On pourra souligner, afin de mieux cerner certaines assertions à la fin de cet article (notamment celle qui parle des frontières trop poreuses entre le monde de la délinquance de la drogue et de la police) qu’ à la fin novembre, donc peu avant les pseudos grèves de la police, une affaire qui était arrivée aux oreilles des média avait éclaté démontrant clairement un niveau de collusion proprement hallucinant entre le monde du "narcotrafique" et la police... mais pas seulement, d’autres administrations étaient impliquées. Cela avait démarré à Cordoba mais les provinces de Santa Fe et de Buenos Aires étaient également montrées du doigt. La différence au niveau des répercussions a été que le gouverneur de Cordoba qui à priori était absent et au courant de rien, donc j’imagine injoignable, n’a pas fait appel au pouvoir national au moment où la police a décidé de faire grève. Ce que les gouvernements de Santa Fe et de Buenos Aires ont fait, il y a eu plusieurs déploiements de milliers de gendarmes qui ont permis d’éviter les débordements dans certaines provinces.
D’autre part, lorsque l’auteure parle d’orchestration, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de "pillage" comme en ont souvent parlé les médias. Les gens qui ont attaqué les magasins venaient en groupe organisés avec des fourgonnettes et des motos, les personnes à moto vidaient les magasins et remplissaient les camionnettes. Les magasins alimentaires n’ont pas été touchés, seules les enseignes vendant du matériel vidéo/hi-fi/informatique ont été prises d’assaut. Mais pas toutes, certaines ont eut plusieurs magasins visés, d’autres pas du tout. Autant d’éléments qui ne plaident pas en faveur de l’acte spontané d’une population en état de "raz le bol".
Ensuite et pour ma part, je trouve que se limiter à pointer du doigt les gouverneurs en espérant un vote sanction aux prochaines élections c’est un peu léger. Le système représentatif montre ici ses limites. Les postes clefs sont attractifs parce que la personne y est pratiquement inamovible pendant tout son mandat (Le terme "mandat" se trouvant en soit dénaturé, la personne se trouvant élue non pour s’occuper d’une tâche que ses électeurs lui ont confié mais bien pour occuper un poste durant une période donnée). La personne ne va donner l’impression de travailler pour ses électeurs que dans la mesure où elle vise à être réélue. Si l’élu peut faire un coup de poker et gagner de quoi prendre sa retraite lors de son premier mandat, pourquoi s’embêter avec un deuxième (ceci sans prendre en considération la machine médiatique capable d’absoudre n’importe qui à grand coup de campagnes publicitaires) ?
Au niveau de la responsabilisation, si notre choix se limite à voter pour celui qui va penser notre système politique et social et non à le penser nous même, quel niveau d’implication cela peut-il engendrer ?
Si l’on souhaite obtenir des élus qu’ils travaillent pour le peuple et non pour leurs propres intérêts (de classe ou personnels) il faut établir un modèle participatif à tous les niveaux avec possibilité de révocation de l’élu mandaté à partir du moment où la population votante considère en majorité que la personne n’accomplit pas la tâche pour laquelle il a été mandaté. (A partir de là et grâce aux nombreux et systématiques débats générés, il y a fort à parier que le modèle capitaliste qui génère la plus grande partie des injustices que subit la plus grande partie de l’humanité aujourd’hui sera remis en question et démantelé rapidement. La problématique étant simple, si l’on admet admet que les ressources de notre environnement sont limitées et que le système capitaliste fait en sorte que les ressources soient accessibles par l’argent, comment justifier qu’une personne gagne 10/100/1000/10000 fois ce qu’une autre personne gagne ?).
Tant que l’on restera dans un cadre représentatif stricte il n’y a, à mon sens, aucun changement à espérer (Que ce soit en Argentine ou ailleurs).
Enfin, si l’on veut retranscrire fidèlement la situation, il est bon de rappeler qu’être policier en Argentine ce n’est pas comme être policier en France au niveau du salaire. Dans la majorité des provinces un policier de base ne gagne pas de quoi arriver jusqu’à la fin du mois si il vit seul (ailleurs que dans une "villa" -équivalent des favelas brésiliennes- où les mafieux vont recruter les "soldaditos", la chaire à canon du trafic de drogues) ce qui pour le coup, donne un énorme coup de pouce aux mafias diverses et variées, trop contentes de pouvoir, à moindre frais, "aider" ces "agents de la paix", passant par la même du statut de truand à celui de sponsor officieux aux yeux des forces de l’ordre qui en finissent par défendre un ordre... un peu particulier certes, mais qui favorise toujours les plus riches enfermés dans leurs "barrios privados" (quartiers privés), qui, dans ce modèle aux pratiques corruptrices admises pourront, à grand coup de liasses, tirer leur épingle du jeu légal et conserver un statut privilégié.