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Une autre histoire des récents évènements israélo-palestiniens (que la soupe qu’on nous sert tous les soirs à la télé)

Ce qui s'est passé le 7 octobre en Israël est une une abomination, un acte de terrorisme touchant des civils sans distinction et ne doit souffrir d'aucune forme de complaisance. Ceci étant dit, la réponse d'Israël est elle aussi une abomination et les crimes de Tsahal n'ont rien a envier à ceux du Hamas sur l'échelle de l'horreur. Surtout, essayer de faire passer le bombardement de civils à Gaza pour un acte d'auto-défense, une réponse légitime d'Israël face à ses agresseurs, est intellectuellement malhonnête et moralement abject.

Techniquement, l’intrusion du Hamas du 7 octobre 2023 découle de défaillances côté israélien (services de renseignements, surveillance aux frontières), lesquelles doivent être et seront bien sûr analysées pour que cela ne se reproduise plus. Israël a beaucoup misé sur la technologie (dôme de fer ...) et il y a fort à parier que le pays reverra sa politique de sécurité (et peut-être aussi ses dirigeants) dans les années à venir.

Par contre, la décision de Netanyahou de mener une guerre sans merci, dévastatrice dans la bande de Gaza, est absurde autant que cruelle. Absurde parce qu’on sait aujourd’hui que la guerre contre le terrorisme ne marche pas. Les occidentaux s’y sont maintes fois essayé (les Français en Indochine ou en Algérie, les Étasuniens encore récemment en Afghanistan ou en Irak) et on a vu à chaque fois ce que ça a donné.

Le terrorisme ne provient pas de nulle part. Il découle d’un sentiment d’injustice, d’humiliation, d’une volonté vengeance, et prospère dans les situations d’apartheid, d’occupation ou encore d’ingérence. Il se manifeste alors par des guerres asymétriques, armée régulière d’un côté, miliciens/combattants civils de l’autre, ces derniers s’en prenant parfois à d’autres civils pour régler leur conflit.

Cela ne justifie pas les horreurs du terrorisme, ni ne les excuse : il faut pouvoir se lever le matin et décidant d’aller tuer d’autres civils. Il s’agit juste de comprendre ce qui peut générer de tels comportements monstrueux afin d’éviter qu’ils se reproduisent. Comme disait Marx : "celui qui ne connait pas l’histoire est condamné à la revivre" ...

Remarquons au passage que la plupart des pays sont assez cyniques sur le sujet, classant ou déclassant des groupes en fonction de leurs intérêts (géo)stratégiques et n’hésitant parfois pas à soutenir des terroristes lorsqu’il s’en prennent à des pays ennemis.

Rappelons par exemple que Ben Laden et ses camarades étaient considérés comme des "soldats de la liberté" quand il s’agissait de combattre les Russes en Afghanistan, de même que les terroristes de l’UCK (Kosovo) quand ils luttaient contre les Serbes en ex-Yougoslavie. Plus récemment le PKK (Kurde), a lui aussi vu son degré de fréquentabilité augmenter lors de la constitution d’une coalition internationale contre Daech.

Et que dire des groupes juifs tels que l’Irgoun, le Betar, le Lehi, la Hagannah qui ont commis de nombreux attentats contre les Britanniques (mandataires de la Palestine après la première guerre mondiale), les Arabes de Palestine et même certains médiateurs de l’ONU (Bernadotte, Sérot) jusqu’en 1948 ? La plupart de leurs membres ont été intégré à l’armée régulière israélienne, certains de leurs cadres (Itzhak Shamir, Menahem Begin) devenant même des dirigeants d’Israël.

Bref, la façon de considérer le terrorisme n’est pas toujours objective, l’explication qu’on en donne parfois simpliste et l’analyse d’un évènement donné, aussi horrible soit-il, nécessite parfois sa mise en perspective afin d’en saisir les tenants et aboutissants (et surtout, éviter qu’il ne se reproduise).

Gaza est une bande de 30 km de long sur dizaine de large dans laquelle vivent plus de deux millions d’habitants. Soit une densité de population de plus de 6.000 habitants par km2 (l’une des plus élevée au monde). Un seul point d’entrée (en Égypte) et une population sous blocus qui vit, de l’aveu même de certains dirigeants occidentaux, dans une "prison à ciel ouvert".

Les membres du Hamas ont construit un ensemble de tunnels sous Gaza (plus de 500 km), desquels ils préparent leurs opérations contre Israël (tirs de roquettes ...). Ces tunnels descendent souvent à de grandes profondeurs (plusieurs dizaines de mètres) et remontent parfois jusque dans les zones d’habitations (logements, hôpitaux). De fait, combattre le Hamas en menant des bombardements sur Gaza consiste principalement à détruire des vies civiles.

Moins d’un mois après le début des bombardements, il y aurait déjà 10 000 morts civils, dont 4.000 enfants.

Ces opérations n’ont rien d’une "légitime défense", ou d’un quelconque "droit d’Israël à se défendre". Un acte d’auto-défense a lieu sur le coup et pas après. Il s’agit là d’une vengeance aveugle, une punition collective touchant des civils sans distinction et menaçant même des vies israéliennes (otages retenus par le Hamas).

Le but affiché par le gouvernement de Netanyahou est "d’éradiquer le Hamas". Mais même à supposer que ses membres présents sur place n’aient pas fui (et soient tous éliminés), que faire de ses hauts dirigeants, vivant généralement à l’étranger (Qatar, Égypte) ?

Les civils eux ne peuvent pas fuir. Ils sont condamnés à voir leurs proches mourir sous leurs yeux ou endurer leurs souffrances sur place puisque même les trêves humanitaires sont refusées par Israël. Croire qu’on puisse mettre fin au terrorisme en agissant de la sorte est d’une absurdité sans nom. Car que vont devenir les témoins/rescapés de ces atrocités sinon les combattants/terroristes de demain ?

Netanyahou prétend combattre une organisation qu’il a lui même contribué à renforcer. Ainsi a-t-il facilité les transferts de fond (du Qatar notamment) vers le Hamas dans le seul but d’affaiblir l’autorité palestinienne (en Cisjordanie) et ainsi empêcher la création d’un état palestinien.

En déplaçant bon nombre de soldats basés autours de Gaza vers les colonies sauvages en Cisjordanie, il a aussi contribué à affaiblir la surveillance autour de Gaza, facilitant ainsi l’intrusion du 7 octobre.

Le Hamas règne en maître sur Gaza. Depuis sa prise de contrôle sur le territoire en 2007, il n’y a pas eu d’élections. Une grande partie de la population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que l’élite dirigeante mène grand train. Des manifestations de grande ampleur ont plusieurs fois eu lieu (la dernière en août 2023), mais ont été à chaque fois réprimées et n’ont pas changé grand chose pour la population.

La population gazaouie est en situation de dépendance vis à vis du Hamas (qui dispose de financements étrangers importants, notamment du Qatar) et elle est également un peu otage du groupe (qui mène des actions contre Israël sans penser aux conséquences pour les civils).

D’un autre côté, le Hamas n’existerait pas sans la politique de colonisation et d’apartheid d’Israël. Et l’autorité palestinienne, pourtant modérée, n’a jamais fait l’objet d’une quelconque considération de la part de Netanyahou (qui poursuit sa politique de colonisation sauvage en Cisjordanie).

Au final, le Hamas et le gouvernement israélien sont deux extrémismes qui se font face.

L’action du premier répond essentiellement à un agenda politique. Le rapprochement entre Israël et certains pays arabes (accords d’Abraham), en affaiblissant l’unité arabe (et donc aussi la cause palestinienne), a probablement joué un rôle déclencheur dans les attaques du 7 octobre (avec les moyens atroces que l’on connait malheureusement).

Quant au second, il tombe dans le piège tendu par le premier. Pourquoi ne pas aller discuter avec le Qatar (et autres pays qui "tiennent" le Hamas) pour obtenir une solution politique (la libération des otages, l’affaiblissement voire le départ du Hamas) plutôt que d’apporter une réponse aveugle, disproportionnée aux attaques du 7 octobre ?

Dans tous les cas, ce sont les civils qui trinquent. C’est pour ça qu’il est urgent d’obtenir un cessez-le-feu.

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