Sur son compte X (anciennement Twitter) le maire de Nice écrit : "Avec la rectrice Natacha Chicot, nous dénonçons les graves atteintes à la laïcité qui se sont déroulées dans une école de Nice où deux élèves de CE2 ont organisé une prière dans l’enceinte de l’établissement. Notre devoir est de ne jamais laisser passer ces comportements."
Le soir même, Christian Estrosi et la rectrice publient un communiqué de presse dans lequel ils expliquent : "Le principe de laïcité est un principe de la République qui ne peut en aucun cas être contesté. Il s’impose à tous, dans toutes nos écoles publiques, sur le temps de classe comme sur le temps périscolaire. Nous ne laisserons rien passer. Notre République laïque que nous défendons et en laquelle nous croyons est notre socle collectif".
Le maire et la rectrice indiquent avoir mobilisé l’adjoint délégué à l’Éducation ainsi que la directrice de l’école concernée afin de "convoquer et recevoir sans délai les parents ... pour rappeler les principes fondamentaux de la laïcité".
L’affaire est répercutée au niveau national par l’éventail des médias de droite : Cnews, Europe1, Le Figaro, Le JDD, Valeurs Actuelles ... Tous reprennent l’information sans vérifier les faits (alors que ce principe est considéré comme fondamental dans la déontologie du journalisme), sans même prendre aucune précaution d’usage (l’emploi d’une formulation au conditionnel par exemple).
Boulevard Voltaire se risque même à un article "d’analyse", regrettant que cette affaire n’aille pas plus loin (que la simple notification d’un "avertissement" aux enfants et l’obtention d"excuses" de la part des parents) et présentant presque Estrosi comme un affreux gauchiste.
Sauf que ... cette histoire est complètement bidon. En réalité, les enfants ne sont même pas musulmans et ne faisaient que jouer à des jeux. Selon le père d’un de l’un d’eux : "Les écoliers invoquaient un fantôme en apercevant une bâche blanche coincée dans les branches d’un arbre de la cour de récré". Les enfants auraient "appelé la bâche" (considérée dans le jeu comme un fantôme) et c’est cet appel qui aurait été interprété comme des prières.
Convoqués par la mairie, les parents ont tout expliqué. Mais la mairie n’a pas cru bon de corriger publiquement son erreur. Si elle a bien admis, dans un communiqué transmis après la convocation des parents, que "les cellules familiales n’ont démontré aucune volonté d’enfreindre les principes de laïcité et de la République", elle n’a pas démenti "les prières" et a continué d’entretenir le flou sur l’origine ethnique des enfants.
Ce n’est pas la première fois que le maire de Nice colporte ce genre d’informations. Comme en juin de cette année, avec l’histoire "des prières musulmanes dans la cour par des enfants de CM1 et CM2". Là encore, des faits non documentés, prenant une ampleur nationale, avec tout ce que cela implique de rejet et de stigmatisation pour les enfants/familles concernées.
Des “ fake news ” qui s’inscrivent dans une longue tradition de "chasse aux arabes" menée par Estrosi. On se souvient par exemple de sa mesure "anti-youyous", de l’interdiction de drapeaux (algériens) dans les stades, de la fermeture des épiceries de nuit ou encore de sa récente sortie sur les "faux bébés" gazaouis.
Pour revenir à l’histoire des prières, il est toujours hallucinant de voir le maire de Nice se faire le chantre de la laïcité face à la communauté arabe/musulmane pour basculer ensuite dans le zèle inverse s’agissant d’autres communautés (cf la fête de Hanouka célébrée publiquement chaque année à Nice).
Côté rectorat, on pourra s’étonner aussi de la vélocité de la rectrice à emboiter le pas d’Estrosi sur une question politique/polémique, pour ensuite se carapater en même temps que lui une fois la vérité établie. Des services de l’État à la solde des élus ? Une vieille tradition niçoise ...
Quant à nos brillants médias mainstream (Cnews, Le Figaro ...), ils n’ont pas cru bon eux non plus de revenir sur leur récit, en publiant un nouvel article ou en mettant à jour leur article erroné (les articles originaux sont d’ailleurs toujours en ligne).
D’aucuns pourraient penser que tout cela porte atteinte aux principes de république, de démocratie. Mais à une époque ou le racisme s’institutionnalise et où l’extrême droite arrive aux portes du pouvoir, peut être ces principes commencent ils à devenir un peu désuets.