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Le président Trump peut-il être un cobelligérant ?

12 mars 2025. Trump ne vient-il pas de faire une erreur ? Il a rétabli le soutien américain au régime ukrainien. Il redevient donc un cobelligérant. Va-t-il persister dans cette position ?

Il n’aura plus alors le rôle de médiateur entre l’Ukraine et la Russie, qui lui donne une image d’homme de la paix et qui commençait à le rendre populaire dans le monde.

La trêve proposée, par l’Ukraine, a d’évidence pour but d’éviter l’effondrement annoncé de l’armée ukrainienne. La débâcle semble avoir commencé à Koursk. Les pertes ukrainiennes sont énormes. L’armée ukrainienne est en danger d’y être encerclée. Des milliers de soldats risquent d’être prisonniers.

En tentant son coup de poker dans la région de Koursk en août 2024, le pouvoir ukrainien n’imaginait pas que c’est de là que pourrait s’annoncer une défaite. Le prix politique qu’il risque de payer alors sera considérable, celui du désaveu de la population ukrainienne qui à l’Ouest, l’a jusqu’à présent apparemment soutenu : désaveu d’une opération militaire aventureuse, désaveu pour avoir ainsi sacrifié des milliers de soldats en les envoyant, pour des calculs politiques, dans une opération sans issue.

La manière avec laquelle, le président Zelenski a été traité par le président des Etats-Unis le 28 février dans le bureau ovale de la Maison Blanche va bien au-delà des commentaires qui ont voulu réduire l’incident à certains aspects psychologiques et humains d’un "clash" entre deux hommes voire entre deux dirigeants. Les dirigeants étasuniens l’auraient-il fait avec un autre chef d’Etat dans le monde ? C’était un serviteur qui était, ici, remis brutalement à sa place. Mais cet épisode est significatif du degré d’humiliation auquel le pouvoir en Ukraine a conduit les Ukrainiens qui lui ont fait confiance. Les Ukrainiens ont dû mesurer l’abime dans lequel la fierté nationale a peu à peu sombré.

Une guerre d’attrition

Ce que ne comprennent pas les médias occidentaux mainstream, parmi bien d’autres aveuglements qui sont les leurs, c’est que la Russie mène une guerre d’attrition. Les journalistes bien alignés, les éditorialistes godillots, les généraux de plateau ne l’ont jamais compris. Ils se sont obstinés à calculer chaque jour la progression russe au nombre de km conquis et non en nombre de brigades ukrainiennes détruites. Ils en tiraient alors, la conclusion rassurante qu’il faudrait "un siècle" à la Russie pour arriver à Kiev si elle en avait l’intention et sur l’inefficacité de l’armée russe. Ils se trompaient eux-mêmes autant qu’ils trompaient l’opinion.

Mais revenons à Trump. Son discours pacifiste, plus exactement non belliciste, peut être sincère d’autant qu’il est motivé et nourri par sa vision des intérêts des Etats-Unis. Son rejet d’une Troisième Guerre mondiale est fortement affirmé, tandis que ses prédécesseurs et les dirigeants européens avaient tendance à considérer le danger d’un conflit nucléaire comme une forme de chantage de la Russie.

Son approche pacifiste, non belliciste de la solution de la crise ukrainienne a certainement reçu une motivation puissante dans son projet d’éloigner la Russie de la Chine. Ceci parait de plus en plus probant. Il n’y a pas d’autre explication à son rapprochement avec la Russie et un discours qui semble déjà inviter celle-ci à une entente, même limitée, même circonstancielle. L’enjeu est là, gigantesque. Les Etats-Unis de Trump ont compris qu’il lui était impossible d’affronter une alliance Chine-Russie dont la puissance l’emporte déjà et l’emportera de plus en plus sur les Etats-Unis, si l’évolution se poursuit, aussi bien économiquement, que militairement et technologiquement. Les pays européens ne sont plus d’un apport assez grand aux Etats-Unis pour contrebalancer une telle puissance en pleine ascendance.

Cette lucidité de Trump n’est évidemment pas partagée par l’Europe qui en est restée à une vieille vision du monde, chaudement abritée, pendant des décennies, derrière la puissance des Etats-Unis et la surestimant. L’adoption le 13 mars, en France, à l’Assemblée nationale, d’une "déclaration de soutien à l’Ukraine" de façon massive par les députés, à contrecourant du processus de paix en cours, indique la faiblesse de l’opposition en France sur les questions vitales pour la nation, autres que sociales, principalement celle de la guerre et de la paix. Elle montre aussi comment l’Europe de l’Ouest risque de se retrouver en marge des évènements historiques en marche, avec comme sanction, de se retrouver peu à peu marginalisée.

Autres temps

Les dirigeants européens ont attendu, et espèrent probablement encore, que les Etats-Unis reviennent dans leur rôle de gendarme du monde. Mais les temps ont changé.

La situation des rapports de force actuels dans le monde n’a rien à voir avec la situation prévalent du temps de l’URSS. Celle-ci n’avait pas une puissance économique adéquate à sa puissance militaire par rapport au système occidental d’alors. Le grand changement est la montée irrésistible de la Chine. C’est la puissance économique principalement de la Chine qui a fait que la Russie est pratiquent insensible aux sanctions, trouvant dans la Chine tous les produits manufacturés nécessaires à sa vie économique et sociale, et à sa croissance, outre l’indépendance alimentaire qu’elle s’était construite. Il faut y ajouter aussi les relations économiques avec d’autres grands pays du BRICS qui sont d’un apport appréciable.

Trump a, peut-être, en définitive, la lucidité de voir tout cela et peut être aussi la souplesse d’en tenir compte, au contraire de "l’Occident collectif" agrippé à ses vieux privilèges et à sa nostalgie d’un ordre révolu.

C’est cette lucidité qui explique le rôle de médiateur pour la paix adopté par Trump, seul moyen pour lui de prendre attache avec la Russie. Peut-il donc y renoncer et revenir à la politique qu’a menée, au nom d’un président Biden malade et affaibli, l’Etat profond aux Etats-Unis. Peut-il redevenir un cobelligérant dans le conflit ukrainien ?

Il semble qu’il lui sera très difficile, voire impossible, de revenir à une posture agressive, comme l’avaient les démocrates, représentant un establishment usé, en perte totale de crédibilité dans l’opinion étasunienne, face aux nouvelles forces, jeunes et pleines d’ardeur, du capital technologique, du monde de la Tech.

La balance du rapport de forces passe actuellement au point exact où se trouve la Russie entre la Chine et les Etats Unis. Et la Russie le sait. Elle sait que Trump ne peut se payer le luxe d’un conflit sans perspectives avec elle. Ce conflit, les démocrates l’avaient tenté et poussé jusqu’au bout. Ils ont échoué. Le président Trump ne peut le reprendre comme si de rien n’était.

Peut-être que le principal mérite du président Trump, s’il se confirme, aura été de ne pas vouloir résoudre par la guerre entre grandes puissances, ces tensions nées de la fin annoncée de l’hégémonie occidentale dans le monde.

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RÉVOLUTIONNAIRES, RÉFUGIÉS & RÉSISTANTS - Témoignages des républicains espagnols en France (1939-1945)
Federica Montseny
Il y a près de 80 ans, ce sont des centaines de milliers d’Espagnols qui durent fuir à l’hiver 1939 l’avancée des troupes franquistes à travers les Pyrénées pour se réfugier en France. Cet événement, connu sous le nom de La Retirada, marquera la fin de la révolution sociale qui agita l’Espagne durant trois ans. Dans ce livre, on lit avec émotion et colère la brutalité et l’inhumanité avec lesquelles ils ont été accueillis et l’histoire de leur survie dans les camps d’internement. Issu (…)
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