S’il est un journal qu’on ne peut suspecter de sympathie pour Hugo Chavez, c’est bien le Figaro. Pourtant lorsqu’il évoque ce 5 juillet le « retour triomphal » du vénézuélien opéré avec succès d’une tumeur à Cuba, il rappelle aux lecteurs qu’il est « Président, élu à trois reprises depuis 1998 et chef de file de la gauche radicale en Amérique latine ». Preuve qu’on peut avoir des convictions plutôt conservatrices sans se départir du minimum vital journalistique.
Belgique : mardi 5 juillet 2011.
En mai 2011 la Fondation pour l’Avancée de la démocratie (FDA) du Canada a situé le Venezuela en première place mondiale de la justice électorale, avec 85 points et une qualification A+, suivi en deuxième place par la Finlande avec seulement 40,75 points et une qualification F. Cette qualification s’ajoute à l’évaluation positive réalisée par le Centre Carter et par des centaines d’observateurs internationaux (Union Européenne, OEA, Association des Juristes Latino-américains...) présents dans les nombreuses élections menées au Venezuela depuis 1998.
Mais Mr. Jean-Pierre Martin, employé de RTL Belgique, n’a pas de temps à perdre dans la lecture d’inutiles et encombrants rapports et encore moins en allant enquêter sur place, vous pensez bien. Le 4 mars 2011, avant d’évoquer avec ironie une initiative de paix du président vénézuélien pour la Libye, reprise ensuite par les latino-américains, sa voix off précise aux spectateurs du JT qui ne le sauraient pas encore, que le président vénézuélien est un « dictateur ».
En Belgique lorsque vous vous adressez pour la première fois au "Conseil de Déontologie Journalistique", vous imaginez d’abord un organisme chargé de défendre le sérieux de la profession, composé à cette fin d’experts indépendants, de profs de journalisme, du monde associatif, d’enseignants, de syndicalistes, de comités d’usagers des médias, voire de quidams tirés au sort, etc…
Mais un courriel du secrétaire général vous informe que le « conseil de déontologie journalistique » est composé… en majorité de membres des médias eux-même (1). L’ idée qu’être juge et partie puisse causer quelque conflit d’intérêts ne semble en tout cas pas préoccuper les fondateurs du CDJ.
Nous publions ci-dessous le rapport envoyé par un des plaignants. Il est le fruit de nombreuses années d’observations de terrain et d’analyses de la désinformation quotidienne depuis que le Venezuela s’est choisi dans les urnes un gouvernement de gauche. Ce rapport très argumenté fut transmis au CDJ avant sa réunion.
On devine la suite : "plainte non fondée", "salutations distinguées", etc...
Nous publions ensuite cet avis détaillé du CDJ, pour que le lecteur comprenne par quels arguments, un conseil dit de « déontologie » peut arriver à nier jusqu’à l’existence d’une faute professionnelle.
Sa publication aujourd’hui n’aurait guère d’intérêt si son but était d’établir le mensonge de RTL ou de montrer que le "Conseil de Déontologie" belge a besoin de pluralisme sociologique. Il s’agit d’offrir aux citoyens usagers des médias un ensemble suffisant d’éléments vérifiables, en mentionnant les sources, pour qu’ils puissent enfin juger sur pièces. En d’autres mots, de vous informer.
Note
(1) La composition du CDJ lors de l’approbation de l’avis unanime selon lequel « la plainte n’est pas fondée » :
Journalistes
Marc Chamut
Yves Boucau
François Descy
Bruno Godaert
Editeurs
Catherine Anciaux
Jean-Paul van Grieken
Jean-Pierre Jacqmin
Philippe Nothomb
Martine Vandmeulebroucke
Rédacteurs en chef
N.
Société Civile
Nicole Cauchie
Edouard Delruelle
Marc Swaels
Ont également participé à la discussion
Pierre Loppe, Gabrielle Lefèvre, Jacques Englebert, Marc Chamut
Président
I. Rapport transmis au CDJ pour étayer la plainte 11-16 RTL Jean-Pierre Martin.
Introduction
Depuis douze ans Hugo Chavez est quotidiennement présenté comme populiste, d’ex-putschiste, etc.. par de très nombreux médias dans le monde entier. A tel point qu’on se lasse ou qu’on n’ose plus démentir ce qui, à force d’etre répété, est devenu vérité pour une majorité de lecteurs, d’auditeurs ou de téléspectateurs.
Le reportage diffusé par RTL le 4 mars 2011 dans lequel Jean-Pierre Martin affirme que Hugo Chavez est un "dictateur" était consacré à la Libye dont on sait qu’elle est gouvernée par un vrai dictateur. L’effet d’association est d’autant plus puissant pour celui ou celle qui ne connaît pas le Venezuela.
Notre plainte auprès du Conseil de Déontologie Journalistique part du principe que les mots ont un sens. Exiger le ressourcement au réel par l’enquête de terrain (ce que manifestement Jean-Pierre Martin n’a pas fait) est notre manière de défendre le métier de journaliste et le droit du public à être informé.
Selon l’Encyclopædia Universalis : « La dictature est un régime politique autoritaire, établi et maintenu par la violence, à caractère exceptionnel et illégitime. Elle surgit dans des crises sociales très graves, où elle sert soit à précipiter l’évolution en cours (dictatures révolutionnaires), soit à l’empêcher ou à la freiner (dictatures conservatrices). Il s’agit en général d’un régime très personnel ; mais l’armée ou le parti unique peuvent servir de base à des dictatures institutionnelles. »
Or :
a) Depuis 1998 le président Chavez a été élu et réélu au terme d’élections pacifiques qui ont toutes été reconnues comme transparentes par la communauté internationale, ainsi que le soulignent les rapports publics des observateurs et des experts électoraux de l’Union Européenne, du Parlement Européen, de l’Organisation des Etats Américains, de la Fondation Carter et de l’Association des Juristes Latino-américains. (NDLR : depuis lors ces nombreux avis concordants ont été encore renforcés par un rapport de mai 2011 de la Fondation canadienne pour l’Avancée de la démocratie (FDA) qui situe le Venezuela en première place mondiale de la justice électorale, avec 85 points et une qualification A+, suivi en deuxième place par la Finlande avec seulement 40,75 points et une qualification F).
b) La Constitution bolivarienne est la seule au monde à instaurer un référendum révocatoire. Les citoyens peuvent révoquer un élu, maire ou président, à mi-mandat. L’opposition en a fait usage en 2004. Chavez a remporté le référendum, et celui-ci a été validé par les observateurs internationaux.
c) Il existe en 2011 au Vénézuéla une quarantaine de partis, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. L’opposition occupe actuellement 40 % des sièges à l’assemblée nationale, et elle a bon espoir de battre Chavez aux élections de 2012. Le nombre de scrutins organisés au Venezuela est si élevé en comparaison avec les autres pays d’Amérique Latine que l’ex-président Lula a declaré que "Chavez est le plus légitime d’entre nous". L’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, auteur des "Veines ouvertes de l’Amérique Latine" , a déclaré que "le Venezuela a injecté une bonne dose de vitamines à la démocratie latino-américaine" . Le secrétaire général de l’OEA (Organisation des États Américains) José Miguel Insulza, qui n’est pas un sympathisant du président vénézuélien, a déclaré le 5 février 2011 que "les élections qui ont eu lieu ces dernières années au Vénézuéla ont été parfaitement normales et nous ne voyons pas pourquoi il n’en serait pas ainsi dans l’avenir" . (1)
d) Le professeur de journalisme Aram Arahonian, directeur de la revue "Question" , ou le journaliste Eleazar Diaz Rangel, figure historique de la presse vénézuélienne, actuel rédacteur du quotidien centriste « Ultimas noticias » et qui a connu la censure sous les regimes d’avant Chavez, rappelaient récemment qu’en 2011 l’opposition possède 90% du pouvoir comunicationnel, d’où elle lance des épithètes dénigrantes contre la majorité du peuple vénézuélien - comme "singes, "plèbe" , "hordes" , "édentés" et autres adjectifs de discrimination ethnique et sociale et d’où elle appelle régulièrement au coup d’État contre un president Chavez, comme l’a fait le chef du patronat en décembre 2010. (2)
e) Une étude du Centre pour la Recherche Économique et Politique (CPER) basé à Washington sur les télévisions vénézuéliennes - médias les plus influents du pays - et qui se base sur les mesures d’audience de AGB Panamerica de Venezuela Medicion S.A. - une filiale vénézuélienne du groupe Nielsen Media Research International - groupe privé indépendant du gouvernement Chavez, montre qu’en 2010 les chaînes publiques ne font que 5,4 % d’audience alors que les chaînes privées font 94,5 % (neutres pour les moins politisées, radicalement opposées au gouvernement d’Hugo Chavez pour la majorité) (3). Cette position dominante de l’opposition dans les médias est la même pour la radio et pour la presse écrite. Il suffit de se promener dans les rues de Caracas, pour voir qu’une majorité des titres disponibles dans les kiosques critiquent Chavez, ainsi que la plupart des radios qu’on peut écouter partout à longueur de journée. Dans les bars et dans les restaurants, la chaine nationale de news en continu Globovision est prépondérante. Son positionnement à droite est si radical que même l’ambassadeur états-unien la trouve peu crédible, selon un câble révélé par Wikileaks.
f) Le cas de Reporters Sans Frontières, très hostile au gouvernement actuel du Venezuela, est intéressant. Son premier président et fondateur, le journaliste français Jean-Claude Guillebaud a critiqué la partialité de Robert Ménard qui avait traité Chavez de "caudillo d’opérette" dans sa revue "Médias" : "Je trouve que sur certains sujets, ils ont été assez imprudents, même si le régime de Chavez n’est pas parfait, je les ai trouvés beaucoup trop proches de la presse anti-Chavez au Venezuela. Il aurait sans doute fallu être plus prudent. Je trouve qu’on les entend très peu sur les Etats-Unis." (4)
g) Les grands médias relaient parfois, sans la recouper sur le terrain, l’annonce d’une "censure d’Internet au Vénézuéla" . Pourtant, même un opposant radical comme Federico Ravell, ex-directeur de Globovision et actuel gérant d’une Web de news a reconnu en janvier 2011 qu’il n’y a aucune restriction : "En toute honnêteté, je dois dire que nous ne sommes sentis en rien limités" (5). Récemment la BBC Monde a confirmé qu’il n’y a pas de censure d’internet au Venezuela (6). C’est la conclusion d’une étude récente de OpenNet, une initiative qui associe la Harvard Law School au Citizen Lab de l’University of Toronto (http://map.opennet.net/filtering-pol.html).
h) En janvier 2011 l’UNESCO a décerné un prix au gouvernement du Vénézuéla pour la création d’un réseau national d’Infocentres, qui connecte et forme gratuitement des centaines de milliers de citoyen(ne)s jusqu’ici exclu(e)s des technologies massives de l’information (7). Le gouvernement bolivarien a légalisé des médias communautaires, radios et télévisions, jusque là réprimés et clandestins comme souvent dans le reste du continent. Ils sont aujourd’hui près de 400 dans tout le pays, libres de leur parole. Dans le camp bolivarien on trouve de nombreux sites Web souvent critiques des politiques du gouvernement Chavez comme le site www.aporrea.org .
Le gouvernement a aussi développé l’usage de logiciels libres dans toute l’administration publique. Un des "gourous" de la communauté du logiciel libre, Richard M. Stallmann, recommande que l’on étudie les avancées du Vénézuéla dans ce domaine (8). Twitter a fait son entrée dans tous les secteurs politiques. Le compte du président a dépassé le million de lecteurs et d’interlocuteurs. Il peut ainsi vérifier de première main la mise en oeuvre, les problèmes ou les retards dans l’application des programmes sociaux. (9)
Les points qui précèdent démontrent l’absence de dictature sur le plan des institutions politiques et de la liberté d’expression.
Mais il y a plus : depuis douze ans le Venezuela ne vit pas seulement au rythme d’une démocratie représentative, il s’efforce aussi de la renforcer par la construction d’une démocratie participative. Concrètement il s’agit de multiplier l’expérience observée à Porto Alegre (Brésil) du « budget participatif ». Cela a donné l’explosion des « conseils communaux » - actuellement au nombre de 40.000 - dont la responsabilité est de co-gérer avec l’Etat une dizaine de milliards d’euros depuis 2007 pour construire écoles, routes, hôpitaux, logements sociaux, coopératives de production ou de services, etc.. - et de faire en sorte qu’un nombre croissant de citoyen(ne)s s’engagent au quotidien dans la gestion de l’Etat et surveillent la mise en oeuvre des travaux publics, l’inspection et la réalisation directes de ceux-ci par la population permettant de limiter la corruption administrative. (10)
En décembre 2010, l’Assemblée Nationale a approuvé une "loi d’habilitation" temporaire et prévue dans la Constitution d’avant Chavez, pour permettre au président de prendre des mesures d’urgence pour reloger des dizaines de milliers de victimes d’inondations catastrophiques. Un droit constitutionnel qu’il avait déjà obtenu en 2000, créant 49 lois, dont celle de la réforme agraire ou de la nationalisation du pétrole. Thomas Shannon, le diplomate américain chargé de l’Amérique latine avait d’ailleurs concédé dans un commentaire inhabituellement amical que cette disposition « est valable sous la Constitution et comme tout outil démocratique, dépend de comment on l’utilise ». Faire de ces « pouvoirs spéciaux » « un pas vers la dictature » est donc une enième supercherie. (11)
Les grands médias l’ont pourtant répété, allant jusqu’à déduire que "le parlement est inutile" . C’est faux : le parlement continue de son côté à discuter des lois et à légiférer comme en temps normal. Mieux : on n’a jamais vu au Vénézuéla, en ce début de 2011, un tel bouillonnement de lois d’initiative populaire. Syndicats, mouvements paysans, groupes féministes, victimes d’escroqueries immobilières, associations de locataires et de concierges : le parlement bruisse de projets législatifs. Les organisations citoyennes manifestent, débattent, critiquent les lois existantes ou en proposent de nouvelles, dans la rue, à la télévision, dans les réunions avec les députés et le président - loi sur le droit des travailleurs, loi contre l’impunité pour les "disparitions" ou les "tortures" commises sous les régimes "démocratiques" d’avant Chavez, loi sur le droit locatif, loi sur l’éducation supérieure, etc... au point que l’Assemblée Nationale vient de créer un centre de réception des projets.
Jean-Pierre Martin répond à un téléspectateur :
"Si je me réfère à tous les observatoires des droits de l’homme et de la liberté de la presse, tous les indicateurs mettent en évidences de graves atteintes aux libertés fondamentales et placent le Vénézuela sur la carte du monde parmi les Etats non démocratiques ! C’est sur ces informations que je me suis appuyé. Mais peut-être ont-ils tort ?"
Tout journaliste sait qu’a l’heure de juger de l’état des Droits de l’Homme dans un pays et d’en tirer des conclusions sur son gouvernement, et Amnesty le fait très bien, il faut discerner s’il s’agit de violations isolées ou systématiques ; et qu’il faut aussi observer l’évolution de la situation au fil des années. Ainsi le rapport 2010 d’Amnesty International sur la Belgique évoque-t-il des "recours excessif à la force de la part de la police et d’autres forces de sécurité" , ou des "arrestations et détentions arbitraires" .
Cela ne fait pas du premier ministre belge un "dictateur" . Comme vient de le rappeler le théologien Frei Betto, ex-ministre de Lula et auteur du programme "Faim zéro" , le Brésil de 2011 reste un pays où survit l’esclavage et où se produisent des centaines de d’assassinats, tortures, et où les responsables militaires ou policiers restent souvent protégés par l’impunité (12). Quel journaliste professionnel songerait pour autant à qualifier Mme Dilma Roussef de "dictatrice" ?
Dans le cas du Vénézuéla, le rapport d’Amnesty publié en mai 2011 salue "les avancées du Venezuela en matière de réduction de la pauvreté" en comparant même ces avancées au drame social persistant dans la plupart des pays, et ne parle pas de disparitions forcées ou de tortures comme politique gouvernementale, mais fait état d’exactions menées par des policiers qui peuvent être membres de corps locaux, régionaux de police, affectés à des maires ou à des gouverneurs de droite ou de gauche selon les cas.
C’est parce que beaucoup de policiers étaient impliqués dans des violences, meurtres, actes de corruption, ou peu efficaces face à la délinquance, que le gouvernement Chavez a décidé de créer en 2010 un nouveau corps national de police qui prend peu à peu la place de cette police fragmentée. La nouvelle, contrairement aux antérieures, reçoit une formation approfondie en matière de droits de l’homme. Maurice Lemoine, spécialiste de l’Amérique Latine qu’il parcourt depuis trente ans et ex-rédacteur en chef du Monde Diplomatique, a enquêté récemment sur place sur la genèse de cette formation. (13)
De la même manière l’armée vénézuélienne poursuit son évolution positive en matière de droits de l’homme. Rappelons qu’en 1990 Hugo Chavez avait fondé son « mouvement bolivarien » par rejet du pinochetisme alors dominant en Amérique Latine sous l’impulsion de la National Security et par indignation face au rôle répressif des militaires lors du massacre du Caracazo de 1989 (bilan : entre 2000 et 3000 morts, le président Carlos Andrés Perez ayant donné aux forces armées l’ordre de tirer sur la population lors d’émeutes de la faim dues aux mesures du FMI). La maxime fondatrice du « mouvement bolivarien » était une phrase de Bolivar : « Maudit le soldat qui retourne son fusil contre son peuple ».
Elu président en 1998 Hugo Chavez a mis fin à la formation des militaires vénézuéliens par la tristement célèbre School of Americas, d’où sont sortis depuis des décennies les dictateurs et les bourreaux du continent latino-américain. Il a engagé des milliers de militaires médecins, ingénieurs du génie dans les programmes sociaux (santé publique, construction de logements sociaux, etc..), ce qui a fortement aidé à nouer des liens de respect avec la population. J’en suis témoin : avant l’arrivée du gouvernement actuel, les gens tremblaient quand un soldat s’asseyait à côté d’eux dans un autobus. Aujourd’hui ils ne le remarquent même plus, signe palpable de l’abandon du caractère répressif des forces armées.
Une des lois en discussion au parlement en mars 2011 est une loi contre l’oubli et contre l’impunité pour les disparitions, les fosses communes d’opposants et les tortures perpétrées sous les régimes antérieurs. Le gouvernement actuel a été salué par Amnesty International pour sa nouvelle loi contre la violence subie par les femmes, AI y voit un « exemple pour la région » tout en regrettant la lenteur de sa mise en application (14).
Autres faits notables, la régularisation massive des sans-papiers (notamment de millions de colombiens arrivés au Vénézuéla comme travailleurs clandestins) qui disposent aujourd’hui de droits sociaux (comme logement, santé, éducation) et politiques (comme le droit de vote), ou la lutte relancée en décembre 2010 contre l’esclavage de travailleurs ruraux, notamment dans l’Etat du Zulia.
Sur le plan international le gouvernement bolivarien est également actif en matière de droits de l’homme : Hugo Chavez a critiqué les méthodes des FARC, comme les enlèvements d’êtres humains, favorisant diverses médiations internationales pour leur libération, ce qui lui a valu les remerciements des familles d’otages. Au sein de l’UNASUR le Vénézuéla vient de voter le 13 mars 2011 l’aide juridique aux victimes de la dictature de Duvalier en Haïti.
Que Jean-Pierre Martin qualifie Hugo Chavez de « dictateur » n’est pas le seul mensonge présent dans son reportage. Faisant allusion à son initiative de paix, il conclut par cette phrase, pour lui donner un poids majeur : « personne ne le prend au sérieux. » Or les pays de l’ALBA qui se réunissaient le même jour (4 mars) à Caracas pour parler notamment de la Libye, ont tous appuyé cette initiative. Le lendemain la chancelière espagnole Trinidad Jiménez et la Ligue Arabe avaient annoncé leur intention de l’étudier, le gouvernement libyen l’ayant acceptée. L’ALBA est composé des huit pays suivants : Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et Barbuda, la Dominique, le Venezuela, l’Equateur, Cuba, la Bolivie et le Nicaragua.
Réduire tous ces pays à "personne" montre qu’on n’est plus dans le journalisme ni dans le commentaire mais dans l’occultation, au nom de l’aversion idéologique que nourrit Jean-Pierre Martin pour le président vénézuélien. Il ne s’en cache guère si on en juge par cette réponse étonnante, rédigée à la troisième personne, à un téléspectateur : "Bonjour, le journaliste a bien pris connaissance de votre courriel. Il a vingt-sept ans d’expérience et une bonne connaissance des relations internationales. Il sait que Chavez a fait du Vénézuela un régime non démocratique. Les vénézueliens privés de liberté, de presse libre n’aspirent qu’à la fin de ce régime. C’est utile de le rappeler pour éviter de sombrer dans le « politiquement correct ». Cordialement, Jean-Pierre Martin. »
En guise de conclusion…
En ce début de 2011 le contraste est saisissant entre l’Europe et le Vénézuéla. S’agissant de la France, le CEVIPOF, laboratoire de recherches associé au CNRS, indique que seuls 38 % de français font encore confiance à leurs députés et que 57% considèrent que la démocratie ne fonctionne "pas bien" ou "pas bien du tout" . 39 % des français expriment de la méfiance, 23 % du dégoût, 12 % de l’ennui vis-à -vis de la politique (15).
Au même moment, l’ONG chilienne indépendante Latinobarometro classe le Vénézuéla comme un des pays latino-américains où la population croit le plus dans la démocratie (84% des citoyen(ne)s). (16) Les chercheurs attribuent ce record de confiance à la concrétisation effective de politiques sociales et économiques attendues par la population (17). Pour Latinobarometro "il est paradoxal que ce soit au Vénézuéla que les gens croient le plus à la démocratie et que ce soit en même temps le pays le plus critiqué sur l’état de sa démocratie" . (18)
Thierry Deronne
Tournai, 14 mars 2011
http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1697&lang=fr