« Petit miroir, ô ! mon bon miroir !
Quel est le système idéal ? »
Et le miroir répondait :
« Maître, vous êtes le système idéal. »
Alors, le Maître était comblé, car il savait que le miroir disait la vérité.
Mais, comme Il ne pouvait tolérer qu’on lui fît le moindre ombrage, qu’on le surpassât en attractivité, Le Maître demandait encore et toujours :
« Petit miroir, ô ! mon bon miroir !
Quel est le système idéal ? »
Un jour, le miroir lui répondit aussitôt :
« Maître, vous êtes le système idéal, ici.
Mais, dans une petite île, il est...
quelque chose de mille fois plus beau que Vous. »
Consterné, Le Maître devint livide de rage. La haine, l’envie, la jalousie ne firent que croître. Il n’eut plus de repos ni jour, ni nuit. Il fit venir ses chasseurs pour porter le coup fatal à cette Île aux Insoumis, à partir de ce lieu-dit des Cochons :
« Je ne veux plus l’avoir devant mes yeux ; là, vous la tuerez et m’apporterez foie, poumons comme preuve de l’exécution de mes ordres. »
Il est connu qu’il est parfois loin de la coupe aux lèvres : l’opération fut un grotesque fiasco. Le Maître pâlit de colère. Il songea derechef aux plus sûrs moyens d’anéantir l’ignoble concurrent.
Il y eut des tentatives de toute sorte pour lui faire rendre gorge. Mais, toutes se révélèrent de piteux échecs.
Il avait beau interroger :
« Petit miroir, ô ! mon bon miroir !
Quel est le système idéal ? »
Le miroir de répondre :
« Maître, vous êtes le système idéal, ici.
Mais, dans une petite île, il est quelque chose
de mille fois plus beau que Vous, et qui...
dispense son aide à quelques contrées. »
À l’ire succéda l’hubris.
En bon marchand, Il décréta l’embargo que chacun se devait de respecter. Mais, rien n’y fit.
Comme le Maître se voyait le ménager du Temps, Il ne pouvait ignorer que les Anciens avaient gravé : « Toutes blessent, la dernière tue » (1).
Enfin l’heure tant attendue arriva. Le Maître fut empli de joie quand on informa (2) de « La mort du Tyran ».
Le Maître et ses courtisans, tel un aréopage en liesse, interrogèrent d’une même voix :
« Petit miroir, ô ! mon bon miroir !
Quel est le système idéal ? »
Le miroir leur dit posément :
« Ici, vous êtes le système idéal.
Mais il demeure... un Idéal mille fois plus beau. »
« Personne »
et les frères Grimm
(1) « Vulnerant omnes, ultima necat », il s’agit des heures.
(2) Étymologie de « informer » : « façonner, former » (le Robert)
« Dans les poulaillers d’acajou,
Les belles basses-cours à bijoux,
On entend la conversation
D’la volaille qui fait l’opinion.
Qui disent :
’’On peut pas être gentils tout le temps.
On peut pas aimer tous les gens.
Y’a une sélection. C’est normal.
On lit pas tous le même journal, [...] »
(Alain Souchon, « Poulailler’s song »)