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Vers un rétablissement des relations diplomatiques avec les Etats-Unis ? Le blocus contre Cuba : le génocide le plus long de l’histoire (documentaire).

Le 17 décembre dernier, les présidents de Cuba et des Etats-Unis annonçaient à la télévision et de façon presque simultanée un accord visant à rétablir les relations diplomatiques entre les deux pays.

Et arriva ce qui devait arriver : ce fut le grand cirque médiatique et fidèles à leur habitude nos chers journalistes et grand spécialistes et géopoliticiens du prime-time ne nous ont pas déçu.

Ardents adeptes de la dépêche prémâchée d’agence de presse, ces professionnels du copier-coller ont reproduit les uns après les autres les « lignes narratives » et les « éléments de langage » concoctés par les communicants et autres spin doctors de la Maison Blanche, bien épaulés par leurs relais présents dans nos médias [1].

Au final, ils sont tout de même parvenus à faire passer comme bien sympathique ce président étatsunien qui, magnanimement, eut le courage de s’incliner pour tendre la main à son minuscule ennemi afin d’aider son peuple à sortir de l’obscure anachronisme communiste-révolutionnaire pour voir la lumière divine du libre marché et donc, l’inviter à entrer dans la modernité.

Si on écoutait le plan média concocté par Washington, il faudrait aujourd’hui presque remercier Omaba d’arrêter de s’en prendre à Cuba !

On en oublierait presque que les Etats-Unis se sont acharnés contre Cuba pendant plus de 50 ans entremêlant actions terroristes[2], opérations secrètes en tout genre visant à déstabiliser son gouvernement, assassiner ses leaders, saboter son économie, saper le morale de sa population, le tout sur fond de blocus économique évidemment en toute violation du droit international [3] [4] et à l’encontre de la volonté de 98% la communauté international [5].

Qu’il aurait été bon que les chiens de garde du système médiatique n’eussent pas fait que survoler le récent Sommet de Panama[6] et se fussent attardés un peu à écouter ce qu’avaient à dire des président(e)s qui écrivaient l’Histoire du nouveau chapitre latino-américain. Ils auraient peut-être compris, en écoutant les paroles de la présidente argentine Cristina Kirchner, que Cuba n’avait rien à remercier au président Obama :

(...) Et oui, c’est un Sommet historique. C’est un Sommet historique parce que la République de Cuba participe pour la première fois. Curieusement, nous avons appris ce rapprochement dans mon pays, alors que nous fêtions le Sommet du Mercosur, le 17 décembre dernier, où il a été annoncé qu’il y aurait un dialogue entre le Président des Etats-Unis et le Président de Cuba, Raúl Castro.

Mais s’il vous plaît, ne nous confondons pas. Je sais que le Président Barack Obama, il vient de le dire, n’aime pas trop l’histoire ou il pense que ce n’est pas très important. Au contraire je crois que l’histoire ... moi, j’aime beaucoup, et en plus elle me permet de comprendre ce qui se passe, ce qui s’est passé et pourquoi cela s’est passé, et par la même occasion elle permet de prévenir ce qui pourrait se passer, l’histoire nous enseigne. Non pas pour nous souvenir et nous auto-flageller, comme un exercice de masochisme, mais tout simplement pour comprendre pourquoi les choses se sont passées.

Alors, il faut bien comprendre que Cuba, et que nous-mêmes ne sommes pas là simplement présents à la rencontre de deux Présidents qui se serrent la main après très longtemps. Non, Messieurs. Cuba est là parce qu’elle a lutté pendant plus de 60 ans avec une dignité sans précédents, avec un peuple qui, comme le disait Raúl tout à l’heure, est né à 77 % sous le blocus et qui souffre encore d’énormes pénuries et que ce peuple fut conduit par des dirigeants qui n’ont pas trahi sa lutte, mais qui en ont fait partie.

Mais ce n’est pas pour cela que nous ne devons pas donner toute sa valeur, et nous l’avons fait et je l’ai manifesté de façon absolument positive, à la décision du Président Obama d’engager le dialogue, que cela se fasse sous sa présidence, c’est une attitude positive et nous lui donnons toute sa valeur.

La vérité c’est que nous sommes très contents de venir à ce Sommet des Amériques pour participer et assister plus que participer, à cette victoire historique de la révolution cubaine, car la véritable victoire de la révolution cubaine c’est ce que nous vivons aujourd’hui ici. [7].

Ecouter ce qu’a à dire un chef-d’Etat, femme, d’un pays du Sud qui ne suit pas la ligne économique dictée par le FMI ? N’est-ce pas un peu trop demander ? Au moment où Cristina Kirchner parlait, Barack Obama avait déjà quitté la séance plénière... et les mass-médias avec lui !

Alors comment espérer que nos chers journalistes puissent saisir quelque chose à la question cubaine quand on voit qu’ils sont encore nombreux à parler d’ « embargo » [8] ou qu’ils sont encore capables de faire des reportages sur « les difficiles conditions de vie dans l’île » sans citer une seule fois le blocus ou la politique hostile des Etats-Unis à l’encontre de son voisin insulaire [9].

Alors oui, le blocus est la base de la politique des Etats-Unis contre Cuba. Pourquoi blocus et non pas embargo ? Que représente-t-il dans la vie des Cubains ? Quelles sont ses conséquences dans le secteur de la santé, la recherche, etc ? Pourquoi est-ce que le gouvernement cubain exige sa levée comme condition sine qua none pour un rétablissement intégral des relations diplomatiques ?

Le documentaire Blocus contre Cuba (avril 2015) réalisé par le journaliste et écrivain colombien Hernando Calvo Ospina apporte des éléments de réponse à ces questions. Il s’est rendu à La Havane où il a pu s’entretenir avec Josefina Vidal, Directrice pour les affaires étatsuniennes au Ministère des Affaires étrangères de Cuba (à la tête de la délégation diplomatique qui participe au groupe de travail pour le rétablissement des relations avec ses homologues étatsuniens), Abelardo Moreno, vice-ministre des Affaire étrangères de Cuba, ainsi qu’avec d’autres acteurs de la politique cubaine mais aussi avec des citoyens lambda, médecins, professeurs ou simples passants, qui donnent leur point de vue et nous font comprendre les conséquences du blocus sur la vie de tous les jours des Cubains. Un documentaire brûlant d’une actualité... qui dure depuis plus d’un demi-siècle. A voir absolument.

Au passage, les Cubains nous donnent aussi une leçon de courage, d’intégrité, et de dignité... mais ça c’est juste au passage, ils ne l’ont même pas fait exprès !

Luis Alberto Reygada
pour Le Grand Soir

Luis Alberto Reygada
pour Le Grand Soir

NOTES :

[1] – La liste des articles dénonçant les manipulations et la grossière propagande pro-US du responsable du Desk Amérique latine du journal Le Monde est chaque fois plus longue, ci-après une sélection : Le Monde pétrit la pâte à modeler latino-américaine, 5/01/2006, Renaud Lambert, http://www.acrimed.org/article2237.html ; Venezuela : Quand « Le Monde » fait siennes les manipulations du commandant Saúl, 21/04/2014, Maurice Lemoine, http://www.medelu.org/Venezuela-Quand-Le-Monde-fait ; Paulo Paranagua écrira-t-il un article sur les 43 étudiants mexicains massacrés ? Lettre ouverte au médiateur du Monde, 10/11/2014, Luis Alberto Reygada, http://www.legrandsoir.info/paulo-paranagua-ecrira-t-il-un-article-sur-les-43-etudiants-mexicains-massacres-lettre-ouverte-au-mediateur-du-monde.html ; Guerre médiatique : l’Amérique Latine selon Le Monde (Rebelion), 20/04/2015, Luis Alberto Reygada, http://www.legrandsoir.info/guerre-mediatique-l-amerique-latine-selon-le-monde-rebelion.html.

[2] – Lire l’excellent article de Noam Chomsky « Cuba dans la mire des Etats-Unis : bientôt un demi-siècle de terreur » (Excerpted from Hegemony or Survival, Metropolitan Books, 2003), http://www.chomsky.info/books/hegemony02.htm.

[3] – Análisis jurídico sobre la ilegalidad del bloqueo impuesto a Cuba por los Estados Unidos, Direction juridique du Ministère des affaire étrangères de Cuba, http://www.cubavsbloqueo.cu/es/analisis-juridico-sobre-la-ilegalidad-del-bloqueo-impuesto-cuba-por-los-estados-unidos

[4] – « Les lois Helms-Burton et d’Amato : une analyse politique et juridique », Publication de l’Europa
Institut, 1997, http://europainstitut.de/fileadmin/schriften/363.pdf.

[5] – Le 28 octobre 2014, pour la vingt-troisième année consécutive, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé la levée du blocus imposé à cuba par les Etats-Unis : la résolution A/69/L.4 (http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/69/L.4&Lang=F) a été adoptée par 188 voix pour, avec l’opposition de seulement deux pays (les États-Unis et Israël) et les abstentions des Palaos, des Îles Marshall et de la Micronésie. Lire le communiqué de presse de l’ONU : L’Assemblée générale demande pour la vingt-troisième fois la levée du blocus américain contre Cuba, http://www.un.org/press/fr/2014/ag11574.doc.htm.

[6] – Lire l’excellente analyse du journaliste Thierry Deronne : Comment le Sommet des Amériques a écrit l’Histoire (tout ce que ne vous a pas dit « Courrier International »), 15/04/2015, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/04/15/comment-le-sommet-des-ameriques-a-ecrit-lhistoire-tout-ce-que-ne-vous-a-pas-dit-courrier-international/.

[7] – VIIème Sommet des Amériques : Discours de la Présidente argentine Cristina Kirchner, http://www.elcorreo.eu.org/VIIeme-Sommet-des-Ameriques-Discours-de-la-Presidente-argentine-Cristina-Kirchner?lang=fr

[8] – Ils sont aidés par les porte-paroles non-officiels du Département d’Etat étatsunien qui se chargent de participer à la manipulation médiatique des élites avec des articles comme celui qui a été brillamment dénoncé par des étudiants de l’École Supérieure de Journalisme de Lille dans l’exercice de « fiction journalistique » suivant : RAPPORT : PARANAGUA_LE MONDE VS CUBA – 02.03.2015 / MISSION ACCOMPLIE, https://agentparanagua.wordpress.com/2015/03/02/rapport-paranagua_le-monde-vs-cuba-02-03-2015-mission-accomplie/.

[9] – Pour rappel, cette ligne politique a été définie depuis 1960 dans un mémorandum remis à Roy R. Rubottom Jr., alors sous-secrétaire d’Etat pour les Affaires interaméricaines, qui prônait : « La majorité des Cubains soutiennent Castro. Il n’y a pas d’opposition politique efficace [...]. Le seul moyen possible pour annihiler le soutien interne [au régime] est de provoquer le désenchantement et le découragement par l’insatisfaction économique et la pénurie [...]. Tous les moyens possibles doivent être entrepris rapidement pour affaiblir la vie économique de Cuba [...]. Une mesure qui pourrait avoir un très fort impact serait de refuser tout financement et livraison à Cuba, ce qui réduirait les revenus monétaires et les salaires réels et provoquerait la famine, le désespoir et le renversement du gouvernement ». Lester D. Mallory, « Memorandum From the Deputy Assistant Secretary of State for Inter-American Affairs (Mallory) to the Assistant Secretary of State for Inter-American Affairs (Rubottom) », Department of State, https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1958-60v06/d499.


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