Dans la dernière édition de son Observatoire des sanctions, le Centre de recherche économique et politique (Cepr), think tank basé à Washington, revient sur la situation économique compliquée que traverse Cuba, pays soumis à « l’un des plus anciens et des plus stricts de tous les régimes de sanctions imposés par les États-Unis » (1).
En vigueur depuis 1962 et après un bref assouplissement sous le mandat de Barack Obama (2009-2017), les sanctions imposées par la Maison-Blanche ont été durcies et élargies sous la présidence de Donald Trump (2017-2021), « une politique que l’administration Biden a pour l’essentiel maintenue », rappellent les auteurs du rapport, daté du 4 janvier.
Le mois dernier, le ministre cubain de l’Économie soulignait que l’inflation atteignait les 30 % et que les prix des denrées alimentaires avaient augmenté de 78 % en 2023 ; le PIB du pays pourrait s’être contracté de 1 à 2 %, ce qui placerait l’économie de l’île 10 % en dessous de son niveau de 2019. Une « situation désastreuse » qui aurait « contraint le gouvernement à imposer de nouvelles hausses des tarifs de l’électricité et des transports, augmentant encore le coût de la vie », note le Cepr.
L’impact économique et humanitaire est dévastateur
Au cours des deux dernières années, la crise économique a conduit un nombre record de Cubains à tenter d’émigrer aux États-Unis – plus de 400 000 personnes, soit environ 4 % de la population de l’île – avec de très graves conséquences, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation. « Les sanctions,“à pression maximale“, sont à l’origine d’une fuite des cerveaux sans précédent », rapporte l’Observatoire, citant une enquête du Guardian qui souligne les effets de la guerre économique menée par Washington, au-delà des « pénuries massives et de l’inflation galopante ».
Malgré un gouvernement investissant davantage en éducation et en santé que n’importe quel autre pays d’Amérique latine, les Cubains « qui ont bénéficié pendant des décennies de résultats comparables à ceux des pays développés », indique le quotidien britannique, pâtissent aujourd’hui d’un nombre de personnels de santé en chute libre, tandis que plus de 17 000 enseignants feraient défaut. « Les conditions dans lesquelles le gouvernement évolue sont ingérables », selon Emily Morris, économiste du développement à l’University College London. « Étant donné que les sanctions (instaurées sous l’ère Trump) ont pour effet de l’empêcher d’accéder au financement international, celui-ci est pieds et poings liés car il ne possède pas de réserve de devises. »
Citant « les impacts économiques et humanitaires dévastateurs de l’embargo sur Cuba », le Cepr a rappelé que cinq députés démocrates américains ont déposé, le mois dernier, un projet de loi exhortant leur gouvernement à abandonner la politique d’ingérence de leur pays vis-à-vis de l’Amérique latine. L’occasion d’instaurer à la place une « politique de bon voisinage » mettant fin « à toutes les sanctions unilatérales ».
Luis REYGADA
(1) Sur https://cepr.net/ ↩︎
Source : www.humanite.fr 8/01/2024