RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
12 

La révolte populaire des Gilets jaunes et les directions des partis politiques et syndicales

Une étrange situation caractérise la scène politique française. Au moment où la lutte des classes entre opprimés et oppresseurs fait rage, les syndicats et partis politiques de gauche semblent dépassés et assistent en spectateur à ce conflit ouvert. Pour l’instant ces organisations semblent incapables d’encadrer et d’orienter ce soulèvement populaire qui manque cruellement d’une direction consciente et déterminée capable d’unir un mouvement sans unité, de le guider pour mener un combat politique de classe contre classe.

Le Mouvement des Gilets jaunes, qui est né et s’est développé en dehors de toute organisation politique ou syndicale, est d’abord une révolte contre la situation économique et sociale désastreuse dans laquelle se trouve une large frange de la population. C’est une révolte contre cette politique de paupérisation ultra-libérale menée tambour battant par les gouvernements successifs. C’est un rejet massif non seulement de ces politiques, mais aussi du Président de la République serviteur zélé de la classe dominante. Il est un produit authentique de la lutte des classes qui secoue la société française aujourd’hui.

Mais le Mouvement des Gilets jaunes constitue aussi une contestation, un refus de l’immobilisme qui caractérise la plupart des directions politiques et syndicales de gauche, excepté, il faut bien le souligner, la France Insoumise et l’Union syndicale Solidaires (1). Le reste des forces de gauche donne l’impression d’être domestiqué par le capitalisme qu’il a cessé de combattre. Son « anticapitalisme », lorsqu’il existe, reste pour le moins superficiel et inoffensif. Le silence des grandes centrales syndicales peut être interprété comme un soutien indirect au pouvoir en place alors même que celui-ci est fragilisé par le combat des Gilets jaunes. Elles sont davantage préoccupées par les élections professionnelles dans les entreprises et dans la fonction publique que par la révolte des Gilets jaunes. Leur institutionnalisation les éloigne ainsi progressivement des préoccupations sociales et politiques de ceux qui subissent au jour le jour les affres du chômage et de la précarité. Dans un communiqué signé le 6 décembre 2018 par tous les syndicats, excepté Solidaires, elles vont jusqu’à condamner la violence dans les revendications sans jamais dénoncer les violences policières exercées sur les Gilets jaunes « nos organisations dénoncent toutes formes de violence dans l’expression des revendications » et le communiqué d’ajouter « La CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l’UNSA, la FSU appellent le gouvernement à garantir enfin de réelles négociations » (2).

La révolte des Gilets jaunes est en quelque sorte une remise en cause profonde des manières, des tactiques et des stratégies des partis politiques « spectateurs » pour affronter le pouvoir de la classe dirigeante. Dans ce sens on peut considérer le soulèvement des Gilets jaunes comme un appel urgent lancé aux partis et aux syndicats de gauche pour renouveler de fond en comble leur analyse de la situation politique, des structures du pouvoir, des rapports de force et de l’idéologie dominante intimement liée aux intérêts de la bourgeoisie. Car au fond, il ne s’agit pas seulement d’améliorer ou de gérer la brutalité et la barbarie de la société capitaliste, mais de l’abolir. Il ne s’agit pas seulement de mener un combat pour améliorer momentanément les conditions d’existence des travailleurs, des des salariés, bref de tous les exploités pour rendre la société capitaliste supportable, mais de lutter pour une nouvelle société. Car la tendance générale du capitalisme n’est pas d’améliorer les conditions de celles et ceux qui produisent la richesse, mais de les dégrader. 

L’histoire nous a toujours enseigné que la bourgeoisie ne renonce jamais à ses privilèges, qu’elle n’accorde jamais rien par générosité ou grandeur d’âme et qu’elle ne recule devant rien pour sauver ses intérêts. La guerre menée en ce moment contre les Gilet jaunes est un exemple on ne peut plus éloquent (3).

La bourgeoisie française brutalise, méprise et humilie ses propres citoyens tout en dénonçant en même temps les atteintes aux droits de l’homme ailleurs dans le monde ! Quel cynisme !

Si la force du Mouvement des Gilets jaunes, malgré ses défauts et ses contradictions, réside dans son existence et dans sa magnifique résistance (deux mois déjà) à la classe dirigeante, cela reste toutefois insuffisant pour permettre le bouleversement radical de la société capitaliste. Il ne peut le faire qu’en s’alliant avec la classe ouvrière, seule classe réellement révolutionnaire malgré le chômage de masse et la bureaucratie des directions des partis et syndicats qui se réclament d’elle.

La base des centrales syndicales et des partis politiques de gauche doit lutter contre ses propres directions pour lui imposer un plan de bataille unitaire avec les Gilets jaunes. C’est ce que font certaines Unions Départementales de la CGT qui appellent à manifester aux cotés des Gilets jaunes. C’est le cas de la CGT du Cher, de Paris, de la Charente-maritime, du Loiret, du Doubs, de Montbéliard etc (4). « Nous ne voulons cependant en aucun cas récupérer le mouvement. Nous sommes simplement reconnaissants envers les gilets jaunes, qui sont parvenus à éveiller et mobiliser une partie de la population, et nous voulons construire un rapport de confiance » disait Jean-Philippe Gadier, de la FSU 31 qui exprime à son tour « la volonté d’une convergence entre syndicats et le mouvement des gilets jaunes » (5).

Les initiatives à la base se multiplient et le boycott du « grand débat national » se généralise. Il faut partout amplifier ces initiatives unitaires. Le combat contre la bourgeoisie doit être mené partout, dans la rue, sur les ronds-points, dans les usines et sur tous les lieux de travail. La situation politique n’a jamais été aussi propice pour mener une offensive unitaire d’envergure contre la classe des exploiteurs.

Les forces de gauche qui se réclament de la classe ouvrière ainsi que leurs militants doivent toujours avoir présent à l’esprit, comme disait Lénine, l’exemple du « tribun populaire sachant réagir contre toute manifestation d’arbitraire et d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la classe ou la couche sociale qui ait à en souffrir, sachant coordonner tous ces faits en un tableau d’ensemble de la violence policière et de l’exploitation capitaliste, sachant profiter de la moindre occasion pour exposer devant tous ses convictions socialistes et ses revendications démocratiques, pour expliquer à tous et à chacun la valeur universelle de la lutte émancipatrice du prolétariat ». (6)

Mohamed Belaali

»» http://www.belaali.com/2019/01/la-r...

(1) https://solidaires.org/Manifester-en-masse-pour-faire-ceder-le-gouvernement

(2) https://www.force-ouvriere.fr/IMG/pdf/cp_-_force_ouvriere_-_declaration_des_os_6_decembre_2018_.pdf

(3) http://www.belaali.com/2018/12/la-guerre-contre-le-peuple.html

(4) http://www.ud18.cgt.fr/

(5) https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/toulouse-syndicats-appellent-manifester-gilets-jaunes-samedi-lors-venue-macron_20781738.html

(6) V.Lénine, « Que faire ». Editions sociales, éditions du progrès, page 135.


URL de cet article 34412
   
Rêves de droite : Défaire l’imaginaire sarkozyste
Mona CHOLLET
« Elle, je l’adore. D’abord, elle me rassure : elle ne dit jamais "nous", mais "moi". » Gilles Martin-Chauffier, « Fichez la paix à Paris Hilton », Paris-Match, 19 juillet 2007. En 2000, aux États-Unis, un sondage commandé par Time Magazine et CNN avait révélé que, lorsqu’on demandait aux gens s’ils pensaient faire partie du 1 % des Américains les plus riches, 19 % répondaient affirmativement, tandis que 20 % estimaient que ça ne saurait tarder. L’éditorialiste David (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]

Aimé Césaire

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.