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La VIe République, comme réalisation imaginaire d’un désir inconscient

Je lis quelque part : « Sarkozy revient ? VIe République, na ! » Ce qui reflète assez bien le niveau de réflexion proposé à une fraction de l'opinion.

La Ve République donne à Jean-Luc Mélenchon la possibilité de se faire élire avec 56% des suffrages comme la IVe la donna au Venezuela à Hugo Chávez.

Pour y arriver en 1998, le parti que Chávez fonda quelques années plus tôt sous la séculaire IVe s’appelait d’ailleurs « Mouvement pour la Ve République ».

Depuis cette position de Président, il réussit en 1999 à faire passer par référendum (92% de oui, mais 60% d’abstentions) la convocation d’une Constituante élue, qui fut constituée à 95% de chávistes.

La nouvelle Constitution, celle de la République bolivarienne du Venezuela, et non pas la Ve, dénomination abandonnée en chemin, fut soumise à référendum : 72% de oui, et Hugo Chávez fut réélu Président en 2000 avec 60% des voix.

Ce qui appelle au moins quatre observations.

D’abord sur l’état général de l’électorat d’un pays qui porta Hugo Chávez au pouvoir, et l’y maintint. Jusqu’à élire son successeur Nicolas Maduro.

Puis, sur la personnalité du Vénézuélien qui, militaire, non seulement ne participa jamais aux gouvernements de la défunte IVe République, ni ne nourrit aucune vénération pour aucun d’entre eux, mais eut même préalablement l’audace de tenter de prendre le pouvoir par un coup d’État, ce qui lui valut quelques années d’incarcération.

Ensuite, sur le caractère de la nouvelle constitution qui donna suffisamment de pouvoirs au Président pour qu’il garde en main l’initiative.

Enfin, ce qui est lié au point précédent, sur le rôle également déterminant des dirigeants d’une révolution, comme c’est encore le cas aujourd’hui avec Nicolás Maduro pour les réformes qu’il engage. Après la création de Conseils des mouvements de femmes, des mouvements de jeunesse, des mouvements des organisations de travailleurs, des mouvements des peuples indigènes, des mouvements des coordinations de paysans et de pêcheurs, des mouvements des travailleurs de la culture... qui n’étaient pas tombés du ciel, ni n’étaient sortis spontanément du terreau populaire, la création en juillet dernier du Conseil présidence/commune . cette instance de gouvernement populaire, dotée du rang présidentiel, comptera 120 délégués (à raison de 5 délégués communaux par état régional). Elle siègera tous les deux mois, renouvelée par une rotation annuelle de ses membres.

Comme l’idée de VIe République est visiblement importée depuis ce qui se passe là-bas, et sans aucune originalité, puisque le « Mouvement pour la VIe République » emprunte même jusqu’à son nom à ce qui s’est passé ailleurs, qu’il me soit permis de dire que je ne vois aucun point commun entre le Venezuela et la France qui autorise à penser sérieusement que la convocation d’une Constituante, sans chefs, et de par la volonté hypothétique des citoyens, permettrait de passer à une VIe République.

Aucun point commun, ni sur la structure de l’économie, ni sur le caractère du peuplement, ni sur l’état politique. Sauf celui, constitutionnel, de l’élection du président au suffrage universel direct.

Non plus que cette volonté citoyenne puisse se traduire dans la situation politique actuelle ne serait-ce que par 50,01% en faveur de Jean-Luc Mélenchon à la présidence, au moins en ce moment.

On en est donc à vouloir une Constituante pour une République qui ne serait plus présidentielle, sous un régime actuellement présidentiel, sans passer par la case de l’élection d’un Président, pour mener des réformes qui exigeraient une volonté populaire au plus haut point problématique et une poigne de fer au sommet que l’on a d’abord étêté.

Pour aller jusqu’au bout de l’imitation, il ne manque plus que la tentative de coup d’État, par la force des choses non pas militaire mais d’initiative citoyenne.

Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois, là-bas, comme réalité, la seconde fois, ici, comme rêverie.

Cependant, chacun a le droit de rêver, et nul ne détient les clés de la réalité de l’avenir.

La question se pose, néanmoins : la crise actuelle, que chacun s’accorde à repérer, n’affecterait-elle pas aussi la gauche impuissante sous la forme d’un délire ?

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