Avant propos
Le 29 octobre 2024, le président français a tenu un long discours au parlement marocain en présence de tous les députés. Dans la première partie de son discours, Emmanuel Macron a convoqué des artistes peintres, des poètes pour romancer la colonisation passée du Maghreb jusqu’au point d’inviter un corsaire de Salé. Et pour rendre présent le passé, il a invité des arabes de service, écrivains et bouffons, encadrés par des sionistes politiques français tels Jacques Attali, Pierre Assouline et l’intellectuel faussaire B.H. Lévy. Et en faisant référence au poème d’Aragon, le Fou d’Elsa, Emmanuel Macron ne s’était pas rendu compte qu’il a « réinventé le passé pour voir la beauté de l’avenir. »
Il insista longuement sur l’objectif de sa venue, à savoir, écrire un livre avec les autorités marocaines où les affaires financières occupent la place essentielle. Je me permets d’écrire la préface de ce livre. Mais avant de l’écrire, il est nécessaire de rappeler que ce 29 octobre 2024 fut précédé par un autre 29 octobre sombre pour le peuple marocain : la disparition d’un révolutionnaire : Mehdi Ben Barka. Les autorités marocaines organisèrent sa disparition le 29 octobre 1965 avec l’aide du Mossad. Le corps ne fut jamais retrouvé.
C’est sans doute une perte de temps de rappeler à Emmanuel Macron qu’il a oublié de parler d’un autre moment de l’histoire du Maghreb, à savoir, le mouvement de libération du Maghreb sous l’étendard de Abdelkrim Khatabi (1920-1922). Les colonialismes français et espagnol ont réprimé dans le sang ce mouvement de libération du Maroc jusqu’en Algérie. Mais ce n’est qu’une « part d’ombre » (1) pour ceux qui ne veulent ni voir ni savoir. Il faut également lever une autre part d’ombre qu’Emmanuel Macron et tant d’autres étalent avec paternalisme : « la gratitude que la France ressent, pour tous ces hommes venus du Maroc pour libérer notre patrie du joug de l’occupant... » (1). C’est Mehdi Ben Barka qui lève cette ombre dans Option révolutionnaire en soulignant que « la plupart ont rejoint les rangs de l’armée française ou espagnole (l’armée franquiste) sous la contrainte de l’oppression ou du chômage. » (2)
Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de résistants maghrébins et africains dans le Vercors.
Mais revenons à la préface.
Le Maghreb du Maroc jusqu’en Libye
Vous affirmez que c’est « un devoir stratégique, de construire entre nos deux pays, mais aussi entre l’Union européenne et le Maghreb, et au-delà, l’Afrique, un projet qui offre à nos peuples, à nos économies, la possibilité d’une prospérité, d’une sécurité, d’un horizon absolument nouveau. » (1)
Intention louable mais à condition de tenir compte de la présence dans ce Maghreb de l’Algérie et donc prendre en considération ses intérêts. Et sur ce point, le devenir des populations algérienne et marocaine est un dans un Maghreb uni. Mais une telle perspective exige une vision à long terme libérée de l’emprise de l’impérialisme israélo-occidental. Et vous ajoutez que « nous avons besoin dans cette région d’une stabilité respectueuse des peuples, de projets de développement pour la jeunesse de celle-ci, qui seule permettra, non seulement la stabilité, mais de mettre fin aux routes des trafics et de la misère qui, du Golfe de Guinée à la Libye, sont ceux qui font souffrir le continent africain et le continent européen » (1). Très bonne remarque sauf que vous omettez de préciser que l’État français a participé à la déstabilisation de cette région en participant à la destruction de la Libye. Une destruction sous commandement étasunien et avec la bénédiction de l’État d’Israël. Est-il nécessaire de souligner que l’impérialisme occidental, Etat français compris, a fait appel, entre autres, au lieutenant libyen de Ben Laden, Abdelhakim Belhaj pour ‘’somaliser’’ la Libye ?
Aussi, Emmanuel Macron doit apprendre à se taire ou, du moins, peser ses mots mais son narcissisme et son cynisme l’étouffent à un point tel où il est constamment dans le ’’en même temps’’, dehors et dedans. Tel un colonialiste !
Vers le morcellement de l’Algérie ?
Tout d’abord, citer un bref extrait de l’analyse faite en 1982 par Oded Yinon, haut fonctionnaire des Affaires étrangères israélien, est fort utile : « le front ouest qui, à première vue, semble poser plus de problèmes, est en fait plus simple que le front est, théâtre récent des événements les plus retentissants. La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier... » (3). Mettons en corrélation cet objectif sioniste avec la réalité géopolitique arabe actuelle de l’Irak jusqu’en Libye en passant par la Syrie, il n’est pas difficile de conclure que ce front ouest s’identifie, aujourd’hui au Maroc et à l’Algérie. Mais comme l’Etat marocain a normalisé ses relations politiques avec l’Etat d’Israël, consolidées par des accords militaires, l’Algérie devient la cible toute indiquée. D’ailleurs, le 12 août 2021, en visite au Maroc, le ministre des Affaires étrangères israélien, Yaïr Lapid, n’a pas hésité à dévoiler son « inquiétude au sujet du rôle joué par l’Algérie dans la région, son rapprochement avec l’Iran et la campagne qu’elle a menée contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine. » (4)
Une provocation qui s’ajoute à une autre provocation faite par un délégué du Maroc aux Nations unies, à savoir, l’appel « à l’indépendance du peuple de la région de Kabylie. » (4)
Autrement dit, pour l’Etat d’Israël, l’Algérie est une menace à éliminer. Mais nul besoin d’être, économiste ou stratège pour affirmer sans se tromper que les populations marocaine et algérienne seront les victimes de ce conflit régional souhaité par le sionisme politique. A n’en pas douter, ce n’est pas le Sahara marocain qui est le souci de l’impérialisme israélo-Occidental mais le morcellement et la désintégration du ‘’monde’ ’arabe de l’est jusqu’à l’ouest.
7 octobre 2023 : corollaire de l’axiome Royaume d’Israël
Mais revenons au discours du président français au sujet du 7 octobre 2023 : « 48 Français tués et deux sont encore otages. » (1) Mais la résistance palestinienne ne les a pas tués ou fait prisonniers parce que français mais parce que colons israéliens. N’en déplaise au narcissique et cynique président, ce 7 octobre est un acte de résistance contre la colonisation sioniste soutenue politiquement et militairement par les puissances occidentales dont l’État français. Depuis la Déclaration Balfour (12 novembre 1917) légitimant l’instauration d’un foyer national juif en Palestine, les actes barbares sionistes niant l’existence du peuple palestinien n’ont jamais cessé jusqu’à aujourd’hui. Dans l’entretien accordé à la Revue d’études palestiniennes, le poète Mahmoud Darwish qui avait dit non aux Accords d’Oslo, raconte pourquoi sa famille et lui, enfant, avait fui leur village Birwa situé en Galilée : « notre village avait purement et simplement disparu, rasé par les bulldozers ; des juifs yéménites et d’autres, anglais, habitaient maintenant les deux colonies implantées sur les décombres de notre village. » (5)
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...al-Majdal... Deir Yassin...Umm Al-Hiran...
Le tout constitue ce que le peuple palestinien appelle la Nakba, la grande catastrophe. Et cette barbarie – sous forme de génocide à Gaza – continue sous le regard, parfois gêné, des dirigeants occidentaux. Mais comme le souligne la psychiatre et psychothérapeute palestinienne Samh Jabr, lors d’une interview en 2017 : « Ce n’est pas en laissant les Israéliens s’en sortir avec leurs crimes et passer ainsi au-dessus du droit international que l’Europe peut se repentir de sa culpabilité vis-à-vis de l’Holocauste. » (6)
(1)https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-23485-fr.pdf
(2)file :///C :/Users/Anna/Downloads/BenBarka_optionRevolutionnaire.pdf
(3)https://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982/
(4)https://fr.timesofisrael.com/alger-rompt-ses-liens-diplomatiques-avec-le-maroc-en-partie-a-cause-disrael/
(5) Revue d’études palestiniennes. N°10 hiver 1984
(6)https://www.chroniquepalestine.com/etre-femme-palestine-interview-de-psychiatre-samah-jabr/
(03/12/2024)