L’utilisation du terme « valeurs » à intervalles réguliers semble être obligatoire lorsque la bureaucratie bruxelloise communique avec le public. Généralement, le terme est utilisé pour camoufler les effets réels de ses politiques en usant d’un verbiage sur les droits de l’homme et la démocratie.
Un document interne indique que, derrière des portes closes, les représentants de l’UE sont en réalité motivés par des valeurs de nature financière et commerciale.
Ce même document a été préparé pour Carlos Moedas, commissaire européen responsable des sciences, avant une discussion qu’il a eue en décembre 2018 avec Aharon Leshno-Yaar, ambassadeur d’Israël à Bruxelles.
Les responsables qui ont rédigé ce document disaient à Moedas : « vous accordez une grande importance au rôle que jouent la recherche et l’innovation » dans la définition des relations entre Israël et l’UE.
Clairement impressionnés par la réputation d’Israël en tant que puissance high-tech, les responsables ajoutaient qu’il n’y avait « aucun doute sur notre volonté de poursuivre la coopération » dans les années à venir.
Israël participe aux activités de recherche de l’Union européenne depuis 1996 et son champ de participation s’est considérablement élargi au cours de cette période.
Les récents bénéficiaires de subventions de l’UE en recherche scientifique incluent les ministères de la Défense et de la « Sécurité publique » d’Israël. Ce sont les départements du gouvernement qui supervisent une armée qui occupe la Cisjordanie et Gaza, et tout un système carcéral dans lequel des Palestiniens sont fréquemment torturés.
L’ignorance n’est pas une excuse
En tant que responsable d’Horizon 2020 – le programme scientifique de l’UE – Moedas a la responsabilité d’autoriser les organismes qui oppriment les Palestiniens à en profiter.
Moedas est-il correctement informé de ces questions ? Probablement pas.
Le document d’information susmentionné ne dit pas ce qu’il y a d’éthique d’embrasser un aussi important violeur de droits humains comme Israël.
Mais l’ignorance n’est pas une excuse. Même si son entourage a décidé de le laisser dans l’ignorance, Moedas pourrait facilement connaître la vérité sur Israël à partir d’autres sources.
Une des conditions pour participer à Horizon 2020 est qu’Israël contribue au budget du programme.
Le document d’information fourni à Moedas – obtenu par le biais d’une demande d’information – souligne qu’Israël semble en passe de devenir un bénéficiaire net.
Selon les projections de responsables de l’UE, Israël aura mobilisé près de 1,6 milliard de dollars de subventions dans Horizon 2020 d’ici la fin de l’année prochaine (le programme a débuté en 2014). La somme globale serait supérieure d’environ 155 millions de dollars au montant de 1,4 milliard de dollars qu’Israël devrait verser au programme.
Chanter en cœur
Le document d’information suggère qu’Israël sera en mesure de rejoindre le prochain programme de recherche pluriannuel de l’Union européenne, intitulé Horizon Europe.
Israël est néanmoins préoccupé par le fait qu’Horizon Europe offrira à ses fabricants d’armes moins d’opportunités financières que le programme actuel.
Horizon Europe sera séparé du Fonds européen de défense, une nouvelle initiative conçue pour stimuler l’innovation dans l’industrie de guerre. Israël pourrait ne pas être en mesure de souscrire à ce fonds, indique le journal.
Les marchands israéliens de la mort ne devraient pas en être trop perturbés.
Elbit Systems et Israel Aerospace Industries – les principaux fournisseurs de drones utilisés lors d’attaques à Gaza – se sont révélés capables de bénéficier jusqu’à présent de subventions de l’UE. Avec un peu d’ingéniosité, ils devraient pouvoir continuer à le faire.
De plus, Israël a aidé à définir le programme dans lequel l’UE dépenserait plus d’argent des contribuables pour développer des robots tueurs et d’autres armes futuristes.
L’industrie de guerre israélienne a participé activement à certaines discussions d’experts qui ont ouvert la voie à la création du nouveau fonds.
Et comme Elbit a des filiales en Belgique et en Grande-Bretagne, il n’est pas exagéré d’imaginer que la firme israélienne pourrait trouver des moyens inavouables d’accéder au financement de l’UE.
Pour la première fois, l’UE aura bientôt un commissaire chargé de renforcer l’industrie de la guerre. Il est peu probable que cela ait échappé à l’attention d’Israël.
Les décideurs politiques de l’UE et les fabricants d’armes israéliens chantent en harmonie.
Elbit a récemment utilisé des foires de l’armement pour présenter sa « vision » de la manière dont les combats de demain seront conduits. Le travail d’Elbit sur la façon d’envisager l’avenir a été facilité par les essais antérieurs d’armes sur des civils palestiniens.
Israël et son industrie de guerre sont parfaitement capables de saisir les opportunités offertes par une militarisation accrue en Europe, aux États-Unis ou ailleurs.
Avec la publicité adéquate, ils seront même vantés pour leur protection des « valeurs » occidentales ».
David CRONIN
* David Cronin est le correspondant de l’agence de presse Inter Press Service. Né à Dublin en 1971, il a écrit pour diverses publications irlandaises avant de commencer à travailler à Bruxelles en 1995. Son dernier livre, Corporate Europe : How Big Business Sets Policies on Food, Climate and War est publié chez Pluto Press.
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