Si tu peux contempler la splendeur, le bombardement,
Et sans remords te remettre à l’ouvrage,
Ou voir supprimées cent vies, en une seule salve,
Sans éprouver le moindre attendrissement ;
Si tu peux être sérieux, sans voir le problème,
Si tu peux être humain, sans cesser d’être d’airain,
Et, suscitant la haine après avoir haï toi-même,
Te réjouir d’effacer cet Amalek contemporain ;
Si tu peux supporter d’entendre des paroles
Proférées par des chefs, pour exciter des foules,
Et d’entendre travestir ainsi les textes sacrés,
Sans trahir, à ton tour, la croyance en ta singularité ;
Si tu peux rester digne en étant ce colon,
Si tu peux rester serein en devenant cet assassin,
Et si tu peux prendre tout ce qui était à ce Palestinien,
Sans connaître, un jour, un début de répulsion ;
Si tu sais être tireur d’élite, voire suprémaciste,
Sans jamais devenir sceptique ou pacifiste,
Si tu sais mutiler, éliminer jusqu’à ce que ce projet,
De la mer au Jourdain, devienne ta réalité ;
Si tu sais être cette avant-garde de l’Occident,
Si tu peux être vif et toujours conquérant,
Si tu peux martyriser tous ces animaux humains,
Sans craindre de t’ensauvager avant demain ;
Si tu peux avoir le repos, après le génocide en prime,
Et recevoir ces deux bienfaits d’un même front,
Si tu peux conserver, encore, ta posture de victime
Quand d’aucuns, à La Haye, veulent ta condamnation ;
Alors les soutiens inconditionnels, l’Occident
Seront à tout jamais tes complices ardents.
Et, ce qui vaut mieux que le judaïsme et la judéité,
Tu seras un vrai sioniste, pour la postérité.
(D’après Rudyard Kipling, If ou Tu seras un homme, mon fils)