Irak n’aurait-elle pas été proprice aux pillages et à la destruction de grands trésors culturels ? Et si les conquistadors cherchaient l’or, ce monsieur Bush n’est-il pas aussi attiré par l’or noir qu’est le pétrole ?

Les attitudes assumées par des pays comme la France, le Chili et le Mexique, opposés à la sinistre guerre préventive, ont contrasté avec les folies du psychopathe qui gouverne présentement le plus puissant empire de la Terre. Et ça a été aussi une bonne chose que José Luis Zapatero, en opposition avec son prédécesseur de triste mémoire, ait retiré d’Irak les troupes espagnoles.

Nous conclurons par une recommandation : faisons appel à Bartolomé de Las Casas. Il nous parle à travers son oeuvre : l’Histoire des Indes, l’Apologétique... et sa célèbre Très brève relation de la destruction des Indes. Dans ces ouvrages abondent la description des faits-violations et crimes qui aujourd’hui en viennent à se répéter - ainsi que le perpétuel plaidoyer de celui qui est une des plus grandes gloires de l’Espagne : le pionnier de la défense des droits humains.

 3/AMERIQUE

ASSASSIN, Là‚CHE, ESCROC - BON DEBARRAS RONALD REAGAN.

CE SONT TOUJOURS LES MEILLEURS QUI PARTENT LES PREMIERS

Par Greg Palast ( Greg Palast est l’auteur du best-seller "The Best Democracy Money Can Buy" www.GregPalast.com).

6 Juin 2004

Traduction "avec un plaisir non dissimulé" par CSP cubasolidarity@club-internet.fr.

Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.

* * *

Vous n’allez pas aimer, parce qu’il ne faut pas dire du mal des morts.

Mais dans le cas présent, il faut bien que quelqu’un le fasse. Ronald Reagan était un escroc. Reagan était un lâche. Reagan était un assassin.

En 1987, je me suis retrouvé dans une petite ville du Nicaragua appelée Chaguitillo. Les gens étaient plutôt gentils, bien qu’affamés, à l’exception d’un jeune homme. Sa femme venait de mourir de la tuberculose. On ne meurt pas de la tuberculose si on a des antibiotiques. Mais Ronald Reagan, le soi-disant type au grand coeur, avait imposé un embargo sur les médicaments contre le Nicaragua parce qu’il n’aimait pas le gouvernement que le peuple avait élu. Ronnie souriait et balançait des vannes pendant que les poumons de le jeune femme s’encombraient jusqu’à ce qu’elle cesse de respirer. Reagan arborait un sourire de film de série B pendant qu’on enterrait la mère de trois enfants. Et lorsque le Hezbollah frappa les Marines états-uniens pendant leur sommeil au Liban, le guerrier de la télé s’enfuit comme un chien battu... puis se retourna et envahit la Grenade. Cette petite guerre de Club Med fut juste une opération de Relations Publiques pour que Ronnie puisse parader pour avoir descendu quelques Cubains qui construisaient un aéroport. Je me souviens de Nancy, membre de "skull and crossbones" (jeux de mots de l’auteur entre l’organisation secrète "skull and bones" - cranes et os - et "skull and crossbones", le symbole des pirates - NDT) sautillant dans sa robe de couturier, et des "cadeaux" qui affluaient chez les Reagan — de chapeaux jusqu’à des maisons de millionnaires - de la part de fans qui étaient largement compensés par leur pillage de l’état. Il fut un temps où on aurait appelé cela des "pots de vin".

Et pendant ce temps, Papi souriait, le grand-père qui radotait sur les "valeurs familiales" mais qui ne prenait pas la peine de rendre visite à ses petits-enfants. Le New York Times d’aujourd’hu écrit que Reagan irradiait "une confiance dans l’Amérique d’en bas" [small town America] et les "valeurs traditionnelles". "Valeurs" mon cul (sic - ndt). Il a brisé les syndicats et déclaré la guerre contre les pauvres et tous ceux qui n’avaient pas les moyens de s’acheter une robe de couturier. C’était la Nouvelle Méchanceté, avec le retour de la faim aux Etats-Unis afin que chaque millionnaire puisse se ramasser un million de plus. Les "valeurs de l’Amérique d’en bas" ? De la part de l’acteur de Barrage sur le Pacifique, le millionnaire de Malibu ? De quoi vomir. Et dans le même temps, dans les sous-sols de la Maison Blanche, et son cerveau réduit en mélasse, son dernier acte conscient fut de bénir un coup d’état contre notre Congrès. Le Ministre de la Défense de Reagan, Casper "le Fantôme" Weinberger, avec ce fou de colonel Oliver North, complotaient pour livrer des armes au monstre du Moyen-Orient, l’ayatollah Khomeyni. Les hommes de Reagan qualifiaient Carter de lâche et de lopette bien que Carter refusait de céder un pouce aux ayatollahs. Reagan, qui jouait les durs comme au cinéma devant les caméras, est allé supplier à genoux Khomeyni de libérer nos otages. Oliver North s’envola pour l’Iran avec un gâteau d’anniversaire pour le mollah maniaque en forme de — sans blague — clé. La clé qui ouvrait la coeur de Ronnie. Puis les minables de Ronnie allièrent leur lâcheté au crime : ils empochèrent l’argent des preneurs d’otages pour acheter des armes destinés aux Contras - les trafiquants de drogue du Nicaragua qui se faisaient passer pour des combattants de la liberté.

Je me souviens, à l’époque où j’étais étudiant à Berkeley, des paroles crachées par les hauts-parleurs "le gouverneur de l’état de la Californie, Ronald Reagan, vous ordonne de disperser la manifestation"... suivies par le gaz lacrymogène et les matraques. Et toujours ce sourire carnassier du Gipper (surnom de Reagan ! - ndt). A Chaguitillo, les paysans ont veillé toute la nuit pour protéger leurs enfants des attaques des terroristes de la Contra de Reagan. Les paysans n’étaient même pas des Sandinistes, ces "cocos" dont notre président au cerveau fêlé disait qu’ils n’étaient "qu’à deux jours de marche du Texas". Mais qu’est-ce qu’ils en avaient à faire, du Texas ? Malgré tout, les paysans et leurs familles étaient les cibles de Ronnie. Dans la nuit désertée de Chaguitillo, une entendait une télé. Etrangement, il y avait un film de gangsters de série Z, "Brother Rat". Avec Ronald Reagan. Et bien mes amis, vous pouvez dormir en paix ce soir : le Rat est mort. Assassin, lâche, escroc. Adieu, Ronald Reagan, et bon débarras.

 4/AMERIQUE LATINE

POPULISME RADICAL : UN SUJET NON IDENTIFIE.

par Adolfo Gilly*, in Le Monde Diplomatique, Buenos Aires, Juin 2004.

Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant

1. Le général James Hill, chef du Commandement Sud de l’armée des Etats
Unis, dans un rapport présenté le 24 mars 2004 devant le Comité des Forces
Armées de la Chambre des Représentants des Etats Unis, outre les mentions
obligées au terrorisme et au narcotrafic comme questions touchant à la
"sécurité hémisphérique", ajouta : "Ces menaces traditionnelles se
complètent désormais d’une menace émergente principalement caractérisée
comme un populisme radical, qui sape le processus démocratique en
réduisant, au lieu de les développer, les droits individuels". [3]

Selon le chef du Commandement Sud, ce courant politique est incarné par
"quelques dirigeants" qui, en Amérique Latine, "exploitent les profondes
frustrations dues à l’échec des réformes démocratiques dans la fourniture
des biens et services attendus. En exploitant ces frustrations, lesquelles
vont de pair avec les frustrations causées par les inégalités sociales et
économiques, les dirigeants sont en train de renforcer leurs positions
radicales en alimentant le sentiment anti-étatsunien". Il prit comme
exemples le Venezuela, la Bolivie et Haïti, mais aussi fit état du
questionnement sur la validité des réformes néolibérales exprimé dans le
Consensus de Buenos Aires signé en octobre 2003 par les présidents du
Brésil et d’Argentine, Luiz Ignacio Lula da Silva et Nestor Kirchner, et
dans lequel était mis l’accent sur le respect aux pays pauvres".

 Lire la suite de l’ articlle

 5/BRESIL

Entretien publié dans Rouge, hebdomadaire de la Ligue Communiste Révolutionnaire, N° 2066 du 17 Mai 2004.

Heloisa Helena

Face à l’alignement de Lula

Heloisa Helena, militante de la tendance Démocratie socialiste (affiliée à la IVe Internationale) a été élue sénatrice de l’Etat de Alagoas, dans le Nordeste brésilien, pour le Parti des travailleurs (PT) en 1998. Exclue de ce parti, le 14 décembre 2003, pour avoir défendu les résolutions du congrès du PT concernant les retraites, contre la réforme proposée par le gouvernement Lula, Heloisa Helena fait toujours partie de la IVe Internationale. Elle organise avec trois autres exclus du PT, le lancement du Nouveau Parti, prévu les 5 et 6 juin, à Brasilia, capitale du Brésil.

Quel jugement portes-tu sur l’action du gouvernement Lula ?

Heloisa Helena - Du plus grand parti de gauche d’Amérique latine, le Parti des travailleurs (PT) s’est transformé en outil de propagande triomphaliste du néolibéralisme. Soit à partir de son intervention dans le gouvernement Lula, en légitimant tous les propos fatalistes des institutions de financement multilatéral, du Fonds monétaire internationale (FMI), de la pensée unique, en consolidant toutes les directives du FMI, soit en multipliant les obstacles à l’action des mouvements sociaux, notamment à celle du mouvement syndical où les partisans de Lula sont majoritaires dans la direction.
Ce gouvernement ouvertement néolibéral a dégagé 60 % du budget public pour le service de la dette externe et a réussi à promouvoir le plus grand ajustement fiscal de l’histoire de ce pays. Alors que le FMI avait suggéré de porter le superavit [4] à 3,77 % du PIB, le gouvernement l’a fixé à 4,35% avant d’atteindre 5, 25 %. C’est une des situations les plus dramatiques qu’ait vécu le peuple brésilien dans l’histoire récente de ce pays. D’ailleurs, si l’on compare les huit années de gouvernement de Fernando Henrique Cardoso avec une année de gouvernement Lula, on s’aperçoit que ce dernier a entamé plus de rigueur fiscale que le gouvernement précédent : augmentation du paiement de plus de 40 % destinés au service de la dette extérieur par rapport au gouvernement Fernando Henrique, absence de politique dans le domaine de la réforme agraire, de la réforme urbaine, de la santé, de l’éducation, de la sécurité publique, privatisation de quatre banques d’Etat (Banque du Maranhão, Santa Catarina, Ceara), etc. Le plus grand projet de privatisation d’initiative public-privé, basé sur le modèle promu par Margaret Thatcher, est celui de l’approvisionnement d’eau et de l’assainissement.
Le plus honteux est le "boulev ! ard des affaires sales" où les pires délinquants de la politique brésilienne sont en train de se partager la machine d’Etat pour cacher l’un des plus gros scandales de corruption en lien avec le gouvernement : l’affaire dite de Waldomiro [5].
La situation est extrêmement grave, sans parler du plus grand taux de chômage de l’histoire des vingt dernières années du pays : récession, paralysie économique et de la machine de l’Etat.

Comment réagissent les mouvements sociaux face à cette politique ?

H. Helena - Concrètement, les mouvements sociaux, dirigés majoritairement par la tendance gouvernementale de Lula et des sommets du PT, ont aidé les structures syndicales à se transformer en courroies de transmission des intérêts conjoncturels du Palais de Planalto. Néanmoins, les pressions de la base du mouvement syndical ou populaire sont telles que les dirigeants de ces syndicats ou des mouvements des sans-terres ou des sans-toit, sont contraints à agir en fonction de leur base.
Ce n’est pas un hasard si le Mouvement des sans-terres et tous les mouvements sociaux qui luttent pour la réforme agraire ont organisé un nombre gigantesque d’occupations et si les peuples indiens ont amplifié les conflits pour la délimitation de leur territoire ces dernières semaines. La raison est à chercher du côté de l’absence de politique du gouvernement. Ces luttes sont tellement intenses qu’après avoir fabriqué et brûlé une poupée représentant Lula, les paysans ont fait de même avec le ministre de la Réforme agraire, Miguel Rossetto. Cela est extrêmement grave parce qu’un de nos camarades devient à son tour une cible du mécontentement populaire !

Comment vous situez-vous et quelles sont vos perspectives par rapport aux discussions qui sont en train de se dérouler à la gauche de la gauche du PT ?

H. Helena - La gauche du PT est pulvérisée par les interprétations multiples sur la conjoncture brésilienne et le gouvernement Lula. Il est évident que nombreux sont celles et ceux qui, de bonne foi, croient à la possibilité de mener la bataille pour un changement d’orientation du gouvernement Lula et du PT. Quelques-uns utiliseront ce même discours, de façon opportuniste, pour continuer à se salir dans l’opulent banquet du pouvoir, pour grappiller des postes, du prestige et se laisser séduire par la machine gouvernementale.
Un secteur à "la gauche de la gauche", face à l’impossibilité de faire bouger le rapport de forces au sein du PT, se pose la question de sortir. Soit pour construire une nouvelle organisation, soit en se plongeant dans les mouvements sociaux. Cela dépendra de l’ampleur de la déception vis-à -vis du parti, déjà très fortement ressentie dans les têtes et dans les coeurs de la majorité des camarades.

Quelles sont les initiatives et les perspectives de votre mouvement ?

H. Helena - Je dis souvent qu’il s’agit d’une vraie traversée du désert, non seulement à cause des obstacles électoraux, mais aussi de la trahison du gouvernement Lula et de celle du PT. Cela a fini par légitimer l’imaginaire populaire selon lequel tous les politiciens sont déformés, que démagogie électoraliste et déshonnêteté en font partie, qu’au moment où ils ont touché le sol sacré du Palais du Planalto, ils se conduisent comme s’ils étaient dominés par les dieux de l’univers pour promouvoir tout ce qu’au long de leur histoire ils ont critiqué.
Partout où nous allons, la méfiance est constante. Partout, les plus pauvres nous demandent : "Sur quelle garantie pouvons-nous compter pour que ce nouveau parti ne recommence pas à trahir, une fois parvenu au pouvoir ?"
Nous sommes déterminés à surmonter ces obstacles. Nous sommes malgré tout reçus avec beaucoup de tendresse, de manifestations de lutte, par les groupements de gauche qui ont déjà une tradition organisationnelle et politique dans le mouvement. Travailleurs du secteur privé ou du secteur public, des chômeurs manifestent leur joie et leur motivation pour marcher à nos côtés pour la construction d’un nouveau parti.

Propos recueillis par Beatrice Whitaker

Rouge 2066 27/05/2004

 6/COLOMBIE :

LA DEMOCRATIE BIPARTISTE EN DANGER

UNE REVOLUTION DEMOCRATIQUE EN COURS.

Par Mario Sanchez, in Correspondencia Internacional (Buenos Aires) n° 21 Juin-Août 2004

Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant.

Un peu d’histoire. Sous le gouvernement de César Gaviria, en 1990, les guérilleros démobilisés et réinsérés du M19 obtinrent un million de voix aux élections à l’Assemblée Nationale Constituante et Antonio Navarro deviendra l’un des trois présidents de cette importante institution. Des droits démocratiques furent conquis, comme celui de la Tutelle aux droits fondamentaux des citoyens qui signifia le premier coup au régime antidémocratique imposé depuis des décades par le régime bourgeois du bipartisme libéral-conservateur.


Les défaites successives des Forces Armées colombiennes face à la guérilla durant la présidence de Samper (1994/98) posèrent à la bourgeoisie et l’impérialisme l’urgence de leur renforcement. Des décades de confrontation armée avaient beaucoup détérioré l’institution fondamentale de tout Etat bourgeois. Sous la présidence d’Andrès Pastrana (1998/2002), lequel gagna les élections présidentielles avec l’appui du commandant des FARC, Manuel Marulanda Vélez, se réalisa cette tâche. En même temps que s’installait la Zone de Détente en janvier 1999, le gouvernement démocrate de Clinton approuvait le Plan Colombie de renforcement des Forces Armées du pays au moyen d’un processus de professionnalisation, d’une hausse de son budget, avec 2600 millions de dollars du gouvernement yankee, des conseillers américains, un armement et un équipement spécialisé. La négociation qu’acceptèrent les FARC en cours de conflit fut l’excuse parfaite pour réaliser cette réorganisation.


Le soutien de tous les gouvernements bourgeois des dernières décennies aux piliers du régime politique historique, les partis Libéraux et Conservateurs, accélérèrent le processus de crise aiguë par la rupture avec le bipartisme de millions de citoyens et l’indépendance politique de toujours plus grands secteurs de la population. La première victoire contre le régime du processus de rupture et d’indépendance fut l’élection comme gouverneur du Cauca de l’indigène guambiano (ndt : peuple indigène du sud de la Colombie) Floro Tunubala, défaisant les libéraux propriétaires terriens bourgeois qui avaient toujours tenu le gouvernement.

Le peuple


Pendant que Pastrana et Marulanda négociaient "la paix" , les travailleurs, paysans, indigènes, jeunes et le peuple entier furent les protagonistes des plus importantes luttes depuis des années. Des dizaines de milliers de travailleurs de l’Etat accueillirent Pastrana par 21 jours de grève en septembre-octobre 1998, faisant reculer la brutale répression du Gouvernement. En 1999, les travailleurs organisèrent le peuple dans le Comité National de Grève qui le 31 août paralysa tout le pays. Trente cinq mille paysans et indigènes du sud du pays lancèrent en octobre 1999 la Grève du Macizo et imposèrent une partie de son cahier de doléances au Gouvernement. Sur le terrain politique la CUT, la plus grande centrale ouvrière du pays, approuva de participer à la lutte politique en fondant le Front Social à son Congrès d’octobre à Cartagena. Luis Eduardo Garzon, président de la CUT, l’actuel maire de Bogota, fut le principal dirigeant de tout ce processus. Les ouvriers de la brasserie Bavaria, la principale entreprise privée du pays, firent une grève de 72 jours entre décembre 2000 et mars 2001 qui fit échouer le contre-plan patronal. Des dizaines de milliers de jeunes du secondaire, des milliers de parents et d’enseignants furent les protagonistes d’une colossale lutte contre la réforme de l’éducation en 2001.

Le gouvernement Pastrana a été harcelé par le mouvement de masses, mais n’est pas tombé, parce qu’il avait le soutien des négociations de "paix" avec les FARC. Il suffit de rappeler que Marulanda Vélez n’appuya pas la Grève Civique Nationale du 31 août 1999 et ne fut pas capable de rompre les négociations quand Pastrana liquida la Banque de la Caisse Agraire, expulsant des milliers de travailleurs pour liquider le syndicat et la convention. Nous espérons que cette leçon de l’histoire servira.

La victoire d’Uribe


La destruction des Tours Jumelles le 11/09/01 a servi à renforcer un président Bush affaibli en canalisant l’opinion nationale et mondiale contre l’attentat terroriste et en servant de prétexte à l’invasion de l’Afghanistan et de l’actuelle occupation de l’Irak. La destruction des Tours a aussi servi en Colombie pour catapulter dans les enquêtes d’opinion le candidat présidentiel Alvaro Uribe, avec sa proposition de Sécurité Nationale. Uribe, en janvier 2002, exigea d’en finir avec la Zone de Détente et de reprendre la confrontation militaire ouverte contre les FARC afin de "défaire le terrorisme" . Le dégoût des grandes masses de la classe moyenne colombienne pour les enlèvements et attentats servit à Uribe pour gagner massivement au premier tour des élections présidentielles.


D’autre part, Uribe montra son caractère profondément anti-ouvrier en proclamant le jour de sa victoire son "rêve d’un pays de petits propriétaires" . Exécutant à la vitesse de la foudre ce "rêve" contre les salariés du pays et appuyé au Congrès par les deux partis traditionnels de la bourgeoisie, le libéral et le conservateur, Uribe a volé des droits historiques aux travailleurs colombiens : réduction du paiement des heures supplémentaires, dominicales, de jours fériés, et diminution des droits à pension. Réduction de 35% des traitements des travailleurs d’Etat et licenciement de tous les travailleurs syndicalisés de l’Entreprise de Télécommunication de Colombie, Telecom. Aujourd’hui il s’est engagé publiquement à détruire l’Union Syndicale Ouvrière-USO-le syndicat de la Compagnie d’Etat pétrolière, qui existe depuis 80 ans, militarisant les centrales d’ECOPETROL et renvoyant en masse tous les dirigeants syndicaux. Il a aussi redéfini la fonction des syndicats qui selon lui ne doivent pas servir à défendre les droits des travailleurs mais à collaborer avec les patrons.

L’Amérique latine se secoue


Le peuple colombien malgré ses luttes et ses grands sacrifices n’est pas parvenu à renverser ce Président, alors que les peuples frères ont réussi en Argentine à renverser la dictature en 1982 et De la Rua en 2001, en Bolivie à chasser Sanchez de Lozada, au Pérou Fujimori, en Equateur Mahuad et Bucaram, au Venezuela Pedro Carmona. Le Chili est parvenu à sortir de la dictature et au Brésil le PT a gagné les élections présidentielles. Le Mexique a liquidé le monopole politique du PRI.

Colombie : berceau de la réaction latino-américaine


La reddition et la lâcheté vis-à vis l’oppression des gouvernements nord-américains sont la caractéristique principale de tous les gouvernements successifs, libéraux ou conservateurs. Gaviria qualifia de "vue de l’esprit" la souveraineté des Colombiens. Samper permit que l’ambassadeur nord-américain co-gouverne le pays. Pastrana prépara le Plan Colombie.


L’actuel Président libéral Alvaro Uribe est totalement hors pair. Il rendit routinière l’extradition de Colombiens aux EU. Le coordinateur du Bureau Antiterroriste du Département d’Etat, Coffer Black, déclara le 6 mai lors d’une téléconférence réalisée à l’ambassade des EU à Bogota, que son gouvernement n’écartait pas un envoi de troupes à tout moment, dès que le président Alvaro Uribe en formulerait la demande ; avant que le ministre de la Défense nationale Jorge A. Uribe ne dise : "Nous reconnaissons, nous acceptons et nous sommes reconnaissants pour l’appui qui nous est apporté, sans lequel les résultats de la lutte contre les groupes armés illégaux ne seraient pas possibles... Spécifiquement et tout spécialement je tiens à souligner la grande collaboration du gouvernement... nord-américain" . D’un autre côté, Washington a apporté 2600 millions de dollars depuis l’année 2000 pour financer le Plan Colombie, a prolongé sa durée de cinq ans, doublé sa présence militaire et les paramilitaires ou mercenaires dans le pays.
Dans un acte inacceptable le Congrès National est allé jusqu’à exiger récemment l’intervention de l’OEA au Venezuela. "Tous unis contre le PDI" , s’est exclamé le président du Sénat, le libéral German Vargas Lleras, appelant la bourgeoisie à s’unir contre le Pôle Démocratique Indépendant suite à sa récente victoire nationale du 26 octobre, où il emporta, entre autres succès, avec Luis Eduardo Garzon, la mairie de Bogota. Ils ont déjà commencé à assassiner des dirigeants du PDI à Barranquilla, rappelant les massacres-extermination de masse de l’Union Patriotique à la fin des années 80 du siècle dernier.

Avec ce régime réactionnaire libéral-conservateur, la Colombie est une Nation sans souveraineté et avec des Forces Armées complètement manipulées par Washington et la liberté totale d’action de l’ambassadeur nord-américain, de la DEA et de la CIA. C’est le sanctuaire des multinationales qui obtiennent toutes sortes d’avantages et de privilèges. La dette extérieure absorbe chaque année la moitié du budget de la nation, dette qui a fini dans les poches des gouvernants de service. L’impunité s’est installée dans le pays. Le génocide est une pratique permanente. Ils ont exterminé l’Union Patriotique et assassiné les dirigeants du M19 en toute impunité. Ils ont assassiné 6000 dirigeants ouvriers et ça continue. Les propriétaires terriens et les capitalistes agraires ont assassiné des dizaines de milliers de paysans pauvres, ont dépouillé de leurs terres 3,5 millions d’autres, les déplaçant vers les cordons de misère des grandes villes et aujourd’hui Uribe avec sa loi d’alternative pénale veut récompenser les paramilitaires génocidaires, leur accorder pardon et oubli, et les appuient pour le gouvernorat du département d’Antioquia (ndt : Medellin est le chef-lieu de ce département). La Colombie est l’un des pays les plus corrompus de la terre. Les chiffres officiels estiment à 7 mille millions de dollars US le montant volé par la corruption. Les patrons attaquent brutalement tous les droits des travailleurs sans trêve et perfidement. La Colombie est le berceau de la réaction latino-américaine et le fer de lance de l’impérialisme.

L’historique démocratie bipartiste en danger

Mais le peuple colombien peu à peu est en train de réaliser sa première tâche historique. Tous les analystes de la grande bourgeoisie sont d’accord pour estimer que la "démocratie" colombienne est en danger, du fait des succès croissants de la gauche. Ils se réfèrent de leur point de vue à "leur" démocratie, celle du passé, la démocratie historique bipartiste libérale conservatrice, qui a gouverné depuis des décennies d’une main de fer contre le peuple, tout en étant soumise et lâche avec les gouvernements des EU.
"La démocratie est en danger" , gémit en coeur toute la réaction bourgeoise en Colombie depuis la victoire en 1999 de l’indien guambiano Floro Tunubala dans le département du Cauca. Ensuite il y eut la victoire de toute la gauche aux élections au Congrès National en mars 2002, qui gagna un bon nombre de sièges. Immédiatement après, Luis Eduardo Garzon prit la troisième place aux élections présidentielles avec 700 000 voix. Puis il y a eu l’échec le 25 octobre 2003 du Référendum réactionnaire du gouvernement Uribe et enfin la défaite le 26 octobre de Juan Lozana, le candidat du Président Uribe à la mairie de Bogota, remportée par Luis Eduardo Garzon, qui obtint le meilleur résultat historique aux élections à Bogota. Simultanément, il y a eu d’autres victoires électorales indépendantes du bipartisme, notamment à Cali, à Medellin ou dans le département del Valle. Cette décision électorale des masses est ce qui a mis "en péril" le régime historique et réactionnaire de démocratie bipartiste libérale-conservatrice, coupable de tous les maux qui frappent le peuple colombien.

Pour un nouveau régime et un nouveau gouvernement

Le Pôle Démocratique Indépendant-PDI-qui surgit pour les élections du 26 octobre dernier, obtint un grand nombre de voix à Bogota, gagnant 8 conseillers sur 43, 33 édiles sur 200, 7 mairies de secteur sur les 20 de Bogota. Ce 1er Mai à Bogota a battu les records de participation avec des dizaines de milliers de nouveaux lutteurs. Pour la première fois depuis des années, a surgi d’en-bas un parti politique pouvant devenir le véhicule qui servira à défaire les partis traditionnels, le libéral et le conservateur, aux prochaines élections présidentielles de 2006.
Et il y a lieu de s’en féliciter, car rien ne va changer en Colombie pour le bien de son peuple si d’abord le peuple colombien ne défait pas lui-même le passé et son régime politique de bipartisme, le chassant du gouvernement national, pour, à partir de là , appliquer un programme impulsant l’union libre des peuples latino-américains et le plein exercice de la souveraineté nationale en commençant par rompre avec le Plan Colombie et les traités militaires, en soumettant à la consultation du peuple ce qu’on fait de la dette extérieure dont le paiement a pris le travail des Colombiens, en exigeant des multinationales des impôts progressifs et le respect de ses travailleurs et des Colombiens, en abrogeant toute la législation réactionnaire qui a précarisé les conditions de travail des salariés et démantelé les organisations ouvrières. Il faut faire une purge de toutes les sphères dirigeantes des Forces Armées actuelles afin de rompre les liens aux intérêts du gouvernement nord-américain, des multinationales et des groupes économiques créoles, il faut exiger la reddition de paramilitaires et l’expropriation des biens de tous les propriétaires fonciers et capitalistes qui les financent et appeler à la réincorporation de la guérilla dans la vie civile, en garantissant la terre, le crédit subventionné et l’assistance technique pour les paysans pauvres du pays. Par ce chemin on fait un colossal pas en avant.

Mario Sanchez

 7/MEXIQUE

PrisonnierEs politiques torturéEs à Guadalajara.

Par Annie, mardi, 1er Juin 2004 - Indymedia Québec et Montréal.

Les 44 détenuEs ont été emmenéEs dans leurs cellules le vendredi soir, suite à la manifestation. Elles et ils n’ont pas pu boire ni manger depuis, et sont constamment frappéEs. On les prive de sommeil, en les réveillant à coups de pieds. Elles et ils n’ont pas accès à un avocat. On les a forcé à signer des déclarations sous torture, sans leur permettre de lire les documents. Ces documents les inculpent de participation à une émeute, de lésions et de dommages à la propriété privée. 11 des 44 détenuEs ont pu voir un membre de leur famille durant moins de 3 minutes. Les familles constituent la source principale de la mise à jour des violations de droits humains qui ont cours en ce moment même dans la prison de Guadalajara.

Voici une traduction-resumé de quelques articles et comptes-rendus glanés un peu partout, ici, au Mexique.

Je me fie davantage sur un article paru ce matin dans la Jornada, qui relate la torture dont sont victimes les activistes détenuEs à Guadalajara. Vous comprendrez que mon texte est décousu : le temps manque pour fignoler le tout.

Urgence de faire pression sur les ambassades mexicaines à l’étranger : ce vendredi a lieu la journée internationale de lutte pour la libération des prisonnierEs politique de Guadalajara.

Urgence de collecter le plus d’argent possible pour les faire sortir de là au PC. A la fin de cet article vous trouverez le numéro du compte.

Bien que le tout puisse paraître un peu alarmiste et digne des journaux à sensations, vous comprendrez la nécessité de divulguer le plus d’informations possible sur les détails des tortures : en ce moment, l’opinion internationale est peut-être ce qui peut changer le cours des choses pour nos amiEs.

La situation des dernières heures est la suivante : les prisonnierEs politiques sont transféréEs à la ! prison de sécurité maximale de Puente Grande. Les faits suivants se sont déroulés lors de leur détention à la Procuradurà­a General de Justicia del Estado de Jalisco. On craint que la situation ne soit pas mieux dans leur nouvelle prison.

Olvado Lopez Ascencio, 16 ans : a dit a sa mère quand elle a pu le voir qu’il lui ont fracturé deux doigts. Selon la mère, Olvado avait reçu de nombreux coups sur tout le corps, dont la tête. Olvado dit ne pas avoir mange depuis son incarcération, et avoir du signer une déclaration sans l’avoir lue.

Trois amies de notre campement viennent d’être relâchées (elles faisaient partie d’une fanfare, et n’ont donc évidemment pas initié les fameux « actes de violence » de la manifestation de vendredi) . Selon leurs commentaires publiés dans la Jornada ce matin, elles auraient été dévêtues et forcées à effectuer des exercices dans une salle de la sécurité publique. Les policiers entraient à tout moment dans la salle. Ils les entouraient et les insultaient, et ont menacé de les violer. Ils leur ont aussi dit qu’elles allaient mourir. Les trois femmes (Norma, Minerva y Sofia) ont été relâchées, samedi en fin d’après-midi. Le copain de l’une d’elle est toujours en prison (Jearin Fernandez Sagrado) : son père dit qu’il a pu le voir quelques secondes, qu’ils l’ont traîné devant lui en le frappant, qu’il ne l’ont pas laissé parler. à peine a-t-il pu dire qu’il n’avait pas mangé, pas dormi, pas bu, et qu’il avait dû signer une déclaration sans l’avoir lue. Il dit aussi être frappé à tout moment.

Un musicien qui faisait partie de la fanfare est toujours détenu (Daniel Olvera Sule) : on l’a emprisonné en soutenant que le bâton de métal qu’il utilisait avec son tambour ! servait en réalité à blesser les policiers.

Samedi dans la nuit, les étrangerEs détenuEs ont été transféréEs au Distrito Fédéral (ville de Mexico) : un basque, trois catalans, une canadienne (Laloue) et trois américains. Une amie de la ville de Mexico vient de m’envoyer un courriel me donnant des nouvelles de Laloue. Selon elle, les étrangerEs détenuEs aux DF on de très bons avocats (avocate chargée du dossier : Alejandra Acheita de Gaza du groupe Agustin pro Juarez). Laloue a reçu des soins à la tête, elle avait deux ouvertures et ils ont dû recoudre une veine qui était ouverte. Elle devrait recevoir d’autres soins médicaux dans les prochaines heures. Elle était sans vêtements et sans souliers, mais d’autres arrêtéEs lui ont prêté de quoi s’habiller. Je ne sais rien de plus pour le moment.

Plusieurs détenuEs mexicainEs présentent des signes de déshydratation. Chaque fois qu’elles et ils vont aux toilettes, on les frappe. Gustavo Adolfo Hernandez, qui fut encerclé durant la manifestation mais qu’on n’a pas emmené en prison, soutient qu’on lui a posé un pistolet sur le nez, en lui disant : « a ti ya te cargó la chingada ».

Une espagnole soutient avoir été frappée lors de son arrestation, et « taponnée » par les policiers. Elle dit qu’à un moment, lorsque les étrangerEs durent passer a un autre bureau de la prison, un policier a dit : « pourquoi nous n’avons pas pu vous tirer, pourquoi il n’y a pas de gaz ici au lieu de l’air conditionné ».
Gabriel Perez, coordinateur de la Plataforma Mexicana contra la Guerra, fut libèré samedi dans la nuit. Il dit que la consigne était de frapper les détenuEs le plus possible, et qu’il a reçu de multiples coups au thorax, aux jambes et aux parties génitales. Il soutient qu’il y avait ! de multiples agitateurs de la police dans la manifestation, et qu’il était possible de le savoir quand tout à coup ils sortaient leur matraque et commençaient à frapper.

Liliana Galaviz Lopez, selon le journal la Jornada, souffrirait d’un traumatisme crânien encéphalique. En ce moment, on ne sait pas oú elle est : elle n’a pas été transférée comme les autres au centre pénal de Puente Grande, et la police refuse de divulguer où elle se trouve.

Pour celles et ceux qui connaissent Mauser : un communiqué d’Indimedia (Centros de medios Independientes) affirme aujourd’hui que Mauser, ainsi que Liliana Galaviz et 4 autres garcons ont participé pacifiquement à la marche de vendredi, en tant qu’artistes ou journalistes alternatifs. Le communiqué affirme donc que leur détention est abusive, et réclame leur libération immédiate. Ce communiqué fut publié dans le journal la Jornada.

On publie aussi dans la presse de ce matin des évidences d’infiltrateurs (les exemples sont multiples). Entre autres : un enregistrement sonore nous permet d’entendre un policier s’adressant à ses pairs, déguisés en punk, leur disant de ce dépêcher, que les bâtons sont dans le stationnement, que ça va commencer. Des témoins disent que ces faux punks auraient été les premiers à commencer la confrontation avec les policiers, et qu’ils n’auraient étrangement pas été arrêtés.

C’était là un résumé des propos de la Jornada de ce matin. à noter que plusieurs publications soulignent la présence d’agitateurs de la police dans la marche, et le fait que des policiers déguisés en manifestants portaient un « brassard » pour s’identifier à leurs pairs.

Comme autres charges des détenuEs, on parle d’attentat aux voies générales de communication, r_ e9sistance à la loi et à l’arrestation, émeute, vandalisme et lésions.

Selon des nouvelles que je viens de recevoir d’une copine du DF : la caution de tout le monde à la prison de Puente Grande serait de 500 000 pesos (50 000 dollars américains). En ce moment, on collecte l’argent.

Pour toute contribution, vous pouvez l’envoyer au compte numéro 1299949054, banco BBVA Bancomer au nom de Martha Cecilia Garcia Juarez. C’est le compte de la bibliothèque Social Reconstruir. J’ai aucune idée si le transfert international fonctionne avec ce compte, j’y connais rien, mais sur les sites de médias alternatifs on prétend que oui. (consultez ces sites pour plus d’infos)

Merci de faire parvenir cet article à vos listes de contact.

Merci pour toute somme d’argent qui pourra ètre acheminée ici.

Merci de nous faire savoir toute action qui sera initiée au Québec.

Je suis en tabarnak (voila mon commentaire éditorial).

Annie

 8/PEROU

FUJIMORI ARME LES PARAMILITAIRES DE TOUJOURS.

Par Carlos Noriega, Pagina/12 du 2 Juin 2004.

Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant

Les Autodéfenses Paysannes sont des formations paramilitaires qui aidèrent à vaincre la guérilla du Sentier Lumineux au Pérou. Aujourd’hui, leur mentor, l’ex-président fugitif Alberto Fujimori, leur donne argent et armes pour renverser Alejandro Toledo.

Armés des fusils que jadis ils utilisèrent pour combattre la guérilla maoïste du Sentier Lumineux, quelque 200 responsables des Autodéfenses Paysannes se sont réunis dans la ville andine de Huamanga qui fut l’épicentre de la violence politique qui fit plus de 70 000 morts dans les années 80 et 90, afin de jurer fidélité au fugitif ex-président Alberto Fujimori (1990-2000) et lui offrir leurs armes pour faire pression en faveur de son retour au pays comme candidat à la présidence aux élections de 2006. Fujimori, qui s’est déclaré citoyen japonais pour éviter l’extradition, est empêché d’être candidat par suite de l’interdiction qui le frappe, pour 10 ans depuis 2000, d’exercer toute fonction publique, et diverses procédures sont toujours en cours pour corruption et violation des droits humains.
De retour au Pérou il serait incarcéré. Dans un message vidéo enregistré à Tokyo, où il réside, l’ex-président péruvien appelle les ronderos, comme on appelle les membres des Autodéfenses, au soulèvement armé contre le gouvernement d’Alejandro Toledo, qu’il accuse d’avoir abandonné les rondes paysannes. Il les félicitent d’avoir affronté et "vaincu" le Sentier, et les prient instamment d’appuyer son retour au pouvoir. Fujimori leur offre armes et argent. Les membres des Autodéfenses répondirent par des applaudissements et s’engagèrent à "utiliser les armes si nécessaires" afin d’obtenir que soient classées les procédures contre Fujimori, rendant ainsi possible son retour au Pérou comme candidat aux prochaines élections présidentielles. Les dirigeants des ronderos reçurent des copies de la vidéo pour la montrer dans les communautés.


L’ex-président fait appel au soulèvement contre le président Toledo au moment où le gouvernement est dans une situation critique, au milieu d’une vague de protestation sociale, avec une popularité qui atteint tout juste 5%, les exigences de l’opposition pour changer de cabinet et des spéculations sur une possible vacance de la présidence. A l’origine de cet appel à une rébellion armée contre le gouvernement, il y a la procédure que le Procureur de la Nation a engagé contre Fujimori pour atteinte à la paix publique et incitation au désordre, punissables d’une peine de 6 années de prison. Ce procès s’ajoute à la longue liste d’en quêtes judiciaires ouvertes contre Fujimori, qui a été qualifié de "président le plus corrompu de l’histoire du pays" . Juste avant de jurer de mettre leurs armes à disposition de Fujimori, les ronderos avaient participé à une cérémonie officielle convoquée par le gouvernement et les Forces Armées afin de commémorer le 21ème anniversaire de la fondation des Autodéfenses Paysannes, lesquelles opérèrent dans la lutte contre la subversion sous la direction des Forces Armées, et dont le rôle a été jugé "fondamental" par pratiquement tous les secteurs politiques dans la défaite du Sentier à la campagne. La Commission Vérité et Réconciliation (CVR), qui a enquêté sur 20 ans de violence politique (1980-2000), a souligné dans son rapport le rôle joué par les rondes paysannes dans la défaite du Sentier, mais a également mentionné leurs nombreuses violations des droits humains.
Au cours de la cérémonie officielle, en présence des principaux chefs militaires d’Ayacucho et de représentants du gouvernement, le chef des Autodéfenses, Esteban Quispe, appelé "Commandant Centurion" , annonça la suite en accusant d’abord le gouvernement de les avoir "abandonnés" et ensuite s’en prit à la CVR, accusée de faire le jeu du Sentier. La cérémonie officielle achevée, au cours de laquelle les A.P. défilèrent armées, entra en scène Carlos Raffo, qui fut le directeur de la campagne électorale de Fujimori aux frauduleuses élections de 2000 et qui s’est converti aujourd’hui comme son principal agent politique. Il entraîna avec lui un important groupe de ronderos à une réunion fujimoriste qui se tenait dans un restaurant situé à quelques mètres de la place principale de Huamanga.
Ainsi le fujimorisme profita d’une réunion organisée par le gouvernement pour monter à partir d’elle une autre destinée à mettre en route une stratégie annonçant l’usage de la force pour obtenir l’impunité de Fujimori et son retour au pouvoir.
Dans un entretien accordé à Pagina/12, Carlos Tapia, qui fut membre de la CVR, a estimé "inouï" que les chefs militaires et les membres du gouvernement "aient permis que sous leur nez et profitant d’une convocation des ronderos par les militaires eux-mêmes, se tienne une réunion qui est un appel à la subversion armée" . Selon lui, le gouvernement doit "sanctionner sévèrement" les chefs militaires qui ont permis de "manière suspecte" que cela se produise. "S’il n’y a pas de sanction, ce sera une démonstration de faiblesse face aux militaires" , a t-il ajouté.
Tapia estime qu’il y a au Pérou près de 16 000 ronderos armés de fusils, la plupart ayant servi Fujimori durant son gouvernement pour affronter le Sentier Lumineux. Les Sendéristes, de leur côté, ne seraient pas plus de 150 hommes armés. Les ronderos de la zone de Ayacucho, que Fujimori a appelé à se rebeller contre le gouvernement, seraient environ 6000. Beaucoup de Comités d’Autodéfense se désactivèrent avec la défaite militaire du Sentier, mais l’Armée, dénonce Tapia, est en train de "réactiver et militariser les Autodéfenses dans des zones où il n’y a aucune présence du Sentier, ce qui est très dangereux pour la démocratie" . Une réactivation qui s’affirme aujourd’hui au service du fujimorisme. "Par cet appel, Fujimori entend se servir des rondes comme un groupe paramilitaire, ce qui est très périlleux. Il est très difficile de dire pour le moment si Fujimori va réussir dans cette tentative, mais il est certain qu’il y a beaucoup de mécontentement chez les ronderos, qui se sentent abandonnés du gouvernement, et qu’ils ont de la sympathie pour Fujimori, lequel a appuyé et armé les Autodéfenses, on ne peut l’occulter. Si ce projet de Fujimori venait à prospérer, les élections de 2006 seraient sanglantes" , prévient Tapia.

 9/VENEZUELA

Partisans et opposants de Hugo Chavez se lancent dans la "bataille" du référendum.

LEMONDE.FR 6 Juin 2004 avec AFP

La campagne électorale promet d’être très disputée dans un pays divisé entre chavistes et antichavistes, avec la majorité des médias privés acquis à la cause de l’opposition.

La "bataille" du référendum susceptible en août de déboucher sur le départ anticipé du président Hugo Chavez a été lancée ce week-end au Venezuela avec deux grandes manifestations de l’opposition et des partisans du pouvoir, prélude d’une campagne électorale très disputée.

Comme ils le font régulièrement depuis le coup d’Etat manqué d’avril 2002, les deux camps ont mesuré leurs forces dans les rues de Caracas, l’opposition samedi et les chavistes dimanche.

"Tout un peuple est dans la rue (...), la victoire est certaine", a affirmé dimanche le vice-président José Vicente Rangel, affirmant que la mobilisation était "impressionnante", supérieure à la manifestation de samedi à l’appel de l’opposition, qui, selon une estimation des pompiers, avait réuni 300 000 personnes.

Entonnant des "Ouh, Ah, Chavez ne s’en va pas" ou dénonçant l’ingérence des Etats-Unis accusés de vouloir renverser le gouvernement en place, les chavistes, venus de l’intérieur du pays ou descendus des quartiers les plus pauvres de Caracas, depuis les collines entourant la capitale, ont convergé vers le centre pour écouter leur "commandant en chef", Hugo Chavez.

"Nous allons gagner la bataille", indiquaient des pancartes, faisant référence au discours de M. Chavez jeudi soir après l’annonce que l’opposition avait obtenu le référendum. Une réplique de l’épée de Simon Bolivar en main, le président, un populiste de gauche accusé par l’opposition de vouloir instaurer un régime communiste pro-cubain au Venezuela, avait alors affirmé être "prêt" et invité ses partisans "à aller comme un seul homme, comme une seule femme à la bataille du référendum du mois d’août".

LA MAJORITÉ DES MÉDIAS PRIVÉS ACQUIS A LA CAUSE DE L’OPPOSITION.

"La campagne a commencé. Nous allons aller de l’avant et ce qui nous attend maintenant est une mobilisation nationale pour que le peuple défende sa révolution", a affirmé dimanche à la télévision officielle VTV Diosdado Cabello, un proche de Hugo Chavez.

Samedi, l’opposition avait également lancé sa campagne en célébrant sa victoire, l’obtention du référendum, après une lutte de plus de six mois marquée par une semaine de violences en mars qui a fait au moins neuf morts.

La campagne électorale promet d’être très disputée dans un pays divisé entre chavistes et antichavistes, avec la majorité des médias privés acquis à la cause de l’opposition.

Les principaux dirigeants de l’opposition ont réclamé que le Conseil national électoral confirme au plus vite la date du 8 août, redoutant, disent-ils, une nouvelle manoeuvre du pouvoir. En effet, si le référendum est organisé après le 19 août, date à laquelle M. Chavez entame sa cinquième année de mandat, la Constitution prévoit qu’en cas de révocation du président, il n’y a pas d’élection anticipée, le vice-président assumant le pouvoir jusqu’à la fin du mandat.

Pour gagner la consultation populaire, l’opposition devra cependant obtenir au moins le même nombre de voix que celles rassemblées par M. Chavez lors de son élection en 2000 (3 757 763) et à condition qu’il y ait 25 % de participation, soit trois millions de votants.

Dimanche, le quotidien d’opposition El Universal a mis en garde contre l’utilisation des "pétrodollars" par le gouvernement, alors que le pays, cinquième exportateur mondial de pétrole, profite des prix élevés de l’"or noir".

"L’équipe économique de la révolution bolivarienne commence la campagne électorale en nageant dans le pétrole", souligne le journal, affirmant que le pouvoir va ouvrir le "robinet" pour financer ses "missions", des programmes sociaux destinés aux classes défavorisées dans un pays où la pauvreté frappe plus de 60 % des 24 millions de Vénézuéliens.

 10/Une intervention US au Venezuela est-elle possible ?

Par Miguel Angel Hernandez*, in Correspondencia Internacional n°21-Juin-Août 2004.

Edition française : lacommune@lacommune.org..

Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant

Certains secteurs politiques du pays et des intellectuels de la région comme Heinz Dietrich Steffan, envisagent avec insistance la possibilité, apparemment imminente, d’une intervention directe des EU. Nous n’approfondirons pas ici les éléments constitutifs de cette thèse, mais nous nous proposons d’apporter des éléments sur le sujet.

En premier lieu, nous ne devons pas nous préparer à une intervention des EU. Pour une bonne raison : cette intervention a déjà commencé depuis longtemps et s’est exprimée dans nombre de déclarations de fonctionnaires de l’Administration Bush se positionnant sur les questions politiques internes. Intervention évidente dans le coup d’Etat d’avril 2002 ainsi que dans l’arrêt-sabotage pétrolier. Cette intrusion permanente dans les affaires internes du pays s’est concrétisée, en outre, dans l’appui économique à diverses organisations et partis membres de la Coordination Démocratique. Récemment l’appui financier de la Fondation Nationale pour la Démocratie à Sumate [6] a été rendu public.

En second lieu, l’intervention de l’impérialisme dans la vie politique intérieure du pays revêt différentes formes et expressions. Elle peut non seulement être directe mais aussi occulte à travers des mécanismes distincts. Nous ne devons pas seulement attendre toujours une intervention militaire qui est, en réalité, l’ultime niveau de l’escalade, le plus complexe et de réalisation difficile. Il ne se produit que dans une situation extrême et n’est pas déterminé par des considérations strictement militaires, mais par des raisons politiques d’opportunité et d’urgence. Par ailleurs, dans l’option de l’intervention militaire il y a différents niveaux d’engagement, qui vont de la participation directe de conseillers militaires jusqu’à une présence de troupes et de moyens plus ou moins conséquents sur le territoire avec, bien sûr, entre les deux, des options intermédiaires.
Ces observations étant faites, il nous faut chercher à définir, dans la conjoncture actuelle, quelle peut-être la politique privilégiée par l’impérialisme et ses alliés putschistes de la Coordination Démocratique.
A la question : une intervention nord-américaine au Venezuela est-elle possible ? Nous répondrons : "Oui, elle est déjà en cours" . On peut ensuite préciser le caractère et la forme que prend aujourd’hui cette intervention. A notre avis, que nous avons déjà formulé dans plusieurs articles, la politique que l’impérialisme nord-américain adopte présentement au Venezuela privilégie, pour liquider le processus révolutionnaire en cours, se concrétise à travers la présence du Centre Carter et de l’OEA (Organisation des Etats Américains), en particulier dans toutes les instances techniques et de contrôle de qualité du Conseil National Electoral.
Pour les putschistes de la Coordination Démocratique comme pour l’impérialisme, l’objectif est d’écarter Chavez du pouvoir afin de faire avorter le processus de changement que vit le pays, et pour y parvenir, ils utilisent diverses tactiques. La puissante mobilisation des travailleurs et du peuple ont fait échouer leurs tentatives de putsch d’avril 2002 ainsi que l’arrêt-sabotage pétrolier. Il ne reste à l’impérialisme et à ses agents locaux d’autre option que les mécanismes légaux et constitutionnels, à savoir la possibilité de convoquer un référendum révocatoire contre le Président.

Néanmoins, cela ne signifie pas que désormais ils respectent la loi, bien au contraire. Ce fut évident au cours des journées qu’on a appelé la "guarimba" [7], à savoir des soulèvements isolés et des actions territoriales des secteurs putschistes. Quand ce sera nécessaire, ils utiliseront la violence, tricheront et frauderont, ce qu’ils firent dans la collecte des signatures requises pour le référendum. En d’autres termes, ils font semblant d’accepter les mécanismes et les formules démocratiques. Dans tous les cas, tout ce qu’ils font n’a qu’un seul objectif : renverser Chavez et liquider le processus révolutionnaire.
La tactique qu’adopte aujourd’hui l’impérialisme, nous l’avons appelée "contre-révolution démocratique" . L’impérialisme continue de s’immiscer dans les affaires intérieures du Venezuela, par ses agents nationaux qui reçoivent des aides économiques et logistiques et utilisent le Centre Carter et l’OEA à l’intérieur de la CNE comme outil contre-révolutionnaire et interventionniste. Il n’a pas d’autre remède dans la situation présente que l’utilisation des mécanismes légaux inscrits dans la Constitution. Notre caractérisation se trouve confirmée par un rapport récent de Stratford Intelligence
 [8], qui indique :

"Le mouvement oppositionnel au Venezuela a perdu sa force en ayant perdu d’importantes batailles politiques contre le gouvernement ces deux dernières années, comme la grève pétrolière, par exemple. Aujourd’hui la stratégie est de destituer le président Chavez au moyen d’un référendum révocatoire" . Effectivement, l’ingérence nord-américaine se poursuit mais actuellement sous des formes plus sophistiquées et subtiles, adaptées à la réalité politique et aux faiblesses présentes de l’opposition putschiste. Cela ne signifie pas qu’une forme d’intervention plus directe et violente ne puisse se produire ultérieurement, en fonction de l’évolution des événements.
Le moment politique nous impose d’affronter l’intrusion impérialiste en empêchant la concrétisation d’une nouvelle fraude qui permettrait un référendum révocatoire. La lutte politique anti-impérialiste que les travailleurs et le peuple doivent engager maintenant vise à empêcher que les "objections" se convertissent en une nouvelle forme de mégafraude, de même qu’il faut lier cette lutte au combat contre l’impunité.
Devons-nous alors nous préparer à une intervention militaire imminente ? Nous ne croyons pas que la question se pose à court terme. Mais, de toute manière, c’est toujours une carte que l’impérialisme garde dans sa manche, dès lors que son intérêt est de liquider le processus révolutionnaire que nous vivons, sans considération des méthodes utilisées. Aujourd’hui, il privilégie la "contre-révolution démocratique" , demain il pourrait faire usage de la force, y inclus l’intervention militaire. Que fait-on face à tout ça ? Est-ce qu’on se limite à appeler au calme ? On n’approfondit pas le processus pour éviter une invasion ? On ne se mobilise pas ?
La seule politique révolutionnaire face à cette situation est la mobilisation des travailleurs et du peuple, son organisation et son entraînement militaire afin d’affronter l’éventualité d’une agression impérialiste. Dans une situation d’agression impérialiste imminente, le peuple et les travailleurs auront besoin d’armes et d’entraînement militaire. Les organisation syndicales et populaires devront organiser les Milices ouvrières, paysannes et populaires, lesquelles, tout en maintenant leur indépendance politique et organisationnelle, devront se coordonner avec les éléments patriotiques de la Force Armée Nationale. De même, il faut activer les régiments de réservistes pour qu’ils se mettent à disposition des travailleurs et des communautés populaires tout en s’articulant aux Milices.

*Professeur de sociologie à l’Université Centrale du Venezuela
Membre de la Direction Nationale de OIR/Opcion de Izquierda revolucionaria (Option de Gauche révolutionnaire).

 11/VENEZUELA

Réponse de Chavez à Noriega.

Les connections batistiennes imposent les menaces de Noriega.

Par Jean-Guy Allard, spécialement pour Granma international, 1er juin 2004.

C’est une cinglante réplique qu’a reçue Roger Noriega, sous-secrétaire d’État pour l’Amérique latine lorsqu’il a menacé d’« appliquer la Charte démocratique de l’Organisation des États américains (OEA) » si le Venezuela ne reconnaissait pas les signatures douteuses durant le processus de vérification référendaire qui vient d’avoir lieu. « Au Venezuela, il y a un peuple et une nation disposés à défendre leur souveraineté coûte que coûte... Les menaces de l’empire ne nous effrayent pas », lui a dit le président Hugo Chavez qui se trouvait au Mexique, au Sommet ibéro-américain et européen de Guadalajara. « Qui a donné aux États-Unis le sifflet pour qu’ils soient l’arbitre du monde ? Il faut le leur enlever et les ignorer », a dit Chavez en dénonçant les menaces « ridicules du vieil et horripilant impérialisme que subit l’Amérique latine depuis des siècles ».

DÉMOCRATIE VERSION NORIEGA

Cet ex-ambassadeur impérial auprès de l’ONU, qui a fêté avec ses copains de Miami le coup d’État contre Hugo Chavez parrainé par son prédécesseur, Otto Reich, le 11 avril 2002, et qui a organisé plus récemment la « démission » de Jean-Bertrand Aristide en Haïti, avec la complicité de mercenaires à la réputation douteuse, a livré ses déclarations anti-Chavez au quotidien The Washington Times de la capitale nord-américaine. Et ce n’est pas par hasard. Le Times -ne pas confondre avec le Post- a été à plusieurs occasions l’hôte des déclarations les plus excentriques des "idéologues" de l’administration Bush -entre autres celles de Daniel Fisk sur Cuba- qui ont utilisé cette feuille d’extrême droite pour diffuser leurs tergiversations que d’autres médias se refusent à publier. Le Washington Times appartient à l’Église de l’Unification, plus connue sous le nom de secte Moon, un réseau néo-fasciste lié à des activités doute ! uses telles que le trafic d’armes et le blanchiment d’argent. La famille Bush entretient une longue amitié avec Sun Myung Moon, chef suprême du groupe controversé, bien que ses activités aient fait l’objet d’enquêtes à plusieurs occasions, y compris au Sénat. Le chef "religieux" archimillionnaire, installé à New York, a investi à plusieurs reprises dans les campagnes électorales des Républicains. Noriega est le chef des Affaires de l’hémisphère occidental dans l’administration de George W. Bush, arrivé "démocratiquement" au pouvoir grâce aux manifestations "spontanées" des délinquants de Vigilia Mambisa qui ont paralysé le processus de recomptage des votes dans le comté de Miami-Dade. Né à Wichita, Kansas, en 1959, Noriega réside à Arlington, en Virginie, à quelques kilomètres des headquarters de la CIA. Mais ce sont ses liens avec la mafia cubano-américaine de Miami, sa ville d’adoption, qui expliquent beaucoup de ses interventions les plus échevelées.

UNE DÉLÉGATION TERRORISTE

Le 31 juillet 2003, la cérémonie de prestation de serment de cet ex-bras droit du sénateur d’extrême droite Jesse Helms, comme plus haut responsable des relations des États-Unis avec le reste du continent, a la caractéristique d’avoir eu lieu en présence d’une délégation terroriste du Cuban Liberty Council (CLC) de Miami, accompagnée de la congressiste Ileana Ros-Lehtinen. Le CLC est un regroupement mafieux d’ex-fonctionnaires et de politiciens de la tyrannie de Fulgencio Batista et d’agents cubano-américains de l’Agence centrale de renseignement (CIA), créée par Ninoska Pérez-Castellon, fille d’un tortionnaire de la police motorisée batistienne et épouse du fils terroriste de l’un des sbires les plus craints du batistato. Cette délégation du CLC était composée, entre autres éléments criminels, de Luis Zuñiga Rey, Alberto M. Hernandez, Horacio S. Garcia, Feliciano Foyo, Ignac ! io Sanchez, Angel Garrido et Ricardo Mayo. Tous sont liés, d’une manière ou d’une autre, au terrorisme contre Cuba et en particulier au financement des activités criminelles de Luis Posada Carriles et de ses complices, récemment condamné pour terrorisme au Panama où ils projetaient de dynamiter un amphithéâtre. Selon le quotidien mexicain La Jornada, le CLC a créé sous le parrainage de Noriega une organisation lobbyiste, le comité d’action politique US-Cuba Democracy qui a comme principal "ambassadeur" auprès de la Maison Blanche, le gouverneur de la Floride, Jeb Bush. Le comité a été constitué, le 22 décembre dernier, à l’hôtel Biltmore de Miami, en présence de Jeb Bush, d’Adolfo Franco, de l’Agence internationale de développement (USAID), des congressistes républicains pour la Floride Ileana Ros-Lehtinen, Mario Diaz-Balart et Lincoln Diaz-Balart et... du magnat vénézuélien Gustavo Cisneros.

INDIGNATION A CARACAS

Les menaces contre le Venezuela de ce nouveau parrain de la mafia miamienne ont causé l’indignation à Caracas. Jorge Rodriguez, le président du Conseil national électoral (CNE), a dénoncé cette « claire ingérence dans les attributions du pouvoir électoral, l’un des cinq pouvoirs de l’État établi par la constitution, au même niveau que les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et civique ». Les États-Unis « sont disqualifiés pour faire partie du Groupe d’amis, nous ne les reconnaissons pas comme amis du Venezuela jusqu’à ce qu’il y ait une rectification ; nous exigeons du Département d’État qu’il rectifie ce qui a été dit par monsieur Noriega », a soutenu pour sa part le vice-président vénézuélien José Vicente Rangel en se référant aux menaces du controversé sous-secrétaire. « Dans le cas contraire, nous ne pourrions nous fier sur la bonne foi d’un pays qui fait partie d’un Groupe d’amis lorsqu’il fait ce genre de déclaration ! s qui offensent la dignité nationale », a-t-il ajouté. « Les États-Unis ou certains de leurs porte-parole doivent une fois pour toutes se sortir le nez de nos affaires intérieures car ils sont maintenant passés de la menace voilée à la menace directe », a déclaré pour sa part le Président de la commission de développement social intégral de l’Assemblée nationale du Venezuela, le député Angel Rodriguez. « Nous sommes un pays souverain, où il y a une véritable démocratie, où l’on respecte les droits internationaux, les droits humains et nous ne pouvons tolérer cette ingérence ». Le président du Tribunal suprême de justice, Ivan Rincon, a déclaré dans un communiqué qu’il déplore lui aussi les déclarations de l’ex-représentant impérial auprès de l’OEA.

 12/VENEZUELA

Les collines qui soutiennent Chavez.

Par Martà­n Piqué, 25 Mai 2004.

« Les missions sont comme un Etat parallèle, elles obligent les ministères à se coordonner et à exécuter ».

La phrase surprend le chroniqueur de Página/12 [quotidien argentin] parce que celui qui la prononce est un ministre du gouvernement vénézuélien.

Le ministre parle dans son bureau muni de grandes fenêtres, situé dans un immeuble moderne et haut, comme la majorité des bâtiments publics de Caracas. Quand il parle de « missions », le fonctionnaire se réfère aux programmes sociaux - d’éducation, de santé et d’alphabétisation- que l’administration de Hugo Chávez développe depuis 2003.

Le plus connu est la « Mission Robinson », un plan d’alphabétisation qui porte ce nom en hommage à Simón Rodrà­guez, professeur de Bolà­var, qui utilisait le nom de Robinson quand il voyageait en Europe et aux Etats-Unis.

Un autre programme très connu est celui de « Barrio Adentro », grâce auquel des médecins cubains se sont installés dans les quartiers pauvres de toutes les villes du Venezuela. Ils s’occupent de la population qui n’avait pas accès aux hôpitaux et restait exclue du secteur privé de la santé.

La conversation avec le ministre, qui est habitué aux contacts avec la presse étrangère, révèle l’un des secrets du maintien au pouvoir de Chávez en dépit de l’opposition interne et externe. Le fonctionnaire y fait allusion quand il nous montre un sondage sur l’image du président réalisée par « une consultante mexicaine indépendante ».

Cette enquête montre que Chávez continue de jouir de pourcentages favorables élevés. « Chávez a un minimum de 30 % et un plafond de 60 %. Pour le moment, il est à 40 % et ça continue à grimper », nous confirme un observateur international qui travaille pour le centre Carter lors d’une entrevue avec Página/12. Un observateur indépendant, influencé par les médias vénézuéliens, se demanderait comment cela se fait.

Pour trouver la réponse, il faut grimper sur les collines. C’est sur les hauteurs, sur les collines qui entourent Caracas que les missions de santé, d’éducation et de travail mises en place par le gouvernement sont en train de faire des ravages. Ravages dans un sens positif parce que les gens qui vivent là - les pauvres, les « negritos » ou les « macacos » comme on les appelle avec mépris- ont assumé ces initiatives comme leur étant propres. Página/12 a eu l’occasion de l’observer sur le terrain quand nous avons conversé avec des groupes de femmes des quartiers de Soracaima et de Negro Primero, dans la paroisse de El Valle, dans la périphérie sud de Caracas. Dans ces quartiers, beaucoup de voisines et de femmes au foyer participent au Comité de santé qui aide les médecins cubains dans leur travail. Elles se sont aussi rassemblées dans le Comité de la terre urbaine (CTU), l’organisation qui régit la vie communautaire de chaque quartier.

Avec le soutien des forces armées, cette participation est la principale force de Chávez. Les secteurs les plus intelligents de l’opposition - comme l’ex guérillero Teodoro Petkoff, éditeur du journal Tal Cual- le soulignent chaque fois qu’ils le peuvent. « Pour lutter contre la pauvreté il faut donner le pouvoir aux pauvres » est un slogan souvent répété par Chávez. Les gens qui vivent dans les collines ont la certitude que ce principe est en train de devenir réalité. De quelle manière ? Au travers des « missions », des programmes sociaux de santé, d’éducation et d’emploi productif, mais cependant avec les difficultés d’un processus mis en place par un gouvernement qui ne contrôle pas totalement l’Etat. « Le problème c’est que les regulares (’fonctionnaires’) ne veulent pas travailler pour ce processus » continue à nous expliquer le ministre. « C’est cette partie qui refuse de mourir, comme disait Gramsci. »

Quand il parle de « regulares », le membre du cabinet fait référence à la majorité des employés de l’Etat « toujours » en poste depuis l’époque du social-démocrate Carlos Andrés Pérez. Beaucoup de ces employés, bureaucrates et fonctionnaires moyens, occupent des postes importants au sein de l’Etat grâce à leur appartenance aux deux partis traditionnels du Venezuela : « Acción Democrática » et « Copei » [9].

Depuis que Chávez gouverne, ils se trouvent dans des secteurs de la Chancellerie (« Chávez disait quelque chose et l’équipe de négociateurs de l’ALCA en faisait une autre »), dans les ministères de la Santé et de l’Education et dans d’autres services publics.

Une des principales preuves de cette situation a eu lieu il y a un an, lorsque le gouvernement recevait les premiers résultats du plan d’alphabétisation. A ce moment-là , le programme - basé sur la méthode « Yo si puedo » créée par les Cubains- était mis en oeuvre au travers de la structure du ministère de l’Education, comme cela se ferait dans n’importe quel pays. Les résultats étaient mauvais. Le programme n’avait pas réussi à alphabétiser le quart de ce qu’avait promis Chávez. La réponse du gouvernement a consisté à créer des structures parallèles à l’Etat - les « missions »- et de les doter d’un budget afin d’exécuter les projets. Le problème résidait dans le fait de trouver des personnes qui allaient mener ce projet à bien. Même s’il le voulait, le gouvernement ne pouvait pas compter sur un appareil de parti capable de distribuer les ressources : les forces politiques qui appuient Chávez sont relativement neuves, ne sont pas présentes sur tout le territoire ni dans tous les quartiers. La solution des « chavistes » a été de recourir aux organisations sociales et communautaires déjà existantes sur les collines, en majorité gérées par des femmes, comme les piqueteras qui organisent des cantines en Argentine.

L’influence culturelle des Etats-Unis - Miami est tout proche - et le boom pétrolier des années 70 ont laissé leur marque dans l’architecture de la capitale vénézuélienne. C’est dans un de ces immeubles monumentaux de ciment, gris, hauts et pleins de fenêtres, que le ministre converse avec Página/12 sur les plans sociaux du chavisme. « Nous avons réussi à alphabétiser 1,2 millions de personnes » nous dit-il fièrement pendant que son interlocuteur se demande s’il n’exagère pas. Mais l’opposition ne remet pas en question ces chiffres, elle se limite à remettre en question la profondeur des connaissances de ces nouveaux lettrés.

La méthode de la mission Robinson se base sur l’image, c’est pour cela que les « instructeurs » qui coordonnent les cours se déplacent partout avec des cassettes vidéos.

Il est très courant de rencontrer des jeunes dans la rue qui portent un T-shirt avec l’inscription « Mission Robinson ». On voit aussi des étudiants de l’Université bolivarienne du Venezuela (UBV), portant des bérets bleus comme signe d’identification. La UBV est un nouveau centre d’études, à côté de l’Université centrale du Venezuela, où se donnent les cours d’économie, de gestion et de promotion communautaire, de communication sociale, de gestion de la santé publique et les cours de droit. C’est au travers de la UBV qu’est menée la « mission Sucre », un programme gouvernemental qui cherche à ce que les jeunes pauvres qui terminent leurs études secondaires puissent suivre des études supérieures. Selon des statistiques officielles, à peine 27 % de la population démunie entrent à l’université.

La mission Robinson se charge d’enseigner les matières de l’école primaire aux analphabètes. Après cela, la deuxième étape de la mission Robinson et de la « mission Ribas » se chargent de l’éducation secondaire. Le processus se termine par la mission Sucre grâce à laquelle le gouvernement espère que tous les étudiants de secondaire pourront poursuivre leurs études s’ils le veulent.

L’aide étatique prévoit également un subside pour les personnes sans emploi. Cette initiative porte le nom exotique de « Vuelvan Caras » -en hommage à une tactique que Bolà­var utilisait pour combattre les Espagnols - et bénéficie à 100.000 personnes.

En échange du salaire minimum (224.700 bolivars ou 117 dollars), les bénéficiaires reçoivent des cours de formation dans différentes matières pour former par la suite des coopératives. Chávez semble avoir les idées claires. Sa base électorale reste ceux « qui sont descendus de la colline ». C’est à eux qu’il destine la majorité des revenus qu’il obtient de Pdvsa
 [10] . Pour confirmer cette idée, le 1er mai, il a encore fait un geste qui a à nouveau divisé la société vénézuélienne : il a augmenté par décret le salaire minimum de 30 %.

Source : Página/12, Argentine, 16 Mai 2004.

Traduction : Anne Vereecken, pour RISAL.

 13/VENEZUELA

PLATE-FORME DE LUTTE ANTI-IMPERIALISTE.

Publiée dans Correspondencia Internacional, Buenos Aires, n° 21, Juin-Août 2004.

Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant

Le 24 avril, une réunion plénière de dirigeants syndicaux et politiques de l’Etat de Carabobo ont convenu de développer dans les organisations syndicales, paysannes, populaires et étudiantes la Plate-forme de Lutte Anti-impérialiste suivante.

1. Assez d’intervention étrangère ou d’agences marionnettes de l’impérialisme dans les affaires internes des Vénézuéliens. Nous crions avec force, Dehors l’ambassadeur Shapiro, l’Organisation des Etats Américains et la Fondation Carter ! Ils sont les agents directs de la Maison Blanche, ils sont ceux qui font pression et quotidiennement menacent.

2. Des milliers de milliards de dollars, qui pourraient bien être destinés à satisfaire les nécessités urgentes du peuple en matière de santé, d’éducation et de logement, continuent d’être payés ponctuellement aux organismes financiers et créanciers internationaux. Notre consigne doit être Pas un seul sou pour payer la dette extérieure ! Continuer à payer c’est continuer à remettre des fonds pour que l’impérialisme continue à financer les golpistes. Le gouvernement de Chavez devrait organiser une réunion des pays latino-américains pour mettre sur pied un Bloc Continental pour le non-paiement de la dette extérieure.

3. Rejetons l’ALCA et tout accord économique bilatéral avec l’impérialisme ! Luttons pour l’intégration économique de nos peuples, dans des conditions d’équité. Aucun accord économique avec l’impérialisme ne peut être avantageux. Nous exigeons du gouvernement vénézuélien son retrait immédiat des commissions de négociation de l’ALCA et de promouvoir la proposition d’un plébiscite continental afin que tous les pays se prononcent contre l’ALCA et les accords bilatéraux.

4. Confisquer les biens de toutes les entreprises multinationales et nationales qui ont fermé leurs portes en laissant sans travail des milliers de Vénézuéliens, de celles qui contribuent économiquement à soutenir les golpistes, de celles qui favorisent le sabotage économique et de celles qui sont multimillionnaires grâce à la surexploitation des travailleurs et de nos ressources naturelles. Assez de contrats onéreux au profit des multinationales qui explorent, exploitent, transportent etcommercialisentlepétrole.Contrôleet administration par les travailleurs de ces entreprises !

5. Nationalisation de la Banque et contrôle du commerce extérieur ! Des milliers de millions de dollars produits par l’effort des Vénézuéliens et Vénézuéliennes quittent quotidiennement le pays, ruinant l’économie, par le fait que le secteur financier et les organismes en charge du commerce extérieur sont entre les mains des chefs d’entreprise internationaux en complicité ouverte avec les patrons nationaux. Les grands groupes financiers qui contrôlent la banque privée continuent de s’enrichir par l’usure et font pression sur le marché pour déstabiliser l’économie. Pour la renationalisation de la banque, avec contrôle des travailleurs et du peuple. Dehors le Groupe Santander, la Banque Bilbao-Vizcaya et tous les groupes financiers au service des multinationales !

6. Sous les gouvernements de la Quatrième République, les multinationales se sont régalées en acquérant pour une bouchée de pain les entreprises propriétés de l’Etat. Comme si cela ne suffisait pas elles ont touché des subventions et sont responsables du mauvais service et de la hausse des prix de ses fournitures et services !

Réétatisation des entreprises, sans aucune indemnisation de ses propriétaires actuels, pour qu’elles soient administrées et contrôlées par ses travailleurs et usagers

7. A bas le Plan Colombie ! La République soeur de Colombie souffre aujourd’hui de la politique soumise de son gouvernement. Sous le prétexte de combattre le narcotrafic se cachent d’autres perfides intentions. Il s’agir d’anéantir la lutte ouvrière, populaire et insurgée comme condition indispensable pour préparer de possibles actions d’agression directe contre notre pays ou tout autre pays de la zone bolivarienne.

8. Entraînement et armement de la population pour se préparer contre l’agression yankee. Le peuple exige une formation militaire et des armes pour pouvoir affronter toute tentative de violation de notre souveraineté. Les organisations syndicales et populaires doivent promouvoir le recrutement et la préparation pour cette éventualité. Dès maintenant il faut organiser les Milices Ouvrières, Paysannes et Populaires, pour que de manière indépendante, le peuple soit organisé et préparé militairement. Ces organismes doivent fraterniser avec les Forces Armées Nationales, socialiser les expériences et dans des conditions démocratiques planifier toutes les éventualités de réponse à l’agression impérialiste.

9. Solidarité internationale avec les peuples qui luttent pour leur souveraineté. L’agression militaire permanente que les puissances économiques développent contre diverses nations nous démontre que l’impérialisme n’a pas besoin d’excuses ni de justifications pour agresser et massacrer les peuples. Il est aujourd’hui plus que justifié de nous soulever pour exprimer la solidarité avec les peuples du Moyen-Orient (Irak, Palestine), Afghanistan et Haïti. Dehors les troupes nord-américaines et alliées ! Rejeter toute tentative de remplacer les troupes d’invasion par les Casques Bleus de l’ONU. Notre pays dispose d’une arme importante et peut jouer un rôle remarquable. Nous avons le combustible qui met en mouvement la machinerie belliqueuse et de ce fait nous devons dire aucune goutte de pétrole pour les armées assassines.

10. Assez d’impunité ! On ne peut pas permettre que les assassins d’hier circulent librement dans les rues pour s’en prendre aux conquêtes ouvrières et populaires. Il est établi que les golpistes et les fonctionnaires nord-américains des Etats-Unis, avec à leur tête Shapiro depuis l’ambassade, sont les auteurs intellectuels des blessures et des morts du 11 avril 2002 et les responsables des pertes économiques occasionnées par l’arrêt-sabotage patronal. Jugement, châtiment et prison pour les assassins. Assez de concessions aux ennemis du peuple !

11. Contrôle des secteurs stratégiques de l’économie par l’Etat ! L’impérialisme, les golpistes et les entrepreneurs privés continuent de contrôler des institutions et des entreprises de secteurs stratégiques du pays. Il est urgent de procéder à la nationalisation et à l’étatisation des opérateurs de téléphonie, des moyens de communication, du transport maritime, aérien et terrestre, des ressources naturelles, des services publics, de la BCV (Banque Centrale) et de tous les secteurs considérés comme stratégiques. Il faut aussi nettoyer toutes ces institutions où demeurent réfugiés et conspirent les golpistes.

12. Nous luttons pour un authentique gouvernement des travailleurs et du peuple ! Il ne sera pas possible d’aboutir à la victoire définitive si, en même temps que nous affrontons et mettons en échec l’impérialisme, nous ne mettons pas en échec les patrons et le vieux modèle économique capitaliste basé sur l’exploitation de l’homme par l’homme et la destruction de la planète. La souveraineté nationale, le droit à la terre, l’emploi, la santé, l’éducation, le logement et nos valeurs culturelles, ne pourront être obtenus sous la tutelle de patrons patriotes. Ces tâches peuvent seulement être menées à leur terme que sous la conduite des travailleurs et du peuple organisés dans leurs structures authentiques et démocratiques. Le véritable salut surviendra quand les travailleurs et le peuple seront le pouvoir et le gouvernement, instaurant un nouveau modèle économique qui supprimera l’exploitation de l’homme par l’homme. Y parvenir, c’est le grand défi de l’UNT et de ses fédérations régionales, des Cercles Bolivariens, des organisations populaires, communautaires, paysannes, étudiantes, des collectifs de femmes et de toutes les structures engagées dans la révolution.

Comité Organisateur de la Rencontre régionale, Valencia, le 24 avril 2004.

 14/GAUCHE LATINO-AMERICAINE

Chato Peredo et ses trois frères.

Par Maurizio Mateuzzi, il manifesto du 11 Juin 2004

Traduction de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Donné pour mort et enterré une infinité de fois, le Che est plus vivant que jamais. Et pas seulement dans l’icône que Cuba a même de trop embaumée. La célèbre photo où il regarde au loin, vers l’avenir, est un des rares posters -peut-être le seul réflexion faite- qui a résisté indemne sur les murs des familles, passant de la génération des soixante-huitards à celles très éloignées de leurs fils et petits-fils. Peu importe que la chanson de Carlos Puebla (« Aqui se queda la clara/ la entrañable transparencia/ de tu querida presencia/ comandante Che Guevara/.../hasta siempre comandante ») et la photo de Alberto Korda, soient entendue et vue de façon très différentes voire opposées. Le « guerillero heroico », le Christ laïc, le marxiste-léniniste dur, l’idéaliste perdu, l’Icare éternel, le plus beau visage d’une idéologie ratée, simplement un cliché pour un T-shirt, « l’homme qui écrivait ce qu’il pensait et faisait ce qu’il écrivait » de Eduardo Galeano, ou le « masochiste voué au suicide et au sacrifice » du vieux (et pathétique) Régis Debray. Le Che est plus vivant que jamais et pas seulement parce qu’il roule avec son ami Alberto Granado sur la Norton minable et (peu) poussiéreuse dans les superbes images du film de Walker Salles et du documentaire de Gianni Minà . Il est indestructible parce qu’il a été - il est- l’image de l’idéal et de l’éthique contre la (réal)politique. De la rébellion contre l’injustice. De ce fait, sans rhétorique, il est éternel.

Les frères Peredo, boliviens et révolutionnaires de profession, l’ont bien connu, le Che Guevara. Coco et Inti étaient avec lui dans les montagnes boliviennes. Et ils furent tués en Bolivie. Le plus jeune, le docteur Osvaldo Peredo, dit Chato, diplômé en chirurgie à Moscou, chercha à en recueillir des témoignages en essayant de « retourner dans les montagnes » ; il a bon pied bon oeil, toujours en première ligne à 63 ans dans les luttes politiques âpres de la Bolivie (il milite dans les rangs du Mas, le Movimiento al socialismo conduit par Evo Morales, et on parle de lui comme prochain maire de La Paz ) et il ne pourrait en être autrement , pour un guévariste irrémédiable des mouvements populaires d’Amérique latine et du monde. Inti est enterré en Bolivie, dans le Beni, dans une ferme de la famille Peredo (« parce qu’on ne voulait pas que sa tombe devienne un lieu de pèlerinage et de culte »), même si lui, Chato, aurait préféré l’amener à Cuba. Mais ce sont les enfants d’ Inti qui ont décidé, parmi lesquels le neurochirurgien diplômé à Cuba et habitant en Suède, qui a récemment opéré Gladys Marin, secrétaire générale du PC chilien, d’une tumeur au cerveau. Coco a une place d’honneur dans le mausolée qui abrite les restes du Che, à Santa Clara.

Chato, qui sont les frères Peredo ?

Une famille qui a une vieille tradition politique : arrières grand parents, grands-parents, mon père. En 1950, quand le Parti communiste a été fondé en Bolivie, mon frère aîné Antoine, qui avait alors13 ou 14 ans seulement, fut parmi les fondateurs dans la région du Beni, où nous vivions. Aux élections de 2002, il a été candidat à la vice présidence avec Evo Morales et aujourd’hui il dirige le groupe du Mas au Parlement à La Paz. En 67 mes deux frères Inti et Coco entrèrent dans la guérilla du Che à Nancahuazù. Coco a été tué le 26 décembre, juste quelques jours avant le Che. Inti fut un des cinq survivants et avec Dario, un mineur bolivien, il accompagna trois cubains jusqu’à la Cordillera pour les faire passer de l’autre côté, au Chili. Eux deux par contre restèrent en Bolivie pour réorganiser l’Armée de libération nationale, l’Eln. « Volveremos a las montanas », disait-il.. Deux ans après, en septembre 69, Inti aussi a été tué par les forces de la répression, à La Paz. A ce moment là , nous n’étions plus que 13. Moi je travaillais déjà à la réorganisation de l’Eln. On m’a choisi comme dirigeant et, comme nous l’avait dit Inti, « nous retournâmes en montagne », à la guérilla. Moi je dirigeais un groupe de 67 combattants qui opérait dans le Teoponte, une région au nord de La Paz., dans le haut Beni.

Quel âge avais-tu à ce moment là  ?

Aujourd’hui j’ai 63 ans, à l’époque j’en avais 28. Antonio est l’aîné, ensuite il y a ma soeur Cathy qui vit aux Etats-Unis et avec qui nous n’avons pas d’affinités politiques, puis il y a Inti, Coco et moi qui suis le dernier. Mais les différences d’âge entre nous étaient très petites parce que ma mère, la pauvre, était une véritable fabrique de gosses (ndt : la mère, pas le père...). Mon père Romulo était journaliste et avocat à Cochabamba, et il fut même sénateur pour un parti de droite. C’était un homme de droite mais très ouvert, qui transmit toujours à ses enfants une pensée autonome et critique. Une relation très belle, avec notre père. Il comprit, lui, notre choix d’aller à gauche. Et aux dernières élections où il a participé, il a voté communiste.

« Volvimos a las montanas » : vous êtes retournés mais vous avez été battus rapidement... Comment cela a-t-il fini ?

De 67 on s’est retrouvés à 8. Neuf morts au combat, huit survivants, les autres fusillés par l’armée. Moi j’avais été capturé avant, pendant qu’on était allés chercher de la nourriture avec un autre.

Combien d’années es-tu resté en prison ?

J’ai été détenu dans une caserne qui avait été construite exprès pour Régis Debray, dans le Haut de La Paz. Au lieu de Debray c’est moi qui ai inauguré la prison.

Quelle appréciation as-tu de Debray, après tout ce temps ?

Des rencontres et des conversations qu’on a eues, il m’a toujours donné l’impression de quelqu’un de très faible face à l’ennemi.

Crois-tu que ce soit lui qui a livré le Che ?

Moi je crois que oui. Inti, après être sorti de Nancahuazù, m’a raconté une nuit que quand Debray a été capturé, ils étaient en train d’écouter la radio, en montagne. Et le Che a entendu l’autodéfense de Debray, une plaidoirie brillante. Le Che qui avait des cahiers sur lesquels il notait une appréciation pour chacun des guérilleros, a déchiré une page de ce cahier et a dit : « le gringo a essayé de sauver sa peau ».

Après ta sortie de prison, qu’est-il arrivé ?

Je suis resté un mois en prison et après ils nous ont exilé en même temps que les autres camarades survivants : nous sommes arrivés au Chili le jour même où Allende prenait ses fonctions de président, le 4 novembre 1970. Les étudiants chiliens nous ont reçu à Arica et Allende nous a envoyé l’avion présidentiel pour nous amener à Santiago. On était huit, cinq boliviens et trois chiliens.

Après quoi tu as été arrêté d’autres fois ?

Et comment. Deux autres fois. La dernière ce fut en 87 en pleine démocratie. C’était quand le président Paz Estenssoro a lancé le processus néo libéral en Bolivie et privatisé les mines d’étain. Ils m’ont arrêté en disant que j’étais en train d’organiser la guérilla. Faux. Ils voulaient un prétexte pour la répression de la lutte des mineurs. Je suis resté en prison un peu plus de deux ans.

Quel rapport as-tu eu avec le Che ?

Je l’ai vu la première fois quand il était de passage à Madrid pour aller en Algérie, à une réunion de la Tricontinental. Ensuite je l’ai revu à Moscou, où je faisais mes études de médecine, lui il allait à Pékin. La dernière fois c’est quand il a refait étape à Moscou de retour de Chine, dans une réunion très restreinte de latino-américains.

Utopique, symbolique, plein de forces : avec lequel de ces trois adjectifs définirais-tu le Che ?

Tous les trois. Utopique parce que pour beaucoup l’utopie est ce qu’on n’a pas encore fait, mais qui n’est pas irréalisable. Mythique, parce que le Che continue à être quelque chose d’inatteignable pour beaucoup de gens, quelque chose qui irradie. Et plein de forces, parce que les luttes du peuple bolivien, pour donner un exemple, prennent leur inspiration de tout ce que pensait le Che, dans tout ce réservoir d’idées et d’actions qui va de Bolivar au Che. Le Che est le premier marxiste-léniniste en Amérique Latine qui appelle à une convergence des forces pour faire la révolution. Chose que les PC n’avaient jamais fait et se gardaient bien de faire même si ils s’attribuaient le titre de révolutionnaires. Le Che avec cette phrase si simple en apparence : le devoir des révolutionnaires est de faire la révolution, ouvre au lieu de fermer. C’est à partir du Che que beaucoup de chrétiens s’unirent au processus révolutionnaire. Ca c’est déjà extraordinaire. Mais au-delà de ça, le Che avait prévu quelque chose que de nombreux théoriciens de la révolution ne furent pas capables de prévoir : la présence et la participation centrale des indiens. Les indiens qui sont le facteur fondamental, par exemple, des luttes actuelles en Bolivie et pas seulement là . L’unique possibilité qu’il y ait un changement radical en Bolivie, mais je dirais même pour toute l’humanité, est la présence et la participation des indiens qui sont les seuls à comprendre à fond la signification de la lutte pour la vie. Ils sont les meilleurs interprètes de la lutte pour la vie contre la culture de la mort qu’est le néo libéralisme.

Le Che peut-il être comparé à Bolivar ?

Oui, le Che est le nouveau Bolivar de l’Amérique Latine.

Après le discours d’Alger, la crise des missiles et l’alliance de Cuba et de l’URSS, beaucoup ont cru que Fidel avait voulu de quelque manière se débarrasser du Che, en favorisant son départ...

Pour moi il suffit de lire les écrits du Che, des premiers quand il avait 17 ans jusqu’aux derniers, la lettre d’adieu à Cuba, le journal en Bolivie. Je crois que le Che ne voulait plus rester à Cuba et que son objectif était de porter, tôt ou tard, la révolution en Argentine.

Tu ne crois pas donc à une manoeuvre de Fidel pour se défaire du Che ?

Non, et ça pas pour défendre Fidel ou le Che, à tout prix. Fidel n’aurait pas cédé à l’ordre des soviétiques malgré le blocus américain ou les liens avec l’Urss.

Cuba a-t-il encore quelque chose à offrir, au-delà de l’exemple de résistance et de dignité face à l’arrogance de l’empire ?

Cuba a aussi autre chose à offrir : l’éducation, la santé...

Et aussi un modèle politique ?

Si seulement il y avait beaucoup d’autres Cuba en Amérique Latine ! Pas dans le sens d’exporter ce modèle. Le Che le disait déjà  : chaque processus est exceptionnel à sa manière.

Qu’arrivera-t-il à Cuba quand Fidel ne sera plus là  ?

Ce sera une grande perte, non seulement pour toute l’Amérique latine mais pour le monde entier, parce que Fidel est celui qui s’est battu contre l’impérialisme sur tous les terrains, y compris le terrain idéologique. Mais je crois que la révolution cubaine est désormais irréversible et que le processus révolutionnaire continuera.

Donc, tu ne vois pas de danger d’une « libération » prochaine de Cuba, que chaque nouveau président Us annonce ?

Je crois plutôt au processus de libération du peuple nord-américain. Qui sera long et difficile. Mais pas plus que de renverser la révolution cubaine.

Le vénézuélien Chavez peut-il être l’héritier politique de Fidel en Amérique Latine ?

Voilà comment je répondrai : je me trouvais à Buenos Aires, en mai dernier, quand Kirchner a été investi à la présidence. Dans ces occasions la star c’est toujours Fidel et les journalistes et cameramen sont généralement tous autour de lui. Bon, à un moment Chavez est entré dans la salle et Fidel, en se tournant vers les journalistes, a dit : attention, cadrez sur lui parce que moi je suis l’histoire (ndt : !!), lui c’est l’avenir.

Lula et la démocratie représentative ne sont-ils pas une l’alternative, à gauche, de Fidel et du modèle cubain ?

Non. Lula est un leader qui doit répondre à des circonstances bien précises au Brésil. Et puis je ne le vois pas comme une référence pour toute la gauche. Je considère davantage Chavez comme une référence pour la gauche latino américaine.

Et en Bolivie, après Carlos Mesa est-ce que ce sera le tour de Evo Moralès ?

Si on arrive à aller jusqu’aux élections de 2007, oui.

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 REVUES

Contre Temps (directeur Daniel Bensaïd) consacre son n°10 de mai 2004 à l’Amérique latine : "L’Amérique latine rebelle contre l’ordre impérial" . Avec de nombreuses contributions. Editeur : Textuel 48 rue Vivienne 75002 Paris.

Problèmes d’Amérique Latine N° 52 printemps 2004, consacré au Brésil : Lula et la diversification de la société brésilienne, dossier présenté par Dominique Vidal, avec notamment une analyse des actions et bilans du gouvernement Lula, par Stéphane Monclaire, une étude sur les Indiens et l’Etat au Brésil, par Bruce Albert, anthropologue à l’IRD de Sao Paulo.

16 rue de la Grange Batelière 75009 Paris.

Courriel : pal@choiseul.info. Site : www.choiseul.info

 LIVRE

CUBA EST UNE ILE. La chute de l’empire Soviétique en 1989 aura marqué le début des analyses péremptoires sous forme d’épitaphes autour de "la chute imminente d’un régime communiste agonisant" . Mais même l’observateur le plus tenace finit par se demander : "Et Cuba, alors, ça vient ? Qu’est-ce qui se passe à Cuba ?" . Bonne question. Car, à Cuba, il s’en passe des choses justement. La Révolution Cubaine de 1959 serait donc au bout du rouleau, épuisée, carrément démodée. Voire. Dire que Cuba a vécu, depuis la disparition du bloc soviétique et de virtuellement tous ses marchés commerciaux, une grave crise économique est pour le moins un euphémisme. Car le choc subi par Cuba depuis 1989 est d’une ampleur telle que tout autre pays, soumis à des conditions similaires, se serait vu littéralement emporté par la tourmente. Quelques images sur des émeutes de la faim auraient complété un tableau planétaire désormais familier. Mais nous sommes en 2004, et il s’agit de Cuba. Inflexible devant les agressions et les menaces permanentes de son puissant voisin, et avec une tranquillité qui frise l’outrecuidance, Cuba réagi à la situation en lançant, non pas une, mais plusieurs révolutions dans la Révolution : révolution économique, révolution industrielle, révolution agricole à contre-courant de la pensée unique, Cuba en digne héritière de Bolivar et Marti, délivre aux autres pays du tiers-monde, et donc aux pays occidentaux, une véritable leçon de résistance et de savoir-faire, un magistral cours de marxisme léninisme appliqué et d’alter-mondialisation pratique. Si Cuba n’est pas un modèle, il n’en demeure pas moins qu’elle représente une sacrée exception. En effet, braves gens, dans cet océan de tumultes, d’incertitudes et d’injustices qu’est devenu le Nouvel Ordre Mondial, Cuba est une île.

Les auteurs : Danielle Bleitrach, sociologue, écrivain. Viktor Dedaj, journaliste indépendant, militant de la solidarité avec l’Amérique latine. Avec la participation de J.F. Bonaldi, écrivain, vivant à Cuba depuis plus de trente ans.

Parution prévue en juillet 2004.

Editeur : Le Temps des Cerises, 6 avenue Edouard Vaillant 93500 Pantin- tél : 01 49 42 99 11 -courriel : le-temps-des-cerises@wanadoo.fr.

 FILMS

CINE ARGENTIN. Du 7 au 17 juin, auditorium de l’Institut Cervantès, 7 rue Quentin Bauchart Paris 8ème, Quinzaine du Cinéma argentin. Projections et tables-rondes (tél : 01 40 70 92 92).

VENEZUELA. A voir ou revoir, si l’opportunité se présente, le film "La révolution ne sera pas télévisée" de Kim Bartley et Donnacha O’ Brien. Ce document est d’une actualité brûlante dans la situation exceptionnelle que connaît le Venezuela.

La révolution sera-t-elle télévisée ?

Par Vincent Larouche

On croirait presque assister à une fiction tant le tout est bien ficelé, avec un personnage principal charismatique, de vils opposants et plusieurs rebondissements. Pourtant, The Revolution Will Not Be Televised ne nous présente que la réalité : le premier coup d’État latino-américain du 21e siècle, et le premier coup d’État médiatique du monde.

Les scénaristes Kim Bartley et Donnacha O Briain qui suivaient le président vénézuélien Hugo Chavez depuis des mois étaient à ses côtés lors du putsch organisé par la patronat et les médias en collaboration avec la CIA en avril 2002. Caméra à l’épaule, ils nous permettent de suivre en direct les derniers moments de Chavez avant qu’il se livre à ses ennemis pour éviter un bain de sang, mais aussi son retour triomphal après un soulèvement du peuple et d’une partie de l’armée.

Banni de plusieurs festivals à travers le monde pour son contenu « controversé », The Revolution Will Not Be Televised permet aussi de bien saisir la situation politique au Venezuela. Le film nous montre la véritable relation d’amour qui existe entre les 80 % de pauvres et leur président. Ce sont ces mêmes gens qui prendront la rue par dizaines de milliers après le remplacement de Chavez par le patron des patrons, Pedro Carmona, et qui forceront le départ de ce dernier en exil à Miami.

Dans un souci de parité, les documentaristes donnent aussi la parole aux opposants de Chavez, formés majoritairement des 20 % de la population plus aisée. On peut y voir des bourgeois sous leur jour le plus hideux, refusant que Chavez donne le pouvoir à des pauvres « sans valeurs et sans éducation ».

Et s’il y a bien quelque chose qui frappe dans le film, c’est le niveau d’éducation des habitants des taudis, auxquels Chavez a demandé de lire le plus possible. Ils citent allègrement n’importe quel article de leur fameuse « constitution bolivarienne », et expliquent les rouages de la politique locale aux étrangers, comme nous, qui sommes loin de saisir tout ce qui se trame dans ce Venezuela nouveau.

The Revolution Will Not Be Televised, un film de Kim Bartley et de Donnacha O Briain

Source : www.lautjournal.info N° 225 - janvier 2004

 PROCHAINS NUMEROS

Nous suivrons de près cet été les événements du Venezuela avec la bataille du référendum révocatoire, annoncé pour le 15 août. Colin Powell s’est réjouit à l’annonce de ce référendum en faveur duquel les "bons offices" de l’ancien président Carter ont été déterminants. Carter et l’OEA tiennent manifestement une place de premier plan dans la phase actuelle de la tentative de liquidation de l’expérience en cours. Une fois de plus la mobilisation du peuple et des travailleurs, des collines qui soutiennent Chavez, sera le facteur décisif. Nos bulletins de juillet et août leur seront largement consacrés.

Le Forum Social des Amériques, qui se tiendra à Quito du 25 au 30 juillet 2004, sera un autre grand moment de l’été.

Enfin, l’extrême agressivité actuelle de Washington à l’égard de Cuba, au point que selon des sources fiables une intervention directe ne peut être exclue, suscite toute notre vigilance et notre solidarité.

* * *

Ce qu’il n’a pas accompli ne l’est toujours pas aujourd’hui : Bolivar a encore beaucoup à faire en Amérique (José Marti).

Pour contacter Révolution Bolivarienne : bolivarinfos@yahoo.fr.

Les propos publiés dans nos bulletins n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Reproduction libre en mentionnant les sources.

[1Cent Bouteilles sur un mur, traduit de l’espagnol (Cuba) par François Maspero, éd. du Seuil, 320 p., 20 €.

[2Elle vise à sanctionner toute personne entretenant des relations commerciales avec Cuba, quelle que soit sa nationalité.

[3Jim Cason et David Brooks, "Le Pentagone découvre une nouvelle menace en
Amérique latine : le populisme radical", La Jornada, Mexico, 29 mars 2004.

[4Superavit : ce qui reste de la récolte fiscale, pour le paiement de la dette publique.

[5Collaborateur de José Dirceu, ministre du Palais de la République, mêlé à des affaires de pot-de-vin aux patrons des maisons de jeux de hasard.

[6La National Endowment for Democracy (Fondation Nationale pour la Démocratie) est un organisme financé par le Congrès des EU, et Sumate est une organisation vénézuélienne de l’opposition, qui a notamment coordonné la collecte des signatures pour le référendum révocatoire.

[7La guarimba est un mot du dialecte indigène qui signifie territoire. Le terme est entendu ici dans un sens politique. La guarimba est conçue dans la stratégie de l’opposition comme une forme de désobéissance citoyenne organisée dans les quartiers bourgeois visant à la paralysie totale du pays contre le gouvernement Chavez dénoncé comme le "castro-communisme" .

[8(3) Stratford Intelligence : cet organisme fondé en 1996 à Austin, Texas, leader mondial du renseignement stratégique au service des multinationales et des dirigeants occidentaux, est une sorte de CIA privée.

[9COPEI = Comité d’organisation politique des électeurs indépendants (N.d.T.)

[10Petroleos de Venezuela SA, la compagnie pétrolière d’état du Venezuela (N.d.T.)


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Il n’y a pas de pays musulman plus intégriste que l’Arabie Saoudite (...) et pourtant c’est à la fois un ami et un pays important pour les Etats-Unis. (...) Nous ne devons nous opposer à l’intégrisme que dans la mesure exacte où nos intérêts nationaux l’exigent.

James Baker
Ministre des Affaires Etrangères des Etats-Unis, 1996

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