Cuba, commanditaire du terrorisme international ? L’accusation est dénoncée par une large majorité des membres de la communauté internationale mais aussi au sein même du pouvoir étasunien à l’heure où, sur le plan mondial, c’est surtout par sa solidarité que l’île caribéenne se fait avant tout remarquer. Médecins déployés aux quatre coins du globe, programmes d’alphabétisations ou encore vaccins offerts à des pays dans le besoin en pleine pandémie de Covid-19.
Difficile pour quiconque de bonne foi de nier la diplomatie humaniste et humanitaire de La Havane, reconnue jusque dans les plus hautes instances de l’ONU. Pourtant, l’île continue de figurer dans la liste du Département d’État des EU parmi les « États soutenant le terrorisme », après y avoir été incluse en 1982. À l’époque, Washington accusait notamment l’île dirigée par Fidel Castro d’armer et de soutenir des rebelles dans des pays alliés au bloc de l’Ouest.
Une imputation qui pourrait prêter à sourire lorsque l’on connaît le pedigree de Washington en matière d’ingérence dans son « arrière-cour » latino-américaine. Simple prétexte, l’accusation a ainsi toutefois permis d’accentuer le blocus mis en place dès 1962 pour entraver l’essor de la révolution cubaine. Avec toujours le même objectif : miser sur l’effondrement économique de l’île pour provoquer l’écroulement de la révolution.
Retirée par Obama, réintroduite par Trump, maintenue par Biden
Après plus de cinq décennies d’insuccès -malgré près de 150 milliards de dollars de pertes infligées à l’île-, le président Barack Obama (2009-2017) opère un changement de stratégie pour provoquer le « changement de régime » tant espéré. Fin 2014, il amorce le rapprochement diplomatique entre les deux pays et accepte, quelques mois plus tard, de retirer l’île de la liste du Département d’État.
Toutefois, le mandat de Donald Trump (2017-2021) fait voler en éclat tout espoir de normalisation des relations. Non content d’avoir durci le blocus avec l’instauration de 130 nouvelles mesures visant à intensifier drastiquement la guerre économique, le républicain revient sur la décision de son prédécesseur.
Depuis, l’actuel président, le démocrate Joe Biden, maintient l’immense majorité des mesures établies par Trump, et son secrétaire d’État, Antony Blinken, assurait en mars 2023 qu’il « ne (prévoyait) pas de retirer (Cuba) de la liste ». Pourtant, les autorités des deux pays échangent volontiers sur des questions sécuritaires. Une esquisse de coopération, lancée sous Obama, qui a vu multiplier les visites à La Havane de hauts fonctionnaires du département d’État, de la Justice ou encore de la Sécurité intérieure.
Une accusation réfutée par... les renseignements américains !
« Nos pays travaillent ensemble en matière de lutte contre le terrorisme », soulignait en décembre un groupe de députés démocrates dans une lettre adressée au président Biden. Tout en lui rappelant qu’il avait promis durant sa campagne « de revenir à la politique engagée sous Obama ». Et ce ne sont pas les seuls, à Washington, à ne plus croire aux fables datant de la guerre froide.
Dans une enquête publiée en octobre 2022, la NBC News rapportait que, au sein même de la communauté du renseignement, voilà déjà plus de vingt ans que l’on ne trouve plus guère de spécialistes estimant que Cuba mérite sa place dans la liste de pays soutenant le terrorisme.
Pour Fulton Armstrong, ancien responsable national du renseignement pour l’Amérique latine, il ne s’agirait ni plus ni moins que d’une désignation « bidon », tandis que Larry Wilkerson, chef de cabinet de l’ancien secrétaire d’État Colin Powell (2001-2005) a pour sa part tout simplement admis qu’il s’agissait d’« une fiction créée (...) pour renforcer la justification du blocus ». Ben Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité nationale d’Obama, aurait de son côté critiqué « l’utilisation à des fins purement politiques de la liste des États soutenant le terrorisme »...
Washington : pompier pyromane
Dans les faits, Cuba a en effet signé toutes les conventions internationales existantes en matière de lutte contre le terrorisme. À la tribune de l’Assemblée générale, les diplomates Cubains ne manquent pas une occasion de rappeler que c’est bien leur pays qui subit « depuis des décennies des actes terroristes organisés, financés et exécutés depuis les États-Unis »... et qui ont provoqué « 3 478 morts et 2 099 handicapés ».
Un exemple ? L’explosion en plein vol d’un avion de la Cubana, le 6 octobre 1976, un attentat commis par l’anti-castriste et ex-agent de la CIA Luis Posada Carriles qui provoqua la mort des 73 passagers et membres d’équipage. Tranquillement décédé en Floride en 2018 sans qu’il soit jamais inquiété par les autorités des EU, ce terroriste international notoire était aussi accusé d’avoir dirigé une série d’attentats à la bombe visant des hôtels en plein cœur de La Havane, en 1997.
Depuis, les réseaux « anti-castristes » de Miami n’ont jamais cessé de fomenter des actions de déstabilisation contre Cuba. Au point de pousser La Havane à publier, le 7 décembre dernier, sa propre liste de personnes et entités recherchées pour leur « implication dans des actes répréhensibles dans le cadre de la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la lutte contre le terrorisme ». Toutes sont basées de l’autre côté du détroit de Floride.
Seulement quelques jours après, un câble de l’agence Reuters annonçait la mise en échec d’une nouvelle tentative d’agression contre l’île de la part « d’un homme armé venant de Floride et arrivé à Cuba en jet-ski ». Dans cette affaire, les autorités cubaines suspectent la participation d’au moins deux organisations « terroristes », très bien identifiées et basées sur le territoire des EU.
Difficile de croire que le FBI n’est pas au courant alors que les services cubains dénoncent ce type d’agissements depuis de nombreuses années. Mais c’est toujours Cuba qui reste inscrite dans la liste noire du Département d’État...
Source. 10/01/2024