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Terrorisme, un échec étasunien ?

En 2000, le terrorisme – du moins tel qu’on le connaît actuellement – n’existait pas au Moyen-Orient, singulièrement en Irak et en Syrie. Or, l’invasion étasunienne de l’ancienne Mésopotamie a absolument changé la donne induisant, outre son introduction dans cette région, sa transformation en fléau transfrontalier et sa radicalisation. Cela n’a été possible – mais est-ce vraiment un paradoxe ? – que par l’apport des Etats-Unis à ce qui allait devenir Al Qaîda par un soutien logistique et stratégique aux mouvements islamistes opérant – en 1980-1990 – en Afghanistan. Mouvements formés par la CIA et financés par l’Arabie Saoudite.

Si l’on ne va pas aux origines de ce qui est désormais un fléau mondial, et si on ne définit pas – sans amalgame – ce phénomène, on ne peut ni comprendre son expansion à l’international et encore moins l’éradiquer. L’avènement du terrorisme international est en fait étroitement lié à la stratégie étasunienne de domination du monde, d’une part, de la volonté de Washington de partager le Moyen-Orient sur une base ethnique, tribale et confessionnelle (projet du Grand Moyen-Orient de George W. Bush), d’autre part. La Syrie, l’Irak et la Libye donnent aujourd’hui un aperçu accablant de ce qu’il adviendra des régions du Machrek et du Maghreb livrées au jihadisme. Et ce sont le Qatar et l’Arabie Saoudite qui financent le jihadisme, dont la responsabilité est grande dans le projet de destruction de la nation arabe.

Avant le 11 septembre 2001, le terrorisme, du moins à l’échelle de nuisance qui est la sienne désormais, était inconnu. Mais le « 11/09 » a été « le » prétexte qui détermina les néoconservateurs étasuniens à passer à l’action et à préparer le monde à lutter « contre le terrorisme » qui n’est qu’une stratégie de reconfiguration de la géopolitique mondiale. Dans le discours sur l’état de l’Union, le 28 janvier 2003, G.W. Bush annonce la couleur et assure que « des preuves émanant de nos services de renseignements, des communications secrètes et des déclarations de personnes actuellement en détention révèlent que Saddam Hussein aide et protège des terroristes, notamment des membres d’Al Qaîda. ». Le 5 février 2003, le secrétaire d’Etat Colin Powell, « produit » devant le Conseil de sécurité des « preuves » des liens qui existeraient, selon lui, entre l’Irak et la nébuleuse islamiste. Ainsi, sous couvert de lutte contre le terrorisme, la Maison-Blanche, le département d’Etat et le Pentagone entament une campagne à tout le moins insensée. Plus tôt, le 1er juin 2002, le président Bush Jr dévoila ce qui sera baptisé « la doctrine Bush » qui prône des frappes contre ce qu’il appela les « Etats voyous ». G.W. Bush fabulait. Il n’y avait pas en 2002 cette « terreur » terroriste que les peuples syrien et irakien vivent en 2014. Or, en Irak, c’est l’invasion étasunienne qui donna naissance aux groupes jihadistes, dont, notamment, l’Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil). En Syrie, ce sont encore les Etats-Unis, aidés par la France et la Grande-Bretagne qui ont résolument incité au renversement du régime légal syrien, avec, là aussi, l’émergence de groupes jihadistes, dont le Front al-Nosra (représentant local d’Al Qaîda), responsables de la mort de dizaines de milliers de Syriens et de l’exode de millions d’autres.

Partout où les Etats-Unis ont voulu changer les régimes par la force – Irak, Libye, Syrie – loin d’instaurer la démocratie et le respect des peuples, il en est résulté la déstructuration de ces Etats avec comme effet la prise de pouvoir par des groupes jihadistes armés, qui font régner la terreur sur des populations soumises à leur joug. Les Américains envoieront-ils des soldats en Irak ? Peu probable ! En revanche, ils feront ce qu’ils accomplissent déjà en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen : la guerre avec les drones. C’est moins coûteux humainement et financièrement pour les Etats-Unis, alors que les dommages collatéraux sont, seront, désastreux pour les pays visés. Il y a plus de civils afghans, pakistanais et yéménites qui meurent sous les frappes des drones américains que de terroristes. Les sacrifices, sinon les erreurs, sont, diront les Etasuniens, inévitables, même si ce seront encore les Irakiens et les Syriens qui paieront la facture. Or, depuis 2003, on s’est bien aperçu que les arguments étasuniens légitimant la guerre contre le terrorisme étaient un leurre. Un faux qui donna aux Etats-uniens de transmettre au monde la « peste » jihadiste et dire qu’ils sont les seuls à en avoir le remède. Inconnu, il y a 13 ans, le terrorisme, outre d’avoir progressé, s’est aussi consolidé grâce à la logistique occidentale et au financement des monarchies du Golfe. La lutte antiterroriste étasunienne aura de ce fait réussi à impulser un jihadisme quelque part encouragé, voire orienté vers des objectifs que seul Washington doit connaître. Vu sous cet angle, le « terrorisme » semble plutôt un « succès » étasunien !

Karim MOHSEN

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