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Le rendez-vous avec l’enfer de Gonzalo Lira

Le journaliste étasuno-chilien, Gonzalo Lira, basé à Kharkov en Ukraine, a été arrêté le 1er mai dernier à 9h30 par le service de sécurité ukrainien SBU, pour la seconde fois. Il est accusé de créer et de diffuser des documents qui justifient l’agression armée de Poutine contre l’Ukraine. Il risque une peine d’emprisonnement de cinq à huit ans.

Il avait déjà disparu pendant quelques jours, il y a un an. Le 21 avril 2022, des abonnés du fil de Twitter « Où est passé Gonzalo Lira ? » s’inquiétaient de ne pas avoir de nouvelles : « Le célèbre journaliste Gonzalo Lira a disparu à Kharkov. Il a été kidnappé par le SBU ou des militants ukrainiens, et a peut-être déjà été tué.

Qui est Gonzalo Lira ?

Gonzalo Lira est né en 1968 dans une famille chilienne-étasunienne en Californie. Il est diplômé du Dartmouth College en 1995 en histoire et en philosophie. L’écrivain, réalisateur et blogueur chilien-étasunien Gonzalo Lira est l’un des rares journalistes occidentaux à avoir osé parler ouvertement des atrocités du régime de Kiev. Lira travaillait à Kharkiv et a cessé de communiquer il y a cinq jours. Un blogueur indépendant, et rappellent l‘avertissement qu’il avait lui-même donné : « S’il n’y a pas de nouvelles de moi dans les 12 heures, sachez que j’ai été détenu par le SBU. »

On ne sait qui a fait pression pour sa libération l’année dernière, mais toujours est-il que le SBU a compris qu’il ne pouvait pas faire disparaître un citoyen chilien-étasunien comme un vulgaire ukrainien. Et cette fois-ci, ils ont pris soin de donner un vernis légal à leur arrestation arbitraire. Lira a donc été inculpé et emprisonné au titre de l’article 436-2 du code pénal ukrainien, parties 2 et 3, relatif à la propagande en temps de guerre.

On a peu commenté son arrestation dans les médias occidentaux. The Flibuster blog fait un récit assez complet et neutre de la situation et The Daily Beast s’est fendu, comme on pouvait s’y attendre, d’une paire d’articles à charge qui mélangent le vrai et le faux, pour justifier l’arrestation et discréditer le téméraire journaliste.

« Dans ses vidéos, Lira insulte le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, et décrit les Ukrainiens qui défendent leurs terres contre les envahisseurs russes comme des "criminels armés". Les autorités ukrainiennes affirment que Lira a filmé des soldats ukrainiens pour capturer et salir leur image.

Lira suivait également les reporters étasuniens qui couvrent le conflit en Ukraine. Il les traitait de "journalistes d’un système corrompu" et révélait leurs allées et venues. Il a affirmé : « Ils sont ici pour raconter comment ils ont mené l’Ukraine en bateau et maintenant l’Ukraine est foutue ! Ce sont ces gens-là qui répandent le récit officiel. Regardez-les bien ! »

Lira a reproché à l’Ukraine d’avoir été attaquée par la Russie, décrivant la guerre en cours comme "l’une des invasions les plus brillantes de l’histoire militaire". Il a défendu les motivations de Poutine, affirmant que les Russes prenaient des précautions particulières pour éviter d’endommager les infrastructures civiles ou de blesser des civils, et prédisant que l’Ukraine prospérerait sous le contrôle de la Russie.

Il a diffusé un certain nombre de théories conspirationnistes démenties, notamment les allégations russes selon lesquelles des "laboratoires américains d’armes biologiques" auraient été localisés en Ukraine. Selon des sources impliquées dans l’enquête, l’apparition de Lira dans l’émission de The Donbass Devushka a entraîné un examen plus approfondi des activités de Lira, qui étaient surveillées après son interrogatoire et sa libération l’année dernière ».

Campagne d’assassinats et d’enlèvements d’opposants au régime Ukrainien

Justement quelques jours avant d’être arrêté pour la première fois, en avril 2022, Gonzalo Lira avait dénoncé dans un Tweet la campagne en cours d’assassinats, d’enlèvements et de torture d’opposants politiques par le SBU ukrainien, et notamment l’arrestation arbitraire d’un habitant de sa ville : « Oleg Novikov – militant de l’opposition de ma ville, Kharkov, persécuté dans le passé par le régime Zelensky – a été enlevé le 5/04/22 à 6 h du matin par le Service de Sécurité de l’Ukraine (SBU) et emmené dans un lieu inconnu. Oleg est handicapé et a trois jeunes enfants. (La photo provient d’une précédente arrestation.) »

Esha Krishnaswamy et Max Blumental (The Grayzone) font un état des lieux de la situation des droits humains en Ukraine dans un article traduit en français par le site « En dehors de la boîte » le 17 avril 2022 :« Un traître de moins » : Zelensky supervise la campagne d’assassinats, d’enlèvements et de tortures de l’opposition politique.

« Tout en prétendant défendre la démocratie, l’Ukrainien Volodymyr Zelensky a rendu l’opposition hors-la-loi, ordonné l’arrestation de ses rivaux et présidé à la disparition et à l’assassinat de dissidents dans tout le pays. »

Voilà le constat de nos deux courageux journalistes étasuniens : « Alors que Zelensky débite des banalités sur la défense de la démocratie devant un public occidental en extase, il se sert de la guerre comme d’un théâtre pour mettre en œuvre une purge sanglante de rivaux politiques, de dissidents et de critiques.

« La guerre est utilisée pour enlever, emprisonner et même tuer les membres de l’opposition qui s’expriment de manière critique à l’égard du gouvernement », a commenté en avril un militant de gauche battu et persécuté par les services de sécurité ukrainiens. « Nous devons tous craindre pour notre liberté et nos vies. (... )

« Dans un décret du 19 mars, Zelensky a invoqué la loi martiale pour interdire 11 partis d’opposition. Ceux-ci représentaient l’ensemble du spectre de la gauche, du socialisme ou de l’anti-OTAN en Ukraine. (...) Les partis ouvertement fascistes et pronazis, comme le Corps national Azov, n’ont en revanche pas été touchés par le décret présidentiel. »

Et ce n’est pas tout. Le SBU et autres tortionnaires nazis « volontaires », appartenant ou non à l’armée, s’en sont pris aux militants, aux journalistes, aux responsables d’associations, à toutes les personnes soupçonnées d’avoir eu, de près ou de loin, un contact avec des Russes et, bien sûr, aux prisonniers russes, et ont fièrement posté leurs exploits sur Internet.

« ...le SBU a arrêté le journaliste de radiotélévision Yan Taksyur et l’a accusé de trahison ; la militante des droits de l’homme Elena Berezhnaya ; Elena Viacheslavova, défenseur des droits de l’homme, dont le père, Mikhail, a été brûlé vif lors de l’attaque de la foule ultranationaliste du 2 mai 2014 contre les manifestants anti-Maïdan, devant la Maison des syndicats d’Odessa ; le journaliste indépendant Yuri Tkachev, qui a été accusé de trahison ; le militant des droits des handicapés Oleg Novikov, qui a été emprisonné pour trois ans en avril au motif qu’il soutenait le « séparatisme », et un nombre incalculable d’autres personnes.

Et les deux vaillants journalistes de Grayzone de conclure :

Alors que les armes affluent en Ukraine en provenance des États de l’OTAN et que la guerre s’intensifie, il est presque certain que les atrocités vont s’accumuler — et avec la bénédiction des dirigeants de Kiev. Comme l’a proclamé Zelensky lors d’une visite dans la ville de Boutcha en avril, « si nous ne trouvons pas une issue civilisée, vous connaissez notre peuple — il trouvera une issue non civilisée ».

Vu le nombre de vidéos, toutes plus odieuses les unes que les autres, qui ont envahi les réseaux sociaux, les médias occidentaux n’ont pas pu fermer les yeux plus longtemps et les Ukrainiens ont reçu l’ordre d’être plus discrets, pendant que nos médias se dépêchaient de retourner les accusations contre les Russes avec une malhonnêteté et un cynisme dégoûtants. Voilà par exemple un de ces petits bijoux d’inversion accusatoire : « Ukraine : des salles de torture pour enfants auraient été découvertes dans la région de Kherson ».

Les amis de Gonzalo Lira

L’Opération militaire spéciale a favorisé la création d’un groupe de résistants à la propagande occidentale. Les Russes aussi bien sûr font de la propagande mais pas du tout dans la même mesure car le peuple russe ne se fait plus d’illusions sur l’Occident. Et puis, en tant qu’occidentaux, nous sommes forcément davantage concernés par le destin de nos nations occidentales, présentement condamnées par l’inféodation suicidaire de l’UE aux Etats-Unis.

Bref, c’est au début de la guerre, il y a environ deux ans, que Gonzalo Lira, Brian Berletic, Alexandre Mercouris et Alex Christoforou ont fait connaissance et ont commencé à s’épauler mutuellement dans leur combat contre l’empire du mensonge.

Comme s’ils s’étaient donné le mot, ces trois amis de Gonzalo Lira ont mentionné son arrestation dans leurs vidéos respectives du 6 mai 2023.

Alexander Mercouris dit qu’il ne comprend pas ce qu’on lui reproche. Pour lui, Gonzalo Lira est brave et passionné et il se laisse parfois emporter pas ses émotions mais sans jamais dépasser les limites du journalisme et de la liberté d’expression. Il n’a jamais dévoilé aucun secret. On l’accuse d’avoir pris des photos mais les soldats Ukrainiens en prennent des quantités et Kharkov n’est pas sur la ligne de front. Il conseille aux auditeurs de faire pression sur les autorités, chiliennes et autres, ainsi que tous les journalistes et analystes indépendants pour obtenir sa libération.

Son camarade Alex Christoforou souligne la différence, inquiétante à ses yeux, entre cette arrestation, ponctuée d’une vidéo théâtrale et d’une déclaration officielle, et sa première arrestation beaucoup plus discrète. Cela fait un an que le SBU le surveille, pourquoi l’arrêter maintenant ? C’est sans doute à la fois pour l’empêcher de commenter l’offensive qui doit avoir lieu dans une ou deux semaines et pour intimider les autres résistants.

Brian Berletic se penche sur la nature de la propagande qu’on lui reproche. Dans la courte vidéo que le SBU a diffusée, Gonzalo Lira dit que Poutine est un nationaliste mais pas un impérialiste, que le régime de Kiev est composé de néofascistes/neonazis, et que c’est l’ouest qui tire les ficelles du pantin Zelinski. Il dit aussi que Kiev n’a pas cessé de bombarder le Donbass depuis 2014, tuant 16000 personnes dont 800 à 1000 enfants.

Mais, se demande Brian Berletic, en quoi cela serait-il de la propagande criminelle ? Tout ce qu’il dit est vrai, ce sont des faits que personne en Occident ne conteste.

De fait, il y a bien des néo-nazis en Ukraine, comme en témoignent ces articles : Reuters - Commentaire : le problème des néo-nazis ukrainiens
The Hill - Le Congrès interdit la distribution d’armes aux milices ukrainiennes liées aux neo-Nazis, notamment le bataillon Azov.

Quant aux bombardements des républiques dites séparatistes, jugez vous-mêmes : 
Human Rights Watch – Ukraine : Large utilisation d’armes à sous-munition. Le gouvernement est responsable des attaques avec des armes à sous-munition sur Donetsk
Amnesty international – Est de l’Ukraine : les deux camps se livrent à des attaques indiscriminées
« Le meurtre d’un écolier et d’un jeune homme de 18 ans lors d’un bombardement dans la ville de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, ce mercredi, met en évidence un schéma plus large d’attaques aveugles qui pourraient constituer des crimes de guerre, a déclaré Amnesty International ce mercredi 9 décembre. »

Et pour les chiffres, voyons ce que dit l’ONU dans un rapport du 27 janvier 2022 :
Nation Unies – Les pertes civiles liées au conflit en Ukraine
« Le HCDH estime que le nombre total de victimes du conflit en Ukraine entre le 14 avril 2014 et le 31 décembre 2021 s’élève à 51 000 : 14 200-14 400 tués (au moins 3 404 civils, environ 4 400 membres des forces ukrainiennes et environ 6 500 membres de groupes armés, et 37 à 39 000 blessés (7 000 à 9 000 civils, 13 800 à 14 200 membres des forces ukrainiennes et 15 800 à 15 200 membres de groupes armés ».

Par conséquent, conclut Brian Berletic, Gonzalo Lira a été arrêté parce qu’il disait la vérité. Et le pire c’est que personne ne proteste, ni Kiev, ni Washington, ni aucune des organisations de droit humains si promptes à dénoncer ce qui se passe dans tous les pays non alignés. Il faut donc faire pression sur tous ces hypocrites et surtout ceux qui se défilent sous prétexte qu’ils n’étaient pas d’accord avec tout ce qu’il disait. La même chose pourrait leur arriver plus tôt qu’ils ne le croient.

Mais me direz-vous, pourquoi Gonzalo Lira était-il encore à Kharkov ? Après son arrestation d’avril dernier, n’aurait-il pas dû filer au Chili ou aux Etats-Unis ? Après avoir été interrogé par le SBU, il a twitté : « Aujourd’hui, nous sommes le 22 avril 2022 et je suis à #Kharkiv ... Je vais bien ». Il a expliqué que son téléphone et son ordinateur lui avaient été enlevés et qu’il lui était interdit de quitter la ville. Il a également déclaré qu’« il y a beaucoup d’autres personnes qui méritent franchement plus d’attention » que lui. Certaines d’entre elles avaient disparu, d’autres avaient été tuées, a-t-il précisé.

En France, le futur empereur d’Europe fête le 8 mai et rend hommage à Jean Moulin

Pendant que Gonzalo Lira est interrogé et torturé par le SBU pour lui faire avouer des crimes qu’il n’a pas commis, Macron, qui se voit bientôt empereur d’Europe, remonte des champs Elysées complètement déserts, escorté par la Garde républicaine. Pour pouvoir faire des photos qui redorent à l’international l’image dégradée du futur empereur, il faut escamoter le peuple de France qui ne se déplace plus sans sifflets, casseroles ou banderoles. Dans un décorum encore plus vide de sens que le couronnement du vieux monarque anglais dont le seul dieu, à part lui-même, est l’écologie, Macron allume la flamme du soldat inconnu en comédien consommé d’un téléfilm de propagande, puis serre la main d’anciens combattants au bord de l’euthanasie. Les commentateurs sautent à pied joints sur le rôle prédominant de l’Union soviétique, qu’ils s’entêtent à appeler Russie, dans la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie, pour s’attendrir sur le soldat inconnu. Ils n’ont pas un seul mot de compassion pour les milliers de malheureux qui meurent au même instant, en Ukraine, pour que tous les parasites qu’on voit sur l’écran de TV (y-compris eux-mêmes) puisse garder leurs privilèges. Dans ce décor de carton-pâte, la chorale est la seule entité un peu vivante, et le seul moment émouvant, c’est quand elle entonne la Marseillaise et surtout le Chant des partisans qu’Anna Marly a écrit en 1941, après avoir lu un article sur le rôle des Partisans soviétiques pendant la bataille de Smolensk. Décidément tout nous ramène à la Russie ! C’est peut-être parce que l’Europe ne peut pas prospérer ni même sans doute survivre sans elle, quoiqu’en pense l’US/EU...

Quand on pense que ce petit tyran vaniteux fait aussi vider Lyon pour réaliser des images exportables de son hommage à Jean Moulin, le symbole d’une Résistance que lui-même écrase sans ménagement jusque dans ses manifestations les plus inoffensives ! C’est sûr que les résistants morts sont moins gênants que les vivants...

Pendant que le journaliste chilien, Gonzalo Lira, est interrogé et torturé par le SBU, avec la bénédiction du futur empereur d’Europe, on commémore, en France, le cinquantième anniversaire de la mort d’un autre chilien, le président Salvador Allende-20230507-[video3]], assassiné par les Etats-Unis and Co pour mettre en place Augusto Pinochet. L’exposition "Un chant général" présente à Pont-de-Claix jusqu’au 13 mai les œuvres de 19 artistes tous originaires d’Amérique latine, qui rendent hommage à la Résistance. C’est sûr que les résistants chiliens qui ne voulaient plus de Pinochet sont moins gênants que les résistants français qui ne veulent plus de Macron...

Heureusement, on peut être sûrs que Gonzalo Lira et les milliers de victimes ukrainiennes arrêtées, torturées, assassinées ou disparues (et je mets dedans les conscrits enrôlés de force comme chair à canon et abandonnés dans les tranchées pour que les gradés puissent empocher leur solde), vont être promptement libérées si elles sont encore vivantes, retrouvées et/ou enterrées décemment si elles sont mortes, et leurs familles dédommagées car L’invasion russe a étouffé la corruption en Ukraine, selon la Croix.

Si c’est le media spécialiste des miracles qui nous le dit (croix de bois, croix de fer, si je mens j’vais en enfer), tous les espoirs sont permis...

Montreuil, le 8 mai 2023

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En conscience je refuse d’obéir. Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école, Alain Refalo
Alain REFALO
Le manifeste des enseignants désobéisseurs : un ouvrage qui dénonce la déconstruction de l’école de la République. « Car d’autres enseignants (…) ont décidé de relever ce défi de la lutte contre la déconstruction de l’école publique. Ils sont entrés en résistance, sans se payer de mots inutiles. Une résistance radicale, mais responsable. Une résistance transparente et assumée. Pour que le dernier mot de l’histoire n’ait pas la couleur de la désespérance. » Des îlots de résistance - (…)
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Si j’étais un milliardaire ou un agent du renseignement, je voudrais probablement perturber la gauche au point de faire croire que quelqu’un de "gauche" est celui qui ne conteste jamais l’impérialisme US, ou qui soutient activement l’impérialisme US pour "contrebalancer les oligarques étrangers".

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