Le pays qui donne des leçons au monde, qui fait le père fouettard, qui délivre les attestations de « bonne gouvernance », qui fait des rapports critiques sur tout et sur tous, serait plus avisé de se pencher sur ses propres turpitudes.
Citons en deux. Le port d’arme d’abord, ensuite la conception univoque de la démocratie. Pour le premier, en prônant son modèle de société de « tous contre tous », nous savons que le port d’arme aux États-Unis s’impose comme un droit inaliénable et une nécessité vitale. A telle enseigne que le gouvernement ne trouve pas d’alternative à la question, même si les tueurs « fous » se multiplient, ces citoyens ordinaires, ces pères de famille sans histoires, ces garçons sans problèmes particuliers, qui « pètent les plombs » et se révèlent du jour au lendemain être de redoutables criminels. Mieux, le port d’arme gagne en légitimité. Le Dakota du Sud inaugure une pratique qui n’est pas pour améliorer le climat social délétère. Cet État vient de voter, le 8 mars dernier, une loi qui permet ouvertement aux enseignants de porter des armes pendant leur travail. La mesure, comme de bien entendu, se veut un moyen de parer à l’éventualité d’une attaque comme celles qu’ont connus les établissements scolaires. Les meurtriers potentiels seront donc bien inspirés de réfléchir à deux fois, sachant que leurs cibles ont les moyens de riposter ou bien les enseignants seront en mesure de les neutraliser ou de limiter le nombre de victimes. C’est à voir, mais c’est une bien piètre approche, quand on sait que les causes sont sciemment ignorées pour ne pas toucher aux fondamentaux d’une société présentée comme l’archétype des communautés humaines
Pour ce qui est de la démocratie en Haïti, un communiqué de l’ambassade des États-Unis d’Amérique se « réjouit de la désignation, par la commission bicamérale parlementaire, de Pierre Simon Georges, Néhémy Joseph et Marie Cluny Dumé » (pour représenter le Parlement au Collège transitoire du conseil électoral permanent [Ctcep], ndlr). Nous pourrions croire à une réaction ordinaire, purement diplomatique, au résultat d’un libre choix des Haïtiens. Il n’en est rien. Pour reprendre un témoignage local, « c’est un ordre que les États-Unis d’Amérique sont en train de passer à nos politiques. Au fond, ils diraient aux parlementaires de ne pas contester ces choix ». Le témoin édulcore un peu la chose. Le communiqué étatsunien est plus explicite : « Nous attendons à ce que les acteurs des branches du pouvoir exécutif et judiciaire du gouvernement fassent preuve de bonne volonté et d’engagement envers le processus démocratique, en abordant les autres étapes de l’accord du 24 décembre, nécessaires en vue de la création d’un organe crédible et compétent pour superviser les prochaines élections en Haïti ». Ce qui signifie que l’affaire est pliée et qu’il n’y a pas à revenir dessus, surtout de la part de dirigeants d’un pays de la consistance d’Haïti.
Belle leçon sur le respect des règles de désignation démocratique chantée sur tous les fronts et au nom desquelles les États-Unis menacent de faire la guerre à quiconque contreviendrait à leur application, selon leur propre appréciation.
Ahmed Halfaoui
http://www.lesdebats.com/editions/180313/les%20debats.htm