RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
15 
L’horreur des bavures, décrite par un grand reporter

Toc,toc ! Qui c’est ? C’est la frappe chirurgicale.

D'être vieux comme un naufrage me vaut d'avoir vécu quelques "représailles" de l'histoire. Ces opérations du genre bistouri à la Kouchner sont toujours des catastrophes qui s'empilent. Souvenirs.

Le 23 octobre 1983 à Beyrouth, à une heure si matinale que les rues ne sont occupées que par des plastiqueurs et les petits marchands de café, l’ami libanais, le frère, qui m’aide dans mon travail me téléphone : « Vite, le PC des français vient de sauter... je viens te chercher ». Je n’ai pas le temps de me raser, mais de faire un tour par le toit-terrasse de l’hôtel Commodore. Le pied à peine posé sur les dalles de bitume, un bruit d’apocalypse et une fumée de diable me bouchent l’horizon. Visiblement une seconde bombe vient d’exploser... Mohamed, mon homme essentiel, est déjà devant l’entrée de l’hôtel avec sa vieille Mercedes bleu ciel, toujours lustrée. Quelques mois plus tard Mohamed sera assassiné par les troupes israéliennes.

Peu de temps après les premiers nous arrivons au Drakkar, immeuble au sud de la ville. « Tu sais qu’ils ont aussi fait sauter les Américains à l’aéroport ? ». « Ben non ! Alors on y va ». Là-bas, un grand bâtiment annexe qui sert au stockage et la maintenance des avions n’est plus qu’un millefeuille très à plat. Etonnant changement de cap, la guerre n’est plus une affaire entre Arabes, entre Israéliens et musulmans, voilà qu’elle liquide les forces vives de la « coalition internationale », des Français et des Étasuniens. Cinquante-huit soldats tricolores meurent au Drakkar, deux cent quarante un GI à l’aéroport. Mitterrand se précipite pour montrer « la détermination de la France », tandis que Reagan ordonne à ses survivants de rentrer au pays

Le 17 novembre suivant dans la Bekaa, en représailles, la France bombarde la caserne Cheikh Abdallah occupée par des Gardiens de la Révolution iranienne et des miliciens du Hezbollah. Bilan deux morts, un berger et son âne.

Quelques temps plus tard, afin de châtier aussi les Syriens – quand on n’aime pas on ne compte pas – c’est le futur commandant Mafart, héros de l’affaire Greenpeace qui dirige à Damas un commando chargé de faire exploser le siège du parti Baas. Manque de lunettes ? L’équipe se trompe d’adresse et envoie au ciel une kyrielle de citoyens sans histoire. Deux ans plus tard, à Beyrouth, la CIA venge elle aussi ses pioupious étoilés, et tente de faire sauter le cheikh Fadlallah, chef caché du Hezbollah... Le religieux n’est même pas ébouriffé par le souffle, mais 80 de ses voisins trouvent la mort.

Tout cela pour vous dire que les représailles, type Macron-Le Drian, et autres experts du biniou, c’est d’abord dangereux pour les équidés et les voisins.

En 1991 les Étasuniens bombardent l’abri d’Amiriya à Bagdad. Là encore c’est un ami indigène qui me sort du lit : « Vite, ils ont bombardé un abri... ». Dix minutes plus tard nous sommes devant le cube de béton chauffé par le feu des missiles. De l’intérieur on va sortir 408 corps d’enfants de femmes et de vieillards. La « bavure » de la « frappe » dite « chirurgicale » est énorme, un crime de guerre. Et je ne suis pas très fier d’avoir en poche un passeport de la Communauté bombardeuse.

Heureusement, depuis ma radio ondes courtes je peux capter la vérité venue de Paris, Londres ou Washington. Les journalistes et experts sont d’accord. L’abri d’Amiriya était un objectif militaire utilisé par Saddam Hussein pour se cacher ! A entendre cela, les oreilles m’en tombent. Même le « Jane’s », le super dico qui vous détaille les outils liés à la guerre, est formel, cet abri de Bagdad est bien un « shelter », l’un des 17 édifices civils qui permettent à la population de la capitale irakienne de se protéger des missiles venus d’Iran. Ici donc ni Saddam ni rien de militaire. Mais pas d’excuses, pas de procès, pas de vengeance... N’est-ce pas une chance que de mourir sous le feu de la liberté et de la justice. OTAN en emporte de vent.

Et pourtant, ça bégaie, sa radote sur les ondes. « Saddam caché entre les femmes et les enfants ». « Bullshit » comme on dit au Texas. L’US Air Force, soit intoxiquée, soit froidement, pour tester un missile face à deux mètres de béton, a cyniquement assassiné 408 irakiens qui, signalons-le, étaient aussi des êtres humains !

En 1998 le grand bombing circus de la Communauté internationale plante sa toile au Kosovo. Allons-y gaiment dans les représailles. Contre des ennemis de BHL et de Plenel, donc des ennemis de l’Humanité. Près d’un pont voisin de Pristina, dans la nuit, je crapahute dans un pâturage. Là-haut un bus se rendant à Nis a été confondu avec un char serbe (26 morts). Et j’éprouve alors, dans l’herbe, l’étrange sensation qu’il y a à marcher sur le bras arraché d’un enfant.

Autres représailles plus au sud du Kosovo. Cette fois, les pilotes d’élite ont pris une colonne de tracteurs pour un défilé de chars. Les engins agricoles sont réduits en mâchefer et la soixantaine de corps en boulets de charbon. Le principal étant que la démocratie naisse enfin dans la poussière d’uranium appauvri. Ce qui, à la longue, doit donner de bien jolies fleurs.

Jacques-Marie BOURGET

URL de cet article 33231
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
L’horreur impériale. Les États-Unis et l’hégémonie mondiale
Michael PARENTI
Enfin traduit en français. Notes de lecture, par Patrick Gillard. La critique de l’impérialisme made in USA La critique de l’impérialisme américain a le vent en poupe, notamment en Europe. Pour preuve, il suffit d’ouvrir Le Monde diplomatique de novembre 2004. Sans même évoquer les résultats des élections américaines, dont les analyses paraîtront en décembre, le mensuel de référence francophone en matière d’actualité internationale ne consacre pas moins de deux articles à cette question. Signé Claude (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ceux qui qualifient les chômeurs et les handicapés de parasites ne comprennent rien à l’économie et au capitalisme. Un parasite passe inaperçu et exploite son hôte à son insu. Ce qui est la définition de la classe dirigeante dans une société capitaliste.

Jason Read

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.