« L’État est une machine qui permet aux uns de réprimer les autres ». Lénine.
Selon le Ministère de l’intérieur, il y a eu depuis la révolte populaire des Gilets jaunes, 1 900 blessés, 8 400 interpellations, 1 800 condamnations, 243 signalements déposés à l’IGPN, 133 enquêtes de l’IGPN, 9 228 tirs de LBD et 1 300 blessés parmi les forces de l’ordre (1).
Derrière ces chiffres bruts se cache une réalité humaine dramatique : une femme de quatre vingts ans tuée par une grenade lacrymogène à Marseille, 20 éborgnés, 5 mains arrachées, 193 blessures à la tête, 446 signalements etc. etc. (2). D’autres victimes viendront malheureusement allonger cette liste déjà longue tant que le Mouvement des Gilets jaunes poursuit son combat et sa résistance à la politique de classe menée par Macron. Précisons d’emblée que la police n’est qu’un instrument utilisé par la classe dirigeante pour asseoir sa domination. L’ordre bourgeois ne peut se maintenir sans l’utilisation de la force. Car la bourgeoisie a toujours besoin d’un appareil répressif pour garder sa domination et perpétuer ses privilèges. Cette machine qui produit la violence au service de la classe dominante, c’est l’État. La violence est au cœur de l’État bourgeois.
Aucune république, aucune monarchie même la plus démocratique, ne peut se passer de la violence pour maintenir la majorité de la population dans la soumission. L’existence du suffrage universel, du gouvernement, du parlement et de toutes les institutions qui gravitent autour de l’État ne change rien au fond du problème : l’État reste ce qu’il est réellement, un appareil qui réprime par la violence toute contestation de l’ordre établi. Il ne peut en être autrement dans une société de classes où l’État possède le monopole de la violence. L’État au service du peuple, de l’ordre public, de l’intérêt général etc. ne sont que des grossiers mensonges véhiculés par la classe dirigeante pour mieux justifier ses privilèges et sa domination. La répression exercée sur les Gilets jaunes et sur le mouvement social dans sa globalité montre bien que le rôle confié par l’État à la police est celui de briser toute contestation, toute résistance, aussi minime soit-elle, à l’ordre bourgeois. L’État est donc intimement lié à la société fondée sur la lutte des classes.
C’est dans ce cadre général qu’il faut situer la guerre que mène aujourd’hui l’État français contre la révolte populaire des Gilets jaunes. Leur combat a mis en pleine lumière, non seulement la brutalité de l’État, mais aussi les valeurs hypocrites de la république bourgeoise : État de droit, Droit de l’homme, liberté de manifester, de circuler etc. Et lorsque le conflit s’aiguise, la classe dirigeante n’a d’autres choix que d’utiliser la violence pour perpétuer sa domination. Plus la lutte perdure et prend de l’ampleur, plus la répression devient intense et brutale.Toute l’histoire des classes dominantes n’a été que férocité et cruauté exercées sur les dominés pour se maintenir au pouvoir. Voici comment Engels décrivait cette cruauté de la bourgeoisie versaillaise lors des derniers jours de la Commune :« Ce n’est qu’après une lutte de huit jours que les derniers défenseurs de la Commune succombèrent sur les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant, et c’est alors que le massacre des hommes, des femmes et des enfants sans défense, qui avait fait rage toute la semaine, et n’avait cessé de croître, atteignit son point culminant. Le fusil ne tuait plus assez vite, c’est par centaines que les vaincus furent exécutés à la mitrailleuse. Le Mur des fédérés, au cimetière du Père-Lachaise, où s’accomplit le dernier massacre en masse, est aujourd’hui encore debout, témoin à la fois muet et éloquent de la furie dont la classe dirigeante est capable dès que le prolétariat ose se dresser pour son droit » (3).
Aucune force, aucune institution ne peut arrêter ce déchaînement de violence. L’État français peut éborgner les manifestants, arracher leurs mains, défigurer leurs visages ou tout simplement les éliminer physiquement en totale impunité. La justice, l’ Inspection Générale de la Police Nationale, le Conseil d’État, le Défenseur des Droits (4), Amnesty International (5), l’ONU (6), le Parlement européen (7) et toutes les protestations, d’où qu’elles viennent, si elles sont utiles voire indispensables pour montrer ce visage hideux de la bourgeoisie et ouvrir les yeux de la population sur la vraie nature de l’État, demeurent insuffisantes pour arrêter cette violence de classe. Il ne faut pas se faire d’illusion sur le résultat final de ces dénonciations ; car elles s’attaquent aux conséquences et non aux racines du mal. Dans le capitalisme, la police n’est que l’un des bras armés de l’État dont la mission est d’assurer en permanence une répression de tout ce qui menace, de près ou de loin, l’ordre établi bourgeois.
Derrière la violence policière il y a l’État et derrière l’État il y a le capital. Il ne faut donc pas se borner à lutter seulement contre les effets du système qui produit cette violence mais à travailler en même temps au renversement du pouvoir du capital.
Mohamed Belaali