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Sarkozy ou la pornographie médiatique.


15 juillet 2005


Disons tout de suite que Sarkozy a toute chance de se
rammasser une gamelle, et ce pour deux raisons :

- Le peuple français a du bon sens et il contemple déjà avec
suspicion cet agité du bocal. L’idée d’avoir comme Président un excité
pareil ne le séduira pas.

- C’est le chou chou des médias, ce qui est tout de même la
meilleur garantie d’impopularité. [1]

Mais au delà de ces deux remarques, tentons d’analyser "le
système".

Dans un excellent livre que je vous recommande "Punir les
pauvres"
 [2] , Loïc Wacquant note que la problématique sécuritaire initiée aux
États-Unis s’apparente étroitement à la pornographie : "Tout d’abord,
elle est conçue et executée non pas pour elle-même mais dans le but exprès
d’être exhibée et vue, scrutée, reluquée : il s’agit en priorité absolue de
faire du spectacle, au sens propre du terme. Pour cela, la parole et
l’action sécuritaire doivent être méthodiquement mises en scène,
exagérées, dramatiquement ritualisées mêmes".(p.11)

Récemment j’entendais un metteur en scène expliquer la
difficulté de tourner des scènes d’amour, il disait : "on fait se rencontrer
deux individus qui ne s’aiment pas, n’éprouvent rien l’un pour
l’autre et il faut construire entre eux des émotions, du sentiment, du
plaisir, du désir. Il y a le métier de l’acteur mais aussi celui du metteur en
scène." Dans le film pornographique, on fait l’économie de ce travail et les
ébats charnels obéissent à des codes économiques susceptibles de déclancher
l’érection du spectateur, avec des rituels extraordinairement répétitifs,
mécaniques. Qui s’intéresse à ce qui se construit entre les acteurs ? La
priorité absolue est le spectacle.

En contemplant jusqu’à saturation dans les chaînes de télévision, dans les
hebdos, le spectacle sarkozien, on ne peut qu’être frappé par
l’unité du système. La pornographie est celle du "sécuritaire", il
fontionne à un rythme saccadé avec des figures obligatoires et des
partenaires identiques : la police opère des saisies de stupéfiants, fait des rondes
dans des quartiers mal famés, et Sarkozy arrive tel Zorro pour
affronter les jeunes des banlieues généralement basanés. Il vient faire le ménages
des détritus sociaux qui encombrent notre belle France. Le fond en est
d’abstraire la question de la délinquance de la question sociale, "un miroir
déformant jusqu’au grotesque" de la criminalité comme de la relation
amoureuse.

Mais Sarkozy est lui-même entré dans un rituel, il s’identifie totalement,
mécaniquement comme un agité compulsif avec le rite qu’il
incarne, à la manière dont l’acteur de porno doit avoir un sexe démesuré. [3]

Il ne s’agit pas de résoudre les problèmes sociaux mais bien d’isoler le
problème du délinquant pour montrer qu’on en a. Même sa rivalité avec
J.Chirac fonctionne sur le même modèle, le vieux ne peut plus alors que
moi je suis capable de faire jouir la France [4] . Et pour bien marquer
l’identification, un hebdomadaire nous prévient que Sarkozy s’est donné un triple
objectif, nettoyer la France, écarter le président et reconquérir son
épouse, on ne fait pas dans la dentelle.

Car l’adéquation pornographique entre Sarkozy, le sécuritaire,
le politicien est celle des médias. Si Sarkozy est le chouchou
des médias c’est peut-être parce que ces mêmes médias ont une conception
commerciale de plus en plus pornographique de l’information et du
politique. Comme on vous colle une femme à poil, au bord de l’extase, pour vendre
à peu près n’importe quoi, les médias ont reconnu en Sarkozy le
pornographique politicien qui s’adresse au-dessous de la ceinture du
spectateur. La pornographie ça fait vendre et on n’est pas regardant sur la
une. Et si la France dit NON au club de libre échangisme dans lequel on
l’invite, les rédactions en chef espèrent bien que la vedette du X saura
mettre au pas cette France "frustrée" et saura lui flanquer quelques gnons
sur le code du travail pour lui apprendre à être plus ouverte, plus in.

Sarkozy agit pour provoquer le réflexe conditionné du téléspectateur et les
médias nous répétent les mêmes images de Sarko allant affronter les jeunes
des banlieues. Pour provoquer la jouissance du téléspectateur
que l’on a convaincu que le barbare était sur le palier d’en face.

Danielle Bleitrach


Danielle Bleitrach vient de publier avec Viktor Dedaj et Maxime Vivas Les États-Unis DE MAL EMPIRE - Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud, septembre 2005, Aden.



Les intégristes libéraux, le « contrat nouvelle embauche » et l’explosion qui vient, par Gérard Filoche.


Comment le Monde vient à Sarkozy : petit exercice de sarkoflatterie ordinaire, par Antonio Molfese.


 Lire aussi de Danielle Bleitrach :

- Pour un droit à l’information.

- Les barbares et les civilisés : Comment peut-on être Chiite ?

- Les enseignements d’une émission détestable

- Le NON n’ est pas un vote de gauche, c’est un vote de classe ...

- Référendum : Les leçons d’un srutin.

- Censure et Empire, Dieudonné et l’usage de l’"antisémitisme", par Diana Johnstone et réponse de Danielle Bleitrach.



[1On aura noté la touchante unanimité avec laquelle est
stigmatisé le discours de jacques Chirac du 14 juillet, alors
que "Sarko" pour lequel, ces mêmes médias qui ont les yeux de
Chimène peut dire à peu près n’importe quoi à la réunion des
ministres de l’Intérieur européens, sans provoquer la moindre
critique des mêmes. On
s’interroge sur la nature de telles sympathies pour cet espèce
de Joe Dalton, qui veut simplement être calife à la place du
calife, l’expression crue du désir de pouvoir pour le pouvoir
qui devient pour les médias "l’art de parler vrai". Le pouvoir
est lui aussi devenu un code de bande dessiné.

[2Loïc Waquant "Punir les pauvres. le nouveau gouvernement
de l’insécurité sociale."
Agone. 2004.

[3Fantasme purement masculin qui n’a qu’un faible intérêt pour la population féminine, mais comme dans la pornographie la
question n’est pas la satisfaction réelle de la partenaire, mais le spectacle, le
code est imposé.

[4Si l’on veut filer la métaphore on peut souligner que Jacques
Chirac comme beaucoup de présidents français fonctionne dans le
style vieux beau, amateur de femmes et gourmand, et il fait
appel au "Bachelor" matiné de grand siècle, Dominique de
Villepin. Ces modèles de séduction font d’ailleurs partie, si
on entend bien le discours "unanime" des médias qui ne cessent
de déplorer une France en perte de vitesse, qui refuse de
s’adapter, Chirac ne séduit plus il ne reste plus que Sarko.
Tout est bon pour une telle démonstration : la victoire du NON,
l’échec des jeux olympiques.Tout pour éviter une réflexion
sur une alternative politique qui sorte du champ de la
pornographie médiatique. Il n’y a aucun espace pour un
véritable débat politique et malheureusement beaucoup
représentants de gauche sont convaincus que pour "exister", ils
doivent entrer dans ce jeu médiatique et en accepter les règles
les plus déshonorantes. Le constat alors est simple "Nul
n’arrive à la cheville de Sarkozy !" La boucle est bouclée le
petit monde politico-médiatique a produit son héros. Quitte à 
prendre une claque gigantesque aux élections. Comme le OUI,
comme Roccard, Balladur et autres Kouchner.


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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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