RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
En 2010, le nouveau maître de l’Ukraine n’avait pas atteint 7% des suffrages

Les boutefeux et les pavés

Soixante quinze minutes – c’est le temps que Barack Obama aura royalement octroyé au sommet UE-USA, le 26 mars.

Les présidents de la Commission et du Conseil européens n’en étaient pas moins ravis : une telle consécration n’avait pas eu lieu depuis la visite à Bruxelles de George Bush en 2005. Dans ces instants chichement comptés, l’on évoqua l’énergie et le projet de libre-échange, l’on évita la NSA, et l’on se concentra publiquement sur l’essentiel : l’émouvante co-célébration de l’ensemble euro-atlantique comme phare mondial des valeurs – on eût dit jadis : du monde libre.

Avec, en toile de fond, la confirmation des sanctions contre la Russie, coupable de bafouer « le droit des nations souveraines à prendre leurs propres décisions » ou de « malmener les petits pays en fonction de ses propres intérêts ». Une tentation qui, comme on le sait, n’a jamais effleuré ni Bruxelles ni Washington.

Le président américain a pris le temps de rappeler à ses hôtes l’urgence de mettre la main au portefeuille pour mieux financer l’OTAN. L’exigence avait déjà été formulée par le secrétaire général de l’Alliance. Le contexte géopolitique semble en effet propice aux coups de clairon. Ainsi, quelques jours plus tôt, le président estonien déplorait que ses collègues européens fussent « restés assis à regarder » la Russie « annexer la Crimée ». Dans le même état d’esprit, Le Monde titrait tristement son éditorial, le 26 mars : « La défense de l’Europe et le renoncement des Vingt-Huit ». Possible prochain président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a joué les boutefeux : « à moyen terme, nous pourrions avoir besoin d’une armée européenne, qui assumerait la responsabilité de l’Europe dans le monde ».

Pour l’heure, l’UE s’est assuré la mainmise sur l’Ukraine, hors Crimée. La fidélité du nouveau premier ministre est acquise aux Occidentaux, même si sa légitimité reste à prouver : en 2010, Arseni Iatseniouk n’avait pas atteint 7% des suffrages. Qu’à cela ne tienne : Bruxelles et Kiev ont précipité la signature de la partie politique de l’accord dit d’association. Dans la capitale ukrainienne, on s’en félicite : ainsi, le débat sur cette quasi-annexion sera exclu de la campagne en vue des élections prévues le 25 mai... Accélération analogue en Moldavie, avec qui un traité de même nature est prêt : à Bruxelles, on presse pour avancer sa signature avant le scrutin de cet automne (où le PC moldave, opposé à l’accord, fait la course en tête). Pour sa part, l’actuel premier ministre moldave avait adressé ce conseil aux voisins ukrainiens : « si on se comporte comme il faut, l’Union européenne nous traite bien ». « Merci not’ bon maître » a sans doute ajouté in petto Iouri Leanca.

Cette servilité face aux seigneurs occidentaux ne semble cependant pas avoir le vent en poupe dans le monde. Après avoir bouté la Russie hors du G8, les dirigeants de ce cénacle espéraient sans doute faire de même au G20, comme l’a proposé l’Australie. Cette suggestion a provoqué un communiqué commun courroucé de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud, qui se sont solidarisés avec Moscou. Pour les dirigeants américains et européens, qui pensaient être parvenus à « isoler » Moscou, c’est réussi !

Au-delà des affrontements diplomatiques, reste la question des peuples. En Ukraine, le réveil va être brutal (une augmentation de 50% du prix de l’énergie vient d’être annoncée). Côté dirigeants européens, on ne s’est pas appesanti sur les milliards qui doivent filer vers Kiev, et dont une partie est issue du budget communautaire. Autrement dit du porte-monnaie des contribuables.

Voilà qui devrait faire plaisir aux citoyens français, déjà abreuvés de bonnes nouvelles (chômage, retraites, prochaines coupes dans les dépenses publiques, prochains allègements fiscaux pour le capital...). Les responsables de cette politique en ont récolté les fruits aux municipales. Ils vont certainement adorer plus encore les européennes.

Et peut-être, un jour, regretter d’avoir fait l’éloge des pavés de Maïdan.

PIERRE LEVY

Éditorial paru dans l’édition du 31/03/14/14 du mensuel Bastille-République-Nations
Information et abonnements : www.brn-presse.fr
Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection

»» http://www.brn-presse.fr/#Cinq_01a.L
URL de cet article 25086
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Libye, OTAN et médiamensonges
Michel COLLON
Les « armes de destruction massive », ça n’a pas suffi ? Le martyre de l’Irak, frappé d’abord par les médiamensonges et ensuite par les bombes, on n’en a pas tiré les leçons ? Non, on n’en a pas tiré les leçons. On sait que les Etats-Unis ont menti sur le Vietnam, l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan et Gaza, mais on croit que cette fois-ci, sur la Libye, ils disent la vérité. Etrange. La majorité de nos concitoyens croient encore ce que l’Otan a raconté sur la Libye. Y compris les Arabes car cette fois, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Si Eve avait écrit la Genèse, que serait la première nuit d’amour du genre humain ? Eve aurait tout clarifié et dit qu’elle n’était pas née d’une côte, qu’elle ne connaissait aucun serpent, qu’elle n’a offert des pommes à personne et que Dieu ne lui a jamais dit qu’elle accoucherait dans la douleur et que son mari la dominerait. Que tout ça ce sont de purs mensonges qu’Adam a raconté à la Presse.

Eduardo Galeano

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.