La pire chose qui soit jamais arrivée au peuple juif, après l’Holocauste, c’est la création de l’état d’Israël.
Sur le plan international, les choses sont si désespérantes qu’il ne reste plus qu’à rêver.
Alors je rêve d’une Turquie, membre de l’OTAN, qui exige que l’alliance vienne la défendre contre une attaque israélienne. Selon l’article 5 de la charte de l’OTAN, une attaque armée contre un de ses membres constitue une attaque contre tous ses membres. C’est la raison avancée par l’OTAN pour combattre en Afghanistan - une attaque contre les Etats-Unis le 11 septembre 2001 a été considérée comme une attaque contre tous les membres de l’OTAN (tout en omettant le fait que l’Afghanistan n’avait rien à voir avec les attentats). L’attaque israélienne contre un navire battant pavillon turc, opérée par une organisation humanitaire turque, tuant neuf citoyens turcs et blessant beaucoup d’autres, constitue sans aucun doute une attaque contre tous les membres de l’OTAN.
Ainsi, après que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et autres membres importants de l’OTAN ont présenté des arguments ridicules non-sequitur pour expliquer pourquoi ils ne peuvent... euh... invoquer l’Article 5, et que les médias internationaux ont avalé l’histoire tout rond sans la moindre indigestion, la Turquie exige qu’Israël perde au moins sont statut informel de membre associé à l’OTAN en tant que membre du Dialogue Méditerranéen. Cette dernière demande aussi est sévèrement rejetée par les puissances mondiales éminentes de l’OTAN parce qu’une telle décision représenterait une victoire pour le terrorisme. Et pour l’antisémitisme aussi, évidemment.
Alors la Turquie se retire de l’OTAN. L’Azerbaïdjan et cinq autres pays de l’Asie centrale, membres du Partenariat pour la Paix de l’OTAN envers les communautés turkmènes, lui emboîtent le pas. L’OTAN connaît alors une crise. Les autres membres commencent à questionner la politique de l’organisation... et veulent enfin savoir pourquoi nos jeunes tuent et meurent en Afghanistan, et pourquoi on les a envoyés au Kosovo et en Irak et à d’autres endroits que les Américains considèrent comme cruciaux pour leur Sécurité Nationale qui est sans cesse menacée.
Lorsque le Vice-président Biden déclare à la télé au célèbre conservateur déguisé en progressiste, le pseudo intellectuel Charlie Rose, que « nous avons exercé toute la pression possible et tenté de convaincre par tous les moyens Israël d’autoriser l’entrée des matériaux de construction (à Gaza), » (1), Rose pour une fois se comporte comme un véritable journaliste et demande à Biden : « Avez-vous menacé Israël de mettre fin à l’aide économique et militaire ? ... Avez-vous inscrit des officiels israéliens sur la liste des étrangers qui ne sont pas autorisés à entrer aux Etats-Unis et avez-vous gelé leurs comptes en banques aux Etats-Unis comme vous l’avez fait pour de nombreux officiels qui ne soutiennent pas l’Empire ? ... Puisque Israël a commis à la fois des crimes contre la paix et des crimes contre l’humanité et puisque ces crimes ont une juridiction internationale, certains membres des appareils politique et militaire israéliens peuvent être cités à comparaître devant n’importe quel tribunal dans le monde. Allez-vous donner des instructions au Ministère de la Justice pour lancer de telles mises en examen ? Ou si un autre pays membre de la Cour Internationale de Justice demande à la Cour de poursuivre ces individus, est-ce que les Etats-Unis tenteront de bloquer la procédure ? ... Et pourquoi est-ce que les Etats-Unis n’ont-ils pas délivré eux-mêmes les matériaux de construction ? »
Lorsque Israël justifie ses meurtres par « l’autodéfense », les comédiens de la télé Jay Leno et David Letterman trouvent ça très drôle et font remarquer qu’une nouvelle note biographique du Premier ministre chinois en poste au moment de la répression violente de la Place Tienanmen en 1989 vient de justifier l’action des militaires en déclarant que les soldats ont agi par « autodéfense » lorsqu’ils ont tiré sur les militants démocrates. (2)
Lorsque Israël qualifie de « terroristes » les passagers des bateaux qui ont offert une certaine résistance aux envahisseurs israéliens, le New York Times fait remarquer que les passagers qui ont résisté aux pirates le 11 septembre (2001) lors du détournement d’un avion qui s’est écrasé en Pennsylvanie sont qualifiés de « héros ». (Soi dit en passant, il mérite d’être rappelé que les Etats-Unis utilisent le 11 Septembre comme Israël utilise l’Holocauste - comme une excuse pour justifier tous leurs comportements illégaux et violents sur la scène internationale.)
Pendant ce temps, le Washington Poste rappelle à ses lecteurs qu’en 2009 Israël a attaqué un bateau dans les eaux internationales qui transportait de l’aide médicale à Gaza avec à son bord l’ex-membre du Congrès Cynthia McKinney, et qu’en 1967 Israël a attaqué un navire américain, le USS Liberty, faisant 34 morts et environ 173 blessés, et que le Président Johnson a fait exactement ce qu’Obama est en train de faire aujourd’hui et qu’il aurait fait à l’époque : rien.
Et enfin, la Secrétaire d’Etat Clinton déclare qu’elle a eu une révélation. Elle réalise que ce qu’elle a récemment déclaré au sujet de la Corée du Nord accusée d’avoir torpillé un navire de guerre sud-coréen s’applique aussi à Israël. Mme Clinton a exigé que Pyongyang « cesse ses provocations, cesse ses menace de guerre contre ses voisins, et prenne des mesures irrévocables pour sa dénucléarisation et respecte le Droit International. » (3) Elle ajoute que la culpabilité de la Corée du Nord n’est pas clairement établie, tandis qu’Israël ne nie pas son attaque contre la bateau ; pire encore, il n’est même pas certain que la Corée du Nord possède l’arme nucléaire, alors qu’il ne fait aucun doute que Israël en possède une bonne quantité.
Voilà le tableau. L’hypocrisie règne. Malgré mes rêves les plus fous. L’hypocrisie est-elle une absence de morale ou un manque d’intelligence ? Lorsque le Président Obama déclare, comme il l’a souvent fait, que « personne n’est au-dessus des lois » et qu’il enchaîne aussitôt pour affirmer que son administration ne mettra pas en examen Bush et Cheney pour crimes, est-ce qu’il pense que personne ne remarquera la contradiction de son propos, son hypocrisie ? Il s’agit d’un mépris pour l’opinion publique et/ou une idiotie digne de son prédécesseur.
Et lorsqu’il déclare : « l’avenir n’appartient pas à ceux qui rassemblent des armées sur un champ de bataille ou enfouissent des missiles sous terre », (4) ne lui vient-il pas à l’esprit qu’il est en train de décrire crûment l’avenir des Etats-Unis, ou sa propre politique, consciente et délibérée, qui consiste à accroître encore la taille de l’armée américaine et son stock de missiles ?
Camarades, l’hypocrisie et les mensonges peuvent-ils atteindre une telle ampleur que suffisamment d’Américains sincères commencent à se poser des questions sur leur foi et que leur nombre atteigne une masse critique et provoque une explosion ? Eh bien, c’est chose faite pour d’innombrables Américains mais la tâche est immense lorsqu’il s’agit de contrer la quantité de propagande produite par l’éducation et les médias. Ils sont très doués pour ça. Tant pis. Mais n’abandonnez pas la lutte pour autant. Quelle meilleure façon pour mener nos vies que de résister ? Et rappelez-vous, ce n’est pas parce que le monde est passé sous le contrôle d’une bande de cinglés menteurs, hypocrites et tueurs en série que cela devrait nous empêcher de prendre du bon temps.
Les Bons et les Méchants
A Lahore, Pakistan, selon un article du Washington Post du 29 mai, « des militants ont lancé une attaque coordonnée... contre deux mosquées d’un secte minoritaire musulmane, en prenant des otages et en tuant au moins 80 personnes... Au moins sept hommes armés de grenades, de fusils d’assaut et de ceintures de bombes ont pris d’assaut les mosquées alors que les prières du vendredi prenaient fin. »
Super, vraiment super, très civilisé. Il n’est pas étonnant que de bons Américains pensent que c’est contre cela que les Etats-Unis sont en train de se battre - des fanatiques islamistes, des maniaques suicidaires, qui tuent leurs semblables pour un point obscur de dogme religieux, qui veulent tuer des Américains pour un pêché quelconque, parce que nous sommes des « infidèles ». Comment raisonner avec de telles personnes ? Où est leur humanité que les pacifistes naïfs et les militants anti-guerre nous demandent de respecter ?
C’est là que l’on tombe sur le dernier paragraphe de l’article. « Selon des officiels de la région, le même jour, des missiles tirés par un drone US auraient frappé un camp Taliban au sud de la zone tribale du Waziristân, tuant huit personnes. » Nos dirigeants nous demandent de croire que ceci représente un niveau d’humanité supérieur. Les Etats-Unis font ça tous les jours, ils envoient des engins de mort télécommandés appelés Predators au dessus de l’Afghanistan et du Pakistan, pour tirer des missiles Hellfire qui vont s’abattre sur des mariages, des funérailles, des maisons, sans savoir qui sont les victimes, sans se soucier de leurs identités, on en compte désormais plusieurs centaines, tant que Washington peut prétendre à chaque fois - à raison ou à tort - que parmi les victimes se trouvaient un éminent infidèle, qu’on l’appelle le Taliban, Al-Qeada, insurgé ou militant. Comment raisonner avec de telles personnes, les personnes de la CIA qui dirigent les vols ? Quelle différence entre eux et les kamikazes ? Le kamikaze connaît le même sort que ses victimes et les voit de près avant de les tuer. L’assassin de la CIA est confortablement assis dans une salle dans le Nevada ou la Californie et fait semblant de jouer à un jeu vidéo, puis sort pour dîner tandis que ses victimes agonisent. L’assassin de la CIA croit passionnément en quelque chose qu’on appelle le Paradis. L’assassin de la CIA croit passionnément en quelque chose qu’on appelle le drapeau et la patrie.
Le conseiller juridique du Département d’Etat justifie les bombardements par Predator comme étant de... ah oui... de « l’autodéfense ». (5) Essayez donc de raisonner avec ça.
Ces bombardements américains par drones constituent bien sûr le summum de l’agression, l’ultime crime international. Ils ont été employés sur l’Irak dés le début des années 90. Au mois de décembre 2002, peu avant l’invasion US au mois de mars, les Irakiens ont réussi à abattre un de ces engins. En réaction, le porte-parole de la « Commande Centrale US », qui supervise les opérations militaires US au Moyen Orient, a déclaré qu’il s’agissait d’un nouveau signe de la « campagne d’agression militaire » menée par le Président irakien, Saddam Hussein. (6)
En fait, cette démonstration d’hypocrisie a été battue par le Secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, lorsqu’il a commenté les vols US et les bombardements sur l’Irak durant cette période : « Cela me met hors de moi de savoir que des pilotes US et Britanniques se font tirer dessus, jour après jour après jour, en toute impunité. » (7)
Envoyez-moi une enveloppe timbrée pour recevoir une copie du « Guide d’Incendiaire des Maisons des Officiels du Pentagone ».
Lorsque les politiciens se comportent mal. En disant la vérité.
Le président allemand, Horst Koehler, a démissionné la semaine dernière parce qu’il a dit quelque chose que les officiels du gouvernement ne sont pas censés dire. Il a dit que l’Allemagne combattait en Afghanistan pour des raisons économiques. Aucun référence à la démocratie. Aucune référence à la liberté. Pas un mot sur les Bons contre les Méchants. Le mot « terrorisme » n’a pas été prononcé. Et « Dieu » n’a pas été invoqué. Lors d’une visite aux troupes allemandes stationnées en Afghanistan, il a déclaré qu’un pays comme l’Allemagne, qui dépendait de ses exportations et du libre commerce, devait être préparé à employer la force militaire. Le pays, a-t-il dit, devait agir « pour protéger nos intérêts, par exemple, des routes de commerce libres, ou pour empêcher une instabilité régionale qui aurait très certainement des effets négatifs sur notre commerce, nos emplois et nos revenus. »
« Koehler a dit ouvertement ce qui paraissait évident depuis le début, » a déclaré le dirigeant du parti allemand La Gauche. « Les soldats allemands prennent des risques en Afghanistan pour défendre les exportations de certains gros intérêts économiques. » (8)
D’autres politiciens de l’opposition ont demandé à Koehler de retirer ses propos et l’ont accusé de porter un coup au soutien de l’opinion publique allemande aux missions militaires à l’étranger. (9)
Quel est le contraire d’un théoricien du complot ?
David Remnick, rédacteur du magazine New Yorker en ancien journaliste au Washington Post, vient de publier un nouveau livre, "The Bridge : The Life and Rise of Barack Obama". Dans les trois pages que Remnick consacre aux années 1983-1984 où Obama a travaillé pour Business International Corporation (BIC) à New-York, il ne fait aucune mention des liens bien connus entre BIC et la CIA. En 1977, par exemple, le New York Times a révélé que BIC avait fourni une couverture à quatre employés de la CIA dans différents pays au début de la Guerre Froide, (10) que la BIC avait aussi tenté d’infiltrer la gauche radicale, dont Students for a Democratic Society (SDS). (11)
Est-ce que l’idée de mentionner que le futur président des Etats-Unis a travaillé plus d’un an pour une compagnie appartenant à la CIA a traversé l’esprit de Remnick ? Même si la CIA et BIC n’ont jamais tenté de recruter Obama, chose qu’elles ont par ailleurs peut-être faite ? C’est ce genre d’oubli volontaire qui alimente la pensée conspirationiste de gauche.
Parce que Remnick a une réputation impeccable au sein de l’establishment, son livre a été largement annoncé. Mais aucun de ceux qui l’ont lu n’a cru bon de mentionner cet oubli. Et les choses étant ce qu’elles sont, évidemment, si on n’en parle pas, ça n’a jamais eu lieu. Et si vous mentionnez la chose, vous n’êtes plus qu’un théoricien du complot pathétique. Comme moi, qui en ai parlé au mois de janvier (12).
(...)
William BLUM
http://killinghope.org/bblum6/aer82.html
Traduction VD pour le Grand Soir
Notes
1. Charlie Rose Live, June 2, 2010 program http://www.charlierose.com/view/interview/11035
2. Associated Press, June 4, 2010
3. State Department press conference, May 24, 2010
4.Talk given in Moscow, July 7, 2009, text released by the White House
5. National Public Radio, March 26, 2010
6. Washington Post, December 24, 2002
7.Associated Press, September 30, 2002
8. London Times Online, May 31, 2010
9. Associated Press, May 31, 2010
10. New York Times, December 27, 1977, p.40
11. Carl Oglesby, "Ravens in the Storm : A Personal History of the 1960s Antiwar Movement" (2008), passim
12. William Blum, The Anti-Empire Report, January 3rd, 2009