Les scandales financiers et les affaires de corruption qui mettent en cause la plupart des membres du gouvernement contrastent tristement avec la politique de rigueur et d’austérité sans précédent que ce même gouvernement impose aux classes populaires. Au moment où l’on exige de la population des sacrifices de plus en plus lourds, au moment où les chômeurs et les précaires se comptent par millions, les représentants de la bourgeoisie, eux, se permettent de se servir abondamment dans les caisses de l’État et jouissent d’innombrables privilèges. La liste des ministres impliqués dans des affaires est longue : des 9 500 euros mensuels de Christine Boutin pour une obscure mission sur la mondialisation, aux 12 000 euros des cigares de Christian Blanc en passant par les hôtels particuliers du ministre de l’industrie Christian Estrosi ou les 116 500 euros d’Alain Joyandet pour un aller/retour à la Martinique sans parler de son permis illégal pour agrandir sa maison près de Saint-Tropez. Et on va taire par pudeur l’affaire Karachi qui a coûté la vie à 14 personnes. Il ne s’agit là bien évidemment que de quelques exemples qui ne doivent pas cacher le caractère récurrent et structurel de la corruption de la classe dirigeante. Car les scandales financiers, corruption, privilèges et autres affaires, comme celle d’Eric Worth, sont intimement liés au fonctionnement même du système capitaliste qui les produit et reproduit de manière permanente.
« Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière » (1). L’État n’est donc pas au service de tous, mais sert seulement les intérêts privés de quelques uns. La police, la justice, les préfets, les députés, les ministres etc. ne sont pas les représentants de toute la société. Le président de la République n’est pas le président de tous les français.
Le président gère l’Etat contre l’intérêt général au profit de l’intérêt particulier, celui de la classe dominante. Et plus il sert les intérêts de la bourgeoisie, plus il s’éloigne de ceux des classes populaires.
La corruption, elle aussi, remplace l’intérêt public par l’intérêt privé. Elle efface les frontières entre les deniers publics et les revenus privés. Les hommes et les femmes politiques sans scrupules peuvent ainsi se servir, avec un sentiment total d’impunité, dans les caisses de l’État comme s’il s’agissait de leur propre patrimoine ! La corruption nie et méprise le principe de transparence et permet à une seule et même classe sociale, par le biais de l’État, d’accéder d’une manière occulte et illégale aux ressources publiques.
Le scandale Liliane Bettencourt, la femme la plus riche de France, illustre d’une manière éloquente cette proximité et cette confusion des intérêts de la grande bourgeoisie et du gouvernement. Celui-ci doit être au service de celle là . L’ex- ministre du budget, Eric Woerth, est soupçonné, via sa femme qui gère les dividendes de la milliardaire, de conflit d’intérêt. Mme Bettencourt avoue de son côté posséder des comptes à l’étranger et toute une île aux Seychelles non déclarés au fisc. Elle a promis, toutefois, de régulariser cette situation.
L’épouse d’Eric Worth a été obligée de quitter son poste, mais le ministre aujourd’hui du travail, lui, n’a pas démissionné.
Eric Worth est soupçonné également d’entretenir les mêmes relations avec Robert Peugeot, l’héritier de la grande famille bourgeoise du même nom. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient mutuellement. Eric Worth a même décoré Robert Peugeot de la Légion d’honneur comme il a remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Patrice de Maistre le gestionnaire de la fortune de Bettencourt ! Qu’elle est jolie la république bourgeoise !
Sarkozy voyant que les affaires prennent de l’ampleur, annonce d’une manière solennelle qu’il allait réduire le train de vie de ses ministres (mais pas ses propres privilèges), reconnaissant implicitement par là l’existence de ces affaires !
Plusieurs personnalités du monde politique et économique très proches du pouvoir comme Valérie Pécresse, François Pérol l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée et intime des grands patrons français, le multimillionnaire Stéphane Richard ami de Sarkozy ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde et Directeur Général de France Télécom seraient, à un titre ou à un autre, impliqués dans des affaires.
Précisons que Stéphane Richard qui a subi un redressement fiscal en 2007 est décoré lui aussi de la Légion d’honneur.
La collusion des intérêts du capital et ceux de l’État trouve ici son expression la plus éclatante : Le pouvoir politique met l’État et notamment son appareil judiciaire à la disposition du pouvoir économique qui, en échange, finance entre autres ses campagnes électorales. Eric Worth est le trésorier de l’UMP et le financier du système Sarkozy.
C’est lui qui est chargé de récolter les fonds auprès des grosses fortunes au profit du président de la République. On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi Sarkozy tient absolument à soutenir « totalement et complétement » son ministre du travail et pourquoi il désire que Liliane Bettencourt reste en France :« Je ne veux pas qu’elle foute le camp en Suisse » disait-il.
Rappelons tout de même que c’est ce même ministre qui mène, au nom du gouvernement et donc de la bourgeoisie, la bataille de la destruction du système de retraite par répartition. Lui, le bourgeois, qui vit dans l’opulence, exige des salariés de travailler toujours plus pour une pension de misère !
Et c’est ce même gouvernement qui tolère que des milliers de familles bourgeoises « très patriotes », dont il possède la liste, planquent scandaleusement leur magot à l’étranger pour échapper au fisc.
Les intérêts de l’État, donc d’une infime minorité, sont incompatibles avec ceux de l’immense majorité de la population.
Tous les gouvernements bourgeois, avec des différences de degré et non d’essence, sont corrompus. Mais sous le régime de Sarkozy, les affaires fleurissent et se banalisent plus facilement. C’est que Sarkozy aime l’argent, le luxe, l’apparat, le cérémonial et n’hésite pas à étaler ostensiblement, dans une république affaiblie, les fastes d’un pouvoir quasi monarchique. Sa fascination pour les riches n’a d’égale que son mépris pour les pauvres.
En avril 2007, Nicolas Sarkozy avait promis une « République irréprochable », une « démocratie moderne qui sera exemplaire au regard du monde ». Aujourd’hui, sa république est corrompue, sa démocratie est totalement livrée au capital, aux parasites spéculateurs en tout genre qui la violent chaque jour. Et on va taire la réputation de la France sous le régime de Sarkozy dans le monde. Triste fin de règne !
On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe.
In fine, le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.
Mohamed Belaali
(1) K. Marx et F. Engels « Manifeste du parti communiste ». Éditions en
langues étrangères. Pekin, page 35.