RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

« L’Humanité qui file sur un océan d’insouciance » est pareille à la Nef des fous de J. Bosch.

Ceux qui nous alertent sont raillés comme Démocrite fut jugé fou par les Abdéritains...

« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » (Verlaine)
D’une embarcation inconnue, et que j’aime
« Et qui n’est chaque fois ni tout à fait la même »
Ni tout à fait autre, et m’attire et me surprend.

C’est une embarcation formidable, de dimensions plus qu’imposantes.
Elle est semblable à ses paquebots de croisière, taillés pour voguer sur la mer océane.
J’ai toujours du mal à discerner les détails, mais, je perçois toujours l’allégresse sur le pont supérieur. Je n’entends pas les échos des ponts intermédiaires. Seulement, j’imagine qu’au niveau des machines règne une atmosphère tropicale.
Tout semble serein : nulle menace dans le ciel, c’est là l’essentiel !
Alors que je cherche à dévisager quelqu’un parmi cette foule bigarrée, je finis, chaque fois, par être distrait, entraîné par les volutes qui s’échappent des hautes cheminées. Elles s’effilochent, s’estompent et s’évanouissent.
Rien de bien méchant. Seul un léger voile trouble à peine l’immensité. Puis le voile emplit tout l’espace.
Dans ce trouble qui se fait diaphane, je crois retrouver, deviner l’embarcation majestueuse.
À l’évidence, elle a dû déjà s’éloigner, les dimensions ne sont plus tout à fait les mêmes. Mais l’allégresse est identique, c’est là l’essentiel !
Comme le voile se déchire brutalement, l’embarcation n’est plus qu’une grosse coquille de noix, il est même un arbre en guise de mât. Le monde présent est joyeux, on fait ripaille. Un personnage déguisé, le regard absorbé vers la poupe, est à la barre, c’est dire la bonne ambiance.
Je finis toujours par reconnaître ce tableau qui s’offre à moi : ce n’est pas le Radeau de la Méduse, allégresse oblige, mais la Nef des Fous.
Et le songe de s’évanouir.

Tout cela est des plus déraisonnables : j’habite en pleine terre, et n’ai point le pied marin.
Ainsi, dans ce rêve étrange, chaque fois le navire amiral finit par ressembler à La Nef des Fous, au tableau de Jérôme Bosch.

Je ne sais pas pourquoi je vous raconte cela. Je sais seulement que j’ai lu, tantôt, la présentation de « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme », livre écrit par Hervé Kempf https://www.legrandsoir.info/pour-sauver-la-planete-sortez-du-capitalisme-de-herve-kempf.html

Comme la sobriété et la lenteur sont étrangères à ce monde que l’on consume allégrement, comme ceux qui préconisent la décroissance et l’équitable partage sont ignorés quand ils ne sont pas moqués, il me souvient que je voulais vous parler, non pas de Démocrates et de Républicains, mais de « Démocrite et les Abdéritains » par La Fontaine, il est encore question de fous :

« Que j’ai toujours haï les pensers du vulgaire !
Qu’il me semble profane, injuste, et téméraire
Mettant de faux milieux entre la chose et lui,
Et mesurant par soi ce qu’il voit en autrui !
Le maître d’Épicure en fit l’apprentissage.
Son pays le crut fou. Petits esprits ! Mais quoi !
Aucun n’est prophète chez soi.
Ces gens étaient les fous, Démocrite le sage.
L’erreur alla si loin qu’Abdère députa
Vers Hippocrate, et l’invita,
Par lettres et par ambassade,
À venir rétablir la raison du malade.
« Notre concitoyen, disaient-ils en pleurant
Perd l’esprit : la lecture a gâté Démocrite.
Nous l’estimerions plus s’il était ignorant.
« Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
« Peut-être même ils sont remplis
« De Démocrites infinis. »
Non content de ce songe, il y joint les atomes,
Enfants d’un cerveau creux, invisibles fantômes ;
Et, mesurant les cieux sans bouger d’ici-bas,
Il connaît l’Univers, et ne se connaît pas.
Un temps fut qu’il savait accorder les débats :
Maintenant il parle à lui-même
Venez, divin mortel ; sa folie est extrême. »
Hippocrate n’eut pas trop de foi pour ces gens ;
Cependant il partit. Et voyez, je vous prie,
Quelles rencontres dans la vie
Le sort cause ! Hippocrate arriva dans le temps
Que celui qu’on disait n’avoir raison ni sens
Cherchait dans l’homme et dans la bête
Quel siège a la raison, soit le cœur, soit la tête.
Sous un ombrage épais, assis près d’un ruisseau,
Les labyrinthes d’un cerveau
L’occupaient. Ils avait à ses pieds maint volume,
Et ne vit presque pas son ami s’avancer,
Attaché selon sa coutume.
Leur compliment fut court, ainsi qu’on peut penser :
Le sage est ménager du temps et des paroles.
Ayant donc mis à part les entretiens frivoles,
Et beaucoup raisonné sur l’homme et sur l’esprit,
Ils tombèrent sur la morale.
Il n’est pas besoin que j’étale
Tout ce que que l’un et l’autre dit.
Le récit précédent suffit
Pour montrer que le peuple est juge récusable.
[...]  »

Ainsi, à ne pas vouloir entendre la Sagesse, l’Humanité, qui file dans un océan d’insouciance, aura à connaître des lendemains agités. Ils n’en mourront pas tous, mais tous seront frappés.

J’allais oublier de vous dire que, dans l’embarcation majestueuse, vous reconnaîtrez aisément le Capitaine : c’est celui qui n’a pas de visage.

Vous aurez deviné son nom : c’est là l’essentiel ?

« Personne »


Note : antérieurement au tableau de J. Bosch, il fut publié la « Nef des folz du Monde » en 1497, traduction de « Narrenschiff » de Sébastian Brant (1494 ; ouvrage qui connut un grand succès ; il n’est pas certain que Bosch eût connaissance de ce très long poème). À ce sujet, nous pouvons lire sur http://gallica.bnf.fr/
 
« Cette Nef des fous, dans laquelle personne ne se reconnaît, mais où chacun découvre son voisin, tous ses voisins, n’est autre que le grand navire du monde, sur lequel prend place, pour la traversée de la vie, quiconque, se croyant sage, ne voit pas qu’il a la tête à l’envers. Eh ! N’est-ce pas un peu tout le monde ? Et voici nos gens venir. Chacun avec le bonnet de folie qui le coiffe, avec le pli du visage qui le distingue, avec le geste qui le trahit, les voici, silhouettés d’un trait mordant, croqués à vif […] avec leurs ridicules ou leurs vices, leur balourdise ou leur insolence, leur présomption ou leur légèreté, et par surcroît, leur aveuglement à tous. Le vaisseau en a plus qu’il ne peut contenir […] Ayons le courage de le reconnaître : qui n’a pas sa petite fêlure ? […] Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés […] Quelles idées nous mènent ? Quelles sottes raisons nous font souvent agir ? Que cherchons-nous dans ce monde ? Quelles chimères poursuivons-nous ? De quelles influences sommes-nous le jouet ? Qui se rit de nous et qui nous leurre ? Quels intérêts négligeons-nous ? Et pour quelles futilités ? […] Nous sommes fous, et plus qu’à demi ; et si nous ne nous en doutons pas, c’est que nous sommes tout à fait fous. »

Illustrations extraites de l’incunable numérisé par la BNF

URL de cet article 31185
   
Même Thème
"Pour sauver la planète, sortez du capitalisme" de Hervé Kempf
René HAMM
Le titre claque comme un slogan que l’on clamerait volontiers avec allégresse. Quel immense dommage que si peu de Vert(-e)s adhèrent à ce credo radical, préférant, à l’image de Dominique Voynet Daniel Cohn-Bendit ou Alain Lipietz, quelques commodes replâtrages ! Les déprédations gravissimes de l’environnement découlent d’un mode de production uniquement mû par « la maximisation du profit ». La crise économique actuelle, corollaire des turbulences qui ont frappé la bulle des hedge funds et (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

(...) quelqu’un a dit il y a vingt ans : "vous pouvez croire tout ce qu’on raconte sur cet homme, sauf qu’il est mort".

(...) Ce lieu sera pour toujours un témoignage de lutte, un appel à l’humanisme. Il sera aussi un hommage permanent à une génération qui voulait transformer le monde, et à l’esprit rebelle et inventif d’un artiste qui contribua à forger cette génération et en même temps en est un de ses symboles les plus authentiques.

Les années 60 étaient bien plus qu’une période dans un siècle qui touche à sa fin. Avant toute chose, elles ont été une attitude face à la vie qui a profondément influencé la culture, la société et la politique, et a qui a traversé toutes les frontières. Un élan novateur s’est levé, victorieux, pour submerger toute la décennie, mais il était né bien avant cette époque et ne s’est pas arrêté depuis. (...)

Avec une animosité obstinée, certains dénigrent encore cette époque - ceux qui savent que pour tuer l’histoire, il faut d’abord lui arracher le moment le plus lumineux et le plus prometteur. C’est ainsi que sont les choses, et c’est ainsi qu’elles ont toujours été : pour ou contre les années 60.

Ricardo Alarcon,
président de l’Assemblée Nationale de Cuba
Allocution lors de l’inauguration de la statue de John Lennon à la Havane, Décembre 2000

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.