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Ukraine : gaz, pétrole et laboratoire néonazi - et la pièce maîtresse : Venezuela (Agropolis)

Quand ils sont venus chercher les communistes,
 je n’ai rien dit,
 je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, 
je n’ai rien dit,
 je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
 je n’ai pas protesté,
 je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques, 
je n’ai pas protesté,
 je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher, 
et il ne restait personne pour protester
.

Martin Niemoeller
Pasteur protestant, 1892-1984

« Tout a ses limites, et dans le cas de l’Ukraine nos associés occidentaux ont dépassé la ligne, ils se sont comportés de manière grossière, irresponsable et peu professionnelle » ... « Saint Petersburg fut la tête de la Russie, Moscou son cœur, mais Kiev en est la mère. » - Vladimir Poutine, Discours sur la Crimée, 2014

Les tambours qui annoncent les prémisses d’une grande guerre mondiale continuent de résonner en Ukraine. L’ingérence totale de la part de l’USA/UE/OTAN dans la déstabilisation de l’Ukraine entraîne des répercussions géopolitiques qui vont au-delà du coup d’état induit pour installer un régime/laboratoire néonazi aux portes de l’Europe. Les événements permettent de prévoir que le but visé par cette agression est de changer le cap de l’ordre international multipolaire qui est en gestation depuis la dernière décennie et d’empêcher sa consolidation, pour imposer à sa place un ordre international hégémonique, oppresseur, militaro-mercenarisé et violent dirigé par la ploutocratie des Etats-Unis.

L’agression politico-militaire menée par les USA/UE/OTAN pour imposer un nouvel ordre international qui corresponde aux intérêts des USA indique qu’inévitablement tous les chemins mènent à une guerre frontale avec la Chine. Pour mener à bien des rêves impériaux aventureux, Washington et Bruxelles doivent contrôler/dérouter trois lieux emblématiques : La place Maidán, La Place Rouge et la Place Tiananmen (et la place Altamira de Caracas, comme on le verra par la suite NdT). Tâche difficile, mais le désespoir peut mener à n’importe quelle aventure démentielle, ainsi qu’à un conflit inter capitalistes.

Ce jeu dangereux de la part de l’USA/UE/OTAN est le résultat de la perte d’influence et de pouvoir global des Etats-Unis, dont le déclin accéléré s’accompagne d’une profonde crise économique et énergétique irréversible. Le modèle capitaliste de production dégrade, détruit et épuise les ressources naturelles et énergétiques de la planète et contamine tous ses écosystèmes dans sa quête d’accumulation. La croissance économique appartient au passé. Sans énergie, il lui est impossible de croître. Pour croître économiquement il est indispensable d’augmenter la consommation d’énergie et à l’inverse sans augmentation de la consommation d’énergie, il est impossible de croître économiquement.

Et donc, si un système est basé sur la croissance économique indéfinie, quand il ne peut plus croître, il est voué à l’effondrement sociétal. Le modèle capitaliste est arrivé à son point limite et a commencé son implosion entraînée par une crise multidimensionnelle inhérente à son propre modèle. « La décadence et la chute de l’empire global des Etats-Unis est le fait le plus important de la géopolitique dans le monde actuel » (1), l’effondrement est en chemin et son impact a de grandes répercutions telluriques au niveau global. L’Ukraine est un révélateur symptomatique de l’obligation d’éviter l’effondrement du système. Ce carrefour montre que les appétits impériaux des Etats-Unis dans leur fuite en avant pour le contrôle des territoires et des ressources qui restent nous conduisent à une guerre mondiale nucléaire.

Le système capitaliste frappé à mort dans l’âme hégémonique de l’empire est entré de plein pied dans une rotation accélérée de l’axe géographique/Asie. Les événements internationaux attestent que la transition de paradigme post impériale-USAméricaine se précipite, à pas de géant, laissant de profondes empreintes et de graves crises économiques, sociales, écologiques, politiques, culturelles, éthiques et humanitaires. Aucune transition ni dissolution impériale hégémonique ne pourra se produire sans crise, violence, ni guerre, pourtant ce scénario n’est pas souhaité par la majorité de l’humanité. L’idéal serait que cela se produise pacifiquement mais un pouvoir hégémonique érigé sur la violence et la destruction ne va pas céder la place de manière pacifique pour que d’autres occupent ce vide.

L’actuelle offensive géopolitique mise en marche en Ukraine par l’USA/UE/OTAN pour remodeler l’ordre international – en dehors de ces dangereux coûts et dénouements finaux – a révélé deux lignes remarquables en interactions qui doivent être analysées avec attention : l’instauration d’un régime/laboratoire néonazi à Kiev, et une grande crise énergétique en particulier du gaz et du pétrole.

Pourquoi Kiev est au Centre de rivalités ?

L’Ukraine joue depuis toujours un rôle stratégique dans les intérêts et dans les aspirations hégémoniques des Etats-Unis, dans sa volonté de contrôler le monde. Ces tendances remontent loin dans le passé. Au début du 20ème siècle la théorie de « Heartland » de Halford Mackinder

« Qui contrôle l’Europe de l’Est contrôle l’Heartland ;
Qui contrôle l’Heartland contrôle l’Île Monde ;
Qui contrôle l’Île Monde contrôle le Monde » (*)

Et plus concrètement, qui domine le Heartland domine le monde en particulier s’il contrôle l’Ukraine.

La situation géopolitique spécifique du début du 21ème siècle ranime et donne une nouvelle impulsion et valeur fonctionnelle à la région euro-asiatique comme segment particulier à contrôler pour dominer le monde, laquelle entre en collision frontale avec la vision géopolitique de l’euro-asiatisme russe et de l’alliance sino-russe pour faire revivre la route de la Soie. Une nouvelle impulsion en « occident » est issue des prétentions impériales dessinées par la stratégie de sécurité des Etats-Unis. Zbigniew Brzezinski souligne la doctrine qui veut que l’État qui domine ce vaste continent, – lequel constitue un axe géopolitique – contrôle de fait deux des trois régions économiques les plus productives et avancées du monde, mettra en subordination l’Afrique et rendra l’hémisphère occidental et l’Océanie géopolitiquement périphériques.

75% de la population mondiale vit en Eurasie et elle est dépositaire des 3/4 des sources d’énergie connues dans le monde entier. Et plus concrètement, il affirme que « La Russie sans l’Ukraine cesse d’être un Empire, mais la Russie avec l’Ukraine se convertit automatiquement en un empire ». Ces paramètres exposés montrent pourquoi l’USA/UE/OTAN est disposé à jouer ses dernières cartes pour mener une aventure belliqueuse en Ukraine, et en plus pourquoi dans son objectif de parvenir à ses fins de domination et contrôle de l’Eurasie, il n’existe aucune prescription d’aucune espèce qui les empêche de recourir aux méthodes et alliances exécrables, comme le soutien à des groupes néonazis et violents d’extrême-droite.

Dans le complot dirigé et patronné par l’USA/UE/OTAN pour faire tomber le gouvernement de Victor Yakounovitch et implanter un régime néonazi à Kiev, il utilise une série d’éléments entrelacés qui doivent être analysés.

Laboratoire néonazi à Kiev

En Ukraine, le classique coup d’état doux prôné par le modèle des "révolutions de couleur" de l’Albert Einstein Institution de Gene Sharp n’a pas été utilisé. Dans ce cas, ils ont eu recours à l’application de différents instruments pour mener à bien le coup d’état. Ceci va de l’utilisation de la protestation sociale pacifique jusqu’aux méthodes ouvertement radicales, dans lesquelles prévalent des formes de violence extrême avec à leur tête des groupes néonazis, des extrémistes nationalistes et des mercenaires francs-tireurs.

Des évolutions et variantes du modèle de Gene Sharp ont été observées en Egypte, Lybie, Syrie. Là, il a eu un recours, ouvertement, à des djihadistes islamistes comme complément central. Dans l’actuel complot en Ukraine, à cause de son importance géostratégique, se sont synchronisés, actualisés et ont été exécutés 9 mécanismes. D’une part nous avons un modèle de « coup d’état doux » avec toute sa panoplie. Les mass médias corporatistes de l’ « occident » accusant du pire et démonisant jusqu’au paroxysme le gouvernement de Yakounovitch, la Russie et en particulier Poutine (Note : l’auteur n’affirme pas ici que Yakounovitch ou Poutine sont des saints, il analyse le déroulement d’événements de rivalité inter capitalistes) ; les ONG ont agit à fond pour veiller sur les “droits humains” et “les libertés civiles et démocratiques”. En plus, nous avons constaté ensuite que les ambassades, parlements et institutions des Etats-Unis, Union Européenne, Canada, OTAN, OSCE se sont vus attribuer une nouvelle mission diplomatique qui consistait à participer ouvertement et en masse aux révoltes de la place Maidán de Kiev, étreignant les néonazis de Svoboda partisans de Stepan Bandera et ceux de Pravy Sektor.

D’autre part, ceci a été accompagné par la participation de multinationales comme Chevron dirigées dans le sens de l’appropriation du gaz de schiste de la région orientale de l’Ukraine – dans toute analyse en relation avec l’Ukraine, il est fondamental de prendre en compte le rôle joué par les multinationales dans la crise. La signature d’un accord de 10 milliards de dollars pour la production conjointe de gaz de schiste entre le gouvernement Ukrainien et Chevron est vue depuis Washington comme un pas en direction de l’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie et s’insère dans la tradition qui consiste à placer les intérêts des corporations transnationales sous le parapluie et le prétexte de la sécurité nationale des Etats-Unis. A ce sujet, l’International Business Times affirme que l’accord de Chevron avec l’Ukraine fut appuyé par les Etats-Unis comme partie de sa stratégie de sécurité nationale pour aider à réduire la dépendance énergétique de l’Europe et de Kiev vis-à-vis de la Russie.

En plus de cela, la multinationale Cargill vise le contrôle de la production des aliments, renforçant la position commerciale de la corporation par plus de 200 millions de dollars d’investissements dans les actions de UkrLandFarming (Financial Times, janvier 2014). Cette entreprise Ukrainienne qui possède 500 mille hectares de terre est la huitième cultivatrice de terre au monde et le second plus grand producteur d’œufs. Cargill possède également en Ukraine des intérêts dans des usines de traitement et des terminaux d’exportation dans la Mer Noire. Elle a forcément besoin d’un port pour renforcer son contrôle du marché.

Il ne faut pas perdre de vue l’importance mondiale agricole de l’Ukraine et de la tranche de terre de grande fertilité qui englobe la plus grande partie des dites "terres noires" ou chernozem, au centre et à l’ouest du pays. Et pour compléter le tableau, Monsanto, la plus grande entreprise de semences transgéniques au monde, a aussi conquis de l’espace en Ukraine, où elle contrôle 40% du marché des semences. Un jeu commercial de contrôle agricole qui cherche à soustraire à la Chine des espaces dans le marché Ukrainien. Lequel peut s’inscrire dans le cadre de la guerre pour les terres fertiles et l’alimentation qui se déchaîne à l’échelle mondiale.

Le tableau se complète par les mesures que le gouvernement néonazi fantoche de Kiev a commencé à prendre pour préparer le pays "afin d’affronter les douloureuses mais nécessaires réformes sociales et économiques" imposées par la médecine du FMI. Une des premières exigences du FMI fut que les subsides de gaz aux ménages soient réduits de 50%. Une autre exigence douloureuse du FMI inclus les diminutions des pensions, de l’emploi par l’état et la privatisation des actifs et propriétés du gouvernement (traduction : que les corporations occidentales puissent acheter à des prix dérisoires les biens publics) ainsi que d’autres réductions dans les programmes de protection sociale de l’Ukraine (Voix de la Russie Ukraine’s economic crisis : Who benefits ? Who pays ?).

Le laboratoire néonazi/néofasciste de Kiev n’est pas un simple fait conjoncturel de l’Ukraine ou destiné à des citoyens de troisième ou quatrième zone. Ceci est le modèle que les Etats-Unis, l’UE et le Canada et les pays auto proclamés de l’ « occident » sont en train d’adapter et d’affiner pour les implanter dans leurs propres pays. La perte et la limitation continues des libertés civiles, politiques et sociales et des droits démocratiques avancent à pas de géants. Les revendications sociales et politiques sont réduites au silence. Les médias n’en parlent pas parce que ceci n’entre pas dans le cadre de la désinformation corporative. La protestation citoyenne est criminalisée et sévèrement punie. Le démantèlement de la protection sociale avance à marche forcée et à coup de décrets. Tous les domaines publics et de biens communs sont pillés.

Le contrôle et l’interception de toutes les sources d’information et le contrôle de tous les citoyens, malgré que ce soit une des plus aberrantes attaques contre la liberté, n’est rien d’autre que la peur affichée de cette ploutocratie et ses serviteurs. Les législations nationales de l’auto proclamé occident sont ajustées à un modèle néofasciste qui est en préparation pour être appliqué à ses citoyens. C’est pour cela que les Etats-Unis/Obama, le gouvernement du Canada et les gouvernements d’Europe se sont montrés aussi pressés d’affirmer et de ratifier que le gouvernement néonazi fantoche à Kiev constitué après le coup d’état serait un « gouvernement légitime ».

Cette expérimentation mise en scène à Kiev est en soi un laboratoire néonazi/néofasciste qu’ils espèrent transposer, affiné, dans leurs propres nations. Un exemple flagrant de ce qui pourrait se produire dans l’avenir immédiat est la destitution du journaliste finlandais Jari Saravuo (voir http://rawnata.blogspot.se, Känd finsk programledare Jari Sarasvuo fick sparken ; et Helsingin Sanomat www.hs.fi/ ) et de la fermeture de son programme pour avoir interviewé le professeur de l’Université d’Helsinki, Joan Beckman, qui exigeait la libération de l’Europe de la junte fasciste Ukrainienne et accusait le Ministre des Affaires Etrangères de Finlande de soutenir des nazis.

Que personne ne s’y trompe. Qui pourrait croire que les Etats-Unis, l’Union Européenne, le Canada, et l’OTAN remettraient 5 milliards de dollars à des groupes ukrainiens sans savoir qui ils sont (somme confirmée par la Secrétaire d’état adjointe Victoria Nuland), Sans savoir qui sont ceux qui composent ces groupes, et encore moins qui sont leurs leaders ? Bien sûr que tous savaient que leurs pupilles/marionnettes chargées du coup d’état étaient membres de groupes néonazis et d’extrême-droite. Le montant transmis ne représente pas des clopinettes, et ce n’est pas non plus un don gratuit. Face à l’ampleur des objectifs occidentaux, on peut imaginer que des montants bien supérieurs ont été transmis. Les infrastructures et les niveaux de coordination entre les intéressés dans le chaos et le complot contre le gouvernement de Yakounovitch ainsi que le contrôle de l’Ukraine pourraient receler des aspects bien plus obscurs que ce que n’importe quel esprit pourrait imaginer. Ce soutien de l’USA/UE/OTAN est un jeu politique téméraire, mais la crise multidimensionnelle qu’ils traversent les conduit inévitablement à des comportements aventureux.

Crise énergétique : gaz et pétrole

La crise mondiale galopante depuis 2007/2008 et en particulier dans les pays développés (mal-développés est une meilleure définition) a pour cause la rareté et le déclin des hydrocarbures. De ne pouvoir disposer de quantités d’énergie illimitées sur le marché, principalement du pétrole, fait que le complexe système industriel et technologique, alimenté par cette source d’énergie, ne peut pas fonctionner et encore moins croître. Par conséquence, le système, qui ne peut poursuivre sa croissance et sa consommation illimitée, entre en crise. Le système s’est heurté à la finitude du monde, réalité physique à laquelle il ne peut échapper : le pic pétrolier.

Ce pic pétrolier que nous avons déjà dépassé, et que l’Agence Internationale de l’Energie elle-même, dans son rapport annuel de 2010 (War Energy Outlook 2010) finalement reconnaît et affirme qu’il a eu lieu en 2006. En plus, de nombreux experts et études signalent que le pic « des hydrocarbures plus l’uranium » aura lieu en 2018 et du coup nous sommes donc face à un très gros problème. Ces graphiques issus de différents rapports le confirment ; le premier vient de Energy Watch Group : Fossil and Nuclear Fuels, the Supply Outlook 2013 et l’autre vient de The Future.

Ceci change le paysage et entraîne un revirement total des politiques de sécurité et des relations internationales des pays aux économies (mal) développées, puisque dans leur désir de garantir l’accès, la disponibilité, le transport et le contrôle des ressources énergétiques, ils entrent en confrontation directe avec les intérêts des autres pays et puissances qui sont eux aussi en compétition pour les mêmes ressources rares. A cause de cela, l’USA/UE/OTAN a été mêlé au cours de la dernière décennie à quantité d’agressions et d’invasions de pays qui comptent encore des ressources comme le gaz et le pétrole ou d’abondantes ressources d’eau douce et de terres fertiles.

Dans le cadre de la situation contemporaine de crise internationale, l’Ukraine est une porte cruciale dans la recherche du contrôle des hydrocarbures de Russie, des régions de la Mer Caspienne et d’Asie Centrale. L’Ukraine est une zone géostratégique qui joue un rôle central dans la stratégie des Etats-Unis et dans ses convoitises d’hégémonie globale. Avec cette offensive, Washington cherche en premier lieu à enlever l’Ukraine à la Russie et donc à lui enlever ses possibilités d’accès à la Mer Noire et aux eaux de la Méditerranée. Deuxièmement, à porter les frontières de l’OTAN, si possible, au centre de la Place Rouge. Troisièmement, à démembrer la Russie pour contrôler ses hydrocarbures et son vaste territoire. Quatrièmement, à étrangler la Chine par ses flancs nord et occidental pour renforcer la politique dite du "pivot Asie-pacifique" d’Obama, pour enfin parvenir à lui assener le coup de grâce.

Pour ces raisons, personne ne doit s’auto-leurrer ou se laisser duper. Ici, tout a à voir avec le pétrole et le gaz,l’ énergie. Pétrole est quasi synonyme de pouvoir. La trame Ukrainienne de l’USA/UE/OTAN obéit aux impératifs de l’accès et du contrôle du pétrole et du gaz de Russie, de la Mer Caspienne et d’Asie Centrale. Sans énergie et sans pétrole, il n’y a pas de possibilité de maintenir la machine de domination et il est impossible d’arrêter la chute de l’Empire. Sans pétrole, le dollar sera relégué à la ferraille, parce qu’il n’y a pas de forces armées, ni de missiles menaçants qui puissent l’imposer comme monnaie globale

L’« apparente sensation de match nul » qui apparaît dans la crise ukrainienne recèle beaucoup de dangers cachés. Cela ne s’arrête pas là. D’un côté parce que les Etats-Unis et leurs alliés européens, bien qu’ils soient contents avec leur gouvernement fantoche néonazi à Kiev, ne vont pas s’en satisfaire. Et de l’autre côté, la Russie ne dort pas tranquille malgré la rapide adhésion de la Crimée après le massif referendum d’autodétermination.

La marche forcée à laquelle se voit obligé l’USA/UE/OTAN à la suite du jeu rapide du Kremlin pour consolider sa position en Crimée et assurer un contrôle solide de la base militaire de Sébastopol, est une simple interrègne pour préparer le prochain pas. Pendant ce temps, l’obscure réalité est maquillée par des sanctions et des expulsions d’organisations qui ne jouaient déjà plus un rôle prépondérant dans le contexte international.

La question résultante est : Qu’est-ce qui oblige l’USA/UE/OTAN à faire cette pause dans sa marche de conquête ? Réponse : la carence et le manque de garanties de disposer de fournitures énergétiques (gaz et pétrole) suffisantes et assurées qui permettraient d’aller de l’avant dans l’agression.

Pour cette raison, pétrole et gaz et leur garantie d’approvisionnement sont le thème récurrent dans l’actuelle crise ukrainienne chez les élites gouvernementales européennes et des Etats-Unis, un sujet qui contient deux volets centraux 1) les pays européens ne disposent ni de gaz ni de pétrole et 2) l’Europe dépend en grande partie de la Russie pour ses importations de gaz.

Cet atout, en faveur de la Russie et le fait que Moscou pourrait couper la fourniture d’énergie, fait que les agressions sont momentanément suspendues, pendant que se résout la question des fournitures d’énergie pour que l’économie européenne ne soit pas compromise et paralysée. Face à ces contraintes, plusieurs solutions et réponses ont surgi. Celles-ci vont d’un recours à la prétendue abondante indépendance énergétique des Etats-Unis, pour s’en servir comme d’une arme stratégique contre la Russie, jusqu’à la proposition d’un supposé approvisionnement grâce au gaz de l’Afrique du Nord.

Aucune de ces alternatives n’est réaliste, ni non plus facile à concrétiser, malgré que leurs leaders les donnent pour assurées. Quant au gaz de l’Afrique du Nord, un doute surgit : si par cette voie il était possible d’assurer si facilement l’approvisionnement de l’Europe, pourquoi n’a-t-elle pas été utilisée auparavant ? A cela s’additionne le fait que l’Europe ne peut compter ni sur des gazoducs, ni sur des usines de liquéfaction de gaz en Europe. Elle ne dispose pas non plus d’entrepôts pour stocker de grandes quantités de gaz. Du coup, ceci peut être utile pour tranquilliser les populations, mais un voeux pieu ne suffit pas à garantir la sécurité énergétique d’un continent qui ne dispose ni de pétrole, ni de gaz.

En ce qui concerne l’abondance de gaz et de pétrole des Etas-Unis, nous rencontrons l’argument qui voudrait que Washington pourrait pallier aux besoins de d’Europe, ou comme l’affirme Angela Merkel, que "Le gaz étasunien pourrait être une option". Merkel sait-elle ce que dissimule l’histoire du gaz de schiste, qu’il n’existe pas en abondance suffisante pour être exporté, et que ce n’est rien de plus qu’une grande bulle énergétique qui ressemble plus à une chaîne de Ponzi ? Que le déclin du gaz de schiste des Etats-Unis a déjà commencé comme le signale cet article de Oil Price.com “Shale Bust : North America Natural Gas Production set to Seriously Decline” ? En plus, elle devrait savoir que les investisseurs fuient ce négoce à cause de sa faible rentabilité, et être au courant de l’opposition des habitants des lieux affectés par le fracking, conséquence des graves problèmes de pollution. Elle et les gouvernements européens pourraient consulter l’étude complète sur ce thème "Drill, Baby, Drill" de David Hughes, pour ne pas spéculer sur le gaz de schiste des Etats-Unis ou de la Pologne.

Voyons ce qu’il en est des prétentions d’inonder l’Europe avec du gaz étasunien, écoutons ce que disent à ce sujet les militaires et experts qui se sont réunis lors de la dernière conférence de décembre du Dialogue transatlantique de sécurité énergétique. Le colonel de l’US Army, Daniel Davis, affirme que « La production de gaz de schiste des Etats-Unis a atteint un plateau au cours de l’année dernière qui rend douteux la capacité de maintenir sa durabilité à long terme, étant donné l’impressionnant taux de déclin, et parce que la production provient seulement de deux ou trois sites. »

Et que dire de la proposition de créer une "Union énergétique européenne" ? Cela ressemble surtout à un discours pompeux destiné aux citoyens européens. C’est quelque chose du style : le gaz russe ne nous manquera pas, nous n’en avons pas besoin. Ils ne se réoccupent pas de savoir que, si nous entrons en guerre, rien ne garantit que nous n’ayons pas froid en hiver. La question est donc de savoir où sont les hydrocarbures, peut-être que les Etats-Unis comptent sur les ressources d’autres pays.

Le pétrole de schiste des Etats-Unis, lui non plus, n’inondera pas l’Europe. L’abondance et l’indépendance résultant du boom pétrolier de schiste a atteint l’apogée du pic et commence à décliner de manière accélérée. Prenons le rapport que présente BP pour 2O12 en relation avec les importations/exportations des Etats-Unis, pour voir si réellement ils peuvent envoyer du pétrole aux pays européens assoiffés. Les Etats-Unis produisent 8,9 millions de barils par jour, consomment 18,5 Mbd et importent 10,5 Mbd. Selon la US Energy Information Administration (EIA), en janvier 2014 la consommation fut de 18,89 Mbd et la production de 8,39 Mbd, ce qui montre qu’ils ont un déficit de 10,5 Mbd qu’ils doivent importer. Et donc, où est le pétrole qui devrait être envoyé en Europe afin d’éviter la pénurie ?

En même temps, nous trouvons une information qui corrobore ce qui sera l’avenir du boom énergétique US à court terme, et il existe de nombreuses questions sur ce qui se produira quand la bulle résultant du gaz et pétrole de schiste va se dégonfler. Le Monde en France se demande « Selon Washington, le boom pétrolier de schiste étasunien atteindra un pic en 2016. Et après ? » pour sa part, Christian Science Monitor, du 21 janvier 2014 demande : « Que se passera-t-il quand le boom du schiste touchera à sa fin ? » Alors que Bloomberg, le 27 février 2014, se réfère au fait que “Le rêve de l’indépendance pétrolière des Etats-Unis lui claque la porte au nez à cause des coûts du pétrole de schiste » et le Wall Street Journal du 28 janvier 2014 préoccupé par ce commerce, fait référence à «  Les grandes compagnies pétrolières luttent pour justifier la croissance des coûts des projets ». Et en guise de conclusion, prenons ce que dit l’expert Arthur Brenman dans une entrevue le 5 mars 2014 : « Soyons honnêtes, avant tout. La production de combustible de schiste n’est pas une révolution, c’est une fête de pensionnaires. (Oilprice.com y en Produktionen från Skiffer är inte en Revolution utan ett Pensionärsparty !)

Ce qui précède complète le tableau. et réitère que l’apparent « calme qui règne » dans la crise ukrainienne post adhésion de la Crimée à la Russie, est une période de préparation pendant laquelle l’USA/UE/OTAN tente de résoudre de manière expéditive et « sûre » le problème central : les énergies, pour pouvoir poursuivre son projet de s’emparer de l’Ukraine, démembrer la Russie et poursuivre sa marche sur Pékin.

C’est à ce moment de l’analyse qu’apparaît de manière limpide la pièce du Puzzle énergétique qui manquait dans cette aventure belliqueuse : Le Venezuela. Les hydrocarbures du Venezuela sont ceux qui doivent garantir que l’USA/UE/OTAN puisse poursuivre ses prétentions d’imposer un nouvel ordre international hégémonique. Du coup, ce qui se prépare pour le Venezuela, c’est une attaque avec la combinaison de tous les instruments possibles de la part de Washington pour mettre en déroute le gouvernement bolivarien, parce que son pétrole est requis d’urgence. Ce pétrole pour les Etats-Unis est la garantie de ne pas disparaître de la scène internationale en tant qu’empire. Les pays qui disposent de ressources énergétiques suffisantes et qui peuvent être accaparés par les intérêts US doivent s’attendre au même traitement. Les pays qui possèdent du gaz ou du pétrole se verront offrir des « bombardements humanitaires » et la démocratie leur sera livrée par drones.

En guise de conclusion, il faut souligner le gambit sélectif Sebastopol de Poutine, dans la défense prophylactique de la Crimée, qui pourrait s’étendre sur le flanc oriental et à son tour menacer par les rayons X de sa puissante paire de fous ; gazière et pétrolifère, l’essoufflement du cœur de l’industrie et de l’économie européennes qui ne donnent pas de signes de récupération. Le Tsar prépare le repli stratégique, pendant qu’il développe de complexes stratégies du jeu weiqi (Go) des érudits chinois. Tout cela sous le regard attentif des BRIC+S, joueurs d’un chaturanga moderne. Mais malgré ses mouvements rapides et les alliances défensives obligatoires pour arrêter le monstre, dans le tableau global se dessine la menace d’une guerre mondiale nucléaire.

Le scénario global, l’ordre mondial, le plus probable, celui qu’on entrevoit est un darwinisme social militaro-mercenarisé régi par les diktats d’un néofascisme social, dirigé par la ploutocratie US et secondé par l’UE et Israël. Si cette menace sérieuse contre l’humanité ne peut être contenue par les pouvoirs qui sont en train de consolider l’ordre international multipolaire actuel, le futur sera par trop funeste. Et si en plus de cela les peuples du monde et leurs luttes ne parviennent pas à une unité suffisante et puissante, l’avenir des futures générations sera bien sombre. Pour cela, tous les efforts et luttes entreprises pour arrêter la barbarie en marche représentent une conquête. Chaque seconde gagnée pour éviter que le Léviathan n’avance est du temps gagné pour l’humanité. Le battement d’ailes de papillon de l’émancipation sociale et politique à l’échelle globale et la soif de liberté des peuples peut faire tomber des empires.

Victor Wilches

Article original : Ucrania : laboratorio neonazi, gas y petróleo, le 28 mars 2014

Traduction Anne Wolff et quelques corrections/ajustements de LGS

Note :

1. John Michael Greer : Decline and Fall. The end of empire and the future of democracy in 21 century America. Ed. New Society, 2014.

»» http://les-etats-d-anne.over-blog.c...
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