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Ingérence vs souveraineté

tableau : "Patria o Muerte", José González (Cuba)
« La vraie bataille, celle qui permet à terme que s’actualisent toutes les potentialités d’une idéologie, ne se joue pas dans les pratiques, que l’on peut toujours imposer, mais dans les consciences qu’il faut gagner par la conviction, qui utilise des ressources, plus subtiles, de la manipulation et de la propagande ».
Philippe Breton

L’idéologie est définie par Marx comme la somme des conceptions et interprétations du réel qui le déforment. La connaissance n’est donc pas un simple reflet contemplatif du réel ; elle appréhende la réalité à travers un prisme d’intérêts de classe qui lui donne une vision tronquée.

L’idéologie a un rôle d’autojustification de l’ordre économique existant qui instille l’illusion de la liberté pour mieux imposer les effets de la nécessité.

Dans la société capitaliste, le développement de la richesse étant sujet à l’initiative privée, au libre échange des marchandises et la concurrence, une liberté relative est requise. Au-delà de cette liberté apparente, le régime impose l’obéissance et le conformisme de la pensée. Le processus social requiert en effet une certaine normalisation qui vide de sens l’autonomie. Ces mécanismes échappent à la plupart des gens qui ne sont pas conscients de leur asservissement ; ils sont convaincus de donner suite à leurs propres réflexions et de ne pas subir le poids des forces socio-économiques (marché, crise,…) et l’influence des canaux de contrôle disséminés dans un faisceau d’institutions (école, médias, religion,...).

L’histoire ne suit pas inexorablement un chemin linéaire ; elle connaît au contraire des ruptures, des arrêts et des accélérations. Il ne faut pas minorer par conséquent le rôle ultime de la subjectivité. En dépit du déterminisme socio-économique, il y a une place dans le cadre général pour le geste politique. Le mouvement révolutionnaire cubain célèbre cette convergence entre les forces historiques et la volonté politique. Les dirigeants du type de Fidel Castro ou de Che Guevara sont l’incarnation et le produit des luttes sociales. Sans le surcroît de subjectivité de telles personnalités, Cuba serait restée probablement une étoile blafarde sur la bannière américaine.

L’ordre économique est remis en cause en Amérique du Sud dans la mesure où il devient de plus en plus inadéquat et irrationnel par rapport aux forces productives. Hugo Chavez a engagé un modèle de développement novateur que la défection des institutions politiques classiques et l’offensive du libéralisme individualiste ont rendu nécessaires. Il est parvenu à fédérer la grande majorité de la nation autour d’un projet et de valeurs communes et à leur redonner la dignité en tant qu’agent de leur propre histoire. Son succès tient au pouvoir causal de sa politique qui s’est très vite matérialisée dans la vie pratique. Dans ces conditions, il est normal que le mouvement bolivarien inspire d’autres nations sud-américaines en proie au même « mal-développement » économique et social.

La globalisation du capitalisme financier a entraîné un redéploiement géographique des relations de pouvoir et un transfert des instances décisionnaires. Il a totalement bouleversé le sens même de la politique. Par souci d’efficacité, les systèmes et les espaces de résistance doivent muer en même temps que le modèle hégémonique. La critique radicale doit donc se réorganiser sur base de ces nouvelles coordonnées tout en préservant son cap : la construction d’un projet de civilisation convivial. La déconstruction des solidarités sociales et la rhétorique individualiste créent des dissensions au sein des classes dominées et entre des pays ou des régions. Il est impérieux dès lors d’établir de nouvelles solidarités et convergences, de nouvelles plateformes de discussion locales et internationales. L’engagement politique ne peut plus se confiner aux seuls intérêts sectoriels et nationaux.

Aux soubassements de la politique étrangère des Etats-Unis, il y a le concept de « destinée manifeste », selon lequel il n’y a qu’un seul destin possible pour l’humanité qui leur incombe de réaliser. Ce serait la voie évidente de la nation nord-américaine, inspirée de Dieu, de s’étendre et de conquérir l’ensemble d’abord du continent et ensuite du monde. Les Indiens, dont la culture communautaire était irréductible au modèle de référence, devaient se laisser civiliser de gré ou de force. Il en va de même aujourd’hui des Arabes auxquels on dénue toute forme de civilisation. Cette approche dédaigneuse adossée à un complexe de supériorité sanctifie le clivage du civilisé et du barbare incapable de choisir ses propres gouvernants et son propre destin.

Les ingérences sont justifiées par un discours moraliste insufflant une vision du monde manichéenne dans lequel les Etats-Unis font offrande de leur « démocratie » aux peuples barbares. Plus souvent encore que la guerre, les Etats-Unis ont recours à des menées clandestines et des opérations subversives à travers la CIA et ses satellites telles que la USAID ou la NED comme on a pu le constater récemment en Georgie, en Ukraine, en Iran et de part et d’autre de l’Amérique latine. Le dernier exemple du Honduras est édifiant.

Comme le démontre la pénétrante argumentation de Karl Marx dans la « Question juive », l’idéologie des droits de l’homme est un des fondements du système capitaliste qui oppose l’homme formel à l’homme réel. Supposée protéger l’individu, cette philosophie s’impose désormais comme un nouveau levier d’intervention et de subordination. Elle permet d’une part de légitimer le modèle dominant en lui attribuant une valeur transcendante et de discréditer par ailleurs tout projet social alternatif.

Les Etats-Unis instrumentalisent invariablement leurs concepts idéologiques pour interférer dans les affaires politiques des autres pays. Le supposé manquement aux libertés individuelles est devenue la raison ultime pour violer la souveraineté des peuples. Depuis le triomphe de la révolution cubaine, une campagne de diffamation sans pareille a été mise en oeuvre pour discréditer le projet politique. Il s’agit de créer une donnée immédiate de conscience imperméable aux faits, d’établir des analogies mécaniques dans l’imaginaire collectif pour définir une image distordue de la réalité.

Dès qu’on abandonne cette vision restreinte et partisane pour une perception globale, on s’aperçoit que Cuba est certainement un des pays qui respecte le plus les valeurs humaines, et pas seulement celles de son peuple. Ce petit pays, aux faibles ressources économiques, envoie des légions de médecins et d’instituteurs aux confins du monde, dans les quartiers et les pays déshérités, par simple expression de la solidarité internationale. Cuba n’a aucune visée agressive mais est fermement résolu à faire respecter son droit à l’autodétermination, patrimoine inaliénable du peuple cubain. C’est ainsi que Cuba continue d’irriguer les réflexions politiques du continent américain et représente l’avant-garde du courant progressiste.

Emrah Kaynak

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