Environ 62% des voix au premier tour, selon les premières estimations, la victoire d’Evo Morales aux élections présidentielles en Bolivie et du MAS s’impose pour ce nouveau mandat de cinq ans. Une gifle pour l’opposition pourtant si activiste dans ses campagnes de déstabilisation du régime en place. Premier point, d’après les observateurs internationaux, le scrutin s’est déroulé dans un climat « de grand civisme, de tranquillité » avec un niveau élevé de participation qui donne une vraie légitimité démocratique. Pas si courant que cela, ce qui mérite donc d’être souligné. D’autant plus que quelques jours avant le suffrage, les commentaires dans la presse française - bien qu’admettant que Morales partait favori - se voulaient réservés, voire suspicieux, balançant entre des témoignages axés uniquement sur les déçus d’Evo Morales et des analyses sur l’impossibilité pour le président briguant un second mandat de mettre en place les fruits de sa réforme Constitutionnelle. Etait-ce bien là l’important ? Non.
Les enjeux semblent être d’une autre dimension. La victoire d’Evo Morales est doublement porteuse d’espoir. Au niveau de la région, la victoire de Morales est un signe fort pour les pays voisins à l’heure où le Honduras a vécu un vrai coup d’Etat qui a fini -l’usure aidant - par être rentré dans les moeurs alors qu’un simulacre d’élections est venu lui donner une fausse légitimité. A l’heure aussi où le double discours d’Obama sur l’Amérique Latine - Honduras, bases en Colombie…- inquiète plus d’un dirigeant, à commencer par le Brésil. (Voir : Obama contre l’Amérique Latine. Raul Zibechi. ). C’est aussi un signe, car les politiques courageuses des réformes menées par plusieurs pays notamment en matière d’exploitation et de partage des bénéfices des ressources naturelles ont valeur d’exemple.
Au niveau interne proprement dit, cette victoire marque donc une première étape. Morales va conforter sa majorité tout en s’assurant les deux-tiers du Sénat de la nouvelle Assemblée Legislative Plurinationale, sachant que le parti présidentiel était déjà majoritaire à la Chambre des députés. Le président pourra ainsi mettre en oeuvre sa « refondation », « accélérer et approfondir le processus de changement » confirmé avec la nouvelle Constitution adoptée en janvier 2009. Ainsi, lors de ce même scrutin, les indiens ont pu élire directement leurs représentants à la nouvelle assemblée, et a été adopté le principe des régimes autonomes, sans oublier que pour la première fois les boliviens résidant à l’étranger ont pu voter.
« Le changement ou le néolibéralisme » a-t-il lui-même déclaré pour résumer l’enjeu. Et les Boliviens ont répondu massivement. Evidemment, Evo Morales est attendu au tournant. Car alors qu’il lui faudra poursuivre sa politique économique de redistribution des richesses, en 2010, les Boliviens vont être à nouveau appelés aux urnes pour des élections locales et départementales. L’opposition, qui concentre son champ d’action particulièrement sur certaines régions riches et peu partageuses réclamant l’autonomie, va fourbir ses armes. A commencer par Santa Cruz, là où la droite blanche de la province a mené ouvertement une campagne de sécession il y plus d’un an, organisant un référendum illégal sur l’autonomie ; mais justement la nouvelle constitution adoptée en janvier dernier prévoit des consultations sur l’autonomie !
Estelle Leroy-Debiasi
El Correo. Paris, le 7 de Décembre 2009.
http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=4561